Full text of “Le mouvement littéraire; petit chronique des lettres, 1904-1912”





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Le Mouvement littéraire 

1912 



DU MÊME AUTEUR 



Le Mouvement littéraire — 1904. 

Préface de M. Paul Hervieu^ de l'Académie française. 

Le Mouvement littéraire — 1905. 

Préface de M. Henry Roujon, de l'Académie française. 

Le Mouvement littéraire — 1906. 

Préface de M. Jules Claretie, de lAcadémie française. 

Le Mouvement littéraire — 1907. 

Le Mouvement littéraire — 1908. 

Préface de M. Anatole France, de l'Académie française. 

Le Mouvement littéraire — 1909. 

Préface de M. Marcel Prévost, de l'Académie française. 

Le Mouvement littéraire — 1910. 

Préface de M. Henri Lavedan, de l'Académie française. 

Le Mouvement littéraire — 1911. 

Préface de M. Maurice Donnay, de l'Académie française. 



Tous droits de traduction et de reproduction réservés 

pour tous les pays, j compris 

la Suède, la Norvège^ la Hollande et le Danemark. 

S'adresser, pour traiter, 
à la librairie Paul Ollendorff, 50, Chausséç-d' Antin, Paris. 



UV. Il 

PH. -EMMANUEL GLASER 



Le Mouvement 

Littéraire 

(petite chronique des lettres) 

->I9^2- 

Préface de M. Maurice BARRÉS, de l'Académie française 



PARIS \^^\ 



Société d'Éditions Littéraires et Artistiques 
IvIBRAIRlE PAUL OLLENDORFF 

50, CHAUSSÉE d'ANTIN, 50 



SEEN BY 

PRESERVATION 

SEfiVIŒS 



Ily A ÉTÉ TIRÉ A PART 



Cinq exemplaires sur papier du Japon (i i 5). 
Cinq exemplaires sur papier de Hollande (6 à 10) 



NUMÉROTÉS A I,A PRESSE 



11 

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PREFACE 



Cher Monsieur Glaser, 

Votre fonction consiste à passer chaque semaine la 
revue de toutes les formes de l'esprit français. Vous 
rendez compte à peu près de tous les livres qui parais- 
sent, surtout des ouvrages d'agrément. Pour suivre 
le mouvement de notre librairie, ou mieux de la mode 
littéraire au jour le jour, il faut lire vos chroniques du 
Figaro. Et si l'on cherche à se faire une idée d'ensem- 
ble, on doit consulter vos recueils, dont voici le tome 
neuvième. Où en est la pensée française? Je me le 
demandais en vous feuilletant. Il me semble qu'on 
méprise l'anarchie; elle a cessé de satisfaire les âmes, 
en même temps que les idées élevées et les grandes 
œuvres retrouvent de la popularité. Il est passé, le 
temps où des êtres inférieuis pouvaient tirer gloire 
de se révolter contre les chefs-d'œuvre de notre race. 
Certes, chacun de nous possède au fond de son être 
quelque instinct qui l'empêche de vivre, tout d'abord, 
avec les hautes œuvres. Il nous faut nous surmonter. 
Par exemple, il nous faut de la volonté pour vivre 
auprès d'un Pascal. Que chacun de nous refasse en 
esprit le chemin par lequel il est parvenu à s'appro- 
cher de la pensée de ses maîtres. C'est une suite de 
véritables efforts, l'effet d'une amélioration morale, 



VI PRÉFACE 

un vrai mouvement de vertu, car il y a en nous des 
puissances qui nous détournent vers le vulgaiie. On 
doit prendre comme un signe des temps, comme une 
preuve entre mille des grandes disciplines restaurées, 
le fait que le public distingue et met au premier 
irang les ouvrages qui traitent des questions éter- 
nelles, et dans lesquels une idée générale supporte et 
lie les faits du récit. 

« A quoi sert un roman, s'il n'est pas amusant? » 

C'est un mot que j'ai encore dans l'oreille avec 
l'accent dont il m'était dit, il y a des années, à l'enter- 
rement d'Alphonse Daudet, quand nous suivions le 
cortège du grand romancier le long du boulevard 
Saint-Germain. Pourquoi certains mots qui n'ont 
rien d'extraordinaire vont-ils ainsi se loger dans notre 
esprit et n'en sortent plus? Je ne pus rien répondre 
à mon aimable voisin de rang, aujourd'hui mon con- 
frère, M. Henry Roujon, qui venait, s'en souvient-il? 
de conclure par cet aphorisme quelques réflexions 
sur l'art du roman, toutes naturelles en la circons- 
tance. Je ne pus rien lui répondre parce que, dans le 
même moment, un scandale éclata. Du haut d'un 
tramway, un homme passionné se mit à interpeller 
et à injurier Zola (qui tenait un des coins du poêle 
avec Edouard Drumont). 

En voilà un, mon cher Roujon, ce protestataire du 
tramway, qui avait été intéressé, ému au plus haut 
point par des romans et qui ne les avait pas trouvés le 
moins du monde amusants. 

Amuser, amusant, amusement, je ne connais pas de 
mots plus suspects. Qu'est-ce que cela veut dire 



PRÉFACE VII 

exactement? A l'usage, j'ai toujours vu que derrière 
des promesses d'amusement on cachait d'insipides 
corvées. Dieu vous préserve des journaux amusants, 
des petits jeux amusants, et en général de toutes les 
journées d'amusement ! J'aime mieux un large et 
reposant ennui. 

Pour moi, un récit romanesque, un roman, c'est 
l'impression reçue par une conscience, par une imagi- 
nation, par un être humain, et que celui-ci me com- 
munique; c'est une âme qui pense, qui me donne 
l'émotion, le sentiment qu'elle a reçu d'un fait. Il 
s'agit que vous ayez une émotion, et puis de me la 
faire ressentir; il s'agit de me mettre dans la disposi- 
tion où vous êtes vous-même, de me faire participer 
de votre âme, de votre état de génie, oui, de me faire 
partager votre génie. Prenez le moyen que vous vou- 
drez, il faut vous emparer de mon cœur ou de mon 
imagination pour les hausser jusqu'où vous êtes capa- 
bles d'aller. 

Il y a mille sortes de romans : les uns nous peignent 
les mœurs d'une société ou bien quelque type d'excep- 
tion; d'autres nous mettent au courant d'une doc- 
trine; d'autres encore nous enflamment d'amour ou de 
haine pour un idéal. Toutes les natures d'esprit, toutes 
les ambitions d'écrivains ont trouvé dans le roman 
un incomparable moyen d'expression. Pour moi, je 
lui demande de ne pas se faire avec ma seule raison, 
mais d'être l'étincelle qui jaillit au contact de ma sen- 
sibihté profonde et de mon expérience la plus clair- 
voyante. Je ne su^s satisfait qu'autant qu'une pensée 
que j'ai contrôlée, que je vois être une vérité, se mue 



VIII PREFACE 

dans la chaleur de mon être, sous de longs soins de 
moi-même inconnus, et m'arrive au cœur comme un 
sentiment tout prêt à devenir un chant. 

Mais, quelque conception que l'on ait du roman, le 
but reste toujours le même, c'est d'élargir l'âme. Les 
romans russes ou ceux d'un Dickens m'attendrissent, 
m'apprennent qu'il y a d'autres êtres, m'obligent à 
les comprendre, à tenir compte des autres. Gœthe 
me donne un enseignement de sagesse, m'invite à con- 
sidérer qu'il faut être prudent envers la vie, qu'elle est 
une rude suite de leçons. Benjamin Constant, Sten- 
dhal et tous nos analystes français nous dressent à 
voir clair, à dégager du fatras des événements et des 
discours certains petits faits, vrais et révélateurs. Ces 
esprits, trop nets peut-être, se chargent de nous déniai- 
ser. Mais qu'ils appuient un peu trop et nous voilà 
désenchantés, déveloutés, je n'ose dire flétris. Balzac 
nous hausse jusqu'à distinguer qu'il y a de grandes lois 
pour l'individu et pour la société. On pourrait multi- 
plier les exemples : l'art du roman est d'infinie sou- 
plesse; il n'est pas de force plus agissante sur l'âme. 

En tenant le compte annuel des œuvres d'imagina- 
tion, parmi lesquelles je range naturellement les 
Mémoires et tous les Uvres d'histoire que le public con- 
somme, vous nous aidez à nous tenir au courant des 
mouvements de l'opinion en France et à nous faire 
une idée vivante des mœurs de la classe poUe, comme 
on disait jadis. Je vous en félicite et remercie, mon 
cher confrère, et je vous serre la main. 

Maurice Barrés. 



JANVIER 



LES ROMANS 



GASTON RAGEOT 

La Renommée. 

Œuvi'e émouvante, forte, et — rare mérite — origi- 
nale. Cette pensée, que la gloire ne fait pas le bonheur 
et surtout ne crée pas du bonheur autour d'elle, pensée 
aussi vieille que le monde et que la gloire, s'y trouve 
développée avec nouveauté, dans un drame très poi- 
gnant et humain. 

La renommée ! C'est elle la grande coupable de tant 
de chagrins et de tristesses évoqués dans ce livre, c'est 
elle qui éblouit Laurence, la charmante jeune fille de 
vingt ans, subjuguée par la gloire de Lucien Mirar, 
le grand dramaturge qui, à quarante-cinq ans, est 
dans la plénitude de sa gloire littéraire et de ses 
triomphes amoureux. Il a épousé la jeune fille, l'a 
aimée quelque temps, — le temps de faire une pièce sur 
elle : « le Mariage de Suzanne », — et puis, il est retourné 
à d'autres amours, à toutes les amours. Présentement, 
il est éperdûment épris de Nelly Belly, la belle comé- 
dienne de la Comédie-Française qui sera l'héroïne 
et la créatrice de sa nouvelle œuvre : « La Belle Mai> 
tresse ». 



2 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

Et Laurence, qui s'^st longtemps résignée, souffre 
et se désespère; Antoine Bellème, un ami de la maison, 
richissime métallurgiste, se trouve à point pour la 
consoler : elle se donne à lui. Et, lorsque, au lendemain 
du triomphe de « la Belle Maîtresse », Lucien Mirar 
meurt subitement en pleine victoire, en pleine apo- 
théose, Laurence épousera tout naturellement Antoine. 

Mais Mirar mort, sa renommée subsiste et grandit : 
elle enveloppe, elle opprime le jeune ménage; jamais 
le grand dramaturge ne fut plus présent, plus obsédant, 
et cette guerre entre la gloire du mort et l'amour du 
vivant s'incarne le plus douloureusement du monde 
en deux enfants : Lucien, le fils de Mirar, et Laurent, 
celui que Laurence eut de son second mari. Elle devient 
si âpre, si pénible; les préférences de Laurence pour 
son aîné, héritier de toutes les grâces physiques et 
intellectuelles de son père, s'affirment si douloureuse- 
ment pour son mari et pour son second fils, qu'une 
séparation doit intervenir entre les deux époux : ils 
s'en vont douloureusement chacun de son côté, cha- 
cun avec son enfant. 

Ce drame très humain et très vrai, M. Gaston Rageot 
l'a évoqué en, des pages vivantes, animées de figures, 
pittoresques et qui semblent parfois très réelles, 
écrites en une langue excellente que je serais tenté 
parfois, de trouver un peu trop sage et raisonnable. 



OCTAVE AUBRY 



Sœur Anne. 



Toute la mufflerie de l'homme qui n'aime pas ou 
qui n'aime plus, toute l'abnégation tendre de la femme, 
de la « brebis », pour l'homme qu'elle chérit, toute sa 



JANVIER. — LES ROMANS rf 

Cruauté naïve, désinvolte et inconsciente pour celui 
qu'elle n'aime pas sont évoqués par M. Octave Aubry 
avec une grande puissance de vérité et de vie, avec 
aussi une mesure et un agrément dans l'expression 
qui atténuent un peu le caractère pénible de cette 
analyse et nous aident à tolérer ce miroir implacable, 
posé devant nos yeux. 

L'héroïne du roman, Anne Thiercelin -Tellière, 
Sœur Anne comme l'appellent ses amies, est une jeune 
veuve qui fut courtisée par Jean de Chandé, le très 
psychologue romancier, et par Jacques Fontane, son 
ami; Jean de Chandé repoussé, trouva spirituel et 
galant de favoriser les amours de Jacques, il y réussit 
trop bien : Anne et Jacques se sont aimés follement 
pendant huit mois; Anne a continué; mais ce délai a 
épuisé les réserves de fidélité de Jacques : il en a eu 
assez de ces amours et il a rompu assez brutalement. 
La jeune femme, pour le reconquérir, a joué le jeu 
habituel : elle a flirté avec Jean, lequel, aveugle 
comme la plupart des romanciers psychologues et 
vaniteux comme tous les hommes, n'a rien compris 
à ce jeu et s'est laissé reprendre, et Jacques, pas très 
élégant, a encouragé son ami, pensant se débarrasser 
ainsi définitivement de sa maîtresse. 

Il n'en a rien été, et le lendemain de la nouvelle 
chute d'Anne — car la jeune femme conduit jusqu'au 
bout la dangereuse expérience — Jean a dû se rendre 
compte que, malgré tout, il n'était pas aimé, et Jacques 
piqué enfin par la jalousie est revenu pour quelque 
temps à son amie, pas pour longtemps, car il l'aban- 
donne de nouveau, et Anne, lasse de tant d'outrages, 
se réfugie dans la mort. Et désormais un cadavre sera 
entre ces deux hommes, brisant pour toujours leur 
amitié. 

Cette analyse ne peut vous donner qu'une idée très 
lointaine du livre qui est tout à fait émouvant, ingé- 
nieux, humain, et dont les épisodes se déroulent dans 



4 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

des milieux parlementaires et politiques observés avec 
infiniment de justesse et de vérité. 



CHARLES GÉNIAUX 

Les deux Châtelaines. 

J'ai beaucoup aimé le roman que M. Charles Gé- 
niaux a publié sous le titre : les deux Châtelaines. On 
n'a pas oublié peut-être que, lors de l'apparition de 
son roman, les Forces de la vie, j'avais, tout en rendant 
hommage à l'incontestable talent de cet écrivain, 
regretté certaines obscurités dont il s'était plu à héris- 
ser son livre. M. Charles Géniaux a toujours autant de 
talent, je crois même qu'il en a plus; et, en outre, j'ai 
la satisfaction de comprendre parfaitement toutes les 
pages de son roman; cela m'enchante, car j'aime à 
comprendre, au contraire d'un certain nombre de mes 
contemporains qui ne goûtent pleinement que les 
pages dont ils n'ont pu parvenir à percevoir le sens. 

Celui du roman de M. Géniaux, tout à fait délicat et 
subtil, est fort clair : Les deux Châtelaines, dont les 
jolis visages égayent le manoir de Loqueltas, et dont 
Philippe Darlette, le spirituel artiste, est épris, ce sont : 
Anne-Marie de Pompery, une très jolie dame, morte il 
y a quelque deux cents ans, mais dont un pastel déli- 
cieux a pour toujours gardé le sourire et la jeunesse; 
et sa très moderne descendante, Monique de Xerver, 
une jeune dame très vingtième siècle, fervente de l'au- 
tomobile et même de l'aéroplane et dont les goûts ne 
séduisent qu'à moitié Philippe. Mais à force d'admirer 
et de chérir l'aïeule disparue, il s'est pris à aimer son 
joli souvenir vivant dans sa petite-fille, et, à la faveur 
d'un accident d'automobile, causé par Monique et qui 
met Philippe à deux doigts de la mort, ces amoureux 



JANVIER. — LES ROMANS 



se réuniront : Monique toujours très moderne, tempé- 
rera un peu ses ardeurs sportives, et tous deux seront 
heureux sous les yeux; bienveillants et malicieux de 
la gracieuse aïeule. 



PIERRE REY 

Jacques Tissier, marsouin. 

« Ce mince volume, nous dit Tauteur, n'a pas la pré- 
tention d'être un livre à thèse ». Je crois bien ! Il vaut 
singulièrement mieux que cela : c'est un livre vivant 
et humain où s'évoquent très simplement l'âme d'un 
petit soldat colonial, la vie de ces « broussards » magni- 
fiques qui ont tant fait pour la gloire, le prestige, la 
force de notre pays. 

Si une thèse se dégage de ce livre; si, après l'avoir lu, 
vous êtes un peu mieux fixé sur le sens de ce grand 
mot : la vocation, dont on se sert un peu à tortf et à 
travers, c'est tout naturellement, sans que l'auteur 
ait voulu vous donner une leçon, ni prétendre vous 
faire un cours; c'est parce que Jacques Tissier est un 
être réel, qu'il incarne à merveille ces types héroïques 
des soldats de la « division bleue » de Bazeilles qui vou- 
lut, il y a quarante ans, garder ses provinces à la 
France et qui aujourd'hui lui gagne, au delà des mers, 
d'immenses territoires. 

Et l'aventure de Jacques Tissier qui, après avoir 
tant lutté, tant souffert dans la brousse, retourne au 
pays, trouve le bonheur calme et tendre dont il a 
jadis rêvé et ne peut s'empêcher de songer dans ce 
repos et dans cette joie, auprès de la femme aimée et 
de la mère tendi^ement chérie, aux nouveaux départs, 
aux nouveuax exils, c'est l'aventure commune de tous 
ces héros, et elle est émouvante, et belle, et réconfor- 
fante... 



6 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

GYP 

La bonne fortune de Toto. 

Le nom de Gyp, ce joli nom sonore et bref qui résonne 
comme un défi et comme un soufflet — oh ! un gentil 
soufflet, appliqué par une petite main finement gantée 
— et que de savoureux dialogues ont rendu fameux 
dans le monde, apparaît une fois de plus sur la couver- 
ture d'un livre : la Bonne fortune de Toto. Il est char- 
mant, ce roman dialogué, étincelant de cette verve 
si particulière, de cet esprit endiablé, de cette crânerîe 
qui sont la marque du talent de Gyp ; il est animé de la 
seule haine qui puisse trouver définitivement place 
dans le cœur de l'écrivain : celle du ridicule. 

Contre ce ridicule, Gyp a conservé toute l'ardeur 
cavalière du temps où il tuait en France — ce temps 
est passé, hélas ! car nous connaissons tous, en notre 
beau pays, quelques personnes fort ridicules et qui se 
portent le mieux du monde. Du moins, elles n'échap- 
pent pas à la verve de Gyp, et c'est déjà quelque chose : 
cette fois, le spirituel écrivain a pris à partie les jeunes 
fêtards, épaves d'un inaccessible bachot, fort empê- 
chés de choisir une carrière et qui, entre deux bambo- 
cheSjS'occupent à sauver la France et à transformer 
la société; et c'est amusant, cruel et bon enfant. 



LÉON THÉVENIN 



Laurence Bontemps. 



Animé d'un très pur idéalisme, le roman que 
M. Léon Thévenin a publié sous le titre : Laurence Bon- 



JANVIER. — LES ROMANS 7 

temps, nous raconte un épisode émouvant du drame 
éternel qui met aux prises la passion du devoir et celle 
de Tamour. Le devoir de Laurence Bontemps, elle se 
l'est imposé à elle-même : cette pure et belle jeune fille 
a assumé avec toute la ferveur de sq^ âme et toutes les 
forces de son être la tâche autrefois entreprise par sa 
mère, celle du sauvetage des enfants. Elle a entendu 
que, sa mère morte, la « maison des enfants » continuât 
de prospérer et de gi'andir. 

Et d'abord elle a magnifiquement réussi dans sa 
tâche charitable; mais les difficultés sont venues; elle 
a dû frapper à bien des portes qui se sont fermées 
devant elle; et puis enfin, elle a rencontré Michel Fer- 
gan, un jeune homme riche, au cœur sentimental et 
mélancolique qui a compris, qui lui a promis son con- 
cours matériel et moral pour sauver l'œuvre. 

C'était le salut... Ce fut le désastre, car Laurence, 
touchée de tant de générosité, a tout de suite aimé 
Michel, et Michel s'est épris éperdument de Laurence, 
et bientôt les événements ont fait comprendre à la 
jeune fille que l'amour et la charité ne pourraient pas 
rester ensemble dans son cœur, que sa tendresse pour 
Michel ferait tort à son dévouement pour l'œuvre, et, 
ilésespérée, meurtrie, mais rayonnante de foi en sa 
mission, elle s'est arrachée aux bras du bien-aimé et 
elle est retournée toute seule à la « maison des enfants ». 

Ce drame de conscience que nous sommes parfois 
tenté de trouver un peu étrange, car l'amour et la cha- 
rité ne nous paraissent pas si incompatibles, est raconté 
par M. Léon Thévenin avec des accents émouvants, 
en une langue simple et facile, sans vaine déclamation. 



8 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

ALEXANDRE ARNOUX 

Didier Flaboche. 

Didier Flaboche est un roman assez difficile à juger : 
il contient des pages tout à fait remarquables, émou- 
vantes, d'une haute inspiration et d'un sens profond; 
et d'autres, où, pour donner l'impression de je ne sais 
quel réalisme, l'auteur s'est abaissé aux plus déplai- 
santes trivialités. Il est également fort difficile — pour 
ne pas dire impossible — à raconter, car il y a dans les 
aventures de Didier Flaboche, ce grand garçon de Pro- 
vence qui a quitté ses paysages ensoleillés pour échouer, 
misérable cabot efflanqué et amaigri, dans une sombre 
et humide mansarde de Montmartre, tels accidents 
qui relèvent plutôt du bulletin médical que de la chro- 
nique littéraire. 

Quel dommage, vraiment, d'être arrêté ainsi à 
chaque pas dans le récit que je voudrais vous faire de 
cette histoire très humaine et souvent très belle, qui 
se termine par la mort pathétique de Nellie la jeune 
fille — la vraie jeune fille — qu'aima Didier Flaboche; 
et par la fin de ce dernier, qui « continuera de respirer, 
de marcher, de manger, de dormir, mais qui s'agitera 
désormais dans l'immobile. Nellie seule sera vivante 
en lui par la tendresse, la certitude et le mystère : il est 
plus mort qu'elle. Et l'herbe poussera sur lui... » Aussi 
gênant qu'il soit à raconter, ce roman est l'œuvre d'un 
écrivain très doué, et je suis bien tranquille, nous aurons 
à reparler de lui. 



JANVIER. — LES ROMANS 



MARGUERITE LEJEUiNE 

La première blessure. 

Œuvre délicate, d'une psychologie raffinée, un peu 
trop tourmentée peut-être et tarabiscotée, mais qui 
témoigne d'une très rare faculté d'observation. 

Colette Le Bel, l'héroïne du livre, est 'une jeune 
femme gracieuse, honnête certes, mais qui, malgré le 
souci d'un enfant qu'elle aime tendrement, est assez 
sujette à s'ennuyer et à s'attendrir sur son sort. Lors- 
qu'une femme de ce genre a pour mari un enseigne de 
vaisseau en croisière sur les côtes du Maroc, et qu'elle- 
même habite Le Havre, les pires dangers sont à 
craindre. 

Colette les côtoie; elle va, en compagnie de Mi- 
chel Lorrain, jusqu'à l'extrême bord du précipice, 
mais l'arrivée opportune de son mari la sauve pour le 
présent sinon pour l'avenir. Il l'emmènera désormais 
avec lui, ce qui sera, je pense, une utile précaution; et 
et c'est la « première blessure », une blessure qui n'est 
pas mortelle et qui laisse pour l'avenir quelque espoir 
de guérison avec quelques chances de rechute. En tout 
cas, l'enseigne de vaisseau n'a, je pense, plus rien à 
craindre de Michel Lorrain, puisque, ainsi que le dit le 
délicat poète Charles Dumas dans des vers cités par 
l'auteur : 

Puisque nous partirons, puisque sans nous connaître 
Nous oublierons nos voix, nos yeux et nos regards. 



1. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 



FRÉDÉRIC MASSON 

Petites Histoires. 

C'est la deuxième série des études historiques que 
M. Frédéric Masson intitule modestement Petites 
Histoires^ ce titre est d'ailleurs parfaitement choisi, 
et il convient beaucoup mieux à ces vingt chapitres 
que celui d'études historiques employé par moi. Sans 
doute, il n'est pas une de ces pages captivantes, pit- 
toresques et nerveuses qui ne porte la trace d'une 
longue et patiente étude, où n'apparaisse cette science 
historique admirable que possède M. Frédéric Masson; 
seulement il a mis sa coquetterie à nous prouver une 
fois de plus. qu'il n'était pas seulement un historien très 
érudit, mais aussi un conteur très agréable; il a, si 
j'ose dire, déposé ses lauriers et ses palmes vertes au 
seuil de son livre, pour venir nous entretenir familliè- 
rement des choses du passé, au hasard d'un anniver- 
saire, d'une actualité, d'une polémique; et c'est palpi- 
tant d'intérêt et de vie. 

La poussière qui depuis un siècle recouvre les docu- 
ments est dispersée aux quatre vents : ils prennent un 
air de pièces à convictions dans des procès dont nous 
vivons les péripéties; et, sous la plume ardente de l'his- 
torien, la journée du 10 août 1792, la conspiration des 
gardes d'honneur, le pillage et la destruction de Chan- 
tilly (1789-1799), tant d'autres petits événements de 
la grande histoire nous apparaissent comme des faits 
contemporains dont nous serions les témoins émus, 



JANVIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 11 

passionnés ou exaspérés, — et toujours prodigieuse- 
ment amusés. 

C'est l'art de M. Frédéric Masson de savoir ainsi 
galvaniser l'histoire, et faire jouer à ses lecteurs un 
rôle dans les drames et dans les comédies qu'il évoque. 
Il n'est pas, tant s'en faut, un historien impartial — et 
il se vante à juste titre de ne l'être pas — comment 
( oncilierait-il une froide impartialité avec les géné- 
reuses et ardentes passions dont il est animé? mais il 
reste toujours un historien sincère et prodigieusement 
instruit; il défend avec une combative ardeur ses opi- 
nions et ses convictions, mais il respecte toujours 
scrupuleusement ses documents, et cela lui donne 
• [uelque droit à traiter tantôt avec dédain, tantôt avec 
colère les contradicteurs qui, non contents de contes- 
ter ses conclusions — ce qui leur est évidemment per- 
mis — mettent en doute sa bonne foi et la sûreté de 
ses informations. 

Et je vous prie de croire qu'il use de ce droit dans 
la préface de son livre où il répond avec verdeur à ses 
adversaires, et dans tels de ses chapitres, celui notam- 
ment du général Lecourbe où ce « héros républicain » 
passe un assez mauvais quart d'heure, et celui de l'af- 
faire Naundorfî à laquelle il semble bien que sa dis- 
cussion si lumineuse devrait mettre le point final; 
mais n'en croyons rien : l'affaire Naundorfî ne sera 
jamais finie et, toute la vie, j'aurai à vous parler des 
défenseurs de la survivance auxquels, inlassablement, 
|ps historiens voudront répondre... 



LIEUTENANT-COLONEL ERNEST PICARD 

Sedan. 

Le lieutenant-colonel d'artillerie breveté Ernest 
Picard, qui a entrepris en des pages tout à la fois 



12 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

si froides, si savantes et d'une si émouvante éloquence, 
l'histoire de 1870, arrive aujourd'hui au fait capital 
de cette douloureuse histoire, à « Sedan ». 

Sedan ! Ce nom tragique s'étale sur deux volumes : 
il n'en a pas fallu moins à M. Ernest Picard pour refaire 
l'historique de cette inoubliable catastrophe, pour 
essayer d'en démêler les causes obscures, d'expliquer 
tant de choses inexplicables. Cette défaite est, sans 
doute, la plus humiliante qu'ait jamais subie l'armée 
française, et c'est pour cela que nous ne devons jamais 
l'oublier, ne fût-ce que pour éviter le retour d'un 
pareil malheur. 

Avec la même impartialité, la même rigueur que 
dans ses précédents volumes, l'auteur s'est efforcé 
d'étudier les causes du désastre, de faire ressortir les 
enseignements de la défaite, et aussi de déterminer les 
responsabilités qui incombent, à des degrés divers, 
selon lui, à l'Impératrice, au maréchal Mac-Mahon, au 
général Wimpfîen. 

Après tant d'amertumes évoquées, tant de fautes 
dénoncées, le lieutenant-colonel fait appel à notre 
optimisme. « Cessons, dit-il, d'avoir l'âme de vaincus, 
n'oublions pas surtout qu'une des causes essentielles 
de nos défaites résida dans la méconnaissance de la 
valeur matérielle et morale de l'offensive : faire la 
guerre, c'est, suivant la tradition française, non point 
se défendre, mais attaquer. » 



G. NOËL 

Au temps des Volontaires (1792). 

M. G. Noël a réuni les Lettres d'un volontaire 
de 1792 : Gabriel Noël, né le 28 mai 1770 à Nancy, rue 
Neuve-Sainte-Catherine. C'est, sur cette magnifique et 



JANVIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 13 

dramatique époque, sur cette épopée militaire, qui va 
de 1792 à 1796, si exploitée par les historiens et par les 
éditeurs de Mémoires, — un document d'un intérêt 
tout à fait nouveau. En effet, les lettres du volontaire 
Noël retrouvées par son descendant ne sont pas les 
lettres « d'un personnage officiel, même secondaire, 
toujours discret sur certains points, obscur sur d'autres, 
muet sur le côté vivant, réel et pittoresque des évé- 
nements », mais les lettres familières d'un simple sol- 
dat qui raconte une bataille le soir où elle a eu lieu, une 
marche le jour où elle s'est faite. 

Et, chose admirable, ce soldat si bien placé pour tout 
voir, assez humble pour être sincère, est un homme 
instruit, libre de sa pensée et de son jugement. 

Et voilà pourquoi ce document est singulièrement 
précieux et fait pour nous donner une impression tout 
à fait nouvelle et vivante ; nous avons eu des mémoires 
de généraux et de diplomates, on nous a offert des 
arrangements, des adaptations de carnets de route 
rédigés par des soldats illettrés, mais nous n'avons 
presque jamais encore lu un récit direct, écrit par un 
soldat, et pour cause, « très peu de simples soldats en 
ce temps-là, comme en tous les temps, ont eu le goût 
d'observer, le talent de rédiger, le courage et l'éner- 
gie physique, même d'écrire chaque jour ce qu'ils ont 
vu, ce qu'ils ont éprouvé. » 



EMILE BERGERAT 

Souvenirs d'un Enfant de Paris « La^phase criticLue 
de la critique » (1972-1880). 

M. Emile Bergerat poursuit la publication des Sou- 
venirs d'un Enfant de Paris. Vous n'avez pas oublié 
le volume paru l'an dernier, où l'écrivain évoquait avec 



14 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

tant de verve « les Années de Bohème ». Le second 
volume, qui porte ce sous-titre : « la Phase critique de la 
critique », nous raconte neuf années de cette existence 
d'un Parisien et de la vie de Paris, de 1782 à 1880. Il 
est étincelant ce livre, et j'ai pris à sa lecture un plai- 
sir que je voudrais savoir vous exprimer, dont je vou- 
drais pouvoir vous donner un avant-goût : c'est 
émouvant, c'est instructif et, par-dessus tout, c'est si 
amusant ! Emile Bergerat est un merveilleux journa- 
liste : il a le don de la jeunesse éternelle, il vivifie tout 
ce qu'il touche; et, avec une bonhomie souriante, il 
nous rend les boulevards, les cafés, les théâtres, tout 
le Paris d'autrefois; il ressuscite les grands morts : les 
Paul Arène, les Glatigny, les Armand Silvestre, les 
Rops, les Monselet, les Vallès; d'un coup de baguette 
magique, il rajeunit les grands vivants, comme Ana- 
tole France, et les replace dans le cadre de leurs pre- 
mières années, de leurs premiers succès. 

C'est un document vivant, l'œuvre, je le répète, 
d'un grand journaliste qui se donne le luxe, en même 
temps, d'être un parfait écrivain; car ces pages si 
prestes, si alertes, qui semblent avoir été composées 
sur un coin de table, au hasard du souvenir, sont déli- 
cieusement écrites, les mots y sont rangés avec un art 
délicat et c'est vraiment un pur régal de lettré. 

Les hommes de ma génération qui ont entrevu la 
plupart des figures évoquées par Emile Bergerat, de 
ses illustres « compagnons d'armes »; qui, dans leur 
jeunesse, ont écouté avidement à la table de famille 
quelques-unes de ces mille anecdotes, les retrouvent 
dans ce livre avec de la joie, de l'émotion et un peu de 
mélancolie; et les autres, les jeunes, qui nous suivent, 
ceux de la petite classe, apprendront à y connaître le 
Paris littéraire et artistique d'autrefois, qui possédait, 
peut-être — on peut bien le dire sans être un laudator 
temporis acti — quelques qualités de race, d'allure, 
et de générosité assez peu fréquentes aujourd'hui. 



JANVIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 15 

VICOMTE EUGÈNE MELGHIOR DE VOGUE 

Pages choisies. 

Au lendemain de cette triomphale séance acadé- 
mique où M. le comte de Mun évoqua, en un si magni- 
fique langage, la noble figure du vicomte Eugène Mel- 
chior de Vogiié, le plus précis et le plus utile hom- 
mage fut apporté à ce probe et grand écrivain, la 
publication des Pages choisies de son œuvre. Et ces 
pages sont choisies avec un si heureux discernement 
qu'elles donnent une impression très vivante, très 
complète, très synthétique, de l'homme et de Técrivain. 

Toute son œuvre, si considérable, si ample, si variée; 
toute sa vie si noble, et si pleine, passent dans ces 
quatre cents pages; rien d'essentiel n'y est omis, et les 
g«ms pressés de notre génération, qui ne savent plus 
lire et qui n'auront pas eu le loisir ni la joie de dégus- 
ter les vingt volumes de Vogiié, pourront tout de même 
' "nnaitre ce grand écrivain : ils retrouveront dans 

- pages « l'enfant et l'adolescent, le voyageur et le 

)lomate, le philosophe et l'historien, le critique, le 

!i lancier et le sociologue, et l'orateur académique ». 

Ils comprendront ainsi le sens de l'œuvre à laquelle 
M. Paul Bourget consacre, en préface, une étude émou- 

iite et profonde où il exalte la « probité de Vogiié », 
épigraphe qui convient à toute l'œuvre d'Eugène- 
Alelchior de Vogiié, qui en ramasse, dans une définition 
intime, toutes les vertus de conscience, qui sont vrai- 
ment, toute l'âme de son œuvre et l'éloge que son cœur 
fier eût souhaité par-dessus tous les autres ». 



16 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

JULIEN DE NARFON 

La Séparation des Églises et de l'État. 

Lecteurs frivoles, ne vous arrêtez pas à la sévérité 
de ce titre, ni à l'austérité de la « Bii)liothèque géné- 
rale des sciences sociales » dont se réclame le livre; c'est 
une œuvre palpitante de vie, d'émotion et de vérité, 
qui vous intéressera passionnément de la première 
page à la dernière, et qui, chemin faisant, vous aura 
édifiés complètement sur l'événement moral et social 
le plus important, le plus gros de conséquences, de 
notre histoire contemporaine. 

Ce n'est pas aux lecteurs du Figaro qu'il pouvait 
être nécessaire de vanter la science religieuse, la foi et 
la bonne foi de M. Julien de Narfon : ils l'apprécient 
chaque jour dans ce journal où notre collaborateur 
met un si beau talent littéraire au service de ses idées. 

Jamais cependant toutes ses qualités ne se sont 
manifestées plus brillamment que dans le livre où 
l'écrivain étudie les origines, rappelle les étapes, établit 
le bilan de la séparation. 

Cette triple tâche d'historien, de journaliste et de 
philosophe, M. Julien de Narfon s'en est acquitté 
magistralement; avec un constant souci de la vérité, 
avec une impartialité qu'il est impossible de contester, 
il a évoqué le passé, raconté les événements que nous 
avons vécus, analysé leurs conséquences immédiates, 
et tenté de prévoir leurs conséquences lointaines. Et 
cela est très émouvant, et très instructif. 

Ses jugements, très modérés dans la forme, très nets 
dans le fond, sont animés d'un grand esprit de libé- 
ralisme et d'une foi profonde. Avec Une belle loyauté, 
une vaillante indépendance, il a su dans ce livre, 
comme il le fait dans ce journal, concilier ces deux 



MÉMENTO DU MOIS DE JANVIER 17 

sentiments, et comme jadis Montalembert, il a « servi 
avec une foi invincible et un inlassable dévouement 
Dieu et la liberté ». Il lui a souvent fallu pour cela 
beaucoup de courage, mais on sait de reste qu'il n'en 
manque pas, non plus que de confiance dans l'avenir : 
«nous devons, dit-il, attendre qu'il plaise à la Provi- 
dence de relever l'Eglise de France, l'heure du relève- 
ment viendra ! » 



MÉMENTO DU MOIS DE JANVIER 



ROMANS 

Barrière (Maurice). — Le Maître de VOmhre. 

Béarn (Andrée). — Jean Darette. 

Blanc (Yves). — Histoire de la Maison de VEspine. 

Blech (Aimée). — Ombres et Lumières, « contes et nouvelles 
théosophiques ». Elles sont émouvantes et jolies, ces his- 
toires mystiques, immatérielles, où la sagesse, la bonté, la 
vertu se révèlent aux hommes en des songes et des visions. 
Et c'est, à la faveur d'une touchante nouvelle, une subtile 
distinction entre la robe d'innocence et la robe de pureté ; 
c'est, dans un dialogue entre deux petits orphelins, la révé- 
lation, par un rêve, que la Maman perdue est toujours 
présente, et bien d'autres choses encore toutes pleines de 
sagesse et de divinité. 

Bonmariage (Sylvain). — Le Cœur et la Vie. 

Boucher (D'"). — Nouvelles et Contes de Bêtes. 

Brydon (Joseph). — Dans VOmhre d'un Cœur. 

Buxy (B. de.). — Le Lys en otage. 

Cathlin (Léon). — Un Prêtre. 

Dacre (Ferdinand). — L^ Heure critique. — L'auteur dont j'ai 
salué jadis un très beau livre, la Race, et plus récemment 
un roman qui constitue un émouvant plaidoyer, Traîneurs 
de sabre, nous offre aujourd'hui un recueil de nouvelles 
réunies sous le titre de la première, V Heure critique ; his- 
toire émouvante d'une rupture, évocation d'une belle 
figure de femme qui se résigne noblement à l'inévitable 
déchirement et favorise elle-même l'union de celui qu'elle 
aime avec une jeime fille qui fera son bonheur. Une ving- 
taine d'autres nouvelles lui font suite, tour à tour émou- 
vantes, verveuses et dramatiques, où évoluent souvent 



18 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

des officiers dont M. Ferdinand Dacre connaît très bien 
l'âme et les sentiments, et c'est un livre intéressant et d'une 
fort af^éable lecture. 

Dervieu (Robert). — Les Petites Filles d'une grande nuit. Ce sont 
des nouvelles tout à fait jolies et délicates, où l'on retrouve 
souvent un peu de cette grâce mystique qui m'avait tant 
séduit dans le premier roman de l'écrivain : le Couvent des 
Orfèvres. Ces petites histoires, rapidement contées en un 
prose légère, et si différentes l'une de l'autre, affirment très 
joliment la souplesse du talent de M. Dervieu. '■'] 

Labeur (François). — Jean Klein, légionnaire. 

Lafage (Léon). — Le Bel Ecu de Jean Clochepin. 

Laurent (Charles). — UEtnpereur s''amuse. 

Mareil (Maurice). — Mytilène, île d'amour. 

Mimande (Paul). — Les Chemins tortueux. 

Perrault (Pierre). — L'Histoire d'un jour. 

Stratz (Rodolphe). — La Mort blanche, roman traduit de l'alle- 
mand par M. E.-B. Lang. 



HISTOIRE. — LITTERATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Avancourt (Comtesse Jean d'). — Le Poème du Silence. 

Banville (Théodore de). — Choix de poésies. Après avoir relu 
ces choses exquises, d'un art si français, si spontané, si 
délicat, on se prend à regretter que ce choix, pourtant si 
copieux, ne le soit pas davantage. Telle qu'elle est, cette 
anthologie peut cependant apparaître assez complète : 
elle a nécessairement laissé de côté bien des jolies choses, 
elle nous offre tout de même ce qu'il y a de plus pur, de 
plus charmant, de plus spirituel et de plus parfait, dans les 
Odelettes, les Odes funambulesques, les Cariatides, les 
Rondelles, les Occidentales, etc. 

Barre (André). — Le Symbolisme. « Essai historique sur le mou- 
vement poétique en France de 1885 à 1890 », suivi d'une 
bibliographie de la poésie contemporaine. 

Bouchor (Maurice). — Nouveaux Contes populaires, transcrits 
et rimes selon la tradition. 

Cauzons (Th. de). — Histoire de la Magie et de la Sorcellerie en 
France. 4°^^ et dernier volume. 

Collas (Georges). — Un Poète protecteur des lettres au XVII^ siè- 
cle : Jean Chapelain. 1595-1674. 

Cornaz (Roger). — Le Trianon de porcelaine, poésies. 

Danan (Alexis). — Le Berger de Bagdad. 

Deperrois (Marie-Louise). — Bruines et Rosées, poésies. 

Desbordes -Valmore (Marceline). — Lettres inédites. Edition 
publiée par M. Boyer d'Agen des lettres réunies par 
Hippolyte Valmore, fils de l'auteur. ; 

Desbruyères (Marie). — Sous les Pins, poèmes. 



MÉMENTO DU MOIS DE JANVIER 19 

Doublet (Greorges). — Godeau, évêque de Grasse et de Vence. 
(1605-1672.) 

Dromart (^larie-Louise). — Le Front voilé, poèmes. 

Dumont (Victor). — Les Joyaux sous la lampe, poésies. 

Dureng (Jean). — Le Duc de Bourbon et l'Angleterre (1723-1726) 
d'après des documents inédits. 

— La Mission de Théodore Chevignard de Chavigny en Allema- 
gne, septembre 1726-octobre 1731, d'après des documents 
inédits et sa correspondance conservée aux archives du 
ministère des affaires étrangères. 

Dutil (Léon). — Lettres inédites de M"^® de Mondonville, fonda- 
trice de l'Institut de l'Enfance, suivies de fragments de 
ses mémoires (1655-1697). En épigraphe, l'auteur a inscrit 
ces sages paroles de E. Lavisse : « Négliger les choses reli- 
gieuses du x\^I® siècle ou les estimer petitement, c'est ne 
pas comprendre l'histoire de ce siècle, c'est ne pas le sen- 
tir. » 

Êtat-Major général de l'Armée. — La Guerre Russo-Japonaise. 
Du début des opérations à la bataille de Wafong Kéou. 
(Suite.) 

Eyris (Marcelle). — La Merveilleuse Tristesse, poésies. 

Flammarion (Camile). — Annuaire astronomique et météoro- 
logique pour 1912. 

Franklin (Alfred). — Christine de Suède et V assassinat de Monal- 
deschi au Château de Fontainebleau, d'après trois relations 
contemporaines. 

Fresnay (G. du). — Empreintes, poésies. 

Gaubert Saint-Martial (Raoul), — Les Trains qu'a pris Jean 
Plomb, poésies. 

Geffroy (Gustave). — Florence. 

Giraud (Victor). — Nouvelles études sur Chateaubriand, «essais 
d'histoire morale et littéraire ». 

' lignet (Manuel). — Saint Grégoire de Naziance, orateur et épis- 
tolier. 

' linot (Henri). — Au détour du Chemin, poésies. 

Havard (Oscar). — Toulon, le premier volume très copieux, très 
documenté, d'une « Histoire de la Pvévolution dans les 
ports de guerre ». 
M' (Y. d'). — Un prince contemporain : Ferdinand Philippe 

d'Orléans, un volume préfacé par M. Paul Bourget. 
iiionon (Ernest). — Naples et son golfe, des pages pittores- 
ques, illustrées de magnifiques gravures. Je vous ai signalé 
naguère un volume du même écrivain où Naples était étu- 
diée au point de vue social, et voilà qui nous démontre que 
les sociologues eux-mêmes ont aussi des yeux pour voir et 
pour admirer les merveilles de la nature et de l'art. 

Lieutier (Paul). — Le Beau Jardin, poèmes. 

Lucas (Wilfrid). — Les Roses s'ouvrent, poésies. 

Marmottan (Paul). — M^^ de Genlis et la grande-duchesse Misa 
(1811-1813). Série de lettres inédites fort curieuses éclairant 
la figure si discutée de M™« de Genlis. L'auteur fait pré- 
céder ces lettres d'une étude tout à fait attrayante et ori- 
ginale. 



20 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Michel (André). — Histoire de VArt depuis les premiers temps 
chrétiens jusqu'à nos jours, IV™^ volume : La Renaissance. 

Motey (Vicomte du). — Un héros de la Grande Armée : Jean- 
Gaspard Hulot de Collart, officier supérieur d'artillerie 
(1780-1854), d'après ses lettres de service, notes, corr' 
pondance. 

Pasolini (Pier-Desiderio). — Une héroïne de la Renaissan'^ 
italienne : Catherine Sforza (1463-1509). Ouvrage traduit 
par M. Marc Hélys. 

Pellissier (G.). — Le XVII I^ siècle par les textes, des « morceaux 
choisis » fort bien choisis. 

Philippe (Charles-Louis). — Lettres de jeunesse de Charles- 
Louis Philippe à Henri Vandeputte. Elles sont admirables, 
ces lettres, d'émotion profonde, de puissance, de fraîcheur, 
et de simplicité, avec des envolées sublimes, des mélanco- 
lies et des désespérances déchirantes, et, lorsqu'on sonpo 
qu'elles furent écrites à un ami intime, pour lui seul, on se 
rend compte mieux encore combien l'œuvre écrite par 
Charles-Louis Philippe poiir le public fut sincère, combien 
son génie fut direct, immédiat, spontané. 

Quentin-Bauchart. — Les Musées municipaux. Un bel ouvrage 
où sont décrits ce Petit Palais, ce musée Galliera, ce musée 
Carnavalet, ce musée Cernuschi, ce musée Victor-Hugo et 
ce dépôt d'Auteuil qui constituent les inappréciables 
richesses de notre Ville de Paris. 

Renard (Commandant Paul). — Le Vol mécanique et les Aéro- 
planes. 

Sabatier (Paul). — L'Orientation religieuse de la France actuelle. 
Ce livre, d'une sérieuse documentation, est écrit dans un 
esprit très philosophique : l'auteur recherche, nous dit-on, 
« dans l'attitude de l'Eglise et dans celle de l'antireligion 
qui a suivi en France la guerre de 1870, les circonstances 
déterminantes de l'orientation religieuse actuelle. Il con- 
fronte cette orientation avec la philosophie contemporaine, 
en établit le caractère essentiellement français; il en suit 
les manifestations dans l'art et dans la littérature, puis 
dans le catholicisme, dans le protestantisme et dans la 
libre-pensée. Il la montre enfin s'incarnant dans la créa- 
tion de l'école laïqvie, dans l'effort laïque vers une morale 
efficace et solidement constituée ». 

Saint-Foix (de). — Voir de Wyzewa. 

Skouffo (Aler). — Les Olympiennes. Des poèmes offerts aux 
mânes chéris du pof'te harmonieux que la Terreur déca- 
pita, à André Chénier. 

Thomas. — Correspondance générale de Chateaubriand, avec 
une introduction et des notes. 

Tort (Jean-Paul). — La Veillée solitaire, poèmes. 

Ulrich (Albert). — Guillaume Tell (traduction en vers des cinq 
actes de Schiller). 

Valléry-Radot (René). — Le Docteur Jean Binot, chef de labora- 
toire à V Institut Pasteur. Très simplement, l'auteur raconte 
cette belle vie de^travail, de dévouement,'de modestie ; il 
en note chaque étape jusqu'à la dernière, si douloureuse. 



MEMENTO DU MOIS DE JANVIER 



21 



si soudaine, « lorsque nous le vîmes pour la dernière fois, 
couché par la mort, les yeux demi clos, le visage calme, les 
mains, ses mains si adroites et si cordiales, pour toujours 
inertes. » Et c'est très doucement, très noblement émou- 
vant). 

Wilde (Oscar). — Poèmes en proses (traduction de M. Greor- 
_ ges BazUe). 

Wyzewa (de) et de Saint-Foix. — W.-A. Mozart, sa vie musi- 
cale et son œuvre, « de l'enfance à la pleine maturité, 1756 
à 1777 », essai de biographie critique, suivi d'un nouveau 
catalogue chronologique de l'œuvre complète du maître. 



FEVRIER 



LES ROMANS 



VICTOR MARGUERITTE 

Les Frontières du Cœur. 

Le sentiment national qui, en ces derniers temps, 
s'est affirmé dans notre pays avec une si simple, si 
émouvante et si noble intensité, se manifeste de plus 
en plus vigoureusement dans notre littérature. Réveil 
nécessaire ! Sans avoir jamais complètement failli à sa 
tâche française, notre littérature ne la poursuivait 
plus avec une suffisante vigueur; elle s'était trop laissée 
pénétrer par les poisons mortels du pacifisme à tout 
prix, de je ne sais quelle fallacieuse fraternité. Elle 
s'est reprise depuis quelque temps et il n'est presque 
pas de semaine où je n'aie à signaler ici quelque 
œuvre : histoire, roman, philosophie, où s'affirment les 
droits, les traditions, les devoirs français. 

Celle qui parait aujourd'hui, les Frontières du cœur, 
mérite un grand retentissement. Son auteur, M. Vic- 
tor Margueritte, peut se rendre le témoignage qu'il 
n'a pas attendu le mouvement actuel : en collaboration 
avec son frère, Paul Margueritte, il a publié ce beau 
roman : le Désastre, où palpite l'âme de la Patrie 
mutilée et meurtrie, où sont évoquées impitoyable- 



FÉVRIER. — LÉS ROMANS 23 

ment toutes les étapes de TAnnée terrible. Evocation 
douloureuse et nécessaire : n'est-ce pas en revivant, 
en étudiant sans cesse la défaite que nous appren- 
drons, selon la forte parole du lieutenant -colonel 
Picard, « à n'avoir plus des âmes de vaincus »? 

Dans son nouveau roman, IM. Victor Margueritte 
traite le même sujet, il peint avec les mêmes couleurs 
le tableau du désastre ; mais ce ne sont plus de grands 
personnages collectifs : l'armée et la ville de Metz ; c'est 
un homme et une femme, c'est le drame d'un foyer. 
Enfermée dans ce cadre restreint, la tragédie n'est pas 
moins formidable; elle est plus directe, plus poignante, 
plus significative encore. Marthe Ellangé, fille du pro- 
cureur impérial Ellangé, petite-fille du vieux grognard 
Jean-Pierre, qui suivit le tondu sur toutes les routes 
d'Europe, a, malgré les conseils de son père, malgré 
la réprobation de ses frères Jacques, le lieutenant, et 
Louis, l'étudiant en droit, épousé, en 1687, Otto Rud- 
heimer, un brave et excellent médecin hessois qu'elle 
aime très tendrement et qui, par toutes ses qualités 
morales et intellectuelles, mérite son amour. 

Elle est partie avec lui à Marbourg, et là, dans la 
petite ville allemande, en compagnie de son institu- 
trice Frida Lehmann, enchantée de ramener chez elle 
la petite Française, elle a vécu des jours heureux, elle 
s'est adaptée au milieu, elle a négligé, presque oublié 
les siens, laissés à Amiens. Ce calme bonheur dure 
depuis trois ans; il atteindra bientôt à son comble 
par la venue d'un enfant qui, déjà, palpite dans ses 
flancs. Au printemps de 1870, le jeune ménage a décidé, 
après un voyage en Italie, de faire un séjour à Amiens 
pour revoir les parents si longtemps délaissés. 

Et les événements se précipitent : la guerre est 
N'clarée. Marthe, toute pleine d'angoisse, assiste au 
part de son frère Jacques, à celui de son mari, appe- 
^ dans les deux armées ennemies; elle sent peser sur 
le, sur eux, la tragique fatalité. Et c'est le désastre, 



24 LE MOUVEMENT tltT^RAittË 

les nouvelles terribles qui se succèdent avec rapidité; 
c'est son frère aîné tué, son frère cadet dangereusement 
blessé, son grand-père foudroyé par la nouvelle de 
Sedan, cependant que, Téchéance arrivée, elle met au 
monde le petit Hermann. 

Marthe alors comprend toute Tiiorreur de sa situa- 
tion, mais elle n'hésite pas : Française elle est née, 
Française elle restera et son petit ne sera pas un Prus- 
sien, il sera le petit Français Jean-Pierre. Elle com- 
prend l'impiété du hideux sophisme : ubi bene ibi 
Patria. Son mari qu'elle a tant aimé, elle se sent inca- 
pable désormais de vivre auprès de lui, elle le lui dit 
durement, inexorablement, et tout en songeant que cet 
homme généreux et bon ne mérite pas un si dur trai- 
tement, nous éprouvons un grand soulagement. Bravo, 
la petite Française ! Vous êtes peut-être injuste envers 
un homme, mais vous faites votre devoir envers la 
race, envers la Patrie. 

Et Otto s'incline douloureusement, rageusement; 
il sent que jamais, jamais plus, cette Française ne lui 
appartiendra. Il lui rend sa liberté, il lui laisse même, 
pour les premières années, l'enfant né de leur amour; 
après, on verra. Il essaiera de le reprendre, et ces êtres 
qui s'aimèrent si tendrement sont désormais « inexo- 
rablement séparés, il y a entre eux des murs invisibles; 
il y a les frontières du cœur, et plus fort que l'amour, le 
sentiment de la race et de la patrie, au souffle de la 
guerre, a balayé le passé. Devant eux s'étend, ainsi 
qu'une terre disputée, le lointain avenir de leur fils ». 

Et c'est un drame pathétique et terrible, un drame 
vrai, un drame humain. M. Victor Margueritte l'a 
évoqué avec loyauté, avec rigueur, avec sincérité, et 
la grande leçon qui s'en dégage, il n'a pas besoin de 
nous la dire : elle s'impose à nous. 



FÉVRIER. — - LÈS ROMANS 25 

LUCIE DELARUE-MARDRUS 

La monnaie de Singe. 

La Monnaie de Singe que M^^e Lucie Delarue-Mar- 
drus dénonce à notre mépris, cette monnaie illusoire et 
fallacieuse qui n'a pas cours, c'est la seule que dis- 
tribuent aux pauvres assoiffés de tendresse et de sin- 
cérité, les personnes civilisées et bien élevées. Ce n'est 
pas une nouveauté, cette dénonciation; mais M"^® Lu- 
cie Delarue-Mardrus a trouvé une formule nouvelle, 
créé une figure d'une intense originalité pour nous 
montrer ce contraste émouvant de la nature franche, 
loyale, spontanée et de la sournoise civilisation. 

La petite Alfreda Stewil, sur la naissance de qui 
pèse un tragique mystère, fille d'un anglais d'origine 
française et d'une musulmane du Sahara, a grandi 
dans l'extrême sud de la Tunisie, en pleine liberté, en 
pleine indépendance, sauvageonne éprise de l'Islam et 
qui s'en va à travers les forêts de la Kroumirie au 
galop de son petit cheval arabe. Elle est délicieuse, 
cette jeune fille avec sa peau bistrée, ses prunelles 
fauves et ses cheveux ardents, elle a l'air d'une petite 
idole de la nature, tout en or; elle se croit très laide. 
Georges Ménissier, un garçon de seize ans, fils d'un 
des rares Français installés là-bas, le lui a dit entre 
lutres aménités, car ils se détestent : les parents de 
Ménissier très européens, très rigides, méprisent cette 
petite « arabicote » et la petite Alfreda a horreur de 
<^es ennemis de l'Islam. A force de se détester ils se 
-ont mis à s'adorer et c'est un déchirement pour 
Georges lorsque Alfreda, son père mort, doit partir 
pour la France, chez sa tante M^^e Antin. 

La voilà brusquement, la petite sauvage, jetée en 
pleine civilisation, en plein monde, à "Saint-Germain 



26 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

d'abord, à Paris ensuite; sa beauté, sa jeunesse, sa 
spontanéité, lui font des ennemis innombrables. Ce 
petit être qui ne voudrait qu'aimer et se confier, ne 
rencontre que de l'envie et de l'hypocrisie; ses parents, 
ses amis, ceux qui l'admirent, ceux qui la désirent, la 
payent « en monnaie de singe ». Elle est venue à eux 
avenante et timide, prête à recevoir leurs sourires ; elle 
leur a apporté tout ce qu'elle avait : sa jeunesse, sa 
beauté, sa grâce, sa loyauté, son passé d'enfant riche 
de liberté, d'innocence, de grand air, de beaux aspects, 
riche de tendresse, riche d'amour. En échange, qu'a- 
t-elle reçu? Les femmes lui ont jeté leur jalousie à la 
face comme un venin de vipère, et, dès qu'elle est 
apparue parmi les hommes, ils l'ont enveloppée de 
leurs désirs bas, autre forme d'outrage. Elle a pris 
l'horreur de la civilisation qu'elle voyait si belle autre- 
fois là-bas, dans ses songes de bédouine, elle a pris 
l'épouvante du monde, et elle repartira au loin, vers 
le désert, pour retrouver Georges, dont elle n'est plus 
très sûre d'être digne, pour revivre la vie libre, res- 
pirer un air pur; et une lueur passe « dans ses yeux de 
félin, un regard de petit chef arabe en route pour le 
nomadisme. » 



GEORGES OHNET 

La Serre de l'Aigle. 

M. Georges Ohnet, dont le roman historique : Pour 
tuer Bonaparte, obtint l'an dernier un si vif succès, 
publie le second volume de cette série qu'il a intitulée : 
« La Légende et l'Histoire. » C'est là suite et la fm de 
l'aventure héroïque vécue par les ennemis de l'Empe- 
reur; Georges Cadoudal et ses amis sont pris dans la 
serre de l'aigle et ils meurent, non sans noblesse, en 



FÉVRIER. LES ROMANS 27 

criant : « Vive le Roi ! », mais après quelles péripéties, 
quelles batailles ! où bien des fois les conspirateurs ont 
failli tenir la victoire. 

Elles sont palpitantes ces péripéties. M. Georges Ohnet 
les a, pour la plupart, empruntées à la réalité. Il a, 
comme dans son précédent volume, scrupuleuseemnt 
suivi rhistoire dans l'évocation des héros consacrés tels 
que : l'Empereur, Gadoudal, Pichegru, Moreau, 
M"e George, Fouché, le duc d'Engbien. Et puis, avec 
infiniment d'adresse, avec une très heureuse imagina- 
tion, il a mêlé la légende à l'histoire, campé des per- 
sonnages très vraisemblables qui sont tout à fait dans 
la note et dans le ton, et dont les aventures person- 
nelles rentrent à merveille dans le cadre historique, 
ot c'est la perfide comtesse de Montmoran, l'amie 
de Gadoudal, victime finalement de ses trahisons, et 
Georgeret, le munitionnaire aux armées de Bonaparte, 
et aussi nos vieilles connaissances : le bonnetier Lere- 
bourg et le policier Braconneau. 

C'est au plus haut point amusant et vivant, c'est 
du très bon roman historique, et c'est, à mon sens, 
bien supérieur à ces Batailles de la vie qui valurent à 
M. Georges Ohnet une si grande popularité. 



HENRY BORDEAUX 

La neige sur les pas. 

M. Henry Bordeaux exalte dans ce roman la noble 
loi du pardon et de l'oubli qui permet de reconstruire 
sur des ruines. Seulement ce pardon, selon l'auteur 
doit, pour n'avilir personne, être d'inspiration divine. 

L'histoire est très simple : Marc Romenay, le célèbre 
architecte, a été trompé par sa femme, Thérèse, qui 
^'est enfuie en Suisse avec son amant, et puis, un jour, 



28 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

une dépêche l'a appelé au Grand Saint-Bernard : 
Thérèse, victime d'un accident de montagne, agonisait 
à l'hospice. Avec sa petite fille, Marc s'est rendu 
auprès de la blessée que des soins ont pu rappeler à la 
vie et sauver, et, après une lutte pathétique, il s*est 
décidé à pardonner : sa femme rentre au foyer ranimé. 
C'est après le « triomphe de l'amour », le « triomphe de 
la vie ». 

Cette histoire dont je ne vous ai donné qu'une 
informe et schématique impression, est très belle; j'en 
ai beaucoup aimé la généreuse inspiration : en même 
temps qu'elle proclame la divine nécessité du pardon, 
la noblesse des paroles qui suppriment l'irréparable, 
qui « effacent comme la neige tombée sur les empreintes 
des pas »; elle affirme la victoire de la vie, de « la vie 
sans cesse agissante, dure et volontaire comme une 
troupe en marche, et qui du passé même se sert comme 
de matériaux pour reconstruire, la vie avec son besoin 
d'ordre et son éloignement naturel pour tout ce qui 
bouleverse cet ordre, ses possibilités de grandeur et de 
perfection, son éternelle poursuite de la paix à travers 
la guerre. » 



ALBERT BOISSIÈRE 

Le Jeu de flèches. 

Le Jeu de flèches, dont M. Albert Boissière nous conte 
les émouvantes péripéties, c'est le jeu cruel et vieux 
comme le monde auquel se livre un certain petit dieu 
nommé Eros avec, comme partenaires, — ou plutôt 
comme adversaires — les belles dames qui passent et 
les hommes qui les regardent sans penser à mal. 

Les facéties burlesques ou terribles du dieu malin 
ont tant de fois, et depuis si longtemps, sollicité la 



FÉVRIER. — LES ROMANS 29 

verve et rimagination des romanciers qu'il est assez 
difficile d'éviter la banalité dans le récit de ses méfaits. 
Ce péril, M. Albert Boissière nous a très finement 
indiqué qu'il le connaissait en plaçant au prologue et 
à l'épilogue de son roman, une gentille statuette en 
biscuit de Sèvres où le mauvais petit garçon est repré- 
senté avec tous ses attributs traditionnels : ses ailes 
dans le dos, son sourire aux lèvres, ses flèches mena- 
çantes dans sa menotte, et il nous a prouvé une fois de 
plus que, malgi'é son apparente banalité, cette statue 
recelait tout le sens de notre pauvre humanité, toutes 
ses douleurs, toutes ses colères, toutes ses joies. 

Il nous a émus au récit des aventures d'Arsène Res- 
sencourt, qui aime Gisèle Gallais et n'est pas aimé 
d'elle, qui est aimé de Claire Trefouél et la dédaigne, 
et qui épouse sans amour Alice Amiot; et ce sont 
encore, mêlés au drame, Bourgueil, le peintre, et 
Roger Parot, fantoches très humains que l'amour fait 
mouvoir et gesticuler douloureusement. Tous et toutes 
ont reçu leur flèche, mais le tireur maladroit et méchant 
s'est chaque fois diverti à viser de travers, à percer et 
à meurtrir des cœurs qu'il eût, avec un peu plus de 
justesse ou de bienveillance, si délicieusement bles- 
sés. C'est l'éternelle histoire que nous détestons, et 
que toujours nous voulons revivre. M. Albert Bois- 
sière l'a évoquée en un roman où il y a de la passion, 
de la douceur et de la résignation, écrit dans une 
langue agréable et familière. 



PIERRE GOURDON 

Les Courtagré. 

Le roman de M. Pierre Gourdon est un de ces livres 
où, très simplement, les traditions de la famille, de la 

2. 



30 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

race, de la terre, sont exaltées. On peut différer d'opi- 
nion sur les moyens, on peut ne point admirer com- 
plètement la fidélité à des traditions d'autrefois, et 
revendiquer pour les fils le droit à des convictions qui 
ne furent pas celles de leur père, mais le principe lui- 
même, le culte de la famille et de la terre ancestrale 
est, entre tous, respectable et sacré. 

Ce culte, il domine tout le roman de M. Gourdon : 
les épisodes, émouvants d'ailleurs, qui l'animent; les 
soufi'rances de Marguerite de Courtagré, jalouse de 
Delphine de Scrmaise qu'elle croit éprise de son mari 
Henri, les aventures d'Hubert, toutes ces histoires de 
famille provinciale évoquées avec beaucoup de couleur 
et de pittoresque, ne sont que l'accessoire; le drame 
est tout entier dans cette question angoissante : le 
domaine de Courtagré s'en ira-t-il en lambeaux ou bien 
cette terre restera-t-elle unie, solide, autour du chef 
de la famille, du gardien du nom? C'est la dernière 
hypothèse qui prévaut après des péripéties drama- 
tiques, contées très simplement et c'est, au dénoue- 
ment, la victoire du domaine, le salut de la famille. 



MADAME BOUYER-KARR 

Pauvres diables. 

M "^6 Bouyer-Karr, dont j'ai loué, à plusieurs reprises, 
le robuste et copieux talent, la fruste originalité, publie, 
un roman : Pauvres diables, où je retrouve les qualités 
et aussi le très intéressant défaut qui constituent sa 
personnalité ; ce défaut — trop rare défaut ! — c'est 
une étonnante abondance d'imagination qui entraîne 
l'auteur dans l'invention d'une foule de péripéties 
parmi lesquelles il n'a pas le souci de choisir. 

La plupart de ces incidents, de ces dramatiques 



FÉVRIER. LES ROMANS 31 

épisodes, sont fort palpitants, mais il y en a trop vrai- 
ment, et l'intérêt du lecteur sans cesse sollicité, risque 
à la longue d'être déconcerté. Je l'ai déjà dit, c'est là 
un beau défaut que je souhaiterais à bien des roman- 
ciers, mais tout de même, M^^^ Bouyer-Karr aurait 
intérêt à s'en méfier, et à discipliner un peu sa riche 
imagination. 

Tel qu'il est, ce roman, fort intéressant à lire, pré- 
sente pour moi l'inconvénient majeur d'être à peu près 
impossible à analyser ; comment pourrais-je, en effet, me 
débrouiller au milieu de cette théorie de « pauvres 
diables » que M^^ Bouyer-Karr a fait recueillir et 
sauver par sa généreuse et noble héroïne M"^ Isabeau 
Roux? Elle a fort à faire, cette noble femme, au 
I Milieu de tous ces déshérités qui ne sont pas tous très 
if'commandables. Quelques-uns ont d'assez fâcheuses 
actions sur la conscience, la plupart ont dans leur vie 
des aventures dramatiques et même mélodramatiques ; 
mais tous sont sacrés par l'infortune. Et, à force de 
persévérance et de charité intelligente, Isabeau par- 
vient, sous le ciel clément de la douce Provence, à 
mettre un peu de bonheur et de paix dans toute cette 
détresse et à conquérir un inestimable trésor : la « joie 
mise par elle dans tant de pauvres yeux ». 

Et cette belle figure de femme, qui domine tout le 
roman, qui lui donne le sens d'un hymne à la bonté 
souveraine, suffirait — s'il en était besoin — à plaider 
et à gagner sa cause. 



RENÉ PERROUT 

Goëry Coquart, Bourgeois d'Épinal. 

La course éperdue que le chroniqueur doit fournir 
chaque semaine à la poursuite des livres nouveaux qui 



32 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

sont si nombreux et qui vont si vite, cette course sans 
gloire et sans trêve est bien fatigante, plus que n'ima- 
gine le lecteur bénévole et qui lit pour son plaisir; elle 
manque parfois d'agrément et il m'arrive d'être tenté 
de la maudire, mais elle m'apporte, de loin en loin, — 
de très loin en très loin ! — une joie qui rachète tous 
les petits ennuis et toutes les grandes fatigues, celle 
de découvrir une œuvre qui me parait belle, sous un 
nom inconnu, tout neuf, et d'être le premier à parler 
de cette œuvre et à prononcer ce nom. 

Cette joie, je l'ai éprouvée en lisant Goëry Coquart, 
Bourgeois d'Épinal. L'auteur, M. René Perrout, m'est 
tout à fait inconnu; je crois bien, malgré les titr< 
mentionnés d'ouvrages antérieurs, qu'il est également 
ignoré du public. Le volume qu'il vient de publier doit 
le mettre en pleine lumière : c'est une œuvre délicieuse 
d'une pensée subtile, délicate et saine, et d'une rare 
perfection littéraire. Le sujet du livre, c'est l'histoire 
d'Épinal aux derniers temps de son indépendance, 
vers le milieu du xvii^ siècle, lorsque la France s'em- 
para d'Épinal. L'auteur est animé d'un grand patrio- 
tisme spinalien : il ne croit pas manquer, en ce ving- 
tième siècle, à son devoir de français, en nous disant les 
tristesses et les inquiétudes d'un bourgeois spinalien 
en 1625; il pense comme Renan « que tous les siècles 
d'une nation sont les feuillets d'un même livre, que les 
vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point 
de départ un respect profond du passé. » 

Ce respect du passé apparaît tout plein de douceur 
et d'attendrissement dans l'évocation de Goëry Co- 
quart, l'enraciné d'Épinal, fils de maître Guillaume Co- 
quart, pâtissier -rôtisseur et bourgeois, et de son maître 
le chanoine Le Pelletier. Les entretiens du maître et 
de l'élève, pendant ces longues heures où ils devisaient 
à la manière des philosophes de l'Académie, sont des 
choses exquises et nous prenons un plaisir infini à 
l'évocation de « cette vie intérieure, douce et magni- 



FÉVRIER. — LES ROMANS 33 

fique que menaient Goëry Coquart et son maître : 
« Ils cultivaient leur jardin et ils Tornaient de plantes 
délicates et rares. Ils connaissaient que là est le secret 
du bonheur. Ils savaient qu'il suffit de peu de choses 
pour contenter le sage et lui donner la volupté : la vue 
d'un bel arbre et des pensées sereines ». 



FÉLICIEN GHAMPSAUR 

Poupée Japonaise. 

La Poupée Japonaise, dont M. Félicien Ghampsaur 
nous conte les curieuses aventures, est une délicieuse 
personne qui répond au doux nom de Sameyama; elle 
est menue, troublante, imprévue; elle est exquise, et 
nous l'aimons même quand elle scandalise un peu nos 
pudeurs européennes; nous l'aimons parce qu'elle 
évoque si joliment à nos yeux le Japon d'autrefois, 
celui des kimonos, des papillons diaprés, des parterres 
de roses, de dalhias, de tulipes et de chrysanthèmes, 
celui d'il y a deux mille ans, celui d'hier aussi, — il y a 
un demi-siècle à peine ! — et qui était plus gentil vrai- 
ment que le Japon d'aujourd'hui avec ses cuirassés, 
ses torpilleurs et ses redingotes. 

M. Henri Lavedan nous dit dans un « Kakémono 
liminaire » sa prédilection pour le livre de Félicien 
Ghampsaur, qui semble écrit avec des pinceaux, par 
la main à grands ongles d'un lettré de Yeddo, et 
dans lequel il a particulièrement goûté la prestigieuse 
variété des descriptions, l'évocation de ces matins, 
de ces, soirs, de ces aubes, de ces crépuscules « rendus 
par Félicien Ghampsaur, avec un rare bonheur de 
vision et de perception ». 

L'éditeur a fait de ce livre un joyau de bibliophilie; 
avec une prodigalité inouïe il a semé presque à chaque 



34 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

page de délicates images, des tableaux d'une couleur 
exquise, petits chefs-d'œuvre d'un art très japonais 
et suggestif. 



CHARLES DE POMAIROLS 

Repentir. 

M. Charles de Pomairols qui, dans un précédent 
roman, dont j'ai parlé, nous avait conté l'émouvanto 
Ascension d'une âme vers les hautes régions de la foi 
épurée, nous dit aujourd'hui, le Repentir, sa noblesse, 
sa grandeur, sa nécessité. Et sans doute, Maurice Gé- 
nies a grand besoin de ce repentir; il aurait même droit 
au remords, car son péché, péché d'intention, est le 
plus abominable qui soit : il a, certain jour, souhaité la 
mort de sa mère, parce qu'il désirait, pour continuer 
sa vie de dissipation, avoir la libre disposition de sa 
fortune. Comme Maurice, malgré cette détestable 
pensée, n'est point foncièrement mauvais, son péché, 
depuis lors, lui fait horreur : il empoisonne sa vie, et, 
s'étant épris d'Elise de Florac, il ne se sent pas digne 
d'épouser cette belle jeune fille et lui fait la pénible 
confidence. 

Elise alors le repousse avec indignation et tristesse. 
Cette jeune fille, qui aima jadis Abel de Sauvenas, 
auquel elle a dû renoncer parce qu'une vocation impé- 
rieuse appelait Abel à l'apostolat, ne saurait devenir la 
femme d'un tel homme. Et c'est ici qu'interviennent 
la puissance et la vertu du repentir. Maurice Génies a 
perdu sa mère : il est toujours dévoré par le remords 
et ne songe qu'à se racheter. Une heureuse circons- 
tance lui permet d'accomplir une action héroïque et de 
sauver la vie du petit-neveu d'Elise; et la jeune fille, 
convaincue enfin, accorde son pardon à celui qui 



FÉVRIER. — LES IlOMANâ 35 

Taime, qui l'épouse et qui, désormais, vivra sa vie 
auprès d'elle dans la douceur et dans le repentir. 

Cette histoire d'édification est racontée par M. de 
Pomairols en une langue harmonieuse, pure, unie 
comme un lac. 



SYLVIAG 

Marchandes de Chichis. 

jV|me Sylviac, comédienne de talent, femme résolue 
que ses démêlés téléphoniques ont rendu fameuse, 
débute dans la littérature avec un recueil de dialogues 
• m'elle a intitulé : Marchandes de Chichis. Marchandes 
de chichis ! Je ne songe pas à défendre ce titre contre 
les ennemis des néologismes audacieux, mais il est 

rtain qu'il exprime à merveille la pensée de l'auteur 

que sans nul commentaire vous savez, dès l'abord, 
a qui vous avez à faire. 

Ces dames que M ^^ Sylviac met en scène et qui tien- 
nent commerce de chichis sont des personnes, en géné- 
ral, assez peu recommandables, mais si amusantes, et 
^jme Sylviac les fait parler et agir avec tant de vérité : 
c'est vous dire que leurs gestes et leurs propos sont 
souvent attristants. Derrière toute cette gaieté, tout 
cet amusement, il y a beaucoup d'amertume et le sou- 
rire du lecteur a parfois quelque chose de contraint, 
parce qu'il se souvient d'avoir trop bien connu quel- 
qu'une de ces héroines. 

Ce livre témoigne d'ailleurs d'un très réel talent et 
d'une vive personnalité : M°^6 Sylviac a, au plus haut 
point, le sens du théâtre ; ses bonshommes et ses bonnes 
femmes sont vraiment vivants, et pour tout dire, j'ai 
trouvé dans son livre un ou deux dialogues qui m'ont 
fait penser à la tant regrettée Jeanne Marni : et ce 
n'est pas là un banal compliment. 



36 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



THOMAS HARDY 



Deux yeux bleus. 

n est bien joli ce roman, d'une émotion poignante, 
profonde subtile, et puis, il est si anglais; il évoque 
avec une si amusante réalité des milieux, des physio- 
nomies, des mœurs très différentes des nôtres et qui 
nous apparaissent pourtant si familières. 

Positivement, nous vivons chez M. Swancourt, le 
vicaire de la paroisse d'Endelstow, nous connaissons 
dans tous ses détails son humble demeure et ceux qui y 
fréquentèrent : ce jeune homme autrefois mort de 
consomption, et Stephen Smith, le jeune architecte, 
fils d'un maçon, et que dévorent les plus nobles amxbi- 
tions, et aussi Henri Knight, le grand journaliste, • — 
tous ces hommes parmi lesquels deux « yeux bleus )> 
viennent le plus innocemment du monde apporter la 
dévastation et le désespoir, les yeux d'Elfride, la fille 
du vicaire, « ces yeux bleus comme la brume d'au- 
tomne dans le lointain, lorsqu'elle se recule au-dessus 
des bois par un matin ensoleillé de septembre, d'un 
bleu indécis qui ne s'arrête pas à la surface mais sem- 
blait se prolonger au-dedans ». 

Une jeune fille de dix-neuf ans qui possède de tels 
yeux doit être une bien troublante personne, et Elfride 
trouble, en effet, et désespère ceux qui l'approchent : 
l'amour naît sous ses pieds menus le plus naturelle- 
ment du monde et c'est, malgré elle, l'innocente, un 
amour qtii sème la souffrance et la mort. Elle est, elle- 
même, la victime de cette fatalité qui s'acharne autour 
d'elle, et après avoir, par résignation, épousé le vieux 
lord Luxellian, elle meurt de désespoir toute jeune, 
toute jolie, laissant le souvenir douloureux et enchan- 
teur d'une belle dame qui a passé en suivant son des- 



FÉVRIER. — LES ROMANS 37 

, lequel était de faire souffrir sans y penser les 
uvres hommes épris de sa beauté. 



LÉON DE TINSEAU 



Du Mouron pour les petits Oiseaux. 

Voilà un titre au moins qui prévient son monde : en 
r inscrivant sur la couverture de son recueil de nou- 
velles, M. Léon de Tinseau a, sans nul doute, voulu 
nous avertir que c'étaient là des historiettes sans con- 
séquence, jeux d'un homme d'esprit désireux seule- 
ment d'amuser son lecteur et nullement soucieux de 
proposer à son esprit des méditations profondes. 

Ainsi prévenus, vous n'aurez aucune déception; bien 
au contraire, vous aurez d'agréables surprises en 
découvrant, dans telles de ces histoires, lestement 
contées, mieux que du « mouron pour les petits 
oiseaux », parfois un petit, un tout petit grain de mil 
philosophique et, toujours, de l'agrément, de la verve, et 
une heureuse invention qui va, sans effort, du comique 
— un comique discret, non pas le rire grossier, mais le 
sourire délicat — au tragique — un tragique sans 
larmes. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, SCIENCI 



DIVERS 



MAXIMIN DELOGHE 

La Maison du Cardinal de Richelieu. 

M. Maximin Deloche ayant eu la bonne fortune d 
recueillir un bien curieux document intitulé : « L 
compte pour Tannée 1639 de la despense de la maiso; 
de monseigneur le Cardinal duc de Richelieu », a s? 
tirer de ce registre in-folio de soixante-quatre feuillet- 
de papier fort, reliés en parchemin, un gros livre trè 
copieux et d'un captivant intérêt : La Maison du Car 
dinal de Richelieu. A Taide de ce carnet de dépenses 
il a patiemment, sûrement, reconstitué la vie, évoqu 
l'entourage familier du grand Cardinal : c'est « Riche 
lieu intime »; une assez vaste intimité, car le Cardina 
avait autour de lui un fort nombreux personnel : m 
maître de chambre et un confesseur, des secrétaire 
réguliers et des secrétaires de nuit; un départemen 
spécial était réservé aux aumônes, dons et pensions 
avec des aumôniers et administrateurs; toute une hié 
rarchie de médecins, apothicaires et de chirurgien- 
était attachée à sa personne, et puis c'était l'arméi 
des valets de chambre et maîtres d'hôtel, et les con 
trôleurs, et l'argentier, et aussi les musiciens, ca 
Richelieu aimait la musique. 

Et voici maintenant, le ministère de la bouche 



FÉVRIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 39 

I portant, car on mangeait bien et beaucoup chez le 
Cardinal; celui des écuries avec son impressionnante 
cavalerie, ses carrosses, ses cochers, ses valets de pied; 
lui des pages et la maison militaire; et les fournis- 
iirs — que de fournisseurs ! — le drapier Poquelin, 
mercier Sanson, le passementier Le Vasseur, les 
tailleurs, le brodeur Saint-Anne, les cordonniers, l'or- 
fèvre de Launay avec sa vaisselle d'argent, sa vais- 
selle d'étain, et son argenterie, et encore les tapissiers, 
et tous ceux qui fournissaient la batterie de cuisine, le 
linge, les coffres, les malles, les bahuts. 

Tout cela est d'un vivant intérêt, et ce gros volume 
amusant nous fournit en outre des éléments d'ap- 
tjciation assez nouveaux sur le Cardinal, en nous 
vêlant ses procédés de travail et les idées qu'il appli- 
1 liait dans sa propre maison. 



F. CASTANÏÉ 

Reine et Favorites (( Le Règne de l'Amour. » 

Louis XV, qui ne passe pas pour avoir été un très 
• rtueux souverain, eut cependant, après une adoles- 
uce fort sage, éprise seulement de chasse et de sports, 
- débuts d'un très bon mari; et ce monarque serait, 
lis nul doute, devenu dans l'histoire le modèle des 
époux austères et fidèles si le cardinal Fleury, « tar- 
tufe cardinal et premier ministre », n'avait entrepris, 
iir son bénéfice personnel, de lui donner le goût des 
I limes et des plaisirs défendus. Il eut du mal, car la 
\ 'Ttu du jeune roi était tenace, mais on sait de reste 
que, le premier pas une fois franchi, le résultat dépassa 
toutes les espérances permises. 

C'est l'histoire de ce premier pas que nous raconte 
\l p r.cf ;,,,{♦•. Rion n'o^jf plus curieux, — l'auteur a 



40 LK MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

l)i(Mi raison de le; dire — rien n'est plus passionnant, 
plus joliment suranné, que ces premières armes en 
amour du Bien-Aimé. C'est la période de la jeunesse, 
celle qui précède l'avènement de la marquise de Pom- 
padour. C'est l'histoire de la comtesse de Mailly et de 
ses quatre sœurs qui régnèrent tour à tour ou simulta- 
ment sur le cœur de Louis XV, de 1732 à 1744. 

M. Castanié a trouvé les éléments de son récit 
alerte, vivant et preste, illustré de belles images du 
xviii^ siècle, dans des mémoires ou correspondances 
de femmes (La Palatine, la duchesse de Brancas), dans 
des mémoires d'auteurs qui ont reçu des confidences 
de femmes, tels le marquis d'Argenson, le duc de Luy- 
nes, mari de la dame d'honneur de la Reine, Soulavie, 
bibliothécaire du duc de Richelieu, renseigné par 
Mme (Je Flavacourt, l'une des quatre sœurs, etc. Et 
voilà pourquoi cette histoire d'un roi peut figurer dans 
la collection : « La Française racontée par elle-même. 
Mémoires de la Femme. » 



EUGÈNE WELWERT 

En feuilletant de vieux Papiers. 

Ces vieux papiers, M. Eugène Welwert les a trouvés 
pour la plupart en compulsant la série FM. II des 
Archives nationales. La série F^d. II ! Cela ne vous dit 
rien, et cela ne dit pas grand-chose non plus à la plu- 
part des chercheurs qui dédaignent la série en ques- 
tion : injuste dédain ! M. Welwert a trouvé, dans ces 
cartons remplis de demandes adressées par des parti- 
culiers aux chefs de l'État, aux ministres, aux prin- 
cipaux dépositaires de l'autorité, dispensateurs des 
grâces, des faveurs, des emplois, depuis un siècle et 
demi ; — une foule de choses curieuses., amusantes et 



FÉVRIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 41 

aussi ignorées, et pour cause... Il nous les raconte dans 
son livre, nous fait connaître sous un jour nouveau 
Louis XVI serrurier et son ami Gamain, évoque les 
tribulations de Brillât-Savarin, l'affaire Favras, que 
sais-je encore ! redressant de-ci, de-là, des erreurs accep- 
tées, revisant des procès jugés. C'est de la petite his- 
toire bien captivante. 



K. WALISZEWSKI 

Le Fils de la Grande Catherine : Paul F^, Empereur 

de Russie. 

« Sa vie; son règne; sa mort. » 1754-1801. 

Parmi ces revisions de procès si fréquentes en notre 
temps, il n'en est pas sans doute de plus extraordinaire 
ni de plus inattendue que celle dont Paul I^^, empereur 
de Russie, est depuis quelques années le bénéficiaire 
"u Russie. Paul I^^ ! Vous savez! Ce fou couronné, 
•dieux, terrible et ridicule; il paraît que non seulement 
il n'était pas fou, mais qu'il était un grand homme ! 
On ne se borne pas à vanter les hautes qualités et les 
talents brillants qu'il aurait possédés, on incline à 
lui découvrir du génie. Loin d'avoir été pour ses 
sujets, une suite de cruelles épreuves, son règne aurait 
marqué, dans leur existence, une période d'activité 
particulièrement bienfaisante et féconde. 

M. K. Waliszewski, le savant historien de la Russie, 
qui ne voit pas en Paul I^^ le fou légendaire, trouve 
tout de même cette apologie un peu excessive; il remet 
les choses au point. Son livre bourré de documents 
soumis à une sévère critique, semé d'anecdotes curieu- 
ses, palpitant comme un roman, semble bien épuiser 
la question et mettre Paul l^r à sa vraie place, qui n'est 
ni le pil(ji'i ni le Panthéon. 



42 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



CHARLES SAMARAN 

D'Artagnan, capitaine des Mousquetaires du Roi. 
« Histoire véridique d'un héços de roman. » 

En lisant ce titre, j*ai éprouvé quelque inquiétude : 
« Allons, bon, me disais-je, voilà encore un gêneur qui 
va se mêler de démolir une légende et de nous raconter 
de froides et grises vérités. » 

Mes craintes n'étaient pas tout à fait justifiées : la 
vérité patiemment reconstituée par M. Samaran n'est 
ni froide ni grise : Charles de Batz-Castelmore, dit 
d'Artagnan, fut un fort joli officier, un brillant Cadet 
de Gascogne plein de ressources, un officier d'élite de 
Tancienne France; et ses véridiques aventures, ses 
débuts aux gardes, ses premières campagnes, son pas- 
sage aux mousquetaires, ses histoires de ménage, ses 
relations avec Fouquet, ses exploits comme gouver- 
neur de Lille, et sa mort héroïque au siège de Maes- 
tricht, ne manquent ni de grandeur, ni de panache. 
Leur récit emplit un volume qui vaut mieux qu'un 
livre d'histoire, qui serait digne presque d'être un 
un roman. 

Et puis, — M. Samaran le sait bien et il a le bon 
esprit de ne point s'en fâcher, — son livre une fois lu 
et soigneusement placé sur le rayon des études his- 
toriques que nous avons plaisir à conserver, nous 
retournerons bien vite à nos chers Mousquetaires ; nous 
reverrons ces héros familiers qui ne s'appellent ni 
Armand de Sillègue d'Athos d'Autevielle, ni Isaac de 
Portau, ni Henri d'Aramitz, mais bien réellement, 
éternellement, Athos, Porthos et Aramis, et nous 
retrouverons notre d'Artagnan national, le seul, le 
vai, celui de notre jeunesse ravie et transportée, 
celui d'Alexandre Dumas le père. 



FÉVRIER. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 43 

LÉO MOUTON 

Bussy d'Amboise et Madame de Montsoreau. 

Après d'Artagnan, voici la Dame de Montsoreau 
qui sort du roman pour entrer dans Thistoire. Un à un, 
sans doute, tous les héros d'Alexandre Dumas vont y 
passer : les historiens sont des gens décidément bien 
exigeants. Dans son livre sur Bussy d'Amboise et 
Madame de Montsoreau, l'impitoyable M. Léo Mouton 
démolit une à une toutes les belles histoires créées par 
la prestigieuse imagination du romancier. 

Bussy d'Amboise et la Dame de Montsoreau appa- 
raissent dans son livre, fort intéressant d'ailleurs, avec 
toutes les marques de la triste vérité; et c'est bien 
pénible, je vous assure,*de découvrir dans le ténébreux 
Montsoreau le modèle des époux, et dans l'ardente et 
belle dame dont nous fûmes tous un peu amoureux, 
une jeune veuve huguenote, prudente, coquette et 
avisée. Rien ne nous empêche d'ailleurs, même contre 
l'évidence, de rester fidèles à la légende du bon Dumas, 
et nous n'y manquerons pas. 



MAURICE BARRÉS 
Un Homme libre. 

(Nouvelle édition). 

Une nouvelle édition, l'édition définitive, de Un 
Homme libre vient d'être publiée, et j'ai relu avec 
infiniment de joie le livre fameux de M. Maurice Bar- 
rés; avec, aussi, un peu de mélancolie, car j'étais, en 
1890, un de ces rhétoriciens qui lisaient Verlaine et qui 
lisaient Barrés, au grand chagrin de M. Gréard, et je 



44 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

songe combien toutes ces choses sont loin déjà : nos 
enthousiasmes, nos colères et mon adolescence. Pas si 
loin cependant, puisque M. Maurice Barrés est encore 
là, encore jeune, puisque, si ingénieusement, si forte- 
ment, dans des gloses d'une infinie séduction, il relie le 
passé au présent, la culture du moi au culte de la race. 
C'est un régal, en vérité, cette préface de 1904 et cette 
réponse à M. Doumic : on ne saurait être plus délicieu- 
sement persuasif que M. Maurice Barrés, affirmant 
que les Déracinés sont la suite logique, fatale, néces- 
saire, de V Homme libre. 

Vous connaissez l'argument : dans VHomme libre, 
l'auteur adore son moi et le pare de sensations nou- 
velles ; dans les Déracinés, l'homme libre distingue et 
accepte son déterminisme, il éprouve le néant du moi 
jusqu'à prendre le sens social, car « nous sommes le 
prolongement et la continuité -de nos pères et mères, 
car c'est peu de dire que les morts pensent et parlent 
par nous : toute la suite des descendants ne fait qu'un 
même être ». 

Et si, malgré toute la séduction de l'écrivain, vous 
n'êtes point absolument persuadés, si vous persistez à 
voir quelque différence entre r« égotiste » de jadis et le 
nationaliste d'aujourd'hui, vous demeurerez d'accord, 
en tous cas, que nos enthousiasmes d'étudiants furent 
justifiés, que M. Maurice Barrés est un beau cerveau, 
et que VHomme libre est un magnifique livre. 



BATISTO BONNET 
Le « Bafle » Alphonse Daudet. 

(Traduction de M. Joseph Loubet.) 

Vous connaissez Batisto Bonnet, ce paysan du Midi 
en qui Alphonse Daudet découvrit un écrivain dont, 



FÉVRIER. HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. 45 

pour nous, il traduisit les œuvres et qu'il imposa à 
notre admiration. Vous saurez, après avoir lu ce livre, 
ce que c'est qu'un Baïle : c'est, nous dit Mistral, le bailli, 
c'est aussi le régent, le directeur, le père nourricier. 
C'est dans ce dernier sens, tendre et familial, qu'il 
convient de prendre le mot employé par Batisto Bon- 
net qui, dans son livre, apporte un hommage émou- 
vant et filial à la mémoire de son grand patron, de 
son bienfaiteur. 

Cet hommage, ce sont ses souvenirs : l'histoire de 
leur première rencontre, de leur amitié, de leurs tra- 
vaux, de la mort du grand écrivain; et c'est joli, dou- 
cement émouvant, baigné de lumière et de tendresse. 

Et je ne dois pas savoir encore à quel point ces 
pages sont attendrissantes et belles, car je ne peux les 
lire que dans la traduction, excellente d'ailleurs, de 
M. Joseph Loubet. En face de ces pages, le texte pro- 
vençal est imprimé, et je suis sûr que c'est bien supé- » 
rieur, et jamais je n'ai eu autant de regret de ne point 
pouvoir lire cette belle et somptueuse langue si colorée, 
si vibrante, toute pleine de soleil et de joie. 



CORNÉLIS DE WITT 

En pensant au Pays. 

M. Cornélis de Witt réunit, sous le titre : En pen- 
sant au Pays, des « notes, des impressions se rapportant 
à la vie morale de la France, à ses habitudes, à ses 
tendances, à ses transformations, depuis la grande 
secousse de 1870 ». Pendant ces quarante années, l'au- 
teur a passé dans l'armée, dans la politique, aux 
affaires; il a vu et observé beaucoup, et aujourd'hui, 
revenant eu arrière, « il interroge sa vie et celle de ses 
contemporains; il rappelle les milieux et les circons- 



46 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

tances ; il cherche la raison d'être des états d'âme et le 
mobile des actions ». 

Ces souvenirs sont intéressants, ces réflexions sont 
utiles parce qu'elles sont dominées par un ardent 
patriotisme, parce que sans cesse M. Cornélis de Witt 
« pense au pays » et parce qu'il est sincère envers lui- 
même et envers ses amis; ayant dans l'arène politique, 
notamment, donné et reçu des coups, il a acquis cette 
conviction « qu'il existe chez nous des possibilités, des 
nécessités d'entente et de groupement entre citoyens 
venus de tous les points de l'horizon, et c'est peut-être, 
nous dit-il, parce que sa génération ne l'a pas assez 
compris qu'elle a médiocrement servi le pays ». 



HENRI DAGAN 

L'art de gouverner d'après les Philosophes et les grands 
Hommes d'État. 

Conseils pour l'histoire de demain : M. Henri Dagan, 
en un gros volume, nous enseigne : L'art de gouverner, 
d'après les Philosophes et les grands Hommes d'État. 
Dans ces entretiens sur le gouvernement des peuples, 
il a mis à profit la sagesse de Platon et celle d'Aristote, 
les formules de Machiavel, les principes de Solon, les 
idées de Napoléon, et encore celles de Montesquieu, 
de Voltaire, de Mazarin, de Chateaubriand. « Y a-t-il 
de meilleurs conseillers que les morts? Outre l'expé- 
rience, ils ont une discrétion, un désintéressement, une 
franchise inégalables. Voilà pourquoi la lecture atten- 
tive du présent volume pourra être utile aux hommes 
de gouvernement. » 

L'auteur, d'ailleurs, ne prétend pas qu'il suffise de 
« posséder son ouvrage pour se maintenir au pouvoir 
et conduire l'État vers de hautes destinées ». H a bien 



FÉVRIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 47 

raison d'avoir tant de modestie, et aussi d'ajouter 
prudemment : que pour être vraiment précieux, « il 
faut que son livre tombe en de bonnes mains, car un 
mauvais esprit en fera toujours un mauvais usage; on 
sait qu'il n'y a ni art, ni science, dont les fripons ne 
sachent faire abus. » 



XAVIER PAOLI 



Leurs Majestés. 



C'est l'évocation de tous les grands de la terre qui, 
pendant près d'un demi-siècle, foulèrent l'asphalte de 
nos boulevards, racontés par un homme qui les vit de 
très près, alors que nous devions nous contenter de les 
regarder passer du haut d'une fenêtre où nous n'aper- 
cevions, dans le fracas des escortes guerrières, que 
leur apparence royale. 

Pour lui, pour ce grand Chambellan de la République, 
ces Empereurs, ces Rois, ces Princes et ces Reines 
furent des hommes et des femmes; il les connut inti- 
mement, fut souvent leur ami. L'impératrice Eli- 
sabeth d'Autriche, Alphonse XÏII, le Shah de Perse, 
Nicolas II, le roi et la reine d'Italie, Edouard VII, la 
reine Wilhelmine de Hollande, Léopold II, Georges 1^^ 
de Grèce, le roi du Cambodge, la reine Victoria d'An- 
gleterre, dont nous n'avons entendu que les harangues 
officielles, dont nous n'avons su que les promenades 
et les visites protocolaires, s'entretinrent familière- 
ment avec lui, ne dédaignant pas de lui faire leurs 
confidences et de se livrer même, parfois, en sa pré- 
sence, à des facéties de simples mortels. ^ 

Quelle mine d'anecdotes, que de traits curieux, 
divertissants et émouvants, quelle magnifique et 
savoureuse contribution à la petite histoire ! Je vou- 



48 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

drais vous conter quelques-uns de ces épisodes, vous 
redire quelques-uns de ces mots, mais, si je m'embar- 
quais dans des citations, je n'en sortirais plus, et les 
trois cent-cinquante pages de ce livre captivant y 
passeraient. 

Ajoutez qu'il est semé d'images amusantes, photo- 
graphies prises souvent par des kodacs royaux et qu'il 
est écrit en une langue délicieuse, preste, alerte, colo- 
rée, et précédé d'une préface infiniment spirituelle de 
notre ami René Lara, écrivain excellent et fin jour- 
naliste qui, dans ces lignes liminaires, trace de M. Paoli 
un bien joli portrait; il oublie seulement un peu trop, 
dans cette préface, de nous parler du collaborateur de 
M. Paoli, et cette omission, dictée par le scrupule d'une 
modestie excessive, est tout de même trop injuste 
pour que je n'essaye pas de la réparer et de restituer 
ici à René Lara sa part, sa grande part, dans le mérite 
de ce volume. 



OSTWALD 
Grands Hommes. 

(Traduction de M. Marcel Dufour.) 

M. Marcel Dufour, professeur à la Faculté de méde- 
cine de Nancy, traduit un bien curieux et troublant 
travail de M. Ostwald, professeur à l'Université de 
Leipzig sur les Grands Hommes. L'idée de cet ouvrage 
fut suggérée au savant par une question que lui posait 
un étudiant japonais au nom du ministre de l'Instruc- 
tion publique de son pays : « A quoi peut-on recon- 
naître de bonne heure les gens qui se distingueront 
plus tard? » 

Cette question avait un but éminemment pratique; 
le gouvernement japonais ayant l'intention de consa- 



FÉVRIER. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 49 

crer des sommes importantes à Téducation et au déve- 
loppement de jeunes gens qui pussent, plus tard, exécu- 
ter des travaux marquants et utiles au pays, voulait 
avoir une méthode aussi sûre que possible pour choisir 
ses sujets. 

Une méthode pour découvrir dans Tenfant, le grand 
homme de demain ! M. Ostwald, après réflexion, offrit 
la formule que lui suggérait son expérience de profes- 
seur, à savoir que, en principe, « les écoliers bien doués 
ne sont jamais satisfaits de ce que leur offre renseigne- 
ment ordinaire », et puis il s'adonna à cette passion- 
nante étude des grands hommes, de leurs origines et de 
leurs lendemains. 

Et c'est le résultat de cette étude à la fois scienti- 
fique et historique qu'il nous donne dans son ouvrage : 
il fait d'abord une très complète biographie de six 
savants-types : Davy, Mayer, Faraday, Liebig, Ger- 
hardt et Helmholtz et, ayant ainsi établi ses docu- 
ments, il essaie d'en tirer des conclusions pratiques, 
et de nous exposer comment il faut instruire les 
enfants pour que ceux dont le cerveau est prêt aux 
grandes choses, ne voient pas leur intelligence étouffée 
et banalisée. 

Et c'est d'un intérêt passionnant; c'est cruel aussi 
pour le savant devenu vieux et pour sa descendance, 
c'est cruel pour l'individu. Mais qu'importe, puisque 
l'espèce a profité du grand homme, lequel n'est qu'une 
résultante. 

Car l'ensemble de ses facultés existaient en puissance 
chez ses ancêtres; en choisissant donc à volonté les 
conditions préliminaires favorables chez les parents, 
on n'est pas sûr de produire un génie, mais on peut 
certainement augmenter ou diminuer dans de notables 
proportions les possibilités de sa production. 



50 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



MÉMENTO DU MOIS DE FÉVRIER 



ROMANS 

Applin. — Le Collier de perles. 

Beaume (Georges). — Les Vendantes. 

Cassot (Cécile). — Dompteuse. 

Chesterton (K.-G.). — Le Nommé Jeudi, un bien curieux et 
remarquable roman traduit de l'anglais par Jean Florence. 

Coupey (Auguste). — Imato rex Dei, un livre curieux et pitto- 
resque sur le roi des Tziganes. 

Danrit (Capitaine). — Alerte! 

Franc-Nohain. — Robin des Bois. 

Gâchons (Jacques des). — La Maison des Dames Renoir, une 
édition nouvelle illustrée avec beaucoup de talent par 
M. S. Macchiati. 

Gaubert (Léo). — Héloîse Bion. 

Gisors (Paul de). — Myrto dansante, « tablettes d'une amou- 
reuse ». 

Green (A.-K.). — Une étrange Disparition, roman mystérieux 
adapté de l'anglais par Hey worod. 

Hornung (E. W.). — Rafles, cambrioleur pour le bon motif, 
roman traduit de l'anglais par M. Henry Evie. 

Laftfn (André). — L'JËlève Gilles. 

Martin (Gabriel), r— Voilà la Femme, «gammes sur tons savou- 
reux et amers ». 

Morrison (Arthur). — Les Enquêtes du prestigieux Hewitt,Tomai.n 
adapté de l'anglais par MM. SaVine et Georges Michel. 

Orczy (E.). — Le Meurtre de Miss Helliot, roman adapté de 
l'anglais par M. J. Joseph-Renaud. 

Saint-Edme (Georges et Reine). — Sillage d'azur. 

Sales (Pierre). — Coqueluche I^^. 

Steele (Jack). — Un Mari par procuration, roman traduit par 
M. Robert d'Agés. 

Trilby. — La Transfuge. 

Val (Charles). — L'Essai, « De l'amour au mariage ». 

Wells (H. G.). — Anne Véronique, roman traduit de l'anglais 
par MM. Davray et Kozalaewicz. 

Willy et Colette Willy. — Claudine s'en va (édition définitive). 



ÉMENTO DU MOIS DE FÉVRIER 51 



HISTOIRE. — LITTERATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Baldensperger (F.). — Alfred de Vigny. Ce livre n'est pas une 
biographie du poète, une de ces études qu'on intitule : « la 
vie et les œuvres » ; c'est une contribution à sa biographie 
intellectuelle, c'est la recherche ingénieuse et patiente du 
sens véritable de ses œuvres. H a semblé à M. Baldensper- 
ger « que plusieurs coupes transversales, si l'on peut dire, 
pouvaient aider à cette connaissance plus précise de l'œu- 
vre de Vigny : elles procèdent de méthodes assez diverses, 
qui vont de la recherche des influences littéraires à l'essai 
de synthèse sur un sujet donné ». 

B^chet (Jacques). — La Peinture flamande. 

Braille (Frédéric). — Pages d'automne, poésies. 

Baye (Baron de). — U Épopée de Smolenak en 1812. La véné- 
rable cité russe méritait cette évocation. Outre le prestige 
qu'elle doit à la nature, au cadre magnifique qui l'entoure, 
aux somptueux monuments qui la parent, elle a, dans l'his- 
toire du monde, une destinée bien curieuse et bien émou- 
vante : par deux fois, à deux siècles de distance, en 1611, 
puis en 1812, elle a joué dans l'histoire de la Russie, et 
dans celle de l'Europe tout entière, un rôle prépondérant. 
Et c'est ainsi qu'en évoquant cet héroïque siège de 1611 
qui permit au peuple russe de prendre conscience de son 
vmité, et cette bataille de Smolensk de 1812, défaite annon- 
ciatrice de la victoire et de la délivrance, M. le baron de 
Baye n'a pas seulement fait de l'histoire locale, il a écrit 
une page émouvante de l'histoire du monde. 

Bellet et W. Darvillé. — Les plus grandes Entreprises du Monde, 
un livre orné de fort belles et passionnantes images où 
notre temps avec ses grands travaux modernes n'appa- 
raît point indigne de l'antiquité avec ses plus vastes 
entreprises. 

Berteval (W.). — Le Théâtre d'Ibsen, une étude profonde, 
savante et passionnée. 

Binet-Sanglé (D'). — La Folie de Jésus, un livre où l'auteiir 
continue de soutenir sa thèse fameuse : il affirme notam- 
ment que les juges de Jésus ne furent ni des criminels, ni 
des déicides, mais qu'ils ont tout bonnement commis une 
erreur judiciaire fréquemment encore commise de nos jours. 
Comme c'est simple ! 

Bloy (Léon). — Vie de Mélanie, bergère de Salette, écrite par 
elle-même en 1900; son enfance (1831-1846). 

Bonnefon (Jean de), — Dans les Débris et sur les Ruines. 

Bouchaud (Pierre de). — Les Poésies de Michel-Ange Buonar- 
roti et de Vittoria Colonna, un fort savant « essai sur la 
lyrique italienne du xvi® siècle », étude fort remarquable, 
résultat du labeur de longues années. 

Brégand (Georges). — La Route d'azur, poésies. 



52 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

Cantacuzène (Charles- Adolphe). — Les Adorables Coïncidences. 

Chantavoine. — Pages romantiques de Liszt. 

Colomb (Félix). — UAme éparse. 

Cromieux (M^^e Mathilde G.). — Lettres choisies de Robert Schu- 
mann (traduction du second recueil.) 

Croze (Austin de). — La Chanson populaire de l'île de Corse, un 
folk-lore ignoré jusqu'ici, l'un des plus émouvants, des 
plus colorés, des plus originaux qui soient. 

Cruck (Eugène). — L'Eternel Ephémère, poésies. 

Darvillé (W.). — Voir Bellet. 

Delahache (Georges). — Un Ennemi du Cardinal « Collier ». 
L'auteur qui a publié naguère cette Carte au liseré vert, 
document si émouvant, si instructif, sur les origines de la 
Guerre de 1870, apporte aujourd'hui une bien précieuse 
contribution à l'Histoire de la Révolution en Alsace, en 
nous racontant les luttes soutenues à Saverne par un maire 
ardent et tenace contre le cardinal de Rohan, que l'affaire 
du collier avait rendu si fâcheusement célèbre. C'est tm 
livre du plus vif intérêt, un chapitre palpitant de cette 
histoire locale qui, bien souvent, éclaire la grande histoire ; 
c'est aussi une évocation émouvante et tendre de la terre 
d'Alsace. 

Delattre. — Robert Herrick et la poésie lyrique en Angleterre au 
XVII^ siècle. 

Derieux (Florent). — Sur le tombeau de Chateaubriand, des vers 
enflammés, écrits pour consoler « René » des appréciations 
de M. Jules Lemaitre. 

Faguet (Emile). — La Tragédie française au XVI^ siècle, une 
évocation éloquente et magistrale de cette tragédie fran- 
çaise, « œuvre ingénieuse et forte d'une peuple plus sensé 
que passionné, plus épris de logique, de clarté et d'ordre 
que d'imagination, qui compose plus qu'il n'invente; du 
peuple enfin, qui, tout en étant très artiste, a mis le plus 
de raison dans son art ». 

Félix (capitaine Pierre). — La Concentration nationale. 

Frémeaux (Paul). — Les derniers jours de V Empereur (nouvelle 
édition). 

Girod (J.-B.). — Petits poèmes doux et cruels. 

Guinot (Henri), — Au détour du Chemin, poésies. 

Hachet-Souplet (P. ). — La Genèse des Instincts. 

Hallays (André). — En flânant à travers la France, une évoca- 
tion délicieuse et ensoleillée de la Provence. 

Henriot (Emile). — Vignettes romantiques et Turqueries. 

Hesse (Raymond). — Les Criminels peints par eux-mém^es. L'au- 
teur se propose, dans son étude, de faire connaître la psy- 
chologie des criminels à l'aide des documents qu'ils nous 
ont laissés. Ces documents, vers, prose, lettres intimes, 
sont d'un bien curieux intérêt : le détestable et l'ignoble 
n'y dominent pas toujours; on y cultive la petite fleur 
bleue, on s'y attendrit — sur son sort généralement ! — et 
c'est tour à tour : Anastay, Peugnez, l'assassin de Charen- 
ton; Pranzini, Prado, Vacher, le tueur de bergères; Soleil- 
land, Ravachol, Eyraud, que sais-je encore ! M. Raymond 



MÉMENTO DU MOIS DE FÉVRIER 53 

Hesse, à l'aide de ces documents, range ses criminels par 
catégories; en des commentaires lumineux, il les explique 
et il nous donne le sens social de son travail : « Pour bien 
soigner un malade, dit-il, il faut commencer par le bien 
connaître; pour lutter contre le crime, il faut, avant tout, 
en chercher l'origine. » 

Joussain (André). — La Pensée et le Désir, poésies. 

Ladurelle (Paul). — Au Pays lorrain, poèmes. 

Latour (François). — Les Grèves et leur réglementation. 

Lautrec (Vicomtesse de). — La Révolte, poésies féministes. 

Lecîercq (Jules). — Voyage à Vîle Majorque. Ce n'est point seu- 
lement un récit de voyage, c'est une page captivante d'his- 
toire littéraire, car M. Jules Lecîercq ne s'est point contenté 
d'évoquer, en des pages colorées, vivantes et lumineuses, 
la perle de la Méditerranée, la reine des Baléares, ses mer- 
veilleux paysages, ses sites enchanteurs ; il a su également 
nous raconter, chemin faisant, tout liaturellement, sans 
nulle pédanterie, son histoire ; il a retrouvé là l'impérissable 
souvenir de George Sand et de Chopin, et il nous raconte 
en des pages d'un bien vif intérêt le séjour de Notre Dame 
de Nohaijt et du divin musicien à la chartreuse de Val 
demosa. 

Lémonon (Ernest). — L'Europe et la politique britannique 
(1882-1911), une nouvelle édition de ce savant ouvrage pré- 
cédée d'ime préface de M. Paul Deschanel. 

Letalle (Abel). — Palettes d'Artistes. On peut apprendre bien 
des choses, en regardant la palette d'un peintre ; on peut 
pénétrer le secret de quelques belles couleurs, en découvrir 
la composition, en discerner les mélanges. C'est un noble 
travail de suivre ainsi les différentes manifestations de cette 
chimie, et on apprend à mieux connaître des maîtres tels 

Sue : Bonnat, Chaplin, Corot, Chéret, Détaille, Gustave 
>oré, Puvis de Chavannes, Stevens, Ziem et tant d'autres, 
en regardant leur palette, dont M. Abel Letalle nous offre 
la plus minutieuse et la plus pittoresque description. 

Lourdelet (Ernest). — Vers la Rive inconnue, poésies. 

Lubac (Jean). — La Valeur du spiritualisme, un volume qui 
atteindra son but si ceux qui le lisent sont incités à regar- 
der au plus profond d'eux-mêmes : l'euteur est prêt à se 
contenter de ce succès : « Une bonne action, dit-il, vaut 
mieux qu'un beavi livre. » 

Magne (Emile). — Voiture et les Années de gloire de l'Hôtel de 
Rambouillet. 

Marichal (Jean). — Le Verger d'amour, poésies. 

Maiie (Charles). — Odes. 

Matte (Louis). — En marge du Baedeker, des notes pittoresques 
et coloriées écrites en Italie, en Grèce, en Norvège, en 
Orient. 

Maurel (André). — Quinze jours à Naples, un bien joli volume 
édité avec beaucoup do goût, orné de ravissantes images. 
Et c'est en même temps "qu'un ouvrage charmant et litté- 
raire, un guide bien précieux qui permet de se retrouver 
dans Naples et de retrouver toutes les Naples abolies, si 



54 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

nombreuses et si diverses, « et la Naples d'hier et celle d'au- 
jourd'hui, ses églises, ses musées ». 

Mélia (Jean). — Stendhal et ses Contemporains. 

Michel (Dr Évariste). — Chateaubriand, « interprétation n édico- 
psychologique ». 

Nansouty (Max de). — Actualités scientifiques, un de ces livres 
où l'auteur sait si bien mettre la science à notre portée, la 
rendre désirable et facile ; grâce à lui, nous nous promenons 
à l'aise parmi les mystères de l'aviation, de la physique et 
de la chimie ; nous devenons, tour à toiu-, et tout à la fois, 
constructeur et mécanicien, maîtres de forges, nous pre- 
nons beaucoup de plaisir et, en dépit de notre frivolité, nous 
finissons bien par apprendre quelque chose. 

Nesselrode (A. de). — Vers à chanter, Rimes à dire. 

Niichter (D^" Friedrich). — Albert Durer (traduction de 
M'"^ Tauber-Rossignol). M. Salomon Reinach présente ce 
livre, orné de magnifiques images, en une préface où il 
nous dit combien il est précieux d'étudier l'œuvre de Durer: 
« elle ne doit pas seulement instruire mais édifier, elle doit 
servir d'antidote à nos penchants fâcheux, à la paresse, au 
relâchement, à la fausse élégance. Celui qui s'en spra péné- 
tré de bonne heure ne sera p^s nécessairement un artiste, 
mais il aura fait provision de force et de santé dans la 
lutte toujours ouverte contre les causes et les symptômes 
de dégénérescence : la veulerie et la mièvrerie ». 

Pailhès (G.). — La Duchesse de Duras et Chateaubriand, 
« d'après des documents inédits ». 

Pellissier (Georges). — Le Réalisme du romantisme. Cette étude 
possède, entre autres, l'originalité de ne point attaquer ce 
pauvre romantisme si durement malmené et chargé de 
tous les péchés d'Israël; son auteur estime que les roman- 
tiques peuvent, sans méprise, mvoquer la nature contre 
leurs adversaires, non seulement contre les pseudo-clas- 
siques, mais contre les classiques du xvii^ siècle. 

Perceval (Ch.). — Mélanges poétiques. 

Pereire (Alfred). — Autour de Saint-Simon. 

Perier (Joseph). — La Danseuse tragique, poème antique en 
six chants. 

Perréoux (Roger). — Les Ombres, poésies. 

Reboul (Lieutenant-Colonel F.). — Les préliminaires de la 
Campagne de 1813 : le commandement du Prince Eugène 
(16 janvier-28 février). 

Ripert (Emile). — La Terre des Lauriers, poèmes. 

Rives (Pierre). — Contes et légendes des plus jolis pays de France ; 
et c'est La légende des grottes de La Balme, recueillie aux 
environs de Grenoble et de Lyon ; celle des Sabots de Vénus 
trouvée entre Uriage et la Grande-Chartreuse. 

Rivière (Jacques). — Etudes, consacrées à Baudelaire, Paul 
Cladel, André Gide, Ingres, Cézanne, etc. 

Saint-Maurice (Comte de). — Les Instruments modernes de la 
Politique étrangère : les Emprunts d^Etat. L'auteur offre son 
livre à M. Poincaré qui, dans sa récente déclaration, affir- 
mait l'importance de notre puissance financière aussi utile 



MÉMENTO DU MOIS DE FÉVRIER 55 

à notre défense dans le monde que notre armée et notre 
marine. Le comte de Saint-Maurice développe magistra- 
lement cette thèse incontestable dans son livre où il exa- 
mine le rôle de la France comme banquier du monde, et où 
il se propose d'étudier tour à tour les garanties financières 
qu'offrent chacun des Etats qui ont recours aux capitaux 
français. Dans le premier volume, qui vient de paraître, 
il étudie à ce point de vue la Russie, le Danemark, la Fin- 
lande, la Norvège et la Suède. 

Sangnier (Georges). — Lettres inédites de Sainte-Beuve à Char- 
les Labitte (1834-1845). 

Staffe (Baronne). — Développement des facultés morales pour 
jeunes gens et jeunes filles (nouvelle édition). 

Wyzewa (T. de). — Un dernier Amour de René avec la marquise 
de F... 



MARS 



LES ROMANS 



J.-H. ROSNY aîné 

La Mort de la Terre. 

Cest une merveilleuse et terrifiante histoire, la plus 
belle, la plus profonde, la plus poignante que nous ait 
donnée encore cet écrivain. Elle se passe fort en avant 
de nous, dans quelques milliers de siècles : c'est une 
« anticipation », mais très différente de celles de Wells, 
plus proches de nous, plus joviales, où les hommes nous 
ressemblent comme des frères. 

Celle de M. J.-H. Rosny aîné nous transporte bien 
plus loin, à quelques milliers de siècles, en un temps où 
depuis cinq cents siècles les eaux se sont presque entiè- 
rement retirées de la surface planétaire, où les hommes, 
les « derniers hommes » n'occupent plus que des îlots 
dérisoires, des oasis. Ces oasis elles-mêmes disparais- 
sent peu à peu dans des secousses sismiques qui taris- 
sent les dernières sources. Il n'en reste plus que trois : 
les « terres rouges », les « hautes sources » et'« dévasta- 
tion », et, dans ces trois oasis les derniers hommes sont 
réunis, attendant la fin du monde avec une tristesse 
farouche et calme. 



MARS. LES ROMANS 57 

Après trente mille ans de luttes, leurs ancêtres ont 
compris que le minéral vaincu pendant des milliers 
d'années par la plante et la bête prenait une revanche 
défmitivp. Ils ont compris que l'humanité devait périr 
par la sécheresse, et tous ils se sont résignés, tous, sauf 
un, Targ, qui aime la belle Éré et qui voudrait vivre. 
Il accomplit des prodiges surhumains pour retrouver 
l'eau souveraine ; mais ses efforts, un instant couronnés 
de succès, demeurent vains : il voit disparaître ses der- 
niers compagnons, sa bien-aimée, et enfin il n'y a plus 
qu'un seul homme sur la terre, et cet homme, las de 
lutter, s'étend dans l'oasis; c'est la fin, et c'est la « mort 
de la terre ». 

Je ne puis vous exprimer tout ce qu'il y a de noblesse, 
de grandeur dans ce roman rapide, poignant, formi- 
dable, où les hommes et les choses sont si fantastiques, 
si prodigieux, si différents de nous, évoqués cependant, 
décrits par M. J.-H. Rosny aîné avec une minutie scru- 
puleuse, inflexible; on ne saurait mettre plus de vérité 
dans l'imagination : c'est du merveilleux scientifique, 
et c'est vraiment une très belle chose. 



LÉON DAUDET 



Ceux qui montent. 



Dans ce « roman contemporain », M. Léon Daudet 
évoque le grand drame encore secret, et cependant 
visible, latent, et pourtant formidable qui vaut non 
seulement pour Montmartre, mais encore pour Paris 
tout entier, les principales villes et les grands bourgs 
de France, et qui pourrait s'intituler : « l'Irruption de 
la génération nouvelle. » Cette génération, M. Léon 
Daudet la voit accomplissant la même évolution que 
lui, gagnée aux idées qui sont les siennes. 



58 LÉ MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Ce n'est pas ici le lieu de discuter s'il a raison ou 
tort; dans cette rubrique ignorante — heureusement 
pour elle ! — de la politique et de ses luttes, c'est seu- 
lement le livre en soi, dépouillé de toute signification 
polémique qui importe; or, il est très intéressant : 
l'aventure de Jean Fahin, le fils du terrassier socialiste, 
et de Marie Aulnier, sa voisine de la place du Tertre, 
aventure qui commence dans l'idylle et finit dans le 
drame tragique de la Révolution, est tout à fait atta- 
chante ; elle évoque sous nos yeux des tableaux grouil- 
lants de vie, où s'agite la jeunesse des faubourgs, ivre 
de passion, de colère, d'enthousiasme, et qui sont sou- 
vent fort impressionnants, telle l'exécution de certain 
mouchard condamné par les jeunes royalistes qui appli- 
quent à ce jugement sommaire, rapidement suivi d'une 
pendaison, les procédés habituels aux terroristes de 
l'anarchie. '■' 1 

M. Léon Daudet a fait là, je l'ai dit, un roman de 
teudance : il a volontiers prêté toutes les vertus aux 
personnages qui représentent ses idées, et imputé toutes 
sortes de vilenies et de crimes à ses adversaires, mais 
du moins, il ne nomme pas ces derniers : ce sont des 
entités qu'il malmène, et j'aime joliment mieux cela, 
car je crois toujours qu'il y a place, même au plus fort 
de la bataille des idées, pour le respect des personnes, 
la tolérance, et autres vieilles guitares répudiées pai' 
nos jeunes gardes, mais qui ne seraient peut-être pas 
inutiles au bien-être et à la renommée de notre pays. 



RENÉ BAZIN 

Davidée Birot. 

Daçidée Birot est un livre bien pensant, et j'emploie 
cette épithète sans aucune arrière-pensée, comme 



MARS. LES ROMANS 59 

j'avais employé jadis, à propos d'un roman du même 
auteur, celle d'édifiant, qu'il prit, à juste titre, pour un 
compliment, se félicitant d'édifier en une époque où 
tant de gens s'occupent à démolir. 

Donc M. René Bazin poursuit dans son nouveau 
livre un véritable apostolat; il exalte l'idéal chrétien en 
butte aux persécutions laïques, et ceux-là mêmes qui 
ne partagent point ses idées devront s'incliner devant 
son ardente et simple sincérité. Ils apprécieront aussi 
l'intérêt de ce roman aux lignes harmonieuses, à l'allure 
intime et familière. 

M. René Bazin a situé le conflit dans le cadre où il se 
poursuit le plus âprement, le plus douloureusement, 
sur le dos — sur l'âme — des pauvres innocents : à 
l'école. Davidée Birot est une jeune institutrice 
adjointe, fille d'un penseur libre, farouche, ancien tail- 
leur de pierres qui est devenu riche et qui exerce une 
redoutable influence politique. 

Elle a donc, vous voyez, tout ce qu'il faut pour réus- 
sir; seulement, l'éducation reçue a produit des effets 
inattendus : cette institutrice laïque est chrétienne pro- 
fondément, et elle se signale à la vindicte par une fré- 
quentation assidue à l'église et par son dévouement à 
certaine petite déshéritée de sa classe, la pauvre Anna 
Le Floch, qui se meurt de sa situation douloureuse entre 
sa mère Phrosine et un homme qui n'est pas son père, 
Maïeul Jacquet. Davidée ne parvient pas, malgré ses 
efforts, à sauver cette enfant, mais du moins, courageu- 
sement, bravant tous les périls, elle aura sauvé une 
âme, celle de Maïeul Jacquet, ramenée par elle à la foi 
et elle aura aussi, à la suite de péripéties émouvantes, 
assuré leur bonheur à tous les deux, car il l'aime et ils 
s'épouseront. 



60 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

CHARLES GÉNIAUX 

Le Choc des Races. 

M. Charles Géniaux est un écrivain tout à fait inté- 
ressant, un de ces romanciers manieurs de foules qui, 
à la faveur d'une histoire particulière, d'une anecdote 
attachante, savent évoquer de grands drames collec- 
tifs, des conflits de yaces. Le roman qu'il vient de 
publier est d'une grande envergure : sur la terre tuni- 
sienne où se mêlent et se heurtent les religions et les 
peuples, il a illustré le Choc des Races par une histoire 
dont les héros sont des Français, des Italiens, des Espa- 
gnols, des mahométans ; et, dans un conflit d'amour vio- 
lent, dramatique, qui surgit entre une chrétienne et 
un mahométan, entourés de colons français, d'ouvriers 
siciliens, il a synthétisé cette guerre sourde qui, par- 
fois, comme en novembre dernier, éclate terriblement. 

C'est dramatique, poignant, inquiétant : je ne suis 
pas assez au courant de ces questions pour savoir si 
M. Charles Géniaux voit juste; mais, ce dont je suis 
sûr, c'est qu'il a raison de croire que les tendances de 
son livre ne satisferont complètement aucune des races 
en contact dans l'Afrique française : il ne sera sans 
doute approuvé par personne; il est juste de noter en 
passant que c'est le sort commun de ceux qui préten- 
dent dire la vérité à tous. En tout cas, il nous aura 
donné un fort remarquable roman. 



MATILDE SERAO 
Le Songe d'une Nuit d'Amour. 

(Traduction). 

La traduction des nouvelles de Matilde Serao, grou- 
pée sous ce titre, est pittoresque, heurtée, d'une forme 



MARS. LES ROMANS 61 

parfois un peu étrange, mais qui a le mérite de laisser 
.1 ces pages leur intense et puissante originalité. Je les 

ii lues avec une émotion profonde, ces histoires 
d'amour, qui se déroulent souvent dans Tardent soleil 
de Naples ou sous le doux ciel- de Venise, J'y ai retrouvé 
co mélange de poésie frénétique et passionnée et do 
léalité grise et résignée qui est la marque si curieuse, 

i personnelle du talent de M"^^ Matilde Serao. 

Et ce sont des rêves ardents, des espoirs merveilleux, 
dos ascensions magnifiques vers des régions de gloire et 
de passion, et puis des chutes dans de décevantes et 
mornes réalités. Et c'est « le songe d'une nuit d'amour » 
qui entraîne certain jour Jean et Marie vers la haute 
mer, en une promenade ardente et langoureuse, sans 
lendemain, car, malgré l'amour avoué de Marie, Jean 
retournera tristement vers l'infidèle dont il est le mar- 
tyr et le jouet. Et c'est « l'Amour manqué » de Chec- 
< hina pour le beau marquis d'Aragon dont jamais elle 
n'osera franchir le seuil. Et c'est « le Pèlerin passionné » 
Vttilio Franco, qui retrouve Rosina, l'aimée d'autre- 
fois, mariée à un homme qu'elle n'aime pas, mais per- 
due pour lui qu'elle n'aime plus. Et tant d'autres his- 
toires d'amour et de déception, enivrées, ardentes et 
mélancoliques, d'une magnifique et généreuse poésie, 
d'une psychologie pessimiste et impitoyable. 



ANDRÉ LIGHTENBERGER 

Petite Madame. 

M. André Lichtenberger qui nous avait charmés 
naguère avec les visages du « Petit Trott », de la « Petite 
Une » et de « notre Minnie », petits garçons et petites 
filles évoqués avec infiniment de gentillesse et de pers- 
picacité, nous présente aujourd'hui la Petite Madame. 
Lo jeune Trott, ou quelqu'un de ses camarades, a 



62 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

poussé : il est devenu un beau garçon de vingt-cinq 
ans avec, au-dessus de la lèvre, une ombre de mous- 
tache qui ne demande pas mieux que de devenir triom- 
phante; il s'appelle Jacques Darlaud, et il est chef 
adjoint de service à la Banque Lyonnaise, la plus pari- 
sienne de nos institutions de crédit. De son côté, notre 
Minnie, à moins que ce soit la petite Line, a grandi en 
taille, en sagesse et en beauté : elle est devenue une 
ravissante jeune fille de vingt ans, elle s'appelle Geor- 
gette Gannet. 

Ces deux jeunes gens se sont mariés, et M. André 
Lichtenberger nous raconte les premiers pas dans la vie 
de Jacques et de Jotte — c'est le nom familier de Geor- 
ge tte — les deux gentils époux qui se tiennent tendre- 
ment enlacés. Et c'est le retour du traditionnel voyage 
aux lacs italiens, le premier contact un peu rude avec 
la belle-maman revêche et le beau-père résigné, l'entrée 
en ménage, les débuts de Jotte comme maîtresse de 
maison, le premier dîner, les premières discussions — 
de toutes petites discussions sans larmes et qui se 
résolvent vite en un baiser — et puis enfin, la naissance 
d'un bébé qui, despotiquement, va mettre le point 
final au premier chapitre de l'existence de Jacques et 
de Jotte, au chapitre de « l'insouciance fringante et de 
la jeune fantaisie ». 

Et c'est tout à fait gracieux et joli, d'une puérilité 
charmante, doucement, légèrement émouvant, et 
Jotte est vraiment une bien mignonne petite Madame, 
toute gentille, toute candide et très vraie. 



PIERRE GUITET-VAUQUELIN 

La Force du Doute. 

M. Pierre Guitet-Vauquelin évoque, dans son roman, 
une tragédie latente: il met à nu la genèse «de souf- 



MARS. LES ROMANS 63 

frances pudiques qui minent un être », et, malgré les 
craintes qu'il exprime dans sa préface, « cette œuvre 
patiente et triste de dissection » passionnera, je crois, 
le lecteur. C'est qu'il est en réalité peu de drame plus 
poignant que celui du doute s'infiltrant sournoisement 
dans un cœur; à ce mal il n'y a pas de remède; lorsqu'il 
a pénétré dans la place, la place est perdue et tout doit 
s'écrouler. 

L'histoire de Jacques Elbeuse, le grand écrivain, et 
de sa femme Daisy, est un de ces drames du doute, né 
d'un hasard, d'une circonstance malheureuse, et que 
rien désormais n'arrêtera plus dans son œuvre de des- 
truction. Je ne vous raconterai pas ce drame tout en 
nuances : il vous paraîtrait, dans cette rapide analyse, 
trop simple et même artificiellement combiné en vue 
d'une thèse, alors qu'en réalité rien n'est plus vrai, plus 
humain que cette tragédie intime. 



JEAN BERTHEROY 

Le Frisson sacré. 

Le nouveau livre de M"^^ Jean Bertheroy est un 
(( roman moderne »; ses héros ne portent ni l'ample toge 
des Latins ni les robes somptueuses de l'antiquité orien- 
tale; ils sont vêtus comme de simples bourgeois de nos 
jours. Vous trouverez cependant parmi eux une jeune 
fille tout à fait digne des héros antiques de Jean Ber- 
theroy : elle n'a pas l'habit d'une Romaine, mais elle 
i n a l'âme. C'est Hélène Nortillet, l'une- des filles du 
\ ioux professeur à la Faculté des lettres d'Aix, qui fut, 
' omme ses sœurs, élevée très pratiquement, très bour- 
geoisement. Ses parents savent ce qu'il en coûte d'être 
un artiste : le grand-père, sculpteur au génie incompris, 
;f fait vivre à sa fille, M'"^ Nortillet, une vie de misère, 
(raniroissf's et de privations.'' 



64 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

La sœur aînée d'Hélène s'est mariée sagement avec 
Gustave Ducroc, Hélène est aimée de son beau-frère, 
Georges Ducroc, qui ne lui déplaît pas et Tépousera 
sans doute bientôt. Mais la visite d'un sculpteur célè- 
bre, Laurent Cerisier, ami du grand-père, éveille tout 
à coup en elle la vocation héréditaire : elle suit Laurent 
à Rome, le « frisson sacré » l'a saisie. Elle va travailler 
avec acharnement, non sans garder, fervent, le souvenir 
de Georges à qui elle promet d'appartenir lorsqu'elle 
sera devenue une grande artiste. 

Et elle y réussit au bout de quelques années : elle 
expose un chef-d'œuvre qui la rend célèbre, mais ce 
« frisson sacré » qui lui a donné la gloire va lui prendre 
la vie; ce frisson sacré, il est devenu, plus prosaïque- 
ment, la fièvre paludéenne, dont elle meurt en pleine 
jeunesse, en pleine apothéose. « Elle a cueilli le laurier 
noir de la Parque, en même temps que le laurier vert 
du triomphe », et l'on inscrit sur sa tombe, dans le cime- 
tière de Rome, cette épitaphe : « Ne dérangez pas son 
dernier sommeil : elle avait l'âme d'une jeune Romaine 
et ses mânes ont retrouvé ici leur véritable patrie. » 



EMILE HENRIOT 

L'Instant et le Souvenir. 

« 
Ce livre est le premier roman du jeune écrivain dont 
j'ai salué naguère les délicats poèmes. J'étais bien 
assuré d'avance que ce ne pouvait pas être une œuvre 
indifférente, je me doutais aussi que je trouverais dans 
ce livre, non seulement des raisons de me réjouir et de 
louer, mais aussi quelque sujet d'irritation : la délica- 
tesse, la subtilité de M. Emile Henriot vont souvent 
dans ses poèmes jusqu'à l'afféterie, et il était bien pro- 
bable que nous retrouverions dans son roman ces qua- 
lités et aussi ces défauts aggravés par la prose. 



MARS. — LES ROMANS 65 

Mon attente n'a pas été trompée : le roman de 
M. Emile Henriot est une œuvre charmante, toute 
pleine de talent, où l'auteur nous conte l'aventure de 
Georges Varieux, un jeune homme qui aurait été, il y 
a cinquante ans, un romantique, mais qui, étant du 
vingtième siècle, cultive l'égotisme et se penche éper- 
dument sur soi-même. Sa destinée est d'ailleurs déplo- 
rable : il frôle le bonheur avec Marie-Rose, avec Célia; 
il l'atteint, semble-t-il, en épousant enfin Suzanne 
Chatel, mais pour le perdre presque aussitôt et voir 
disparaître en même temps sa jeune femme et l'espoir 
de sa postérité. 

Ses aventures pourraient être émouvantes, elles le 
sont même; seulement, il ne nous est pas possible de le 
plaindre du fond du cœur, et la raison c'est, je vous le 
dis tout bas, que ce garçon trop souvent nous porte sur 
les nerfs : il se regarde trop, il s'intéresse tellement à 
lui-même que nous nous demandons s'il est bien utile 
que nous aussi nous nous intéressions à lui. 

M. Emile Henriot a d'ailleurs jugé lui-même son 
héros avec beaucoup de finesse et d'esprit : il dit, à 
M. Jacques Boulenger, dans sa dédicace : « Si vous 
jugez un peu sévèrement, comme je le crains, le mal- 
heureux garçon qui se raconte ici, songez, je vous prie, 
qu'il serait à plaindre, si la pitié n'était pas détestable 
et vaine. » Et nous prenons l'auteur au mot : son héros 
nous paraît pitoyable et intéressant, seulement, nous 
ne le plaignons pas : il a trouvé d'ailleurs, en M. Emile 
Henriot, un historiographe plein de talent, qui écrit 
une langue excellente et dont il est permis d'espérer 
beaucoup. 



66 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRÇ 

M^e j. DELORME-JULES-SIMON 

Plutôt souffrir. 

M^^ J. Delorme- Jules-Simon pose ici un problème 
de conscience depuis longtemps résolu par l'unanimité 
des praticiens, mais qui ne cesse pas de passionner et 
d'inquiéter l'humanité souffrante : un médecin, en face 
d'un malade en proie à des souffrances abominables, 
et condamné sans recours, a-t-il le droit d'abréger son 
martyre? L'humanité répond : oui! Les médecins 
répondent : non ! Leur rôle est de défendre jusqu'au 
bout, contre tout espoir, la vie de leur malade, car la 
nature a des mystères insondables, et le médecin le 
plus savant, le plus sûr de lui, doit compter avec le 
miracle. 

Et pourtant, le docteur Chenove, tendrement épris 
de sa femme Madeleine, ne peut supporter le spectacle 
de ses souffrances. Après avoir tout fait pour la sauver, 
certain de son impuissance devant un cancer inopé- 
rable, il a obéi à ses déchirantes supplications : il a 
doublé, il a triplé les doses de morphine secourable et 
mortelle... 

Quelques années plus tard, à la suite de circons- 
tances romanesques, il s'est fiancé à une belle et noble 
femme, Denise, qui, elle aussi, a été atteinte du terrible 
mal; mais consciente de sa misère, courageuse, résolue, 
elle lui a demandé tout de suite de ne pas écouter ses 
plaintes, de lui laisser vivre sa vie douloureuse jusqu'au 
bout. Et contre tout espoir, contre toute vraisemblance, 
le diagnostic des médecins et des chirurgiens se trouve 
en défaut, et Denise, miraculeusement, est sauvée. 
Alors, Chenove, est épouvanté à l'idée que jadis il a 
peut-être commjs un crime; il se désespère et il se don- 
nerait la mort si le propre père de Madeleine n'inter- 



MARS. — LES ROMANS 67 

venait pour lui donner rabsolutioii et pour le jeter dans 
les bras de Denise. 



GEORGES- SOULIÉ 

Lotus d'or. 

C'est un roman chinois fort célèbre, dont M. Georges 
Soulié nous offre la très curieuse adaptation. L'auteur 
a, de son mieux, francisé son roman : il a réduit à un 
volume le texte huit ou dix fois plus considérable; il a 
supprimé des passages un peu trop licencieux, il a 
remanié les chapitres, et il a su, malgré tous ces arran- 
gements, conserver au livre une saveur, une couleur 
extraordinaire. Il nous avertit en outre que, depuis 
le XVII® siècle, pendant lequel fut écrit ce roman 
célèbre, les mœurs, les caractères et les hommes n'ont 
guère changé en Chine; ainsi, c'est la vie chinoise tout 
entière d'aujourd'hui, qui passe devant nos yeux; à 
chaque page, on croit reconnaître une personne que 
l'on a rencontrée, on entend une phrase que l'on a déjà 
écoutée, à condition, bien entendu, d'être allé faire un 
tour dans le « pays charmant ». 

J'ai pris un vif plaisir à ce récit dramatique et pitto- 
resque des aventures de Cœur de Chêne, le valeureux 
Chinois que ses exploits désignèrent à l'attention en 
l'année « rectitude et concorde ». Et je me serais même 
volontiers laissé aller à l'émotion, mais j'ai été arrêté 
par les noms des héros. Allez donc en vouloir à une 
personne de mauvaise vie qui s'appelle Lotus d'or, 
prendre au sérieux une douce et vertueuse dame qui a 
nom « Sœur cadette de la Lune », et plaindre un mari 
trompé répondant à celui de « Trois Pouces »; je ne par- 
viens pas à m'émouvoir sérieusement devant des héros 
baptisés de la sorte, non plus que devant « Secours res- 



68 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

pectueux », « Orchidée », la pauvre petite veuve déses- 
pérée, « Prune de Printemps » et « Harmonieuse » : je 
me contente d'être amusé et charmé, ce qui est bien 
quelque chose. 



PIERRE DE TREVIÈRES 

L'amour aux Bas bleus. 

Ce fort aimable roman, écrit sans prétention, est 
très vivant, très mouvementé, animé de silhouettes 
amusantes. C'est l'histoire de Claire Sermèze, la poé- 
tesse mal mariée à un homme qui la délaisse et la 
trompe, et de Renée de Gesvres, un jeune homme très 
fin, plein de scrupules et de timidité. René est épris de 
Claire, et Claire aimerait à être consolée par René, seu- 
lement elle l'intimide, il n'ose pas : des scrupules l'arrê- 
tent, si bien que lorsque l'heure psychologique sonnera 
pour Claire c'est un autre, c'est Pontcroix qui en profi- 
tera par surprise, et Claire aura beau s'indigner, le mal 
sera fait et même définitivement, car son ménage une 
fois rétabli par René, qui est décidément un garçon bien 
scrupuleux, elle le gardera comme ami, un ami très 
tendre, celui qui n'ose rien demander et qui n'a rien 
reçu, cependant que les joies précises seront à l'autre, 
à d'autres ! C'est le beau ténébreux que les femmes 
adorent et persécutent, tout en réservant à d'autres les 
satisfactions définitives; type très vrai et fort bien 
observé. 



Mme PIERRE DE BOUCHAUD (CARDELINE) 

L'Impossible Aveu. 

Fort douloureuse histoire d'amour tendre et d'or- 
gueil implacable qui se termine terriblement dans un 



MARS. — LES ROMANS 69 

dénouement tragique. Malgré les préjugés nobiliaires 
de sa famille, parce qu'elle aimait, Gatrielle d'Eurté a 
épousé le roturier Cyrille Matheau et le malentendu de 
caste, un instant désarmé par Tamour, est apparu terri- 
blement entre les deux époux aux caractères orgueil- 
leux, implacables. Ils s'adorent pourtant, il suffirait 
qu'ils se le disent, mais c'est « l'impossible aveu » et 
lorsque, après des aventures fort dramatiques, Gabrielle 
se décide à cet aveu, il est trop tard, son mari ne peut 
supporter un tel choc : il tombe aux pieds de sa femme, 
foudroyé par l'émotion. 



MAURICE MONTÉGUT 

Petites Gens et grands Cœurs. 

Petites Gens et grands Cœurs, le dernier roman de 
Maurice Montégut était en cours de publication lorsque 
la mort surprit ce romancier excellent, si remarquable- 
ment doué, et qui n'a pas donné toute sa mesure parce 
qu'il a trop produit. On retrouve dans cette dernière 
œuvre les qualités qui firent la réputation de Maurice 
Montégut et par-dessus tout, ce culte, cette exaltation 
de la bonté, non pas de cette bonté négative, pleurarde 
et moutonnière qui gémit sur les malheurs de l'huma- 
nité, mais d'une bonté forte, agissante, virile, qui sauve 
et qui répare. 

C'est l'histoire très romanesque, très mouvementée, 
de deux braves gens, commerçants retirés, qui, pour 
charmer les loisirs de leur retraite, ont recueilli une 
petite fille abandonnée et se sont acharnés, contre des 
forces ennemies coalisées, à la rendre heureuse. Ils ont 
eu fort à faire, et jamais sans doute leur vie ne fut si 
occupée et si mouvementée que depuis leur retraite; 
mais après maintes péripéties, ils parviennent à leur 



70 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

but, et la pauvre petite Gisèle, la fille abandonnée de 
la chanteuse, épousera, malgré une douloureuse esca- 
pade due à une vocation héréditaire, celui qui l'aime, 
le jeune Vincent. 



MAXIME FORMONT 

La Louve. 

M. Maxime Forment termine avec la Louche cette tri- 
logie romanesque où il voulut nous apporter les « reflets 
du passé italien ». Après la Princesse de Venise » et « la 
Florentine », c'est la Louve romaine, non pas celle de 
Romulus, mais celle que Dante a vue dans l'âpre forêt, 
la Louve maigre, celle qui s'accouple avec tous les 
monstres de l'Enfer, celle enfin de la Rome des Papes, 
celle d'Alexandre VI, de César Borgia, en qui se résume 
la renaissance italienne, sa force, sa grâce et aussi sa 
perfidie. 

Beau sujet, dramatique à souhait, fécond en épisodes 
passionnés et sanglants ! M. Maxime Formont a 
retrouvé pour le traiter ces accents lyriques, cette cou- 
leur qui nous avaient intéressés dans ses précédents 
volumes. Son roman témoigne d'une très remarquable 
science historique et aussi d'une fort généreuse imagi- 
nation qui a mêlé le plus ingénieusement du monde la 
fiction à l'histoire. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, 



DIVERS. 



FRÉDÉRIC MASSON 

Autour de Sainte- Hélène. 

{3^ série). 

M. Frédéric Masson poursuit ses recherches émou- 
vantes, ses travaux passionnés Autour de Sainte- 
Hélène. C'est la troisième série des études consacrées 
par l'historien de Napoléon au dernier chapitre de la 
sublima épopée, et il s'en faut que le sujet soit épuisé, 
car rien n'est plus obscur, plus controversé que ce dou- 
loureux épilogue d'un drame magnifique : « On ne tou- 
che pas à un personnage accessoire, on n'évoque pas 
un fait, si minime soit-il, qu'on ne rencontre un mys- 
tère sur lequel il ne faille pas instituer une enquête, et 
très souvent le mystère est imperçable, très souvent 
l'enquête n'aboutit pas. » Il n'est aussi rien de plus 
beau, rien de plus poignant dans l'histoire du monde 
que le spectacle de cette longue agonie du Grand Empe- 
reur. 

Ce spectacle dont M. Paul Frémeaux nous a donné 
naguère une si vive et si forte impression, M. Frédéric 
Masson nous le restitue, heure par heure : avec une 
minutie passionnée, il étudie tous les personnages de 
ce dernier acte, il entend dénoncer les ennemis qui 
furent bas et cruels, démasquer les faux amis. Il nous 
p^rle aujourd'hui du père de la comtesse Bertrand, 



72 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Arthur Dillon, et nous révèle en ce grand seigneur 
anglais d'une si belle tenue en face de Tennemi, un des 
défenseurs les plus utiles de la France envahie pendant 
la Révolution; il évoque les médecins qui soignèrent 
— si l'on peut dire ! — Napoléon, à Sainte-Hélène : 
« Individus sans études, sans pratique, à peine diplômés 
et dont le savoir médical ne dépassait pas celui d'un 
officier de santé dans un village de France; » il nous 
raconte, en des pages magnifiques, le retour des cen- 
dres en 1848, et, dans un chapitre enfin d'une brûlante 
actualité politique, il salue, avec une sorte de joie irri- 
tée, la « fin d'un monde » : l'Angleterre, dont, selon lui, 
la puissance s'est écroulée l'été dernier, en ce même 
mois de juillet où le capitaine Maitland offrait au vaincu 
de Waterloo l'hospitalité meiisongère du BelléropJwn. 
Et en faisant figurer dans son livre ces pages qu'on 
jugera peut-être excessives, il nous donne une preuve 
évidente de sa bonne foi et de sa sincérité, car on sent 
bien, à travers tous ses raisonnements de politique et 
d'histoire, que la vraie raison de la haine tenace de 
M. Frédéric Masson contre l'Angleterre, ce qu'il ne 
saurait jamais lui pardonner, c'est Sainte-Hélène... 



HENRI WELSGHINGER 

Bismarck 1815-1898. 

J'ai lu avec passion cette étude magistrale. La lon- 
gue carrière du chancelier de fer est racontée dans ce 
livre par un historien qui a tout lu, tout étudié, par un 
philosophe qui raisonne, discute, explique, par un 
patriote qui veut faire servir l'étude de ce grand ennemi 
à la nation qu'il a abattue. 

M. Welschinger n'est pas impartial — un Français rie 
peut pas être impartial à l'égard de cet homme qui 



MARS. — HISTOIRE, LlTTERAtURE, ETC. 73 

nous a fait tant de mal, et qui pour nous le faire a 
employé les armes les plus grossières et les plus détes- 
tables — mais il sait faire l'effort nécessaire pour lui 
rendre l'hommage qui lui est dû, pour signaler en lui le 
ministre et le diplomate de premier ordre qui a vail- 
lamment et magnifiquement servi son pays; qui, pour 
construire l'Empire uni et fort, a brisé les résistances, 
enchaîné les volontés, franchi les obstacles, méprisé les 
dangers, osé des audaces inouïes. 

« Sa vie tout entière est de celles que nous devons le 
plus approfondir, car ce n'est pas seulement l'histoire 
de la Prusse et de l'Allemagne qu'elle retrace devant 
nous, c'est notre propre histoire. » Oublions pour un 
instant une haine et un ressentiment légitimes, appre- 
nons avec passion l'histoire de cet homme : nous y 
trouverons maintes indications utiles, nécessaires, 
réconfortantes; nous saurons choisir parmi les exem- 
ples qu'il nous laisse; nous nous souviendrons notam- 
ment, en face de cet apôtre brutal et convaincu de la 
force, que la France doit être puissante, mais qu'elle 
ne serait plus la France si elle ne s'appuyait que sur la 
force et non sur la conscience, l'honneur et le culte du 
devoir. 



GASTON MAUGRAS ET LE COMTE P. DE GROZE- 
LExMERGIER 

Delphine de Sabran, marquise de Custine. (1770-1826.) 

M. Gaston Maugras, à qui nous devons de si pim- 
pantes, si profondes, si gi-acieuses études sur les per- 
sonnages et les belles dames du dix-huitième siècle, a 
entrepris, avec la collaboration du comte P. de Groze- 
Lemercier, un ouvrage consacré à une bien séduisante 
et bien touchante héroïne : Delphine de Sabran, mar- 

5 



74 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

qiiise de Custine (1770-1826). Le livre est tout à fait 
délicieux; avec cette bonne grâce familière, ce don de 
la vie qu'il possède à un si haut degré, l'auteur évoque, 
en des pages palpitantes, cette existence si étrangement 
romanesque, commencée avec l'espoir d'un bonheur 
durable, puis troublée par des drames sans nom, ter- 
minée enfin dans la souffrance et dans le désespoir. 
C'est l'image définitive, complète, émouvante, de cette 
amie, de cette victime de Chateaubriand, lequel, pas- 
sant deux ans après sa mort dans la ville où elle s'était 
éteinte, ne trouva pas d'autre pensée que celle-ci : 
« C'est ici qu'a disparu la marquise de Custine qui 
m'avait voulu du bien. » 

L'auteur a cru que le récit de cette existence tour- 
mentée offrirait à nos contemporains une utile leçon 
de philosophie, « qu'ils se complairont, peut-être, moins 
volontiers à gémir sur les malheurs de notre temps 
lorsqu'ils connaîtront ce qu'a été l'existence d'une 
femme pendant et après la tempête révolutionnaire, et 
jusqu'à quel degré de misère morale a pu tomber une 
créature délicieusement jolie, d'un naturel charmant, 
qui se croyait destinée à toutes les joies de ce monde, 
et qui, moins par sa faute que par celle des événements, 
n'a guère connu de la vie que les pires détresses. » 



CHARLES MERKI 

La marauise de Verneuil (Henriette de Balzac 
d'Entragues) et la mort d'Henri IV. 

Ce volume, rédigé d'après les mémoires du temps et 
des documents manuscrits, a tout l'attrait, tout l'agré- 
ment, d'un roman palpitant d'amour et de politique. 
Il est dominé par cette figure si française, si amusante^ 
du Vert Galant, qui, même après le jugement sévèr 



MAÎIS. — HiSTÔiRË, LITTÉRATURE, ÊTC. 75 

de M. Merki, garde tout son prestige; ce huguenot 
converti, trousseur de cottes, coureur de guilledou, 
tempérament de chat maigre, garçon remuant, actif, 
toujours par voies et chemins, toujours en affaire, et 
toujours en intrigues de femmes, nous reste — que 
voulez-vous? — éminemment sympathique. 

Son aventure avec Henriette de Balzac d'Entragues, 
qui succéda dans la faveur royale à la Belle Gabrielle 
après la mort mystérieuse de cette dernière, est tout à 
fait curieuse; et c'est, je vous l'ai dit, un véritable 
roman que l'histoire de sa présentation à la cour de 
Marie de JMédicis, des complots qui la visèrent, de ses 
intrigues, de ses maternités hasardeuses, de ses démêlés 
avec Sully, avec la Reine, de sa part dans la conspira- 
tion de sa famille et du déclin de son influence. Histoire 
romanesque jusqu'au bout, jusqu'à l'assassinat dra- 
matique de la rue de la Ferronnerie, où la marquise de 
Verneuil pourrait bien avoir trempé. 



GABRIEL HANOTAUX 

La Politique de l'Équilibre (1907-1911). 

C'est l'histoii'e, écrite par un homme admirable- 
ment renseigné, par un historien et par un philosophe, 
des faits importants qui se sont produits dans la situa- 
tion internationale depuis quatre ans : l'entente cor- 
diale, l'encerclement, les affaires turques, l'affaire de 
Bosnie-Herzégovine, l'affaii-e marocaine. Après avoir 
( xposé les faits, après les avoir précisés, sans récrimi- 
nations inutiles, M. Gabriel Hanotaux veut en tirer 
seulement la leçon nécessaire : cette leçon c'est que la 
diplomatie française ne doit pas être subordonnée à des 
influences et à des directions étrangères. Le rôle de la 
France est tout tracé : elle est un agent d'équilibre. 



% LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

« Appuyée sur ralliance russe, elle n'a qu'à laisser les 
événements se dérouler pour que son heure sonne. Le 
retour à une politique libérée et véritablement natio- 
nale, telle doit être la leçon des derniers événements. » 
Cette leçon, M. Gabriel Hanotaux ne prétend pas la 
donner lui-même, les faits sont plus éloquents que les 
paroles : ce sont eux qui ont rendu le verdict et qui for- 
ment la véritable conclusion de son livre. 



COMTE D'HAUSSONVILLE 

Femmes d' autrefois. Hommes d'aujourd'hui. 

Dans ce captivant volume, le comte d'Hausson- 
ville fait revivre en des pages très vivantes, très nobles, 
très documentées, quelques figures de femmes célèbres 
ou qui mériteraient de l'être, celle notamment de cette 
mademoiselle d'Aumale qui fut la dernière secrétaire 
de M°^® de Maintenon, silhouette charmante, émou- 
vante et simple dont le souvenir a été obscurci par la 
renommée de sa maîtresse. Elle méritait cet hommage 
que lui apporte le comte d'Haussonville, et l'histoire 
de sa vie de noblesse et de simplicité est émouvante et 
belle. 

Toujours à côté de M"^^ de Maintenon, voici mainte- 
nant M^^® de Caylus, sa nièce, dont l'historien évoque 
les dernières années en de bien jolies pages; puis c'est 
M^i^ Clairon et l'histoire de ses relations avec le baron 
de Staël; la baronne de Staël et la duchesse de Duras; 
la ravissante baronne Cottu, l'amie de Lamennais, la 
noble femme qui sut concilier jusqu'au bout une double 
fidélité : celle de l'amitié et celle de la foi; et enfin, 
]\|me Ackermann. 

Les hommes d'aujourd'hui, ce sont : Prévost-Para- 
dol dont la charmante et brillante figure passa si vite 



MARS. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 77 

et disparut si tragiquement, Gréard et Schérer, et enfin, 
notre grand et noble ami : Eugène Melchior de Vogué. 
Livre émouvant, et d'un bien beau langage. 



ARTHUR MEYER 

Ce que je peux dire. 

M. Arthur Meyer, dont les souvenirs publiés Tan 
dernier sous le titre : Ce que mes yeux ont vu avaient eu 
un si prodigieux succès, continue ses confidences et ses 
causeries en un nouveau volume : Ce que je peux dire, et 
c'est le livre du jour, celui dont tout le monde parle, 
celui que tout le monde a lu, celui autou^ duquel les 
vieux Parisiens aiment à égrener des commentaires 
sans fin, remuant des souvenirs, évoquant, dans des 
conversations sans conséquences, à propos des anec- 
dotes évoquées, d'autres anecdotes, que peut-être l'au- 
teur n'a « pas pu dire ». 

Je me contente volontiers, pour mon compte, de 
« ce qu'il peut dire » : j'ai retrouvé, dans son livre 
d'aujourd'hui, « offert à ses deux petites filles chéries, 
que Dieu les garde ! » le même extraordinaire agrément 
du précédent : j'ai lu avec infiniment de plaisir ces 
pages où défilent tant de choses et tant de gens, où 
revit un Paris que nous nous souvenons bien avoir 
entrevu et qui est aujourd'hui aboli. 

Le plan du livre de M. Arthur Meyer est très solide- 
ment établi, son sujet est très précis : c'est l'évocation 
de la comtesse de Loynes, « la dame aux violettes », 
mais il suffit d'un mot, d'une date, d'un nom, pour que 
l'auteur semble abandonner ce plan et se distraire de 
son sujet, et cela donne à son livre l'allure vivante et 
amusante d'une causerie à bâtons rompus : par exem- 
ple, il nous raconte l'amitié de son héroïne avec Marc 



78 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Fournier, directeur de la Porte-Saint-Martin, et le voici 
tout à coup parti dans une longue et pittoresque pro- 
menade à travers le boulevard du Crime; plus loin, il 
va nous introduire dans le salon de la comtesse de 
Loynes, mais, avant d'en franchir le seuil, il pense 
aux salons d'autrefois, et c'est une évocation bien 
amusante des fameux salons où l'on fit de la littérature 
et de la politique depuis deux siècles, de M"^^ Geoffrin 
à M "^6 Aubernon de Neuville. Et c'est ainsi, tout le long 
du livre, une suite de digressions où se trouve évoquée 
la vie mondaine, artistique, littéraire, politique de la 
France depuis cinquante ans; les souvenirs, les anec- 
dotes y font leur entrée comme dans une revue, une 
revue causée, par un homme qui a tout vu, tout 
entendu, qui a été mêlé à tout, et qui est un causeur 
charmant; et, dominant tout cela, donnant au livre 
son harmonie et son unité, une pensive et jolie figure 
de femme, celle de la dame aux violettes qui, pendant 
toute sa vie, et jusque dans la mort, avait fait preuve 
de cette qualité qui fut toujours précieuse et qui — 
nous le constatons chaque jour ! — est devenue raris- 
sime : le tact. 



WLADIMIR KARÉNINE 
George Sand; sa vie et ses œuvres. 

(Troisième volume 1838-1848). 

M. Wladimir Karénine poursuit sa magistrale étude 
sur George Sand, sa vie et ses œuvres. C'est le troisième 
volume do cette œuvre considérable, et qui peut appa- 
raître comme définitive, sur la Bonne Dame de Nohant; 
il embrasse dix années de sa vie, de 1838 à 1848, dix 
années passées en un commerce ininterrompu avec le 
génial Chopin et dans l'intimité de Pierre Leroux, dix 



MARS. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 79 

années remplies de rencontres et de relations avec les 
hommes les plus divers et les plus éminents dans le 
domaine de la politique, de la pensée sociale, dans les 
sciences et les arts; et c'est ainsi qu'on voit passer dans 
ce livre les figures de Liszt, de Lamennais, de Balzac, 
de Delacroix, de Henri Heine, de Béranger, de Louis 
Blanc, d'Alexandre Dumas père et fils, et de tant 
d'autres. 

En ce qui concerne George Sand elle-même, ces dix 
années sont aussi les plus belles et les plus passion- 
nantes de sa vie,^ ce sont les années de Consuelo, de 
la Comtesse de Riidolstadt, du Péché de M. Antoine, de 
la Mare au Diable, et aussi des admirables récits rus- 
tiques. On juge, dès lors, de l'intérêt que peut présen- 
ter ce volume rédigé par un historien si averti, si cons- 
ciencieux, si documenté et qui, non sans un peu de 
raison, se plaint dans un nerveux avant-propos d'avoir 
été quelque peu exploité par un certain nombre d'his- 
toriens de George Sand qui ne le nommèrent pas, ou 
mieux encore, attaquèrent une documentation dont 
ils se servirent copieusement. 



PIERRE LOTI 
Un Pèlerin d'Angkor. 

Un Pèlerin d'Angkor affecte dans ses dernières pages 
les allures d'un testament littéraire et spirituel : ce 
serait donc — et une lettre reçue récemment semble le 
confirmer — la dernière œuvre de ce grand écrivain; 
mais je ne veux pas le croire, je ne veux pas supposer 
qu'en pleine possession d'un magnifique talent, en 
pleine puissance créatrice, Pierre Loti songe à nous pri- 
ver désormais des chefs-d'œuvre dont il peut, dont il 
doit encore enrichir le trésor de la littérature française. 



80 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Ce livre, en tous cas, comptera sans nul doute parmi 
les plus beaux, les plus parfaits, les plus émouvants 
dont il nous ait donné la joie. 

Le récit de ce voyage médité dès l'enfance, accompli 
il y a dix ans, est d'une extraordinaire précision : les 
impressions, les visions de l'auteur sont notées heure 
par heure, avec la noble simplicité d'un voyageur qui 
voit avec une parfaite lucidité, qui ressent profondé- 
ment, et qui, en se rappelant les merveilles aperçues, 
les émotions ressenties, atteint, sans le chercher, sans 
le vouloir, semble-t-il, au plus magnifique lyrisme. 

Quelle splendeur, quelle beauté dans le récit de ce 
voyage de Saigon à Angkor, avec l'arrêt à Pnom-Penh, 
les femmes poupées, les femmes bibelots entrevues, et 
la contemplation des ramures pliant sous le poids des 
graves marabouts. 

Et l'arrivée à Angkor ! la ville qui fut une des splen- 
deurs du monde, aperçue sous le suaire des arbres, 
ensevelie depuis des siècles, avec l'ombre et la souve- 
raine oppression de la forêt; — et l'émotion poignante 
devant le temple colossal et prestigieux, où les hommes 
ont entassé tant de pierres, accumulé tant de sculptures, 
prison aérienne du haut de laquelle on domine l'infini 
de la forêt mouillée. 

Dans ce sanctuaire immense, effrayant, prodigieux, 
le Ramayama s'évoque, l'épopée si ancienne et si nébu- 
leuse qui continue de planer sur l'imagination de l'Asie 
et de guider son rêve; la nuit venue, les chauves-souris 
sèment dans ces solitudes l'épouvante et l'oppression, 
ce pendant que continue de sourire un Bouddah très 
gigantesque, dominateur et doux, « la grande Paix 
obtenue par le grand Renoncement et la grande 
Pitié ». 

La Pitié ! C'est l'ultime leçon de ce pèlerinage, et de 
toute la carrière du marin et de l'écrivain. « L'heure 
venue, l'heure crépusculaire où toutes les choses terres- 
tres s'éloignent, diminuent, s'estompent en grisaille 



MARS. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 81 

— il songe à tant de lieux d'adoration éperdue, à tant 
de pagodes, de mosquées, de cathédrales où la même 
prière s'élève du fond des âmes les plus diverses vers 
un Dieu qui ne saurait être qu'un Dieu de pitié... » 



FERDINAND BAC 



L'aventure italienne. 



M. Ferdinand Bac poursuit ce « voyage romantique » 
qui le conduisit naguère chez Louis II, roi de Bavière : 
il nous conte aujourd'hui V Aventure italienne. C'est 
d'un charme tout à fait captivant; le voyageur sen- 
sible, pénétrant et malicieux dont nous avons tant 
goûté les précédents récits nous promène cette fois dans 
un cadre incomparable évoqué tant de fois et dans 
dequel il a su placer pourtant une foule de notations, 
d'impressions inédites. C'est que, sans doute, la Tos- 
cane et l'Ombrie ne furent jamais parcourues par des 
touristes aussi singuliers, aussi originaux que Pascal 
Latour et son vieil ami l'abbé Hortensius, qui s'est mis 
en tête de convertir une jeune Parisienne vouée au 
culte d'Hercule Farnèse, et qui s'en est allé, par le 
chemin des écoliers, vers Assise pour rapporter à sa 
pénitente, des roses sans épines de saint François. 

Ces deux voyageurs ont décidé d'accomplir leur pèle- 
rinage sans jamais séjourner dans les caravansérails 
tout pleins de confort et de banalités; ils logent chez 
l'habitant, où l'on a bien plus de chances de rencontrer 
l'aventure; et cette aventure, la plus curieuse, la plus 
scabreuse du monde, elle les guette en effet, elle les 
suit, les enveloppe de l'île de Caprée aux roses de 
Naples, de Sorrente à Pompéi, à Rome, à Florence ; c'est 
le fil léger^qui relie toutes ces impressions, tous ces 

5. 



82 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

souvenirs, toutes ces émotions, et c'est d'un charme 
infini, troublant et singulier. 



MARGUERITE BURNAT-PROVINS 

La fenêtre ouverte sur la Vallée. 

Le livre de M^^ Marguerite Burnat-Provins brille 
des plus nobles et des plus pures qualités, il a seulement 
un grave défaut pour le chroniqueur : il est tout à fait 
rebelle à l'analyse. Il n'y a pas là une histoire que je 
pourrais tenter de vous résumer de mon mieux, il n'y 
a pas une doctrine exposée, une thèse soutenue, non ! 
Ce sont les visions d'un poète qui, par la fenêtre, regarde 
la nature et nous dit, en des exclamations d'un beau 
lyrisme, en des prosopopées ardentes, ce qu'il admira 
et les pensées que firent jiaître en lui les choses entre- 
vues; et ce sont des hymnes au soleil, à la lune, à la nuit, 
des évocations émouvantes ou magnifiques, des réfle- 
xions mélancoliques : « merveille des heures en lent 
défilé, merveille du ciel répandu par delà des monta- 
gnes, merveille de la lumière jeune éternellement et 
bienfaitrice, merveille des arbres heureux au soleil 
d'été, dites, pourquoi m'est-il donné de vous contem- 
pler, à moi qui dois mourir? » 

Et vous voyez bien que ce ne sont pas là des choses 
qui se résument et se racontent. Il faut me croire, 
quand je vous dis qu'il y a là de très belles pages, mieux, 
il faut y aller voir. Vous serez peut-être parfois un peu 
surpris, un peu désorientés, vous serez souvent émer- 
veillés, vous ne serez jamais indifférents. 



MARS. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 83 

ANDRÉ BEAUNIER 

Les plus détestables Bonshommes. 

« Les plus détestables bonshommes », ce sont, en 
notre pays, les faiseurs de désordre, les artisans d'ab- 
surdité; ce sont ceux qui désorganisent tout : les ser- 
vices publics, les forces nationales et jusqu'à la cons- 
cience des individus; ils sont opulents et triomphants; 
ils ont réussi dans leur besogne : les idées fausses se sont 
mises sur notre pays comme sur une belle et vieille 
étoffe, les mites : elles le rongent. » 

Ayant ainsi dépeint ces plus redoutables ennemis de 
notre pays, ces ennemis de l'intérieur, M. André Beau- 
nier n'avait plus qu'à les nommer : il ne s'en est pas fait 
faute. Avec une violence cinglante et passionnée, avec 
une ironie incisive et cruelle, il passe en revue tous ces 
petits darwiniens qui ont trahi Darwin, lequel avait 
dégagé sa responsabilité de savant des abus qu'on 
ferait de sa trouvaille de spécialiste; tous ces penseurs 
qui croient le passé mort et qui oublient qu'il y a des 
provinces en France; tous ces socialistes, singuliers 
hommes de progrès, leur grand homme en tête : ce gros 
garçon chevelu, barbu, dont le teint rougeoit et qui, 
tout de suite, vous a un air de vulgaire cordialité; ces 
primaires odieux qui sont nos maîtres et qui voudraient 
tout rabaisser autour d'eux à leur infime niveau; ces 
ennemis de notre langue qui s'épuisent à trouver un 
idiome artificiel, alors qu'une si belle tâche s'offre à 
eux : favoriser la propagation d'iine langue vivante, 
bien vivante, le français. 

C'est un pamphlet et, tout en partageant la plupart 
des légitimes indignations de M. André Beaunier, on 
veut croire que, dans son désir de défense française, 
il pousse les choses un peu au noir; on veut espérer 



84 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

et on l'applaudit de tout cœur quand il s'écrie qu'en 
dépit de « ces détestables bonshommes qui, peu à peu, 
l'aviliraient, ce pays est encore beau, fier et charmant », 
et on l'applaudit aussi parce que ses violences, ses 
colères, ses indignations, il les exprime toujours en une 
langue d'une forme très pure et très belle. Cette jolie 
prose harmonieuse et sonore d'un écrivain délicat et 
raffiné, c'est un argument dont M. André Beaunier 
n'use pas, et pour cause, dans sa discussion, c'est le plus 
décisif : de ces proses là, « ils n'en ont pas », chez les 
primaires. 



EDOUARD ROUVEYRE 

Comment apprécier les croquis, esquisses, études, 
dessins, tableaux, aquarelles, pastels, miniatures. 

Le but que l'auteur s'est proposé est très clairement 
exposé dans ce titre un peu long, mais fort précis. 
M. Rouveyre prétend mettre les profanes à même d'ap- 
précier un tableau, non pas de savoir s'il leur plait ou 
leur déplaît, ce qui dépend uniquement de leur goût, 
mais de juger s'il vaut quelque chose ou s'il est détes- 
table, et pourquoi. 

Il veut en somme leur inculquer les qualités que 
doivent posséder les amateurs. Pour peu qu'ils soient 
doués et lui accordent quelque attention, ces amateurs 
pourront arriver, nous dit M. Rouveyre, à exprimer 
les finesses de la forme ou la variété de la couleur, et 
devenir insensiblement bons juges et connaisseurs. 

Ce livre utile pourrait être fort ennuyeux; or, chose 
admirable, il est tout à fait amusant : M. Rouveyre a 
trouvé le moyen de nous donner une très claire et très 
précise définition de la technique des artistes, de nous 
ofl^rir en un lexique la signification de cinq cent quatre- 



MARS. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 85 

vingt-seize termes et rapplication qu'il est d'usage d'en 
faire; et tout cela est exposé, expliqué, démontré en des 
pages qu'on lit sans fatigue, sans effort, avec le plus vif 
agrément; et qu'on regarde aussi, car deux cent vingt 
images, reproductions de chefs-d'œuvre, commentent 
s leçons et en donnent l'immédiate application. C'est 
vraiment là de bien utile et bien séduisante vulgarisa- 
tion. 



CH. CASTELLANI 

Pour rester jeune. 

Vous connaissez cet excellent artiste qui, tout comme 
Fromentin, ne se contente pas de peindre, mais écrit 
aussi, et ma foi fort gentiment. Il a un troisième 
talent : il vit ! mais ce qui s'appelle vivre : il a mainte- 
nant soixante-quatorze ans, et il nous exhibe, non sans 
quelque orgueil, sa dernière photographie sur la cou- 
verture de son livre; vraiment il est étonnant, et il n'a 

tint l'air du tout d'un vieillard. 

C'est qu'il a su comprendre la vie : l'homme est fait, 

son sens, pour durer cent ans, avec toute sa force et 
toutes ses facultés; seulement, pour cela, il faut être 
raisonnable, se défier du détestable sophisme « courte 
et bonne », et comprendre que pour être bonne, la vie 
doit être longue. Comment s'y prendre? voilà ce que 
nous explique très clairement M. Gastellani en des pages 
qui n'ont d'ailleurs rien d'imprévu et que fait prévoir 
l'épigraphe : 

Pour garder sa jeunesse, ici-bas le seul bien, 
Il faut user de tout et n'abuser de rien. 

C'est une vérité un peu bien répandue et très vague, 
mais M. CHstellani,au cours de son livre, est plus précis; 



86 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

ses conseils sont excellents et Fauteur en est tellement 
convaincu qu'il vous demande votre photographie 
lorsque vous aurez cent ans pour vous faire figurer dans 
la galerie de « ses centenaires ! 



MÉMENTO DU MOIS DE MARS 



ROMANS 

Aimeras. — L'Évasion, « histoire d'une femme d'aujourd'hui ». 

Baraude (Henry). — La Voie mauvaise. 

Bloy (Léon). — Le Sang du Pauvre. 

Cim (Albert). — Mes Vacances, des nouvelles tout à fait gen- 
tilles, burlesques histoires de chasse, aventures de chiens, 
farces sensationnelles. Elles feront grand plaisir aux 
jeunes gens en quête de distractions littéraires pendant 
les vacances de Pâques, déjà toutes proches. 

Comert (Marguerite). — La Puissance des autres. 

Darros (J.-M.). — Voir : G. Meirs. 

Daubret (Victor). — L'Effort qui tue. 

Diraison-Seylor. — Demi-Blanc. 

Gaignard (Hilaire). — Profils féminins, nouvelles. 

Gaillard (E.). — Portraits. 

Gallo (Charles) et Martin Valdour. — Lettres de Jeunes, nou- 
velles. 

Ibanez (Blasco). — La Horde (traduction de M. Hérelle). 

Lagerlôf (Selma), — Les Merveilleux voyages de Nils Holgersson 
à travers la Suède (traduction du suédois par M. T. Ham- 
mar). 

Le Brun (A.). — Feuilles mortes, contes et nouvelles. 

Magdelaine (A.). — La Voie. 

Martin Valdour. — Voir Charles Gallo. 

Massacré (Comtesse de). — La Métairie de Las Ramadas. 

Meirs (G.) et J.-M. Darros. — Le Cadavre assassin, « aventiires 
de William Thorpe, célèbre détective anglais. » Une Main 
dans la nuit. 

Ossau (Jean d'), — Mémoires d'un Cheval de Course. 

Rainaldy (Henri). — La Vie folle. 

Regis-Lamotte (Roger). — Le Parfum des Tilleuls. 

Reynès-Montlaur (M"^). — Leiùr Vieille Maison. On retrouvera 
dans cet ouvrage l'émotion religieuse et le respect pas- 
sionné des traditions qui semblent être les bases majeures 
de l'inspiration de l'auteur. Et l'on s'intéressera vivement 



MÉMENTO DU MOIS DE MARS 87 

à cette Françoise, qui s'est vouée au sacrifice avec une 
mélancolique ardeur, et qui, si vivante, a pourtant le 
visage grave et tendre d'une jeune religieuse d'un ancien 
couvent français. 

Rivet (Fernand). — Le Prince des Riches. 

Santerre (H.-J,). — Contes du Bled et du Fondouk (nouvelle 
édition). 

Sée (M°ie Ida R.). — Féministes. 

Segré (Adrien), — L'Inceste légitime, (sic). 

Sonolet (Louis). — Le Parfum de la Dame Noire, a physiologie 
humoristique de l'amour africain, publiée d'après le manus- 
crit original de Paul Bourgette » — et ce titre vous dit 
assez le ton du livre. 

Truc (Gonzague). — Monsieur de Nugho, philosophe. 

Valbert (Léon). — Pan/ dans les contes crevants, nouvelles. 

Yver (Colette). — Un coin du voile, nouvelles. 



HISTOIRE. — LITTÉRATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Vmiel (Denys). — Henry Bataille : Le règne intérieur, im livre 
publié dans la série des « Glanes Françaises », si brillam- 
ment inaugvirée par notre collaborateur et ami M. Arsène 
Alexandre, avec l'œuvre d'Alfred Capus. H contient un 
choix de pensées cueillies dans le théâtre d'Henry Bataille 
et qui concernent toute « cette vaste région du cœur 
humain organisée cormne un Etat et qui aurait ses lois et 
ses mœurs, pays mystérieux dont la géographie est sub- 
tile ». 

Annunzio (Gabriele). — Poésies (1878-1893), un recueil traduit 
par M. G. Hérelle. 

Blanchon (Pierre). — Correspondance et Fragments inédits 
d'Eugène Fromentin. 

Bois (Jules). — Le Couple futur, un livre dont les conclusions 
sont très saines et très nobles : « une seule morale poiir les 
deux sexes : l'orientation des jeunes gens vers un idéal 
plus pur en attendant le mariage et l'amour ». 

Boisseau (Marins). — Les Poètes du Baiser. 

Bonnal (général). — La Manœuvre de Saint-Privat : « l'Esprit 
de la guerre moderne ». {Suite). 

Boucaru. — Le Livre de VHomme, « astronomie, psychologie, 
sociologie ». Cet ouvrage, -nous dit modestement l'auteur, 
est « vme définition complète de la synthèse de l'Univers 
à la suite de laquelle se trouve la solution de la question 
sociale ». Ce livre, il l'offre à tous les hommes, parce que 
c'est « le livre que tout le monde devrait lire et qu'en le 
lisant, le bon deviendrait meilleur et le méchant pourrait 
devenir bon ». Si après cela vous ne le Usez pas, c'est que 
vous êtes bien mal intentionnés ! 



88 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Bout gin (Georges et Hubert). — Le Socialisme français de 1789 
à 1848. 

Bruneau (général). — Récits de guerre, « Histoire d'une compa- 
gnie de zouaves pendant la guerre de 1870 ». 

Cabanes (D'^). — Légendes et Curiosités de VHistoire. 

Callet (A.). — Voir Paul d'Estrée. 

Césanne (Jacques). — U Etemel Poème. 

Chuquet (Arthur). — La Campagne de 1812, récit tiré des 
Mémoires du Margrave de Bade. C'est le témoignage sai- 
sissant d'un acteur de premier plan et les pages qui retra- 
cent les combats qui s'engagèrent sur les bords de la Béré- 
sina, la poursuite des Russes, les rigueurs du froid offrent 
vraiment le plus puissant et le plus dramatique intérêt. 

Claretie (Léo). — Histoire de la littérature française (1900-1911). 

Coquiot (Gustave). — Le Vrai J.-K. Huysmans, un remarquable 
volume orné d'un fort beau portrait de l'illustre écrivain 
par J.-F. Raffaëlli. 

Coulon (Marcel). — Témoignages, ime deuxième série où j'ai 
remarqué notamment un « plaidoyer pour Renan » et 
« l'esprit du passé chez Loti ». 

Crémieux (Albert). — La Révolution de Février, « étude cri- 
tique ». 

Dalby (Joseph). — Le Vitrail brisé, poèmes. 

Dauzat (Albert). — La Philosophie du langage. 

Donnay (Maurice). — Théâtre. {5^^ volume). A côté du char- 
mant petit acte qui s'appelle La Vrille, nous avons 
retrouvé, dans ce volume, deux des plus belles œuvres de 
Maurice Donnay : cette émouvante Escalade, et surtout 
Paraître, cette profonde et mordante satire des mœurs du 
temps. 

Dortzal (Jeanne). — Les Cloches de Port- Royal, la pièce jouée 
avec succès au Théâtre-Français, où Racine et la Tragédie 
échangent des propos harmonieux; 

Duchesne (Gaston). — Voir H. de Grandsaigne. 

Dufour (Philippe). — Paris, des vers pittoresques que com- 
mentent de belles images et que présentent, en deux pré- 
faces, MM, Edmond Haraucourt et Charles Géniaux. 

Dumont-Wilden (L.). — Voir Léon Souguenet. 

Dupont (Etienne). — Le Mont Saint-Michel inconnu. 

Estrée (Paul d') et A. Callet. — La Duchesse d'Aiguillon, « une 
grande dame de la Cour de Louis XV ». 

Faure-Biguet (J.-N.). — L'Orne lointaine, des vers gracieux, 
pleins de jeunesse et de générosité : c'est, nous dit M. Mau- 
rice Barrés, dans sa préface, « une jeune chanson char- 
mante et nuancée; je vois bouillonner la jeune source 
abondante et limpide; où va-t-elle courir? » 

Febray (Isabelle). — La Défense de Besançon {181 0-lSTl), orga- 
nisée par le général Rolland. 

Ferchat (Joseph), — Le Roman de la Famille française, un 
très pénétrant et très ingénieux essai sur l'œuvre de 
M. Henry Bordeaux que l'auteur offre « aux épouses fidèles, 
aux mères courageuses par qui fleurissent les berceaux et 
durent les foyers. Aux chefs de famille par qui lève la mois- 



MÉMENTO DU MOIS DE MARS 89 

son des âmes viriles ». Cette dédicace vous renseigne assez 
bien sur le sens et l'esprit de ce livTe très remarquablement 
construit, où l'auteur étudie tour à tour en M, Henry Bor- 
deaux : l'écrivain, le défenseur de la famille et l'héritier 
d'ime tradition. Poiu- commenter, illustrer, si j'ose dire, 
son œuvre, M. Joseph Ferchat a réuni, en appendice, \in 
certain nombre de morceaux qui, à des titres divers, contri- 
bueront à fixer le lecteur sur les idées morales de M. Hen- 
ry Bordeaux. 

Funck-Brentano (Frantz). — Le Roi, « l'Ancienne France », un 
volume où l'auteiu* étijdie l'histoire de la fonction royale 
en France, depuis Hugues Capet jusqu'à la Révolution. Ce 
n'est pas l'histoire, cent fois faite, des hommes; c'est celle 
de l'institution, c'est, ainsi qu'on nous le dit en termes 
excellents, une peinture du « paysage » royal et de son inté- 
ressante transformation, de siècle en siècle, jusqu'à l'heure 
du crépuscule où notre vieille monarchie devait s'éteindre 
à jamais. Grand spectacle, ce développement progressif 
de la monarchie française depuis ses origines jusqu'à la 
Révolution, développement continu et régulier, qui s'est 
fait par l'action des forces vives que cette institution avait 
en elle, indépendamment de la valeur de ceux qui, d'âge 
en âge, l'ont personnifiée. 

Ginisty (Paul) et Quatrelle l'Espine. — Chronique parisienne 
des six derniers mois d'Empire, « A la veille d'un grand 
drame de l'histoire » : c'est l'évocation amusante, ciu-ieuse, 
colorée, tragique aussi pour nous qui savons ce que devait 
être le lendemain, du Paris de 1870, du Paris laborieux, 
mondain, sérieux ou frivole. 

Giraud (Albert). — La Frise empourprée, poésies. 

Gontaut-Biron (Roger de), — Les Reflets et les Rêves, poésies. 

Grandsaigne (H. de). — Voir Gaston Duchesne. 

Grappe (Georges). — Claude. 

Guerlin (Henri). — La Tour aine. 

Guillot de Saix. — Voir Camille Le Senne. 

Heeckeren (Emile de). — Correspondance de Benoît XIV, 1742- 
1756. Les nombreuses lettres que ce Pape si intelligent, si 
moderne, du xviii« siècle, écrivit au cardinal de Tencin 
nous renseignent sur la modération de ce pontife qui vou- 
lut concilier les libertés de l'Eglise gallicane avec l'autorité 
du vicaire de Jésus-Christ, qui usa de son autorité avec un 
rare sentiment de la mesure et sut se concilier en même 
temps l'estime des protestants et celle des catholiques les 
plus éminents; sa correspondance est, nous dit-on à juste 
titre, un document capital de l'histoire du jansénisme 
pour le détail du gouvernement de l'Eglise au xviii^ siècle. 

Jablonski (Pierre-Charles). — Les Lueurs : « L'Appasionata, les 
Génies de ma paix », poésies. 

Jakob (Gustave). — L'Illusion et la désillusion dans le roman 
réaliste français (1851-1890). 

Jary (Jacques). — Essai sur Vart et la psychologie de Maurice 
Barres. 

Jean (Albert). — La Pluie au printemps, poésies. 



90 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Jelinek. — La Littérature tchèque contemporaine. 

Joussain (André). — La Pensée et le Désir, poésies. 

Lallemand (Léon). — Histoire de la Charité. (Suite). 

Larguier (Léo). — Théophile Gautier. 

La Tour du Pin la Charce (Lieutenant-Colonel, Marquis de). — 
Feuillets de la Vie militaire sous le second Empire (1855- 
1870). 

Latreille (Capitaine Albert). — La Campagne de 1844 au Maroc, 
la Bataille d'Isly. 

Lauvrière (Emile). — Edgar Poe. 

Lebesgue (Philéas). — Le Pèlerinage à Babel. 

Lécussan (Jean de). — Notre droit historique au Maroc; « notre 
passé dans l'empire du Maghreb. Coïncidences et leçon 
des siècles ». 

Leguay (Pierre). — Petite histoire parlementaire de la Réforme 
de 1902, Cette plaquette, publiée sous les auspices de la 
Ligue des amis du latin, nous montre à côté du mal le 
remède nécessaire et urgent : un projet des modifications 
les plus pressantes à apporter au programme de l'ensei- 
gnement secondaire. M. Anatole France a donné à ce petit 
livre l'appui d'une éloquente préface où il s'écrie notam- 
ment « que la fin des humanités serait la mort du génie 
français ». Avertissement nécessaire et dont il faudra bien 
qu'on finisse par tenir compte. 

Lehaucovirt (Pierre). — Les Origines de la Guerre de 1870; « la 
Candidatwe Hohenzollern (1868-1870). 

Lemercier d'Erm (Camille). — Les Poètes de Paris, « du xv° siè- 
cle à nos jours». 

Le Senne (Camille) et Guillot de Saix. — Le meilleur Alcade est 
le Roi, une curieuse traduction en vers de la tragi-comédie 
de Lope de Vega. 

Lichtenberger (Henri). — Novalis. 

Lisle (Henri de). — La sage Ardeur, poésies. 

Madières (Paul). — Les Poètes parodistes, une anthologie poé- 
tique. 

Mandin (Louis). — L^ Aurore du soir, « Ariel esclave », poèmes. 

Marie (Charles). — Odes. 

Martin-Decaen (André). — Les Anémones blanches, poésies. 

Mautouchet (Paul). — Le Gouvernement Révolutionnaire. 
(10 août 1792-4 brumaire an IV). Rien de plus curieux, de 
plus passionnant, de plus instructif, que ce recueil de textes 
législatifs et administratifs qui nous montre comment 
fonctionna ce terrible gouvernement. 

Mercereau (Alexandre). — La Littérature et les Idées nouvelles. 

Michaut (Gustave). — Histoire de la Comédie Romaine « Sur 
les tréteaux latins ». 

Miheur (D^ H.). — La Trilogie d' Œdipe : « Œdipe roi, Œdipe à 
Colone, Antigone », adaptation en vers français. 

Patmore (Coventry). — Poèmes, un recueil traduit par M. Paul 
Claudel et préfacé par M. Valery-Larbaud. 

Peladan. — Introduction aux Sciences occultes (la Chaîne des 
traditions). 

Pic des Cèdres. — Sonnets sauvages. 



MÉMENTO DU MOIS DE MARS 91 

Pierling (Le P.). — La Rtisaie et le Saint-Siège, « études diplo- 
matiques » (tome V). Ce volume nous retrace les relations 
de la Russie et du Saint-Siège, sous les règnes de Cathe- 
rine II, de Paul I'^^ et d'Alexandre I^'", Le récit mouve- 
menté des trois ambassades pontificales en Russie est tout 
à fait intéressant et instructif, il fait comprendre à mer- 
veille les « origines réalistes de la politique religieuse des 
Tzars ». 

Pilon (Edmond). — Sites et Personnages, un bien joli recueil où 
l'auteur nous prouve une fois de plus, selon l'heureuse 
expression de M. Hallays, combien il sait lire, se promener, 
voir et écrire, combien son érudition diverse et sûre fait 
bon ménage avec sa fraîche et tendre imagination de poète. 

Pimienta (Robert). — La Propagande bonapartiste en 1848. 

Piquet (Victor). — La Colonisation française dans P Afrique du 
Nord. « Algérie, Tiuiisie, Maroc ». 

Polti (Georges). — Les trente-six Situations dramatiques. Car 
vous savez, n'est-ce pas, qu'il y a exactement trente-six 
situations tragiques; Gozzi l'a affirmé avec autorité, et 
Gœthe nous raconte que Schiller s'est donné beaucoup de 
mal pour en trouver d'autres et qu'il n'est même pas arrivé 
à en découvrir autant que Gozzi. Ce nombre de trente-six 
avec son air de précision scientifique me paraît un peu 
comique et je crois que M. Georges Polti qui le discute et 
l'établit le plus sérieusement du monde ne tient pas autre- 
ment à cette formule arithmétique. Mais, autour d'elle, 
il établit des choses bien intéressantes ; il cherche notam- 
ment, en face de ces situations dramatiques, les émotions 
des hommes, et il en trouve, lui aussi, trente-six justement; 
trente-six émotions, voilà la saveur de la vie humaine ! 

Pottet (Eugène). — Histoire de Saint-Lazare (1122-1912). 
Huit cents ans d'existence ! Vous voyez que cette prison 
mériterait d'être vénérable si elle n'était si mal famée. 
M. Pottet nous raconte, en une série de chapitres très docu- 
mentés, ses origines, ses transformations successives de 
léproserie en couvent, en collège, en infirmerie très spéciale ; 
on trouve, en outre, dans son volume, de nombreuses anec- 
dotes, le récit de plusieurs évasions et la description de 
procédés très modernes employés par les voleuses de nos 
grands magasins. Ce n'est pas joli, joli, mais c'est bien 
intéressant. 

Prax (Mario). — Caïn, mystère biblique en deux tableaux en 
vers d'après lord Byron. 

Quatrelle l'Espine. — Voir Paul Ginisty. 

Ricquebour (Jean). — L'Encens et le Riz, poésies « dédiées à 
rindo-Chine », « l'encens, aliment du culte; le riz, la plante 
nourricière de l'Extrême-Orient ». 

Rouziers (Paul de). — Les Syndicats industriels de producteurs 
en France et à l'Etranger — trusts, cartels, comptoirs, 
ententes internationales. 

Roz (Firmin). — Le Roman anglais contemporain, George Mere- 
dith, Tliomas Hardy, M^^^ Humphry Ward, Rudyard Ki- 
pling, H.-G. Wells. 



92 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Sarrou (A.). — La Jeune Turquie et la Révolution. 

Savine (Albert). — Le Portugal dHl y a centjins, « souvenirs 
d'une ambassadrice ». 

Seillière (Ernest). — Schoptnhauer. 

Souguenet (Léon). — Voir L. Dumont-Wilden. 

Tonnelat (Ernest). — Les frères Orimm, « letu* œuvre de jeu- 
nesse). 

Tschirch (D""). — La Légende de Naundorff. 

Vera (André). — Le Nouveau Jardin. 

Vielé-Griffin (Francis). — La Lumière de Grèce, poèmes. 

Vignaud (Henri). — Henri-Harriase, « étude biographique et 
morale ». 

Vuillaume (Maxime). — Cahiers rouges (Suite). Deux Drames 

Ipf de 1871 : Gustave Chaudey, dont la condamnation et 

l'exécution m'apparaissent toujours comme un assassinat, 

W^i et Edouard Moreau. Je ne puis exprimer l'émotion qui se 
dégage de ces notes si simplement, si hâtivement écrites, et 

H * qui nous ramènent, à plus de quarante ans en arrière, en 

r ,;j pleine fournaise, en pleine tragédie ; l'auteur qui a vu toutes 
ces choses affreuses de si près, les revit et littéralement 
nous les fait revivre avec ses récits, feuillets d'un journal 
sanglant. 

Warnod (André). — Le Vieux Montmartre. 

Warrington Dawson. — Le Nègre aux Etats-Unis, un volume 
présenté par M. Paul Adam. 

Weill (Pierre). — En attendant la nuit, poèmes. 



AVRIL 



LES ROMANS 



MYRIAM HARRY 

La Divine Chanson. 

Ce livre est un fort beau roman, le meilleur, le plus 
émouvant, le plus humain que nous ait donné encore 
cette femme de lettres remarquable, au talent délicat, 
subtil et fort.M^^Myriam Harry, dédie son livre « Au 
vent, à la lune, à la magie de l'Afrique, à la douceur 
de ses nuits, à ses mirages d'amour; à tous les cœurs 
de femmes trop pitoyables ; à tous les héros misérables, 
mouvants et errants, et solitaires comme les dunes ». 
J'ai tort, sans doute, de copier ici cette dédicace 
étrange, trop nombreuse; elle est de nature à vous 
donner une fausse idée de ce roman si humain, si réel, 
-i vivant, et qui n'a pas besoin vraiment de tant de 
parrains et de tant de marraines. 

Réel et vivant, à un point que je ne saurais dire, ce 
livre a inspiré au général Heymann, un soldat d'A- 
frique, une page d'enthousiaste éloquence; il ignore 
l'auteur, il a reconnu ses héros et ses paysages; et 
nous-mêmes, qui n'avons point connu ces décors mer- 
veilleux, nous sommes empoignés, transportés, par la 



94 LÉ MOUVEMENt LITTÉRAIRE 

vérité, par la richesse verbale de leur description et 
nous les reconnaissons. Nous faisons avec ces héros un 
séjour admirable dans ce pays d'aventures et de dou- 
ceur vers lequel avaient cinglé les Argonautes, nous y 
goûtons la douceur de ces nuits claires et emplies de 
tiédeurs parfumées, de cette lumière qui coule comme 
une onde impalpable; dans le mirage du soir^ parmi 
les oiseaux fous qui volent au-dessus des oasis, nous 
croyons, nous aussi, voir apparaître parfois le sage 
Ulysse descendu de sa barque et Nausicaa aux bras 
blancs. 

Dans toute cette splendeur, dans ce merveilleux 
décor évoqué adorablement, une histoire d'amour 
s'ébauche, une belle histoire entre Ginette, la femme de 
Landry, et le lieutenant Silvère, le gai luron qui com- 
mande aux « joyeux )) de Gabès; cet amour s'exalte, 
passionné, frénétique et pur dans ce décor roma- 
nesque où Ginette rebâtit le roman de sa vie; et puis, 
il risque de s'échouer tristement à Paris, où le lieute- 
nant Silvère glisse de son piédestal fait du sable des 
dunes; cependant, son front auréolé, là-bas, d'un 
rayon de soleil africain, s'assombrit sous le chapeau 
melon; il renaît enfin, dans toute sa douceur et toute 
sa beauté : c'est « la divine chanson » qui se tait un soir, 
lorsque Ginette reçoit de là-bas une lettre lui annon- 
çant la mort de son lieutenant. 

Cette histoire dont je ne vous ai dit qu'une mince 
partie est vraiment très belle, d'une poignante, dou- 
loureuse et large humanité ; elle est réelle, d'un réalisme 
minutieux et implacable; elle est poétique, d'une 
exquise et intense poésie : c'est un beau livre. 



AVRÎL. — LES ROMANS 95 

EDMOND HARAUCOURT 

Dieudonat. 

Ce roman se passe dans un pays de légende sur 
lequel règne le duc Hardouin le Juste, en un temps où 
la coutume voulait .qu'on vénérât les chefs en dépit de 
leurs fautes, ce qui le distingue et l'éloigné suffisam- 
ment du nôtre où la coutume veut qu'on les haïsse en 
dépit de leurs qualités. La duchesse Mahaut, épouse 
d' Hardouin, après une longue stérilité, est à la veille 
de donner le jour à un enfant et toute la population 
implore le ciel pour que cet enfant soit un fils et que ce 
lils appelé à régner soit doué de toutes les qualités. 

Comme la ferveur de ces prières est immense, Dieu 
se laisse toucher par elles; « l'enfant se fait garçon puis, 
jour par jour, pendant les mois de la gestation, chaque 
sainte et chaque saint, à leur fête annuelle, apportent 
les vertus qu'ils possédaient en propre : les qualités 
de l'esprit aussi bien que celles du cœur arrivaient 
numérotées et se classaient dans le petit bonhomme 
avant même qu'il fût né ». Il reçut également les avan- 
tages physiques : santé, force, beauté. Et voilà sans 
doute de beaux cadeaux à faire à un enfant ! 

Le diable alors se mit de la partie, et lui aussi il 
apporta son présent, et ce fut celui-ci : tous les souhaits 
du prince Dieudonat seront exaucés irrévocablement ! 
Don magnifique, don terrible et diabolique; combiné 
avec toutes les grâces et toutes les vertus de Dieudo- 
nat, il fait fondre sur lui, sur ses proches, sur son 
peuple, les pires catastrophes, et ce prince intelligent, 
puissant et beau, finit, après de prodigieuses aventures, 
cul-de-jatte, aveugle et sourd, mendiant son pain sous 
le porche d'une cathédrale. 

Le lendemain de sa mort, tandis que, tout plein de 



96 LE MOUVEMENT tlTTÉRAÎÎlË 

remords, il hésite à la porte du Paradis, cherchant celle 
du Purgatoire, saint Pierre le console et lui dit, en lui 
ouvrant le ciel : 

— Mon frère, la double sainteté de l'homme, c'est 
l'Effort et la Pitié. Tu as pratiqué l'un et l'autre. 
Entre, tu es chez toi. ►, 

Et voilà, en conclusion, un peu de miséricorde et de 
réconfort après tant de pessimisme et d'ironie répan- 
.dus dans ce conte philosophique. Mais que vais-je 
parler de conte philosophique? Ces deux mots font 
penser à je ne sais quelle froide et doctrinaire histoire 
dont les personnages sont des entités, tandis que le 
roman de M. Haraucourt est le plus amusant, le plus 
palpitant du monde. On en lit les chapitres, écrits en 
une langue délicieuse, avec le plaisir le plus frivole, 
l'agrément le plus vif, et ceux qui, avant tout, cher- 
chent dans la lecture un divertissement, peuvent y 
aller sans crainte : en dégustant ce roman, ils auront 
fait de la philosophie comme M. Jourdain faisait de la 
prose : sans le savoir ; et ils auront eu le régal d'un bien 
joli roman. 



GILBERT DE VOISINS 

L'Enfant qui prit peur. 

Les romans qui mettent en scène des enfants, qui 
étudient avec clairvoyance et sincérité leur cœur pué- 
ril et profond, leur petite âme, vaste comme le vaste 
monde, exercent sur moi une séduction toute particu- 
lière; les romanciers capables d'écrire de tels livres 
sont d'ailleurs peu nombreux : il leur faut tout à la fois 
une très rare pénétration psychologique et une pro- 
fonde tendresse, et ce sentiment ne voisine pas souvent 
avec cette faculté. M. Gilbert de Voisins les possède 



AVRIL. — LES ROMANS 97 

tous deux au plus haut degré. L'Enfant qui prit peur 
est une œuvre déchirante et belle qui m'a laissé une 
impression profonde, obsédante, douloureuse. Et je 
voudrais ne plus penser à « l'enfant qui prit peur », à 
ce petit Jacquot, aux yeux trop ouverts, à l'intelli- 
gence trop éveillée, qui devina tant de vilaines choses, 
en fut terrifié, et s'enfuit dans la mort. 

C'est pénible, c'est excessif, et c'est vrai, profondé- 
ment, le drame de cette vie d'enfant qui pleure la nuit, 
éperdument, à cause des disputes de ses parents; qui 
éprouve je ne sais quelle honte, quelle douleur incons- 
ciente et irraisonnée lorsque le hasard lui fait con- 
naître les amours coupables de sa mère, à lui, qui 
ignore tout de l'amour et de la faute, et qui, pourtant, 
obscurément, comprend et souffre; tant d'autres spec- 
tacles entrevus, soupçonnés, devinés, désespèrent ce 
petit enfant qui est pourtant un enfant comme les 
autres, qui sait très bien jouer dans les jardins à des 
jeux puérils et violents, qui connaît l'ivresse des 
courses à la poursuite d'un papillon, qui ne demande- 
rait, enfin, qu'à vivre comme un enfant. Mais on n'a 
pas su épargner à ses yeux le spectacle de la vie; il a 
trop tôt connu la douleur humaine ; il a pris peur et il a 
couru au-devant de la mort, parce que la vie l'épou- 
vantait. 



EMILE EDWARDS 

Nadjié, la petite Hanoum. 

Nadjié, la petite Hanoum, est une bien gracieuse 
dame turque dont l'aventure nous démontre une fois 
de plus que l'émancipation ne fait pas le bonheur. Elle 
est bien simple, cette aventure : Nadjié, fille d'Ottier 
Pacha, le vainqueur des Grecs, s'est éprise du beau 



98 LE mouvéménï littéraire 

capitaine Réfik Bey; elle l'a épousé, elle est heureuse, 
et puis elle a eu l'imprudence de faire venir auprès 
d'elle sa petite servante-amie Nourié; et le beau capi- 
taine courtise Nourié: la faute est consommée, une pro- 
chaine maternité la dénonce et l'affirme. 

Alors, c'est chez Nadjié un grand désespoir, elle a 
déserté la maison, elle s'enfuit. Mais l'amour plus fort 
que la jalousie et le ressentiment, la rejette dans les 
bras de son mari le jour où elle le retrouve miraculeu- 
sement échappé aux meurtres révolutionnaires et, 
indifférents au tumulte du dehors, Nadjié et Réfik 
reprennent le doux langage de l'amour et oublient les 
souffrances et les misères passées dans les phrases 
entrecoupées de la volupté. 

Très simple histoire, vraiment, mais elle est contée 
avec tant de grâce, de spontanéité; elle est d'une si 
vivante émotion, et puis, surtout, elle nous laisse si 
bien entendre, sans commentaires inutiles, que Nadjié 
eût été bien plus heureuse si elle n'avait pas été une 
petite Turque moderne en proie aux incertitudes et 
aux souffrances de notre civilisation. Si elle avait été 
comme les dames d'autrefois, en son pays, passive- 
ment résignée, elle n'aurait pas connu toutes ces dou- 
leurs, tous ces déchirements, bien inutiles en somme, 
puisque le dénouement est resté le même et qu'elle est 
retombée dans les bras de son mari. Etait-il utile vrai- 
ment que les délicatesses de notre civilisation vinssent 
apprendre à ces dames au visage voilé des douleurs 
ignorées ? 



MARYO OLIVIER 

Les Instincts galants. 

Dans cette œuvre très intéressante j'ai plaisir à 
saluer les promesses presque entièrement réalisées d'un 



AVRIL. -^ LES ROMANS 99 

très beau talent. M. Maryo Olivier nous explique, dans 
une préface, la portée morale de son livre : il a regardé 
les hommes et il s'est aperçu qu'ils n'étaient point 
heureux, il s'est demandé pourquoi, et il n'a pas hésité 
à incriminer la civilisation. Pour retrouver le bonheur 
dans l'humanité, il faut remonter à son âge d'or, c'est- 
à-dire à sa jeunesse, à une époque où tout vivait selon 
les lois de la nature, où les fleurs s'épanouissaient sans 
qu'une main impie osât les tuer en les séparant de leurs 
tiges, où les humains étaient si riches de biens qu'ils 
dédaignaient l'or; où enfm, où surtout, les hommes et 
les femmes, gi'âce à leur sublime ignorance, donnaient 
à l'amour son véritable sens et ne voyaient en lui que 
la plus géniale des ruses de la nature qui veut seule- 
ment se perpétuer et qui réprouve toutes ces joies et 
toutes ces douleurs sans but, inventées par les amou- 
reux civilisés. 

La thèse n'est pas nouvelle; elle ne fut jamais plus 
actuelle qu'en notre temps de stérilité, et puis, M. Ma- 
ryo Olivier l'a développée en un livre si vivant, si 
mouvementé, si simplement persuasif ! C'est l'histoire 
de Denise Dalziel, qui aime successivement deux 
hommes, deux frères : Max et Walter Stoll, amie du 
premier, femme du second, et qui après des péripéties 
tout à fait émouvantes et dramatiques, trouve le 
bonheur, le calme, la paix, dans une triple maternité; 
alors, elle est sauvée: les tentations d'autrefois peuvent 
revenir, elle ne craint plus rien; tendrement, elle dit à 
son mari inquiet, en lui montrant ses trois petits 
enfants qui dorment paisiblement : « Ne m'as-tu pas 
donné la plus imposante des gardes? » 



100 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

PIERRE BOYER 

Julia Candoli. 

Malgré les désinences de ce nom romanesque, le 
soleil d'Italie n'éclaire point ce roman dont l'héroïne 
est tout prosaïquement la femme de maître Candoli, 
notaire dans une petite ville des Cévennes. Cette ville, 
l'auteur l'a baptisée Copropolis, ce qui signifie ville de 
la crotte, pour ne point contrister sans doute les habi- 
tants d'une vieille cité qui a bien changé aujourd'hui, 
qui est devenue un beau chef-*lieu pourvu des avan- 
tages modernes et dont nous ignorerons toujours le 
vrai nom. L'histoire qui se déroule dans cette ville, 
entre des personnages qui sont des coprobates, est tout 
à fait dramatique et passionnée, c'est celle des amours 
de Lucien Duteil, étudiant en médecine, et de Julia Can- 
doli qui longtemps hésite et, vaincue enfin par la pas- 
sion, se donne à son amoureux. Mais leur bonheur n'est 
pas de longue durée. Lucien est rappelé à Paris': ils 
s'écriront désormais, pas longtemps non plus, car 
Lucien s'éprend d'une grisette et Julia, l'ayant appris, 
cesse toute correspondance. 

Un jour, la nouvelle arrive à Lucien de la mort de 
Julia qui a succombé à la suite d'une opération; il 
apprend en même temps le drame qui a empoisonné 
son existence, une histoire de lettre interceptée et de 
chantage odieux. Il serait désespéré si une lettre pos- 
thume ne venait lui apporter son pardon; mais tout 
de même le remords le dévore, il veut expier, et la 
guerre de 1870 éclate à propos pour lui permettre de 
donner sa vie à la Patrie et à son souvenir. Ainsi, il se 
trouve vraiment réhabilité. 



AVRIL. — LES ROMANS 101 

ALPHONSE ALLAIS 
Le Boomerang ou rien n'est mal qui finit bien. 

Alphonse Allais, après nous avoir donné tant de 
joyeuses «œuvres anthumes» nous devait bien un livre 
posthume. Je vous ai donné le titre, et le sous-titre- 
comrnentaire de ce volume, et c'est, je crois bien, tout ce 
que je peux faire pour lui. On ne raconte pas un roman 
d'Alphonse Allais : ce sont des drôleries rebelles à 
l'analyse et à la traduction; à les commenter, à les 
répéter même mot pour mot, il semble qu'on leur 
enlève toute leur saveur, toute leur puissance comique. 
Il faut qu'elles soient encadrées par ces étonnants 
titres de chapitres, coupées par ces soliloques si amu- 
sants, annotées par ces renvois scientifico-loufoques 
où excellait ce maître humoriste, cet incomparable 
pince-sans-rire; il faut, en un mot, qu'Alphonse Allais 
préside lui-même à la présentation de son œuvre. 

Il est tout entier, très vivant, dans le Boomerang, 
ce « charmant petit roman », ainsi qu'il le qualifie lui- 
même au dix-huitième chapitre, où sont étudiés les 
phénomènes de réversibilité de l'amour : « L'amour 
détermine certaines manifestations extérieures, des 
manifestations extérieures identiques engendrent l'a- 
mour »; méditez ce théorème et vous ne tarderez pas à 
découvrir un petit grain de philosophie sous les folies 
du Boomerang, entre les joyeuses images du dessina- 
teur humoriste J. Hémard. 



TRISTAN BERNARD 
Mathilde et ses Mitaines. 

Pour nos œufs de Pâques, M. Tristan Bernard nous 
offre un nouveau roman, oh ! tout à fait nouveau et 



102 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

même un peu inattendu : Maihilde et ses Mitaines est 
un roman policier. Et un vrai, vous savez ! Avec un 
terrible mystère au début, une dame assassinée dont 
on retrouve, au fond d'une cave, le corps marqué à 
l'épaule d'une croix sanglante, et une autre dame bien 
gentille et vivante celle-là, mais qui porte à l'épaule la 
même marque assez inquiétante pour son avenir. Et 
aussi de ténébreux gredins, un commissaire sans 
génie, un couple de policiers d'un flair merveilleux, 
d'une surprenante logique, et un jeune amoureux fort 
timide en général, élevé dans la crainte des apaches 
et des querelles nocturnes, mais qui est tout prêt à 
commettre les pires imprudences et à devenir un héros 
pour sauver la pauvre petite dame blessée à l'épaule, 
qu'un hasard providentiel, certain soir tragique, a 
jetée pour une minute dans ses bras. 

Et avec tout cela c'est pourtant du pur Tristan Ber- 
nard; dans le récit de ces terribles histoires, vous 
retrouverez toute l'observation narquoise, toute la 
simplicité humaine et vivante qui sont la marque de 
son délicieux talent ; et voilà ce qui fait de ce livre un 
roman policier tout à fait à part, d'un genre très spé- 
cial et qui ne se trouvera pas du tout dépaysé entre 
« le jeune homme rangé » et le « mari pacifique ». Ces 
personnages vivent une aventure extraordinaire — 
moins extraordinaires d'ailleurs que celle dont les ban- 
dits à la mode nous offrent le spectacle trop réel — et 
ils la vivent simplement comme, il me semble, nous la 
vivrions, vous et moi. 

Ce couple de policiers, le gros Gourgeot et sa femme 
la noiraude et mince Malthilde aux mains ornées de 
mitaines, sont étonnants de perspicacité, mais ils ne 
songent pas à nous étonner : ils raisonnent devant nous, 
et nous mettent au fur et à mesure, sans nous faire 
languir, au courant de leurs découvertes. C'est admi- 
rable et c'est délicieusement simple. Nous vivons avec 
eux toutes ces histoires qui se déroulent le plus logi- 



AVRIL. — LES ROMANS 103 

quement du monde, nous nous faisons voiturer en leur 
compagnie dans ce fiacre de gare entre les brancards 
duquel un quart de siècle de résignation prenait place, 
nous les suivons dans ce voyage au Havre, certain 
jour où les prévisions de l'indicateur n'avaient point 
été trop optimistes... et c'est amusant à un point que 
je ne saurais dire; émouvant aussi : il y a dans l'aven- 
ture de Firmin Remongel et de Rose une bien jolie 
pointe d'attendrissement. 

Un livre délicieux, où René Blum a bien raison de 
saluer les mêmes qualités qui sont la parure des romans 
précédents de Tristan Bernard : une vérité d'évocation 
peu commune, une aptitude exceptionnelle à placer les 
personnages dans un décor vivant, de sorte que tous 
leurs faits, même les plus anormaux, se justifient. 



PAUL ACKER 

Les Deux Cahiers. 

« Ces deux cahiers », nous les voyons apparaître dès 
le début du livre. L'un, c'est celui où M^^ Desaulmin, 
aujourd'hui quinquagénaire, écrivait jadis ses impres- 
sions, son journal de jeune fille : c'est un cahier rayé 
en rouge, à couverture guerrière, et qui coûtait dix 
centimes; quand il était terminé on le remplaçait par 
un autre du même prix avec sur la première page, un 
autre militaire du premier Empire. L'autre, c'est le 
carnet de sa fille Suzanne, qui vient de se marier, un 
ravissant carnet en cuir jaune, de fabrication anglaise 
assurément, avec ses feuilles légères alphabétisées, 
datées, amovibles et son stylographe d'or. Le con- 
tenu est aussi différent que le contenant : sur le pre- 
mier de ces cahiers, on parle de la maison si jolie avec 
sa vigne vierge, ses grands arbres et la rivière qui l'en- 



104 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

cercle; dans le deuxième, on note les rendez-vous de 
sport, les parties de golf et les conférences de M. Berg- 
son. 

Ainsi, tout de suite, avec ce symbole très simple, 
M. Paul Acker nous prévient qu'il va opposer l'une à 
l'autre deux générations de femmes, et il le fait avec 
beaucoup de tact, de délicatesse, de bonne grâce. Con- 
trairement à ce que nous pouvions craindre, il ne 
dénigre pas le présent avec l'éloge du passé; sans 
doute il est ému doucement par le spectacle de la belle 
vie de M"^^ Desaulmin, unie et simple et mélancolique, 
évoquée dans ces cahiers jaunis, mais il comprend 
aussi et il admire la vierge forte, sa fille, qui, dans son 
carnet ne fait pas de littérature, note simplement des 
dates et des faits, mais est capable d'héroïsme et s'en 
va, par exemple, très simplement au Maroc pour soi- 
gner des soldats blessés. 

Et M^^ Desaulmin elle-même, un peu effarée devant 
sa jeune fille à l'âme virile, sait aussi la comprendre et 
l'apprécier : « ce laconique carnet de Suzanne, c'est 
tout de même le carnet d'une infirmière militaire, et 
mon carnet n'est qu'un journal à l'ancienne mode, un 
journal de petite fille ». 



HENRY RABUSSON 



La Justice de l'Amour. 



La Justice de l'Amour. Ce titre surprend au premier 
abord comme une antithèse. La justice de l'amour ! 
On peut prêter à l'amour toutes les qualités, toutes les 
grâces, toutes les vertus, sauf une, semble-t-il, qui est 
précisément la justice. Par essence, l'amour n'est pas 
juste, et pour être vraiment l'amour, il doit se soucier 
fort peu de Féquité. C'est pourtant la « justice de 



AVRIL. — LES ROMANS 105 

Tamour », plus clairvoyante et plus charitable que 
celle de la Cour d'assises, qui nous offre le dénouement 
de ce roman tumultueux, mouvementé, dramatique 
et même mélodramatique. 

Après tout, acceptons-le sans hésiter, puisque, au 
demeurant, c'était le seul moyen pour Fauteur de tirer 
ses héros d'un tragique imbroglio. Leurs aventures, qui 
paraissent fort claii-es dans le roman très bien con- 
duit, sont extrêmement compliquées et quasiment 
impossibles à raconter. 

Il y a là une foule de péripéties, de la passion, du 
meurtre et de la cupidité autant qu'en pourrait sou- 
haiter le plus romanesque des romans feuilletons. Mais 
M. Henry Rabusson se meut avec une merveilleuse 
aisance dans ces complications nées de sa généreuse 
imagination, et il trouve moyen, en nous racontant 
tout cela, de rester le romancier très délicat et très 
lettré que nous avons appris à apprécier. 



EDMOND DESCHAUMES 

Un Monsieur vient de trouver le Secret... 

n faut savoir gré, en ce temps maussade, aux roman- 
ciers qui ont le courage de garder leur belle humeur et 
leur fantaisie. M. Edmond Deschaumes est de ceux-là : 
il a débuté, il y a longtemps déjà, dans le roman gai 
t't les années ont passé sans donner une ride à sa fan- 
taisie, sans assombrir le moins du monde son humeur. 
Et son dernier roman est sans doute le plus jovial qu'il 
lit publié. Ce roman, apprécié lors de sa publication au 
Figaro, méritait de retrouver en volume son succès. 

Il est vraiment tout à fait divertissant : ses cha- 
pitres se succèdent rapides, sautillants, sans que le 
lecteur ait le temps de discuter son plaisir, de contes- 



106 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

ter quelques petites invraisemblances. Il y a là de 
l'humour, de Tamour et de Targent, des fêtards pleins 
de jovialité, des inventeurs d'une extraordinaire astuce, 
une milliardaire américaine, toutes sortes de gens de 
fort agréable compagnie, aimables fantoches où Fau- 
teur a su mettre cependant assez d'humanité pour 
nous les rendre intéressants. Et c'est un livre tout à 
fait gentil et charmant. 



VALENTINE DMITRIEV 
Le Terroriste. 

(Traduction de MM. G. Savitch et E. Jaubert). 

Ce roman russe, dont MM. G. Savitch et E. Jaubert 
publient une très pittoresque et très vivante traduction, 
le Terroriste, est l'œuvre d'une romancière, M"^^ Va- 
lentine Dmitriev qui participe depuis vingt-cinq ans 
au mouvement littéraire en Russie, où elle a acquis, 
nous dit-on, une grande réputation. Je ne connaissais 
pas cet écrivain. M. Savitch nous trace d'elle, dans 
sa préface, le portrait le plus intéressant et le plus 
émouvant. 

Après avoir lu son livre, on sera convaincu en 
France que les éloges de M. Savitch sont au-dessous 
de la vérité. C'est une œuvre touffue, copieuse, diverse 
à l'infini, avec tant de personnages disparates et pour- 
tant d'une tragique simplicité. 

Elle se déroule dans le steppe immense et vert, brû- 
lant le jour, embué de brumes au crépuscule, mysté- 
rieux et déconcertant la nuit, évoqué en des traits 
rapides, précis, poétiques, et, dans ce décor, c'est, avec 
des personnages modernes, des idées modernes, la tra- 
gédie antique dans toute son implacable fatalité, 
semée d'épisodes inextricables, si Ton veut les analyser, 



AVRIL. — LES ROMANS 107 

d'une simple harmonie quand on en lit le récit, et, 
dominant tout cela, le terroriste Stéphan qui marche 
lentement, aveuglément, avec résignation, à sa desti- 
née qui est de tout raser autour de lui et en lui, de 
semer le malheur et le désespoir, pour finir au gibet des 
terroristes. 



CLAUDE LEMAITRE 

Le Bon Samaritain. 

M "^6 Claude Lemaître nous raconte là une fort gen- 
tille histoire où abondent les péripéties inattendues, 
ot qui se termine le mieux du monde. « Le Bon Sama- 
ritain », c'est un banquier qui s'appelle Philippe Mède 
et qui, fils de ses œuvres, a réalisé une grande fortune. 
Un soir, il a aperçu sur un banc des Champs-Elysées 
une fort belle dame. Comme il est bon, il la confie à un 
médecin de ses amis, pt puis il la fait conduire dans une 
maison de santé. Elle s'y est remise tant bien que mal 
et n'a gardé de cette fâcheuse aventure qu'une com- 
plète amnésie : elle ne sait ni d'où elle vient, ni qui 
elle est; tout ce que Philippe peut connaître d'elle, c'est 
que son linge est marqué H. En possession de cet indice, 
il l'a baptisée Hélène et s'est pris à l'aimer de tout son 
cœur. 

Il désire l'épouser, mais comme il faut un état civil 
à sa fiancée, il charge le policier Calesse de reconstituer 
l'histoire de la dame à la mémoire défaillante. 

Le policier Calesse s'acquitte de sa tâche avec d'au- 
tant plus de zèle que la mère de Philippe lui a confié la 
même mission, dans un but d'ailleurs fort différent, 
celui de rompre le mariage projeté. 11 découvre la 
vérité : Hélène s'appelle en réalité Henriette, elle a eu 
toutes sortes de malheurs ! Elle a épousé un mari mor- 



108 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

phinomane, aujourd'hui mort, et elle est la fille d'une 
veuve qui habite en Normandie. 

Philippe que le mystère avait si fortement émous- 
tillé voit son goût tout à fait diminué maintenant qu'il 
connaît la banale vérité; il se contenterait fort bien de 
faire d'Hélène-Henriette sa maîtresse, mais la mère de 
cette dernière, à qui il expose ingénument ce projet, 
le repousse avec le mécontentement que vous pouvez 
supposer. Et, ma foi, Philippe se décide à épouser sa 
belle inconnue, les deux belles-mères fraternisent et 
ce sera peut-être — pourquoi pas? — un excellent 
ménage. 



ALBERT JUHELLÉ 

L'Impossible Hymen. 

Il y a, dans V Impossible Hymen, une situation tra- 
gique, la plus tragique des situations imaginables : 
celle-là même qui fit frémir depuis tant de siècles les 
spectateurs d'Œdipe roi, avec cette différence que les 
héros infortunés de Sophocle étaient une mère et son 
fils, tandis que ceux de M. Juhellé sont un père et sa 
fille. 

Je ne vous étonnerai pas en vous révélant qu'il y a 
quelques autres différences entre la tragédie antique et 
le roman moderne. Les héros de M. Juhellé souffrent, 
sans doute, et se désespèrent de la terrible situation 
où le Destin les a mis, niais ils ne poussent pas, autant 
que nous le croirions légitime, la situation au tragique. 
Que voulez-vous, tout dégénère, même le remords ! 

Donc, le séduisant René Tracy, étudiant en droit, a, 
certain soir de Mardi Gras, fait la conquête éphémère 
et rapide d'une femme du monde qu'il n'a jamais 
revue. Vingt ans après, devenu avocat, il a rencontré 



AVRIL. — LES ROMANS 109 

une jeune fille, Yvonne de Chantenay, qui lui parut 
fort séduisante et qu'il courtisa pour le mauvais 
motif. Mais Yvonne veut se marier, et elle présente son 
soupirant à sa mère, laquelle n'est autre que la dame 
du Mardi Gras d'il y a vingt ans. 

Un instant d'inquiétude, d'angoisse, et René Tracy 
reprend sa course insouciante vers le bonheur. Il atteint 
au but, Yvonne devient sa maîtresse, et M^*^^ de Chan- 
tenay, éperdue, horréfiée, apprend la vérité à l'avocat, 
t't cette affreuse vérité est révélée à Yvonne même 
dans une scène terrible. C'est « l'impossible hymen ». 
M nie de Chantenay entraînera au loin sa fille éperdue 
t pleurante. Œdipe, en face d'une telle situation, se 
creva les yeux; René, lui, s'en va en murmurant : « Le 
Destin est seul coupable. C'est lui qui m'a conduit à 
boire deux fois à la même source ! » 



HENRI AMIG 

Cœurs inconnus. 

Tous les cœurs sont des cœurs inconnus: Maupas- 
sant le disait dans des pages que M. Henri Amie rap- 
pelle au seuil de son livre. « Et moi, j'ai beau vouloir 
me donner tout entier, ouvrir toutes les portes de mon 
âme, je ne parviens point à me livrer. Je garde au fond, 
tout au fond, ce lieu secret du moi où personne ne 
pénètre. Personne ne peut le découvrir, y entrer, parce 
que personne ne me ressemble, parce que personne ne 
comprend personne. » 

Les êtres qui aiment ou qui sont aimés ne croient 
})as cela, ils s'imaginent orgueilleusement que les mys- 
tères n'existent plus pour eux. Quelle erreur! Quelle 
source de déceptions et aussi que de révélations inat- 
tendues et magnifiques, comme celles de ce Julien, le 



110 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

héros du roman de M. Amie, mari trompé de M™^ Do- 
minique Berges, si noble, si généreux dans son infor- 
tune. Le roman tout entier, avec ses nombreuses péri- 
péties sentimentales que je ne saurais vous redire sans 
trahir l'auteur, est fort intéressant, d'une observation 
profonde, mélancolique, passionnée : c'est un livre des 
plus remarquables. 



ROBERT DE MAGHIELS 

Le Crime et le Remords. 

Les nouvelles que M. Robert de Machiels a réunies 
sous ce titre sont de sujets très divers et de valeur fort 
inégale, mais il y en a deux : « le Crime et le Remords » 
et « la Peur de l'homme » qui sont tout à fait remar- 
quables et qui suffiraient à défendre le livre tout entier 
contre l'indifférence; la première notamment, l'histoire 
tragique de cet amant criminel par son silence et sa 
lâcheté et qui demeure terrifié devant le mal accom- 
pli « comme un condamné contemplant, hagard, les 
deux compagnons qu'il s'est donnés, les deux com- 
pagnons qui resteront près de lui, sans jamais plus le 
quitter un instant durant toute sa vie, ses deux com- 
pagnons de chaîne : son crime et son remords. » 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, SCIENCE, 



DIVERS. 



Lettres et Documents pour servir à l'Histoire de 
Joachim Murât (1767-1815). 

(6"^e çolume.) 

Il y a dans ce sixième volume d'une bien belle série, 
( inq cent cinquante lettres émanant pour la plupart de 
Murât et de l'Empereur et aussi de Grouchy, Lefebvre, 
Kellermann, Bessières, de Jérôme Bonaparte, de la 
leine Hortense, des princesses Elisa, Pauline et Caro- 
line, qui sont, comme celles des volumes précédents, 
(l'un merveilleux intérêt. Elles donnent tout son relief 
I cette figure magnifique de soldat et de roi; nous 
voyons là, racontée pai' des documents incontestables 
l'histoire de la « la lieutenance de Murât, grand-duc 
 

(Traduction du D"" Bory.) 

Voici un livre tout à fait curieux et intéressant, 
œuvre d'un homme qui respecte la vieillesse, mais 
ne l'aime pas du tout et voudrait retarder le plus pos- 
sible sa fâcheuse entrée dans notre existence.. Elle 
apparaît, pour la première fois, entre quarante et qua- 
rante-cinq ans : c'est beaucoup trop tôt à l'estimation 
de M. Lorand, et pourtant il est bien des gens qui 
n'attendent même pas cette échéance et qui, dès la 
trentième année, présentent les signes typiques de la 
vieillesse. 

Ces signes, voulez-vous les connaître ? C'est une cer- 
taine corpulence, des cheveux gris, des rides sur le 
visage; les gencives se rétractent et les dents appa- 
raissent plus longues. Mais je m'arrête, le portrait va 
devenir tout à fait désagréable... 

Comment éviter de ressembler trop tôt à ce portrait? 
M. le docteur Lorand nous l'explique en une série de 
chapitres tout à fait curieux et pittoresques où il y a, 
me semble-t-il, une foule d'aperçus nouveaux et qui se 
termine par les douze commandements de la longévité 
qui paraissent très raisonnables, mais qui ne sont pas 
tous également faciles à observer. 

Après nous avoir conté l'histoire de T^^omas Parr qui 
mourut à cent cinquante-deux ans et neuf mois, vic- 
time de la bonne chère que ses hôtes londonniens lui 



126 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

offraient et qui convenait beaucoup moins à son tem- 
pérament que sa nourriture habituelle, misérable, com- 
posée de fromage, de lait et de pain dur, M. Lorand 
conclut : « Si quelqu'un nous demandait comment il 
pourrait devenir centenaire, nous lui répondrions sans 
tarder : va comme religieux t'enfermer dans un monas- 
tère, ou bien encore fais-toi paysan. » Alors, que vou- 
lez-vous? je me résigne, je ne serai pas centenaire. 



MEMENTO DU MOIS D'AVRIL 



ROMANS 

Alanic (Mathilde). — Et Vamour dispose. 

Bloch (Jean Richard). — Lévy, « premier livre de contes ». 

Chebrac (Henri de). — Petites Princesses. 

Fisquet (Louise). — Thérèse Dalhran. 

Galopin (Arnould). — L'Homme au complet gris, « roman mys- 
térieux ». 

Gauthiez (Pierre). — Contes sur velin. 

Hellons (Fr.). — Les Hors-le-Vent, nouvelles. 

Kipling (Rudyard). — Chez les Américains (traduction de 
M. Albert Savine). 

La Grillière (Raphaël de). — V Eternelle Enigme. 

Le Roy (Eugène). — U Ennemi de la Mort. ^ 

Morian (Jacques). — Le Tournant. 

Savignon (André). — Les Filles de la Pluie, « scènes de la vie 
ouessantine ». 

Schneider (Anna). — Arabe Française, « roman algérien ». 

Tony d'Ulmès. — Pension de Famille. 

Voos de Ghistelles (Georges). — Après V Amour. 



HISTOIRE. — LITTERATURE. — THÉÂTRE. — 
POÉSIE. — POLITIQUE. — DIVERS. 

Aicard (Jean). — Jésus, poèmes écrits entre 1896 et 1912. 
Ce sont des pages chrétiennes, des prières, des chants 



MÉMENTO DU MOIS d'AVRIL 127 

d'adoration, de ferveur et de foi ; les belles histoires des 
évangiles, les bergers dans la montagne, et l'enfant au ber- 
ceau, et Jean-Baptiste, et le bon Samaritain, et Marie- 
Madeleine, et Marie mère du Christ, et le Juif errant, et les 
deux larrons, défilent dans ce petit livre, évoqués en de 
robustes alexandrins d'un beau métal ; tout pleins de can- 
deur, d'espérance et de foi. Ces vers, M. Jean Aicard les 
offre à son grand-père, Jacques Aicard, mort le 29 septem- 
bre 1872. « Avant», lui dit-il. 

Avant d^ aller dormir près de toi dans la terre, 
J^ai voulu, pour ta joie, écrire ce Mystère, 
Tel un pâtre ignorant, sur un morceau de bois. 
De son couteau grossier sculpte un Jésus en croix. 

Albin (Pierre). — La Querelle franco-allemande. « Le coup 
d'Agadir. » 

Aubert (D"^ P.). — Sonnets et Vers du Docteur. 

Avril (René d'). — Les Impalpables, poésies. 

Baratier (Lieutenant-Colonel). — A travers V Afrique. Evo- 
quant une belle page de l'histoire française, une page 
où son nom souvent s'imprime glorieusement, l'auteur 
nous offre une édition définitive, ornée de huit portraits 
et six cartes, de son livre. Un beau livre vraiment, de 
noble simplicité, de vaillance et de vérité, que l'auteur 
dédie « à ceux qui refusent aux colonies d'être une terre 
où se préparent des âmes et qui affectent de n'y voir qu'uri 
terrain de concours pour le grade ou la croix; à ceux qui 
nient l'utilité du sacrifice; à ceux aussi qui doutent de la 
permanence en l'armée des vieilles vertus de la race ». Et 
de \Tai, rien ne saurait mieux les convaincre et les conver- 
tir que ces récits héroïques. 

Bernard (Jean). — La vie de Paris, 19n. 

Bois (Jules). — Nail, le poème dramatique sur lequel M. Isidore 
de Lara a brodé une si belle musique. Le poète est digne du 
musicien et il lui a apporté une œuvre qui est autre chose 
qu'un livret d'Opéra. En guise de préface, M. Jules Bois 
nous a donné une savante et poétique étude siu" « les gitanes 
du désert », ces ouled-naïlia qui sont « im des éléments 
indispensables du paradis terrestre : elles apportent un 
avant-goût de ces voluptés promises au bon mulsulman 
par le prophète, elles incarnent ici-bas les houris du ciel. » 

Boissy (Maurice de). — Pages d'hier, poésies. 

Bonand (R. de). — La France de V Afrique du Nord. 

Bonnamour (Georges). — La Splendeur des choses, des vers très 
lyriques que le poète place sous l'invocation de l'Amour, 
du « Divin, mystérieux, impérissable Amoiu* ». 

Bouscatel (Jean). — La Nostalgie de la Beauté, des pensées très 
judicieusement choisies de Jean Lorrain, réunies sous un 
bien beau titre, commentaire éloquent, précis, décisif, de 
l'œuvre de l'écrivain. 

Carret (D"" Jules). — Démonstration de V Inexistence de Dieu. 

Castex (Lieutenant do vaisseau). — L'Envers de la guerre de 
course. 



128 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Caussy (Fernand). — Voltaire, seigneur de village. C'est l'his- 
toire de Voltaire à Ferney, gentilhomme campagnard qui 
Elante, fume et défriche, seigneur de village soucieux de 
i prospérité et de l'embellissement de son village, nota- 
ble qui s'occupe des routes, des impôts, des réclamations, 
et c est tout à fait instructif, amusant, et parfois fort 
émouvant. 

Delza (André). — Le Vent du soir, poésies. 

Efepagniat (Roger). — Les Martyrs de V Aviation, un volume 
présenté par M. Maurice Barrés. 

Deslmières (Lucien). — Le Maroc socialiste, un livre où l'écri- 
vain socialiste bien connu demande qu'on procède à une 
expérience de colonisation sur la base collectiviste dans la 
région marocaine du Sebou. Je ne doute pas des intentions 
de M. Deslinières, mais je comprends assez qu'un gouver- 
nement bourgeois se méfie un peu de ce bloc enfariné. 

Douady (Jules). — La Mer et les Poètes anglais. C'est toute 
l'histoire de la poésie maritime anglaise évoquée depuis 
Chaucer, Spencer, Shakespeare, jusqu'aux poètes moder- 
nes de Coleridge à Shelley et à Kipling, en un volume excel- 
lemment traduit et présenté. 

Doysié (Abel). — Heures de France et d'Exil, poèmes. 

Drouët (Marcel). — Quelques feuillets du Livre juvénile. 

Duranty (Marquis de), — Voir Paul Ga:ffarel. 

Emerson. — Les Forces éternelles et autres essais, une fort 
remarquable traduction de M"^ k. Johnston, 

Faguet (Emile). — U Initiation philosophique; c'est en de bien 
jolies pages, éloquentes, claires et précises, lui guide char- 
mant de l'apprenti philosophe, il trace la voie au débu- 
tant, il satisfait déjà, et, surtout, il excite ses premières 
curiosités, il donne luie idée suffisante de la marche des 
faits et des idées. Il mène le lecteur, un peu rapidement, 
des origines les plus reculées aux derniers efïorts de 
l'esprit humain, d'Anaximandre et d'Heraclite jusqu'à 
M. Bergson. 

Fendrich. — Les Sports de la Neige, adaptation française de 
M. René Auscher. 

Fleischmann (Hector). — Victor Hugo, Waterloo, Napoléon, 
un fort intéressant recueil de documents littéraires et gra- 
phiques. 

Foley (Charles). — Femmes aimées, Femmes aimantes ; ce sont, 
évoquées en une bien séduisante et touchante galerie, les 
belles dames qui, pendant sept ou huit siècles, firent le bon- 
heur et le désespoir des hommes depuis la reine Bathilde 
jusqu'à l'Inconnue de Mérimée, en passant par la doulou- 
reuse Marceline Desbordes, M™^ de Prie, M^^^ de Pompa- 
dour, la princesse de Lamballe, Marie Stuart, tant d'au- 
tres qui furent belles, qui furent aimées, qui furent amou- 
reuses. 

Fraysse (Antonin). — De VAuhe au Soir, poèmes. 

Gaffarel (Paul) et Marquis de Duranty. — La Peste de 1720 à 
Marseille et en France. 

Gillouin (René). — La Philosophie de M, Henri Bersong, un 



MÉMENTO DU MOIS d'aVRIL 129 

\oluine où l'auteur prétend démontrer que dès maintenant 
M. Henri Bergson a sa place marquée parmi les très grands 
philosophes de tous les pays et de tous les temps, que la 
pliilosophie bergsonienne apparaît comme la matrice de 
toute philosophie future. 

Hallays (André). — En flânant à travers la France : la Tou- 
raine, V Anjou et le Maine. 

Harmel (Françoise). — La Chasteté. 

Hauser (Fernand), — Le* Mystère des Mois, de beaux vers qui 
chantent, depuis mars le plus jeune des mois, jusqu'à 
février, « armonciateur du printemps », en passant par août, 
*( mois de l'hyménée », novembre aux tomoeaux, décembre 
et les cyprès. 

Huard (C.-L.). — Histoire des Arabes, deux volumes consacrés 
à l'histoire considérable qui se déroule, non seulement dans 
lapéniusule de l'Arabie, mais dans tant de parties du monde 
où les Arabes imposèrent leur domination et leur langue. 
L'ouvrage de M. C.-L. Huard est le premier qui ait paru 
sur ce sujet depuis longtemps, depuis notamment la publi- 
cation des textes arabes et les travaux critiques qui ont 
complètement transformé notre conception du mouvement 
islamique, à la fois religieux, politique et social, avec la 
langue arabe pour véhicule. 

Hulot (Capitaine G.). — La Manœwvre de Laon (1814), étude 
stratégique. 

Imbert-Vier (Joé). — Le Chemin entre les Haies, poésies. 

Joubin (D^^ L.). — La Vie dans les Océans. 

Jouglet (René). — Les Roses sur la Vie. 

Kaiser (Isabelle). — Le Jardin clos, poésies. 

Laurentie (François). — Barbey d'Aurevilly. 

Lecomte (L. Henry). — Napoléon et le monde dramatique. 

Leguay (Pierre). — Universitaires d'aujourd'hui : « Lavisse, 
Lanson, Lichtenberger, Langlois, Durkheim. » 

Léonard (Fr.). — Babylone, çoèmes. 

Lepelletier (Edmond). — Histoire de la Commune de 1871, un 
volume consacré au « Comité Central ». 

Leroux Cesbron. — Av^ portes de Paris. 

Ménagé (Victor). — Roméo et Juliette, drame en cinq actes en 
vers adapté de la pièce de Shakespeare (1596), d'après la 
nouvelle de Luigi da Porto (1535) et la légende. 

Moeller (Charles). — La Politique des Etats européens devant la 
seconde raoitié du siècle dernier. 

Nansouty (Max de). — La Locomotive et les Chemins de fer. 

Palante (Georges). — La Philosophie du Bovary sme. 

Paysan (Achille). — Vers Dieu, poèmes. 

Regismanset (Charles). — La Vaine Chanson, poèmes. 

Sauzey de la Sabre tache (Lieutenant-Colonel). — Les Alle- 
mands sous les Aigles françaises, « Essai sur les troupes de 
la Confédération du Rhin» (1806-1813). {Suite.) 

Schurman. — Derrière le rideau. 

Ségur (Marquis de).^ — Parmi les cyprès et les lauriers, un certain 
nombre d'études et de portraits littéraires que l'éminent 
académicien composa au cours de conférences dont on n'a 



130 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

point oublié le succès, sous la Coupole, ou devant une 
tombe entr'ouverte. Et ce livre aux sujets si variés, traités 
dans des circonstances si diverses, est cependant d'une belle 
harmonie. Qu'il parle ou qu'il écrive, le marquis de Ségur 
possède au suprême degré cette éloquence académique, 
noble et sereine, dont il sait à l'occasion tempéref la gravité 
par de la bonne grâce et de la bonne humeur, et ce sont des 
pages éloquentes sur Louis Veuillot, une évocation infini- 
ment aimable et spirituelle de Louise Colet, une décisive 
étude sur les Goncourt, de belles pages émouvantes et 
émues sur Albert Vandal et sur Emile Gebhart, et ce 
remarquable discours académique prononcé lors de la 
réception d'Eugène Brieux. 

Taris (Etienne). — La Russie et ses richesses. 

Ussel (Vicomte Jean d'). — Etudes sur r année 1813. 2® volume : 
L^ Intervention de V Autriche (décembre 1812-mai 1813). 

Vaillat (Léandre). — La Savoie, un livre tout à fait joli, hom- 
mage attendri d'un voyageur sentimental à cet admirable 
pays, à ces paysages émouvants d'une beauté qui oppresse, 
« à ces campagnes aux colorations tendres allant des bleus 
sombres de saphir au vert mousse rompu d'or, en pt ssant 
par toutes les variations des bleus, des verts, des mauves 
et des gris », Nous le suivons ravis et parfois transportés, 
sur les rives du Léman, dans les vallées de la Dranse terrible 
et charmante, vers ce monastère d'Abondance, ce col des 
Gets, cette abbaye de Mélan où séjourna M™e Guyon, 
Chamonix où vécut George Sand, dans tous ces coins 
merveilleux dont on ne saurait perdre le souvenir quand 
on en a une fois connu le vertige et la douceur. 

Vesme (Gemma de). — Le Songe de la vie, un bien beau drame 
en vers qui mériterait une longue analyse et qui, j'espère 
bien, sera quelque jour réalisé, bien qu'il soit si original, si 
étranger au cadre des banalités accoutumées du théâtre 
contemporain. L'éminent astronome Camille Flammarion 
a éprouvé une très vive et sincère admiration pour ce beau 
poème, œuvre d'une jeune fille de dix-neuf ans, « douée 
d'une érudition rare et des plus hautes facultés intellec- 
tuelles, œuvre qui fait penser et qui nous démontre que 
toutes les fées n'ont pas disparu de notre séjour sublu- 
naire ». 

WooUett (Henry). — Histoire de la musique depuis Vantiquité 
jusqu'à nos jours, un volume orné de nombreux dessins et 
portraits, qui va de J.-S. Bach à Schumann. 



MAI 



LES ROMANS 



LÉON BARRY 



Au delà du Bonheur. 



M. Léon Barry, en qui j'ai salué avec tant de joie 
l'aurore d'un très beau talent lorsque, l'an dernier, 
parut le livre exquis intitulé : Le Voyage d'Hélène, vient 
de publier un roman : Au delà du bonheur. 

C'est un fort beau livre et qui, je pense, l'acheminera 
vers la renommée dont il est digne et que nous ne serons 
pas peu fier d'avoir prévue et annoncée. Ce roman, 
écrit en une fort belle langue, est une œuvre émou- 
vante, humaine, et d'une pensée profonde. L'aventure 
de Pierre Dalvagne est tout à fait dramatique : ce 
jeune homme a renoncé à la vie toute pleine de sou- 
rires, de tendresse et de joies sérieuses que lui promet- 
tait le monde, pour entrer au couvent des Bénédictins. 

Après quelques mois passés dans le cloître, il a vite 
reconnu son erreur : les rigueurs de cette religion, 

Il'étroitesse de cette règle l'oppressent douloureuse- 
ment. A la suite d'une gi'ave maladie, il renonce au 
couvent, il veut rentrer dans la vie; mais sa mère, qui 
avait tant souffert de son entrée dans les ordres, souffre 
plus encore de cette fuite impie; la jeune fille qu'il 



432 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

aimait et qui pleura son départ s'est mariée; la vie 
enfin, qu'il répudiait naguère avec tant de ferveur, 
semble l'avoir à son tour répudié. 

Il veut vivre néanmoins; il connaît tour à tour les 
affres de la passion violente, les joies austères du travail, 
le désespoir des renoncements, lorsqu'il s'aperçoit que 
l'irréparable est entre lui et sa fiancée d'autrefois, et 
cependant il prend conscience de son devoir humain, 
il comprend que la sagesse suprême, c'est l'amour de sa 
destinée : ultimum Sapientiss Amor Fati, et, paraphra- 
sant la belle pensée de M"^^ de Staël, mise en épigraphe : 
« Le but de la vie n'est pas le bonheur, mais le perfec- 
tionnement », il s'écrie avec désespoir, avec ivresse : 
« Le bonheur humain n'est pas fait pour moi. Il me 
faut aller plus loin et plus haut, tout seul. C'est ma 
destinée, je l'accepte à présent, pour toujours. Quelle 
que soit une destinée, elle est toujours heureuse et belle 
quand on l'aime. Oh ! mon cœur ! emplis-toi de dou- 
ceur et d'amertume, de douleur et de joie, emplis-toi 
d'amour, démesurément. » 



MARCEL PRÉVOST 

Missette. 

Sous le titre : Missette, M. Marcel Prévost nous offre 
l'aimable régal de trois grandes nouvelles, trois vérita- 
bles romans, réunis en un volume. La première de ces 
nouvelles, « Missette », est une chose délicieuse, d'une 
grâce désinvolte, d'une émotion légère et profonde. 
Missette, ce nom gentil, diminutif de Miss, où il y a tout 
à la fois une caresse familière et un peu de mépris, a 
été donné par le jeune Raymond à Hilda, une certaine 
institutrice suisse introduite dans la famille Aligand 
après le départ de Miss Hannah, la gouvernante de 



MAI. — LES ROMANS 133 

Sabine Aligand, qui s'en est retournée en Angleterre 
pour se marier. 

En baptisant ainsi la nouvelle « miss », Raymond, le 
jeune frère de Sabine, a parfaitement qualifié cette 
jeune fille a l'air si chaste et si candide, aux cheveux si 
blonds, aux dents si blanches, qui a tout de suite fait 
la conquête de toute la famille et qui est, en réalité, une 
terrible sainte-nitouche au passé tumultueux, per- 
sonne tout en toc dont les dents blanches sont fausses, 
dont les blonds cheveux sont teints, et qui, dans cette 
maison qui l'accueillit avec tant de bonne grâce, se 
livre aux plus vilains manèges pour, à la fin, s'enfuir 
certain jour en emportant les bijoux de Sabine et en 
enlevant par surcroit son fiancé, par qui elle se fera 
même épouser. 

Cette histoire rapide, alerte, est contée par Sabine 
a son ancienne institutrice, et elle nous permet d'ap- 
précier cette jeune fille, digne vraiment de figurer dans 
la galerie des vierges fortes et tendres de Marcel Pré- 
vost. C'est une bien jolie figure, cette Sabine: elle rit 
gentiment de l'aventure, mais on sent bien qu'il y a, 
au bord de ses jolis yeux, des larmes qu'elle ne veut pas 
laisser couler parce qu'elle est courageuse. Vous com- 
prenez, c'est tout de même une terrible aventure pour 
une jeune fille de vingt ans ! Elle a beau se raisonner, 
se dire qu'après tout, de bien plus grands malheurs 
lui ont été ainsi épargnés; elle a cependant le cœur gros, 
et il lui faut un joli héroïsme pour raconter ainsi cette 
histoire de sa première désillusion. Et c'est tout à fait 
gracieux, émouvant et délicat. 

Je me suis laissé aller au plaisir de vous parler un peu 
longuement de cette jolie nouvelle, et je n'ai plus que 
peu de place pour vous dire la tragique impression qui 
se dégage de la Paille dans l'Acier, une douloureuse 
histoire où la vilenie d'une femme amène entre deux 
hommes, également loyaux et droits, une affreuse 
catastrophe, et la grâce subtile de la Pro^^inciale, 



134 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

trompée par son mari et qui s'arrête au bord, tout au 
bord du danger des représailles. 

Et vous voyez que Missette est un livre tout plein de 
séduction, d'agrément et d'intérêt, où le talent, de 
Marcel Prévost s'est, pour vous plaire, montré sous 
toutes ses faces. 



JOHN-ANTOINE NAU 

Cristobal le poète. 

La première fois qu'il fut décerné, le Prix Concourt 
révéla le nom d'un écrivain du plus haut mérite : John- 
Antoine Nau; le titre d'une œuvre remarquable et 
puissamment originale : Force ennemie. Depuis lors, 
John- Antoine Nau nous a donné des livres qui, tou- 
jours, portaient la marque d'un rare et beau talent, 
mais leur fortune fut restreinte : la foule n'a point voulu 
encore consacrer la renommée de l'écrivain lauréat. 
Pourquoi? Pourquoi John- Antoine Nau n'a-t-il pas 
conquis ces suffrages si généreusement prodigués à 
d'autres qui sont parfois des médiocres? C'est un 
mystère et c'est une injustice aussi qu'il faudra bien 
quelque jour réparer. 

Il se pourrait que Cristobal le poète fournit au public 
l'occasion de cette réparation. Il est, en effet, comme 
les précédents livres de cet écrivain, d'une étrangeté 
prenante, d'une saveur âpre et forte, d'un humour 
tout à fait original et séduisant ; mais il y a, derrière 
l'amertume de cette ironie, de la tendresse et de l'émo- 
tion; et puis, ce roman possède la grande vertu, celle 
sans quoi toutes les autres sont vaines : il est amusant, 
il est d'un intérêt direct et le lecteur y peut trouver 
son plaisir sans avoir la fatigue de le chercher. 

Le héros du livre est un enfant, un enfant de neuf 



MAI. LES ROMANS 135 

ans, qui fut, par sa mère Angèle, affublé de ce prénom 
romanesque de « Cristobal » et par un des très nom- 
breux amis d'Angèle, surnommé « le poète ». Et le 
romancier nous raconte quelques années de sa vie 

I mélancolique, douloureuse, jalonnée de taloches, illu- 
ininée de rêves, qui se déroule dans d'équivoques et 
sordides maisons d'Alger jusqu'au moment où Cris- 
tobal, devenu adolescent et voleur, quitte la ville 
blanche pour suivre son destin de poète, d'amoureux 
bt de filou. 
l Cette histoire est toute en nuances, en épisodes 
curieux, burlesques, dramatiques ou émouvants, qui 
se pressent en foule dans ma mémoire, si nombreux 
que je suis bien empêché de choisir. Une figure falote, 
douloureuse et grave s'en dégage, une figure qui fait 
penser à Poil de Carotte, aussi noire que celle-là était 
rouge; frimousse brune, « grosse comme un point de 
consomptif, qui avait quelque chose de simiesque avec 
ses petits yeux noirs, vifs et clignotants, ses mâchoires 
saillantes, son minuscule nez retroussé aux narines 
écarquillées, son front bombé, haut mais étroit, con- 
tinuellement plissé et déplissé ». 

Cet enfant curieux se débat et se déforme dans des 
maisons étranges qui ressemblent à celles où souf- 
frirent Olivier Twist et David Cooperfield, au milieu 
d'un décor évoqué par l'écrivain avec un luxe prodi- 
gieux de couleurs et qui est d'un peintre plutôt «que 
d'un romancier. Que de couleurs ! C'est le ciel vague- 
ment teinté de lilas, les collines rousses et vertes, l'eau 
l)leue moirée de longues traînées violâtres, la mer étin- 
celante de saphirs d'ors et de diamants, les montagnes 
bleues, violettes, rouges, zébrées de feuillages de tous 
les verts; et sur ces couleurs, d'autres couleurs encore : 
les faubourgs ennuagés de bistre sous de rouges 
tuyaux de fabriques, et les petites filles en vestes bleu- 
phosphore et en couleur soufre, d'autres vertes et roses, 
orniifrc f't turquoise, lilas et perle, citron et pivoine. 



136 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Et c*est un style étrange, heurté, avec des images très 
belles, avec aussi une condamnable prédilection pour 
les néologismes : les colonnades « rivoliennes » des rues, 
la « sémillance » des femmes, que sais-je encore... Et 
tout cela, d'ensemble, constitue un beau livre, œuvre 
d'un homme de grand talent qui doit connaître, qui 
connaîtra les grands succès. 



MAURICE MAINDRON 

Dariolette. 

Maurice Maindron, mort il y a quelques mois, avait 
laissé le manuscrit d'un roman qu'on nous offre au- 
jourd'hui et qui s'appelle Dariolette. Dans la galerie si 
belle, si riche, des œuvres de Maurice Maindron, 
Dariolette occupera une place tout à fait particulière. 
C'est un de ces romans mystérieux qu'on nous pro- 
digue en ce moment avec une générosité un peu exces- 
sive : enlèvement et disparition d'une dame, stupeur 
d'un mari un peu niais, convoitises allumées autour de 
la dot d'une riche héritière, laquelle est la nièce de la 
dame enlevée, ruses ténébreuses de bandits, habileté 
merveilleuse et bravoure d'un détective amateur qui 
met.tout son flair et toute sa vaillance au service d'un 
amoureux sincère, lequel chérit la jeune fille sans 
rechercher sa fortune, et finalement, découverte du 
mystère, châtiment des gredins, triomphe de l'amour, 
et heureux mariage. 

Vous voyez, c'est toute la poétique du genre; seule- 
ment, Maurice Maindron, vous vous en doutez bien, 
n'a pas fait ce roman-là comme tout le monde. Et tout 
d'abord, il l'a situé au début du xvii® siècle, sous le 
règne de Louis XIII; ses bandits sont des Italiens qui 
font partie de l'entourage de Concini, son détective 



MAI. — LES ROMANS 137 

est un valeureux capitaine de chevau-légers qui s'ap- 
pelle La Caissière, et toute cette ténébreuse histoire se 
déroule dans un cadre pittoresque, coloré, animé de 
figures truculentes évoquées avec cet art prestigieux 
qui était celui de Maurice Maindron : c'est tout à fait 
amusant et dramatique, et tous ces héros feront bonne 
figure entre Saint-Gendre et Blancador. 



RENÉ LE CŒUR 

Lili. 

Le surnom de Lili vous fait penser tout de suite à 
quelque petite femme agréable. Détrompez-vous ! 
C'est celui du vicomte de Clères de Fleuries, un beau 
garçon de trente-cinq ans. Quand un homme s'appelle 
Lili, les plus fâcheuses suppositions sont permises sur 
son compte; elles ne sont pas toutes justifiées dans la 
circonstance : le vicomte aime beaucoup les dames et 
le jeu, et cette double passion, combinée avec une incu- 
rable paresse, l'a conduit à la ruine totale et à la détresse. 
Pour se tirer d'embarras, il aurait eu volontiers recours 
aux bons offices de sa petite amie Lina, mais celle-ci 
l'a fort proprement jeté à la porte et Lili, qui pourrait 
s'évader de cette vie ou se mettre au travail, découvre 
une troisième solution : il va faire la cour à la mère, très 
mûre, d'un de ses petits camarades. 

Après de patients efforts il réussit, il épouse M "^^ Rai- 
zet. Mais, stupeur! M^^^ Raizet, qu'il croyait riche, 
n'est que l'usufruitière de la fortune qui dans trois ans 
reviendra à son fils, et Lili se trouve avoir fait la plus 
malheureuse des spéculations. Le voilà plus gêné que 
jamais, obligé de quémander son argent de poche et de 
satisfaire aux fort pénibles volontés d'une épouse 
exigeante. 



138 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Encore, il a pendant quelques années l'illusion, Tap- 
parence du bien-être, mais le fils de sa femme atteint 
sa majorité et le ménage se trouve réduit à la portion 
congrue. Ces deux époux qui se méprisent assez juste- 
ment mènent alors côte à côte, hostiles, une vie de pri- 
vations et de misères. 

Enfin, la femme de Lili meurt, son fils secourable 
alloue au veuf une maigre pension insuffisante et que 
le vicomte essaye d'arrondir en vendant son titre à cer- 
tain fils naturel, lequel traite ce titre comme il con- 
vient et s'en va le mener sur les bancs de la Cour d'as- 
sises. Ainsi, Lili qui n'avait vraiment pas besoin de 
cela, est déshonoré par procuration, et il s'en va ter- 
miner sa vie misérable dans un coin de Rouen où, pen- 
dant de longues années, il se livrera, sous l'œil des voi- 
sines, aux soins de son ménage. 

Histoire lamentable, comme vous voyez, mais 
M. René Le Cœur a su nous la raconter avec tant de 
bonne grâce et d'esprit qu'elle nous paraît tout à fait 
divertissante et agréable, je ne dis pas émouvante, car 
l'auteur n'a jamais eu le dessein de nous émouvoir sur 
le sort de son triste héros. 



BINET-VALMER 

Le Plaisir. 

M. Binet-Valmer évoque le Plaisir en des pages 
ardentes, tumultueuses et vraies. Dans ce livre, né 
d'hier et déjà célèbre, j'ai retrouvé toutes les qualités 
curieuses et fortes de l'auteur des Métèques et du Gamin 
tendre, et aussi ce défaut, imputable à moi sans doute 
beaucoup plus qu'à l'auteur, d'être tout à fait rebelle 
à l'analyse. 

Je me sens, en effet, incapable de vous raconter sans 



MAI. LES ROMANS 139 

la trahir, l'histoire de la comtesse Catherine de Vinzel, 
mariée au séduisant Pierre de Vinzel, qu'elle chassa 
certain jour après avoir surpris sa trahison et par qui 
elle se laisse reprendre malgré elle, malgré son orgueil 
blessé, asservie, transportée par « le plaisir ». Ce plaisir 
qui domine, qui enflamme l'œuvre tout entière, 
M. Binet-Valmer l'a exalté avec beaucoup de ferveur 
et de véhémence, mafs vous n'y trouverez pas d'allé- 
gresse, et même vous aurez, je pense, l'angoisse d'une 
fatalité qui pèse sur ces héros. C'est le plaisir souverain, 
tyrannique, irrésistible, ce n'est pas la joie. 

Tous les personnages de ce drame M. Binet-Valmer 
les a regardés de terriblement près : il a pu nous 
rapporter la vision de formes voluptueuses et belles, 
mais il a dû remuer et explorer des fonds singulière- 
ment moins beaux; de là un curieux mélange de 
lyrisme effréné et d'attristante et violente réalité. 



EMILE GUILLAUMIN 

Le Syndicat de Baugignoux. 

Le Syndicat de Baiigignoux est un livre bien curieux, 
document émouvant et sincère pour servir à l'histoire 
du syndicalisme paysan à l'aurore du xx^ siècle. Cette 
histoire a si peu l'air d'être imaginée, que M. Emile Guil- 
laumin croit devoir nous mettre en garde, dans sa 
dédicace à M. Daniel Halévy, contre la tentation d'y 
voir un roman à clef et de le reconnaître lui-même, 
l'auteur, dans son héros. 

Le syndicat de Baugignoux « peut être une œuvre 
didactique, dit-il, un roman à clef, non ! » Et certes, 
c'est une œuvre didactique : il n'y aurait presque pas 
un mot à y changer pour en faire le procès-verbal 



140 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

authentique de ce mouvement syndicaliste des 
métayers du Centre dont on a tant parlé ces derniers 
temps. 

Marcel Salembier, qui nous conte en son fruste lan- 
gage ces événements auxquels il prit une si grande 
part, est un paysan intelligent, à qui l'école primaire 
a donné tout ce qu'elle pouvait, notamment le goût de 
la lecture; et, ce goût, il le satisfait d'abord avec les 
humbles feuilles du canton, puis avec des ouvrages 
prêtés : A mon frère le Paysan, de Reclus, Entre 
Paysans, de l'italien Malatesta, et quelques autres du 
même acabit. 

Ces lectures lui ont révélé les injustices dont ses 
pareils étaient victimes; malgré l'optimisme du père 
qui, avec ses histoires d'autrefois, lui montre que le 
sort du paysan est tout de même aujourd'hui plus 
heureux que jadis, il a songé qu'il y avait beaucoup à 
faire pour l'amélioration du sort de ses semblables. Il 
a connu des exactions commises par de gros fermiers 
et par des propriétaires : il les a dénoncées dans un 
petit journal et le bruit fait autour de ses articles, les 
appels véhéments de quelques camarades l'ont con- 
vaincu de sa mission: il a voulu libérer les paysans par 
l'union, il a fondé le Syndicat de Baugignoux. 

Sincère, ardent, désintéressé, il s'est donné tout 
entier à sa tâche ; mais, bientôt, pris entre l'hostilité de 
ses maîtres, le mécontentement des vieux résignés à 
leur sort, le chagrin de sa femme délaissée, et surtout 
l'indifférence des paysans, de ceux-là même qui le pous- 
sèrent le plus violemment, il se désespère; il renonce à 
ses rêves, à son idéal mystico-révolutionnaire, et il 
reprend sa vie terre à terre, banale, égoïste et presque 
tranquille. 

Cette très simple histoire, M. Emile Guillaumin nous 
l'a contée en des pages vivantes, frustes, d'une émotion 
directe qui ne doit rien aux mots ; et c'est un document 
humain du plus puissant intérêt, une page sincère et 



MAI. LES ROMANS 141 

vraie, si vraie, si impartiale, que les syndicalistes les 
plus résolus et leurs adversaires les plus ardents 
peuvent la lire avec le même intérêt, la même sym- 
pathie, en en tirant d'ailleurs, est-il besoin de vous le 
dire, des conclusions diamétralement opposées. 



HENRI DUVERNOIS 



Le Veau gras. 



Ce roman dialogué est bien amusant, plein d'entrain, 
de grâce, d'agrément, d'une verve irrésistible et qui 
cache sous l'amusement des mots, sous la gaieté des 
situations, un grain, une foule de petits grains d'ob- 
servation et de philosophie. J'ai dit maintes fois la 
sympathie très vive que m'inspirait le joli talent de cet 
écrivain dont j'ai, le premier, signalé le premier 
ouvrage, et qui, depuis lors, n'a pas cessé de me 
démontrer et de démontrer au public, combien j'avais 
raison naguère en lui prédisant le bel avenir qui s'est 
épanoui aujourd'hui en un présent si enviable. 

Et c'est ainsi que chacun des succès de M. Duver- 
nois m'apporte une nouvelle satisfaction d'amour- 
propre, sans préjudice du plaisir très vif que me cause 
la lecture de ses livres. Son nouveau roman me cause, 
une fois de plus, cette satisfaction et ce plaisir : c'est un 
livre charmant dont la fortune n'est pas douteuse. Son 
héros, le Veau gras, surnommé la « Tortillade » et qui 
s'appelle René Lafourgeix, est un robuste garçon qui 
aime passionnément les plaisirs de la table; il y a gagné 
un embonpoint majestueux qui le classe nécessaire- 
ment parmi les amoureux ou les maris trompés. Les 
liommes se divisent, en effet, en hommes à angles 
droits, qui sont les hommes aimés; les... trompés 
(Molière et M, Duvernois les appellent autrement) sont 



142 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

arrondis, ils ont le geste rondouillard. Le Don Juan 
pourrait être figuré par un L. et... l'autre par un O. 
René Lafourgeix est certainement un 0. Toutes les 
aventures qu'il traverse sont dominées par des histoires 
alimentaires : il prend, pour devenir un homme élé- 
gant, des leçons d'un maître à manger, il aime au cours 
d'un dîner somptueusement servi, il est trompé dans 
un restaurant médiocre, le « Bœuf Couronné », où 
l'homme en L. reprend ses avantages; il se marie 
entre deux recettes culinaires... 

On mange beaucoup dans ce roman, on y boit aussi : 
les émotions s'y traduisent par l'absorption de sorbets, 
de bière ou de limonade, et c'est partout la «Tortillade» 
qui règne. Dans un livre où l'on est si souvent à table, 
où sans cesse coule le bourgogne et pétille le Cham- 
pagne, on doit nécessairement être gai, spirituel et 
parfois profond. On l'est énormément, et c'est une 
joie qui ne se dément pas un instant; le dialogue, court, 
verveux, incisif, donne à l'histoire une allure rapide, 
désinvolte, très « vie parisienne », et c'est tout à la fois 
— soyons culinaires, nous aussi — un régal de gour- 
mand d'une admirable abondance comique, et un joli 
plaisir de gourmet, car les épices délicates et le sel 
attique n'ont point été oubliés à ce banquet. 



PIERRE MILLE 

Louise et Barnavaux. 

Le héros de ce roman d'une intense originalité, d'une 
forme tout à fait particulière, le soldat colonial Bar- 
navaux, entre de plain pied dans le récit sans que l'au- 
teur ait songé à nous le présenter; il ne s'attarde pas 
davantage à l'étudier au cours de ces épisodes divers 
dont Barnavaux est quelquefois le héros, et plus sou- 



MAI. — LES ROMANS 143 

vent le narrateur; et pourtant, à la fin du livre, une 
image s'est formée sous nos yeux, d'une précision, 
d'une intensité, d'une couleur extraordinaires; on ne 
nous a décrit Barnavaux ni physiquement, ni morale- 
ment, et nous le connaissons parfaitement, « dans les 
coins, » comme il diluait; ce type si curieux, si prenant 
de soldat colonial s'est campé tout seul, pour ainsi 
dire, sous nos yeux, en des traits définitifs. 

Cette figure où il y a de la brutalité, du cynisme, de 
la vaillance, de l'honneur et de la grossièreté, figure 
composite, et pourtant si logique et si vraie, nous 
l'avons reconstituée, chemin faisant, au cours de tant 
d'épisodes tragi-comiques, douloureux ou mélanco- 
liques, sans autre lien que Barnavaux qui les vit ou 
qui les raconte et dont un mot ou un geste nous 
révèlent le caractère ; et c'est d'un intérêt saisissant et 
parfois d'une poignante émotion, malgré Barnavaux 
qui ne s'émeut pas pour si peu, malgré l'auteur lui- 
même qui ne veut pas avoir l'air de s'émouvoir et qui 
garde, en face de ces belles histoires créées par lui, si 
chaudes, si dramatiques, si captivantes, — un petit 
air de détachement et d'ironie. 



HENRY BIDOU 

Marie de Sainte-Heureuse. 

C'est le premier roman de M. Henry Bidou, critique 
dramatique et littéraire de grand talent et de haute 
culture. Un début comme celui-là est nécessairement 
très attendu, je dirais presque guetté, dans le monde 
des lettres, impatient et curieux de savoir ce que don- 
nera dans le roman l'indiscutable talent d'un écrivain 
que la critique a mis au premier rang. 

Cette attente ne sera pas déçue : le roman de 



144 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

M. Henry Bidou est une œuvre tout à fait remarquable, 
écrite en une fort belle langue et qui témoigne d'une 
rare pénétration psychologique. Je serais tenté de dire 
que c'est trop bien. L'âme et le cerveau de ces héros 
sont fouillés avec tant de soin et de clairvoyance; cet 
amoureux sait tant de choses; il parle si finement de 
Plotin, de Maeterlinck, de Heine; cette coquette, sur 
la pente de l'amour, est analysée avec une telle pers- 
picacité que le lecteur, pris tout entier par l'intérêt de 
l'examen psychologique, risque de ne plus se passion- 
ner autant qu'il faudrait pour l'aventure des héros. 

Elle a de quoi pourtant l'émouvoir, cai^ elle est très 
humaine et vraie profondément. Marie de Sainte- 
Heureuse, malgré l'allure monastique de son nom, 
est une mondaine : elle accomplit assidûment beaur 
coup d'actes de la vie du monde qu'elle dit pourtant 
avoir en horreur. Elle a rencontré René Auberive, 
lequel est un homme d'un caractère heureux, très 
intelligent, superficiel en apparence, trop doué; « on 
eût dit qu'il était venu à sa naissance un quarteron de 
fées, dont la moitié eussent mieux fait de rester chez 
elles ». 

Hs se plaisent, et tout de suite leur flirt est consacré 
par le monde complaisant. René s'enflamme, il aime 
avec passion, avec ardeur, il souffre; Marie, « légère et 
molle, vive et indolente, prompte à se reprendre, mais 
prompte à se prêter, facile avec des résistances, 
fuyante avec un air d'abandon, » l'encourage et le 
désespère comme une coquette inconsciente qu'elle 
est; et puis elle se prend au jeu, elle s'avance vers René 
qui, sans doute, d'avoir trop attendu, est devenu plus 
attentif aux défauts, aux faiblesses de Marie. Et ils se 
mettent à souffrir l'un par l'autre, et puis, c'est enfin 
l'épilogue, l'épilogue nécessaire, mélancolique quand 
il fut trop retardé; « subissant la loi uniforme de la 
nature, égarés, parcourus de frissons, buvant l'an- 
goisse avec les baisers, ils s'aimèrent, ne s'aimant plus ». 



MAÎ. — LÈS ftOMANS 145 

GILBERT STENGER 

L'Imperturbable Silence. <( Récit d'un Infirme. » 

M. Gilbert Stenger, à qui nous devons une si belle 
histoire de la société française pendant le Consulat, 
publie sous le titre : V Imperturbable Silence, un livre 
douloureux qui donne tout à fait l'impression d'un 
roman vécu. C'est le « Récit d'un Infirme », Achille 
Blanchard, devenu sourd à l'âge de douze ans, alors 
qu'il était un écolier intelligent, heureux et doué. Et 
c'est, depuis l'affreux accident, un calvaire dont chaque 
étape est une douleur, une tristesse, une humiliation. 

Son père, un banquier orgueilleux, est frappé dans 
son amour-propre et dans sa vanité : il en veut à cet 
enfant de son infirmité, et Achille Blanchard, tout 
seul avec ses pensées, voudra cependant devenir un 
homme, il voudra jouer un rôle dans ce monde qui 
n'es.t à ses yeux « qu'une représentation de marion- 
nettes aphones, dont il voit les lèvres s'agiter sans 
pouvoir saisir le son clair des paroles »; il travaillera, 
et chacune de ses tentatives, chacun de ses efforts sera 
un échec, une humiliation; ni l'amitié, ni l'amour, ni 
l'activité ne lui sont permis. Le monde lui est fermé : 
il y renonce; il se réfugiera dans le domaine familial, 
où il recueillera un neveu orphelin qui le comprendra, 
l'aimera, le consolera. 



LOUISE COMPAIN 

La Vie tragique de Geneviève. 

\îme Louise Compain, qui a publié naguère un inté- 
ressant ouvrage sur la Femme dans les organisations 



146 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

ouvrières, s'est souvenue de ce que son enquête lui 
avait appris, dans ce roman. C'est, en effet, un « roman 
utile » où vous trouverez des renseignements émou- 
vants sur le sort des ouvrières de l'élégance, des 
conseils généreux aux femmes soucieuses tout à la fois 
de coquetterie et d'économie, « qui ne se demandent 
pas assez souvent si le meilleur marché a pu être obtenu 
par des conditions de travail humaines ». i rH.'> 
^Ge n'est cependant point un roman didactique: les 
réflexions dont je vous parle sont reléguées tout à la 
fin du livre et les frivoles lectrices ne les trouveront 
qu'après avoir eu trois cents pages d'attendrissement 
et d'émotion; après avoir connu la tragique aventure 
de cette orpheline élevée dans un asile après la mort de 
sa mère abandonnée par son séducteur, et qui, par un 
hasard providentiel, retrouve justement ce séducteur, 
son père, dans la maison où elle débute comme femme 
de chambre. Elle y rencontre aussi une ravissante 
jeune fille, la fille de la maison, sa sœur, Marguerite, 
et ce pourrait être pour elle le bonheur si l'épouse de 
son père, une vilaine femme, ne la jetait méchamment 
à la porte. 

C'est alors l'aventure des pauvres filles abandonnées, 
la rencontre du séducteur, la maternité; puis, après 
quelques mois de bonheur et de tranquillité auprès 
d'un brave homme qui l'a épousée, le veuvage, la 
misère, l'asphyxie avec ses deux pauvres enfants, la 
Cour d'assises — car les enfants sont morts et elle a 
été sauvée — et enfin, l'acquittement, le salut définitif 
auprès de sa généreuse sœur Marguerite, qui l'aide 
à découvrir une raison de vivre et d'espérer, dans le 
dévouement à ces pauvres ouvrières dont elle a trop 
bien connu les misères. 



MAt. -^ LES ROiiANâ 145 

ANDRÉ PAVIE 

Madame Bonverot, préfète. 

Madame Bonverot, préfète, Théroïne de M. André Pa- 
vie, est une petite fille de la gentille sous-préfète de 
Pailleron qui s'ennuyait si fort, mais le monde « où 
l'on s'ennuie », où l'on doit s'ennuyer, chez les fonc- 
tionnaires actuels de la République n'est plus le même, 
paraît-il, qu'il y a trente ans; nous avons marché depuis 
et si la préfète de M. André Pavie s'était avisée de 
franchir le seuil de la duchesse de Réville, on peut 
gager que son pauvre préfet de mari eût été assez les- 
tement révoqué. 

Grâce à l'amitié d'un certain Gambillart, chef de 
cabinet d'un ministre qui passe, M. Bouverot, chef de 
bureau au ministère de l'intérieur, a été bombardé 
préfet d'une ville de l'Ouest : Landemont, l'un des 
chefs-lieux les moins avenants qui soient. Et le ménage 
s'est installé dans la morne préfecture avec ses deux 
enfants, un petit garçon et une fillette; tous les quatre 
ils se sont mis à mener une existence de prisonniers à la 
chaîne à peine dorée. 

]Vlme Bouverot a dû prodiguer ses sourires à une 
foule de gens qui lui déplaisent et refuser de recevoir 
les seuls pour qui elle a quelque sympathie, car ce sont 
justement des adversaires du parti gouvernemental. 

Puis sont venus, après les petites humiliations, les 
gros ennuis : fermeture d'écoles libres, installation de 
laïques réprouvés par la population, luttes où il faut 
soutenir un candidat abominablement désagréable 
et fort mal élevé; entre temps, la préfète a dû lutter, 
non sans difficultés, pour défendre l'honneur conjugal, 
car, pour être radical-socialiste on n'en est pas moins 
homme et W^^ Bouverot est gentille; et c'est le récit 



148 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

de toutes ces vilaines petites choses que M. André Pavie 
nous offre en un roman sans imprévu, mais non sans 
agrément, ni intérêt. 



HUGUES LAPAI RE 

Jean-Teigneux. 

Jean-Teigneux est une œuvre robuste, saine, vigou- 
reuse, d'une grande et sincère émotion. On y retrouve 
ce curieux mélange d'observation très réaliste et d'ima- 
gination éprise d'idéal que j'ai noté dans les œuvres 
précédentes de cet écrivain. C'est un conte bleu vécu 
par des hommes très vivants, des paysans et des 
bûcherons dont l'humble vie est observée dans tous 
ses détails, et se déroule dans des décors évoqués avec 
une vérité quasi photographique. 

Jean-Teigneux est un jeune berger, fils de Michel Mu- 
ret, de Muret le Rouge, le révolutionnaire. Après une 
enfance malheureuse et chétive, privé de la tendresse 
d'une mère, livré aux violences d'un père alcoolique, 
il a trouvé un refuge chez maître Moreau, un brave 
homme de fermier. Là aussi, il a eu des malheurs; 
notamment il a attrapé la teigne : la maladie a été 
enrayée à force de soins, mais le surnom dérisoire et 
douloureux lui est resté; et puis, il a été en butte aux 
méchancetés d'une aïeule revêche et aussi du valet de 
ferme, Ursin, cruel, sournois et lâche; mais il s'est 
vaillamment défendu, il a sauvé, par surcroit, une 
jeune fille, une enfant de l'Assistance, élevée dans la 
ferme et qu'il aura le bonheur indicible et inespéré 
d'épouser au dénouement. 

Et ce roman, avec ces allures simplettes que lui 
prête mon analyse, est une œuvre d'une forte saveur, 
haute en couleur, d'une humaine et profonde émo- 
tion. 



MAI. — LES ROMANS 149 



ELSA JÉRUSALEM 
Le Scarabée sacré. 

(Traduction de MM. Bieisstock et Claude Marcel.) 

Ce scarabée est très relativement sacré et il est tout à 
fait symbolique; c'est, nous dit-on, le scarabée des 
fumiers qui se réjouit d'être éclatant et doré; c'est un 
joli hanneton vert et or, plein de grâce, seulement il 
ne faut pas le prendre dans la main, car il secrète un 
liquide dont l'odeur est immonde. Ce scarabée dit : 
«Je suis là, bonnes gens, parce que vous avez fait un 
tas de fumier, sans lequel mon genre de beauté n'exis- 
terait pas... » Symbole un peu obscur, comme il con- 
vient, mais dont vous devinez le sens et qui, vous voyez, 
n'a pas peur des mots. 

En dehors du titre et de cette explication sybilline, 
il y a d'ailleurs fort peu de symbole dans le roman 
d'Eisa Jérusalf^m, mais, en revanche, que de réalités ! 
Ces réalités, elles se déroulent dans des maisons 
réprouvées par la morale, et il m'est bien difficile 
d'analyser ce livre, non pas qu'il soit de tendance 
immorale, bien au contraire : Eisa Jérusalem veut 
nous édifier, nous faire connaître une des plus pénibles 
et des plus douloureuses tares de la civilisation con- 
temporaine et, pour parvenir à son but, elle nous 
mène dans l'antre même du mal : elle nous en fait 
visiter les coins et recoins; nous raconte, sans nous 
épargner un détail, toutes les menues histoires des 
personnes qui passent là depuis Catherine la Noire, 
jetée dans la voie mauvaise par le lâche abandon d'un 
Prince, jusqu'à Milada, sa fille, élevée, si j'ose dire, dans 
le sérail. 

Et ce sont des excursions et des enquêtes dont on ne 
saurait méconnaître l'utilité sociale, mais dont l'ana- 



150 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

lyse est assez malaisée, jusqu'à la résurrection de 
Milada qui sort de la maison pour partir en guerre 
contre le mal : roman d'une vie intense, âpre et brutale, 
d'une probité supérieure dans ses intentions. 



CLAUDE SILVE 

La Cité des Lampes. 

Œuvre étrange, inégale, jamais indifférente, où l'au- 
teur a raconté le séjour de son héroïne dans une cité 
secrète, d'où peu s'en retournent, après y avoir 
demeuré, « dans la cité d'ardente paix où brûlent de 
continuelles lampes adoratrices, où se consacrent à 
jamais les vivantes Hosties ». 

Ce n'est pas un roman, « il n'y est question ni 
d'amours, ni de morts, ni d'autres malheurs, ni de 
plaisirs »; c'est le récit sincère — ce qui ne veut pas 
nécessairement dire vrai, car les images évoquées 
auraient pu sembler différentes à d'autres yeux : les 
yeux versent aux choses regardées beaucoup d'eux- 
mêmes — de l'ascension d'une femme vers la paix 
sereine du cloître. Elle y tend, elle y aspire de toutes les 
forces d'un mysticisme ardent, effréné, et puis, elle s'a- 
perçoit qu'elle ne peut pas; elle est trop l'amie du vent 
voyageur, de l'espace et du soleil, et la porte du cloître 
se rouvre devant elle : elle s'enfuit en regrettant éper- 
dument le repos entrevu. 

Ecrit dans une langue intéressante et d'une étran- 
geté qui étonne parfois et séduit souvent, ce livre est 
d'une remarquable qualité, d'une analyse pénétrante, 
subtile et violente, et il emprunte à ce mélange de 
mysticisme et de frénésie, une saveur et une couleur 
tout à fait particulières. 



MAI. — LES ROMANS 151 



ANDRÉ DE LORDE 

Cauchemars. 

M. André de Lorde, qui est, dans la vie courante et 
mondaine, un homme fort aimable, devient, lorsqu'il 
prend la plume, un affreux tortionnaire; il éprouve à 
nous faire frémir, à nous glacer d'épouvante, à peupler 
nos nuits de songes terribles, je ne sais quelle joie 
cruelle. Que de maladies de cœur il doit avoir sur la 
conscience depuis qu'il écrit ! Et, chose admirable, ses 
lecteurs — telles les femmes qui aiment à être battues 
— demandent sans cesse de nouveaux tourments, des 
angoisses nouvelles; ils n'ont pas cessé de frémir qu'ils 
réclament encore un frisson, et M. André de Lorde 
continue. 

Et voilà pourquoi, après tant de choses terribles, il 
nous offre une série de Cauchemars de derrière les 
fagots. Ah ! ces cauchemars ! La couverture du livre 
vous en donne une idée assez exacte : sur un lit, un 
homme est étendu, et devant cet homme une femme 
est là, vêtue d'oripeaux multicolores, coiffée de noir, 
gantée de blanc, avec, comme visage, une affreuse tête 
•de mort, dont les yeux sans orbites contemplent le 
dormeur horréfîé. 

Et voilà comment vous serez lorsque vous aurez lu 
les vingt-quatre histoires réunies dans ce livre, vingt- 
quatre histoires où tout ce que la médecine, la chirur- 
gie, l'automobile, la morphine, le surin des apaches et 
les erreurs des magistrats peuvent comporter d'hor- 
reur et d'épouvante a été mis en œuvre avec un art 
consommé. Et l'on ne saurait vraiment raconter 
mieux, avec plus de science de l'effet, des choses plus 
terrifiantes. 



152 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



JEAN DE LA BRÈTE 

Un Obstacle, 

Dans Un Obstacle, M. Jean de la Brète aborde le pro- 
blème si complexe, si divers, si délicat, du féminisme. 
Les œuvres précédentes de cet écrivain, son culte de la 
petite fleur bleue, sa prédilection pour les joies tran- 
quilles et souriantes du foyer, me faisaient préjuger 
de ses opinions sur ce sujet et j'étais bien assuré que 
l'auteur de Mon Oncle et mon Curé ne serait pas un 
partisan convaincu de ce qu'on appelle, bien à tort 
souvent, l'émancipation intégrale de la femme. Et mes 
prévisions étaient justes. Dans l'histoire de M^^^ Andrée 
de Pressiat, cette jeune fille qui veut faire sa vie, qui 
n'entend pas rester à la maison, élever des enfants et 
tourner le fuseau, il s'est attaché à nous montrer un 
obstacle, l'obstacle, qui s'oppose à de tels desseins. 

Cet obstacle, il est, en général, dans l'essence même 
de la nature féminine; et, dans le cas particulier de 
l'héroïne, il nous apparaît en chair et en os dans la 
personne de Pierre de Saint-Fal, un homme qu'elle 
aime secrètement sans le lui avoir jamais dit, sans se 
l'être avoué à elle-même. Cet obstacle, il s'oppose obs- 
curément à la mission que s'est donnée la jeune avocate, 
et sans renoncer à tous ses espoirs, ni à sa profession, 
elle se décide enfin à reprendre le chemin du pays, où 
elle pourra satisfaire à son besoin d'activité intellec- 
tuelle, mais où, retirée du mouvement, de la liitte 
féministe, elle retrouvera les traditions de sa famille 
et de son passé. 

Ainsi que je le disais au début, M. Jean de la Brète 
ne saurait, on le voit, être pris pour un féministe; il a 
fait preuve cependant d'une grande impartialité et 
s'est efforcé de faire, aux théories féministes raison- 




MAI. — LES ROMANS 153 

nables, leur juste part. Est-il besoin d'ajouter que son 
roman est plein d'intérêt, d'émotion, de mouvement, 
et que l'histoire est d'un bout à l'autre attachante? La 
foule des lectrices de M. Jean de la Brète en sont 
assurées d'avance en apercevant son nom sur la cou- 
verture d'un livre. 



EUGÈNE LE ROY 

L'Ennemi de la Mort. 

Le roman de M. Eugène Le Roy, l'Ennemi de la 
Mort, est une œuvre puissante et douloureuse, digne 
du talent âpre et minutieux auquel nous devons Jac- 
quou le Croquant, cette manière de chef-d'œuvre. 
L' « ennemi de la Mort », dont Técrivain nous conte 
l'aventure lamentable, est un jeune médecin, Daniel 
Charbonnière, issu d'une vieille famille périgourdine, 
qui est venu s'installer, au commencement du 
xix^ siècle, dans la demeure familiale où son père 
vient de mourir. De grandes difficultés l'attendent dans 
cette « maison du Désert », où seule demeure une vieille 
servante, la Grande; son père a laissé des dettes nom- 
breuses, mais Daniel est plein de courage, d'énergie et 
de foi en l'avenir. 

Il pourrait, tout de suite, avoir la vie large et facile, 
car sa bonne étoile l'a conduit au chevet de Minna, sa 
cousine, la fille de son principal créancier; il la soigne, 
il la guérit; une idylle s'est ébauchée entre eux et il 
pourrait aisément Tépouser; mais il est huguenot, 
libre penseur, et la dévotion de la jeune fille et aussi 
srs millions l'épouvantent; il renonce à elle, et Minna 
bientôt épouse le vicomte de Bretout, débauché, brutal, 
que protège le curé. 

Cependant Daniel, qui s'est mis en ménage avec 
Sylvia, recueillie d'abord, puis aimée, et dont il a un 

9. 



154 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

fils, se préoccupe de vastes et généreux desseins : il 
veut assainir, régénérer le pays où il vit, cette région de 
la Double que dévaste la fièvre des marais. Son projet 
sauvera le pays, et les habitants devraient l'aider de 
tous leurs efforts, mais leur âme paysanne se méfie de 
cette science suspecte : ils voient en Daniel un ennemi, 
un ravisseur de leurs biens, et leur animosité, savam- 
ment attisée par le vicomte de Bretout, devient vite 
une haine féroce. 

Daniel alors parcourt une à une toutes les étapes du 
calvaire le plus douloureux, jusqu'au jour où, appauvri, 
misérable, errant privé de son enfant ravi, de sa com- 
pagne, morte à la peine, il est enfin recueilli, lui aussi, 
par la mort secourable. Quelque soixante ans après, 
ses projets repris, compris, exécutés, ont assaini toute 
la région qui fut si cruelle à son bienfaiteur et, parmi 
tous ces paysans qui saluent, exaltent l'immense pro- 
grès accompli, il n'en est pas un « qui se souvienne de 
l'homme au grand cœur, aux idées généreuses, qui le 
premier conçut le projet de régénérer la Double, du 
pauvre parpaillot bafoué qui, là-bas, quelque part, sous 
la lande grise, dort paisiblement de l'éternel sommeil»... 



DANIEL LESUEUR 

Au tournant des Jours (Gilles de Claircœur). 

Daniel Lesueur, cette remarquable femme de lettres 
à qui nous avons été tenté de reprocher ses récentes 
excursions dans le roman-feuilleton, fait à nos reproches 
la plus triomphante et la plus spirituelle des réponses 
en publiant son nouveau roman : Au tournant des 
Jours {Gilles de Claircœur). Elle a mis, en effet, dans ce 
livre, le meilleur de ce talent d'observation profonde, 
de psychologie raffinée, dont « Les lèvres closes » et 



MAI. — LES ROMANS 155 

a le Cœur chemine » étaient, jusqu'à présent, les plus 
parfaites manifestations. Mais, de ce roman littéraire, 
elle a fait une œuvre d'imagination, dramatique, 
empoignante, très meublée, très touffue, un vrai 
roman romanesque; bien mieux, elle a choisi comme 
héroïne une de ces feuilletonnistes qui savent en des 
romans de cinquante mille lignes faire vivre des fic- 
tions mirobolantes, qui exercent une quotidienne fas- 
cination sur des millions de lecteurs. 

Gilles de Claircœur est le nom de guerre, sonore et 
claironnant de Gilberte Glaireux, feuilletonniste en 
vogue du Petit Quotidien ; c'est une ouvrière de lettres 
à l'imagination ardente, à la culture inachevée, qui a 
réussi à se faire une très enviable situation en produi- 
sant sans relâche de belles histoires qui enchantent, 
émeuvent, transportent les foules, tels ces « Mémoires 
d'une arpète » récemment parus. Agée d'une quaran- 
taine d'années, pas jolie, mal vêtue avec de trop belles 
étoffes, elle est parfaitement heureuse; elle est bonne 
aussi, et généreuse : elle élève tendrement sa nièce, 
Gilberte, une orpheline; et, par surcroît, elle comble 
de ses bienfaits la famille de celle-ci dont elle a fait sa 
propre famille. 

Sur son chemin va paraître un bellâtre de \'d3^\, dra- 
matique, Marcel Fagueyrat, qui bouleversera son 
existence : très habilement il la livre au démon du 
théâtre, lui persuade de tirer une pièce de son célèbre 
roman, de la monter à ses frais ; il en sera, bien entendu, 
le protagoniste; rien ne lui coûte pour la convaincre, 
et cette âme neuve de femme un peu mûre se laisse 
séduire : elle travaille avec emportement, avec fièvre, 
pour la réussite de l'œuvre, pour la victoire de l'inter- 
prète qu'elle s'est prise à aimer. 

Mais l'œuvre ne réussit pas, et Marcel Fagueyrat, 
«ntre temps, a séduit la nièce du pjauvre Gilles de Clair- 
cœur. Au dénouement, ils vont se marier, après çivoir 
arraché le consentement de la romancière au cœur sai- 



156 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

gnant et qui, ruinée, au cours de Taventure, se remet 
noblement, pesamment, au labeur nécessaire, à l'in- 
vention de belles histoires attendues par tant de lec- 
teurs avides d'illusions. 

Telle est l'armature de ce roman. L'auteur Ta peuplé 
d'une foule de figures très bien observées et campées, 
animé d'épisodes émouvants et dramatiques qui, pas 
un instant, ne laissent faiblir l'intérêt. Et c'est un livre 
fort remarquable qui occupera une belle place dans 
l'œuvre de Daniel Lesueur. 



HENRIETTE DE VISMES 

Les Petites Âmes. 

Par des lettres échangées et par un journal fort 
scrupuleusement tenu, nous apprenons à connaître 
deux petites filles de onze ans : Jeanne Saint-Havenne 
et Renée Le Brescey. J'ai dit bien des fois ma prédi- 
lection pour ces livres où l'intelligence d'une grande 
personne a tenté de s'élever jusqu'à la compréhension 
de ces petites âmes vastes comme le monde; et je 
n'avais, pour mon compte, nul besoin d'entendre le 
plaidoyer que l'auteur a mis en avant-propos, où il 
nous explique qu'il ne faut pas rire au récit de ces 
luttes, de ces ambitions, de ces rêveries, de ces fautes, 
de cette vocation, racontées par une petite fille ; que 
tout cela est très sérieux, très émouvant, très grand. 
Il y a bien longtemps que je suis de cet avis et que j'es- 
time l'intelligence et le cœur des petits à leur valeur, 
c'est-à-dire bien au-dessus de l'intelligence et du cœur 
des hommes. 

Et je crois bien que le public pense comme moi, qu'il 
s'intéresse passionnément à ces états d'âme d'enfants. 
Il aimera les petites héroïnes de M"^^ de Vismes, il 



MAI. — LES ROMANS 157 

prendra part à leurs chagrins et à leurs joies, il sera 
touché par le désespoir jaloux et tendre qui bouleverse 
la pauvre petite Brigitte et en outre il aura Toccasion 
de juger deux systèmes d'éducation : celui d'autrefois 
et celui d'aujourd'hui, car Brigitte Saint-H avenue suit 
les cours du Sacré-Cœur, cependant que Renée est 
élevée au Moderne-Palace Cours, et il jugera sans doute 
în connaissance de cause, puisque M^^^ Henriette de 
'Vismes nous affirme que les documents de son roman 
sont exacts et qu'elle ne s'y est permis que quelques 
corrections de fautes d'orthographe et quelques addi- 
tions de points et de virgules. 



J. GALZY 

L'Ensevelie. 

UEnsevelie est une œuvre étrange, toute pleine 
d'éclat et d'obscurité, et que je me garderai bien 
d'essayer de vous conter, car je suis assuré que vous 
ne comprendriez rien à mon analyse; ce ne serait pas 
votre faute, ni celle de l'auteur, mais uniquement la 
mienne. Comme j^ ne veux pas la commettre, je me 
contenterai de vous dire le mérite littéraire de ces 
confidences de Jacques Séverac, l'écrivain revenu à 
Montpellier, sa ville natale, après neuf ans d'absence, 
de lutte et de travail à Paris. 

Sa première pensée, son premier souvenir, il l'ap- 
porte à l'ombre d'un ami, Henning, en compagnie 
duquel, jadis, il avait médité de mourir. Henning a 
tenu sa parole; lui, pas; il plaide sa cause devant son 
ombre : « Dis, ne me sens-tu pas ton frère? N'avons- 
nous pas la même force? N'est-ce donc pas la même 
frénésie, la même énergie dominatrice qui fit de toi un 
mort parmi les morts et de moi un vivant parmi l-.s 



158 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

vivants ? Tu es allé vers l'ombre et je vais vers la lumière, 
mais qu'importe, si c'est la même ardeur de vaincre 
qui nous a guidés? » 

Tel est l'état d'âme de Séverac au moment où la 
Destinée va mettre sur son chemin une femme, Béa- 
trice, idéalement belle, énigmatique et sombre, qui 
s'est ensevelie dans une maison tragique où son père 
dément pousse des cris de forcené. Entre ces deux êtres 
une aventure passionnée, obscure et chaste se poursuit 
pendant tout le cours du roman jusqu'au jour où 
Séverac s'arrache à ce vertige et s'en retourne vers la 
ville : « une ivresse désespérée coulait en lui comme il 
avait pleuré de vraies larmes. Elle l'étreignit jusqu'à 
l'angoisse, le tortura comme un bonhem* trop lourd. 
Il était sauvé. Il était libre comme les Dieux : il venait 
de vaincre l'Amour et il n'avait plus de patrie !... » 



JEHANNE D'ORLIAC 

Le Jardin des Autres. 

M"6 Jehanne d'Orliac, en qui nous estimions un 
poète délicat et doué, fait ses débuts comme roman- 
cière avec le Jardin des Autres. Débuts agréables et qui 
promettent. Il y a, dans le Jardin des Autres, de jolies 
qualités d'émotion, de tendresse et d'observation. 
L'histoire est dramatique, intéressante; on y peut 
trouver un enseignement : à savoir, que les femmes se 
laissent plus volontiers prendre par les qualités exté- 
rieures de séduction, d'élégance, d'adresse, que par les 
nobles vertus de l'intelligence et du cœur; on y peut 
découvrir aussi une morale : qu'il ne faut point semer 
dans le jardin des autres, ni prendre les femmes de ses 
amis, même quand elles sont délaissées et malheureuses. 

Dans le second roman qui complète le volume : Les 



MAI. — LES ROMANS 159 

Geôles, M"® Jehanne d'Orliac nous conte l'aventure 
d'une jeune fille que tout éloigne du mariage : ses goûts 
d'indépendance d'abord, et, ensuite, le douloureux 
spectacle d'un ménage brisé, mais qui, cependant, 
consent à pénétrer dans la geôle — et dans le refuge — 
du mariage, car, « ce qu'il faut à tout prix, c'est nous 
fuir; quiconque se prétend libéré, se ment à lui, trompe 
les autres. Il nous faut appartenir à un être, à une idée ». 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 



FRÉDÉRIC MASSON 

Napoléon à Sainte-Hélène (1815-1821). 

Cette histoire de Napoléon à Sainte- Hélène (1815- 
1821) est une œuvre magistrale à laquelle Téminent 
historien a consacré de longues années de labeur et 
dont on comprendra Timportance, si l'on considère que 
les trois volumes publiés sous le titre : Autour de Sainte- 
Hélène, et qui furent signalés ici même, puis l'affaire 
Maubreuil et le Colonel Camille sont, pour ainsi dire, 
les étapes de ce grand travail, et nous ont fait con- 
naître en détail les fragments dont le livre paru au- 
jourd'hui nous offre l'ensemble synthétique, philoso- 
phique, vivant. 

C'est un beau livre, d'une émotion poignante et pas- 
sionnée, d'une vérité évidente, où le dernier acte de 
l'épopée est raconté dans tous ses détails, dans toute 
sa cruauté, dans toute sa grandeur. C'est le récit de ce 
voyage douloureux de la Malmaison au Northumber- 
land, avec, au début, cette félonie du vainqueur que 
M. Frédéric Masson ne pardonnera jamais; l'évocation 
de ceux qui suivirent l'Empereur, la description de la 
prison, les portraits du geôlier et des comparses; et 
puis, le drame, le long drame qui se déroule au milieu 
des persécutions, des traliisons, des abandons, jusqu'à 
la mort, jusqu'à l'ensevelissement dans ce tombeau 
sur lequel l'Angleterre « avait interdit qu'on inscrivît 



MAI. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 161 

Son nom, dans la vallée ignorée et perdue, devenue 
soudain la plus illustre qui fut sur le globe, où Napo- 
léon, prisonnier, jusque dans la mort, de l'oligarchie 
européenne, dormit son dernier sommeil ». 

En utilisant, après un examen minutieux, des sources 
qu'il nous fait connaître : les « sources anglaises », les 
« sources européennes », les « récits de Montholon », 
M. Frédéric Masson nous raconte toute cette magni- 
fique et douloureuse histoire; il s'efforce de se canton- 
ner dans son rôle d'historien et de ne pas assumer celui 
de juge : « Je me suis appliqué, dit-il, à exposer, avec 
une sincérité entière, les faits que les documents me 
fournissaient, non les impressions qu'ils me suggé- 
raient. J'espère qu'il n'a rien subsisté de celles-ci dans 
un récit dont la passion eût fait suspecter la véracité. » 



LIEUTENANT-COLONEL BASIL JACKSON 
Waterloo et Sainte-Hélène. 

(Traduction de M. Emile Brouwet.; 

M. Frédéric Masson parle dans sa préface des 
« sources anglaises » sur l'histoire de Napoléon à Sainte- 
Hélène : en voici une justement dont on nous apporte 
la révélation; ce sont les notes et souvenirs d'un officier 
d'Etat-major, le lieutenant-colonel Basil Jackson, sur 
Waterloo et Sainte- Hélène. Ces souvenirs furent écrits 
par un officier anglais qui, après avoir pris une part 
active à la bataille de Waterloo, avrès avoir longtemps 
séjourné à Sainte-Hélène avec Hudson Lowe, mourut 
très vieux, il y a moins d'un quart de siècle, en 1889. 

Il est tout à fait intéressant de les confronter avec le 
livre de M. Frédéric Masson et de constater que pres- 
que toujours ils le confirment. Le lieutenant-colonel 
Jackson n'est pourtant pas, vous le pensez bien, animé 
des mêmes passions : il est Anglais et il ne saurait 



162 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

juger le rôle de l'Angleterre avec la sévérité de This- 
torien français; mais, si les opinions diffèrent, les faits 
avancés concordent bien souvent. 

Il y a là, après un récit palpitant de la bataille de 
Waterloo, où la figure de Wellington est évoquée en 
de belles pages, une relation de l'installation et du 
séjour à Sainte-Hélène qui est passionnante et qui a ce 
mérite rare d'être rédigée par un homme qui vécut ces 
choses. Il n'approcha guère l'empereur, d'ailleurs, qui 
le tenait à distance, et cela permet de négliger son 
jugement fort sévère sur Napoléon; mais les autres, les 
compagnons, comme il les a bien connus ! Pour Hud- 
son Lowe, il le défend avec une rare énergie et, chose 
curieuse, il se trouve presque d'accord dans son plai- 
doyer avec M. Frédéric Masson; comme l'historien 
français, il affirme que la responsabilité du geôlier de 
l'Empereur, dans les mesures prises contre Napoléon, 
est à peu près nulle; tous ses actes furent accomplis 
sur l'ordre direct, sur les instructions précises du gou- 
vernement anglais. 

Il ne faut d'ailleurs accepter ce livre que sous béné- 
fice d'inventaire; il fut écrit bien longtemps après les 
événements dont il fait le récit, et sans doute quelques 
inexactitudes volontaires, et involontaires, s'y glis- 
sèrent; mais, tel qu'il est, ce document, dont la traduc- 
tion française est due à M. Em. Brouwet, offre un inté- 
rêt de premier ordre et apporte une belle contribution 
à l'histoire napoléonienne. 



F. CASTANIÉ 

Souvenirs d'un Vieux Grognard. 

Je ne connais pas dans la littérature napoléonienne 
de page plus belle, plus empoignante et plus jolie que 



MAI. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 163 

les « Souvenirs du Capitaine Goignet ». C'est amusant, 
c'est sincère, c'est direct : l'homme, le soldat, apparaît 
sans cesse derrière le narrateur; on l'entend parler et 
l'on partage l'émerveillement des bourgeois lorsqu'ils 
écoutaient dans le petit café d'Auxerre ces belles his- 
toires, ces batailles de géants racontées par le vieux 
grognard. 

Je viens de relire ces Souvenirs d'un Vieux Grognard 
publiés par M. F. Castanié, dans la précieuse collection 
les « Petits Mémoires de la Grande Armée » et j'y ai 
éprouvé infiniment de plaisir et d'émotion. J'ai aimé 
aussi le portrait que M. Castanié a campé de ce héros 
« qui avait le teint bourguignon, haut de couleur, les 
yeux étincelants et petits, la bouche énorme, le nez 
inachevé, le poil dur et dru. Sa force et sa vivacité 
étaient légendaires. 

Il fallait l'entendre s'écrier, devant les habitués du 
cabaret, au récit d'Austerlitz : « Nous étions là vingt- 
cinq mille bonnets à poil, et des gaillards qui avaient 
soif de gloire, autant que le grand Empereur!» « De 
préférence il parlait debout, face à la grande salle, 
appuyé du coude sur le comptoir de la caissière, une 
femme superbe, dont il était éperdument et respectueu- 
sement amoureux. A cause d'elle, il ne racontait que 
dans la nie les aventures trop 'épicées. » Le tableau 
n'est-il pas joli?... 



COMMANDANT J. DE LA TOUR 

Le Maréchal Niel (1802-1869). 

En un livre d'une éloquente précision, d'une docu- 
mentation solide et ramassée, le commandant J. de 
La Tour raconte la vie du Maréchal Niel, 1802-1869 : 
une harmonieuse et noble carrière qui se déroule à 
Constantine, Rome, Bomarsund, Sébastopol, ScJfé- 



164 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

rino, Toulouse, pour finir au ministère de la guerre. 
M. le commandant J. de La Tour, qui nous dit toutes 
ces étapes avec un grand luxe de détails et d'anecdotes, 
a consacré le plus important de ses chapitres à la der- 
nière, à celle du ministère de la guerre. Et c'est en effet 
la plus mémorable, celle que le lecteur attend avec le 
plus d'impatience et d'angoisse. 

Il nous plaît de voir rappeler tant d'efforts déployés 
par ce grand soldat qui avait tout prévu, tout deviné, 
pour mettre la France en état de défense. Efforts sté- 
riles, hélas ! et vaine clairvoyance : il mourut de n'avoir 
pas été entendu ni compris. « Vous verrez, disait-il, 
les Prussiens feront sur nous le bond de la panthère. » 
Il n'eut pas du moins la douleur de voir la réalisation 
de ses prophéties. La guerre ne devait éclater qu'un an, 
presque jour pour jour, après sa mort. 



ERNEST DAUDET 

Tragédies et Comédies de l'Histoire. 
'( Récits des temps révolutionnaires. » 

Il y a là trois grandes aventures historiques : la 
conspiration Magon (1793), une révolution à Naples 
(1798-1800), et l'histoire d'une mission diplomatique 
en Russie (1799). Aventures assez peu connues, que 
M. Ernest Daudet a, selon son habitude, restituées 
en des pages où la vérité, appuyée sur les documents les 
plus authentiques, apparaît très vivante et romanesque. 

Tout cela, ce sont surtout des tragédies de l'histoire ; 
voici la comédie : elle se déroule « autour d'une chambre 
royale », celle de Sophie-Madeleine, reine de Suède, où 
le roi Gustave III n'avait guère pénétré pendant les 
huit premières années de son mariage. Il s'y décida. 



MAI. — HÎSTOiRÉ, LITTÉRATURE, DIVERS 165 

après la mort de son père, pour l'avenir de sa race et 
de son trône; et un prince héritier naquit enfin de cette 
union tardive, mais la Reine-Mère, qui paraît bien 
avoir été dans cette aventure la belle-mère classique, 
salua sans allégresse cet événement, et elle alla jus- 
qu'à insinuer que la visite royale n'avait point sans 
doute été la seule et que le Dauphin était peut-être un 
bâtard; d'où grande fureur de la Reine, colère du Roi 
et brouille dans la famille. 

Il faut lire cette histoire, comédie assez souvent 
dramatique, que M. Ernest Daudet a contée avec beau- 
coup d'agrément, esquivant avec une adresse infinie 
les scabreux périls de ce récit. 



DOCTEUR D. GOLDSGHMIDT 

Autour de Strasbourg assiégé. 

M. le docteur D. Goldschmidt publie une page 
émouvante de l'histoire de 1870 : Autour de Stras- 
bourg assiégé. C'est un beau livre vivant, vécu, sin- 
cère, où l'horreur du siège de Strasbourg est évoquée, 
avec une grande et simple puissance, livre utile, où se 
retrempent des souvenirs nécessaires. Il y a là des 
actes et des paroles qu'on n'a pas oubliés en Alsace, 
qu'on ne doit pas oublier en France : il est bon que des 
souvenirs comme celui des trains de plaisir organisés 
pour mener des excursionnistes devant Strasbourg en 
flammes et leur offrir le spectacle de ce « merveilleux 
feu d'artifice » soient consignés et gardés. 

Le public français doit lire, il lira, cette page d'his- 
toii'e, sa conclusion forte et calme qui nous montre, 
selon la belle parole de M. Ernest Lavisse, dans sa 
préface, que la main la plus fortement gantée de fer 
ne pourra saisir cette impondérable : une force morale, 



iôé tÉ fiiôiJVÉMËNt LITTÉRAIRE 

« Ni les brutalités, ni les bêtises de la police, ni les 
artifices de la politique, ni les corps d'armée, ni les 
forteresses, ni les canons, ni les Zeppelin ne prévau- 
dront contre la volonté de l'alsacien de garder son 
tempérament, ses mœurs charmantes nées du charme 
infini de son Alsace délicieuse. » 

Il faut remercier M. Goldschmidt d'avoir écrit ce 
livre qui « prendra place dans cette littérature abon- 
dante où l'Alsace exhale sa plainte; l'avenir lira cette 
littérature. Il aimera ce livre triste, douloureux, mais 
exact et calme, comme un jugement de l'histoire ». 



MICHEL-AUGUSTE GHAMBOLLE 

Retours sur la vie. 

(( Appréciations et Confidences sur les hommes 

de mon temps. » 

Michel -Auguste Ghambolle ne fut pas un person- 
nage de premier plan; et son nom même est assez 
peu connu de nos contemporains. Il fut cependant, au 
cours d'une existence qui dura quatre-vingts ans, de 
1802 à 1883, — mêlé fort longtemps à la vie politique 
de notre pays : représentant du peuple de 1838 à 1852, 
il fut aussi journaliste, collaborateur au Courrier 
français et au National, puis rédacteur en chef du 6" iècZe 
et de l'Ordre, — il subit le sort commun des pai-lemen- 
taires et des journalistes dont on parle beaucoup, qui 
parlent énormément eux-mêmes, pendant leur vie, mais 
qui dès le lendemain de leur mort sont voués à un 
implacable oubli. 

Du moins, placé à un si beau poste d'observation, il 
eut l'heureuse inspiration de consigner ses souvenirs, et 
cela nous vaut aujourd'hui ces Retours sur la vie 



MAÎ. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 1Ô7 

« appréciations et confidences sur les hommes de mon 
temps » que son fils nous communique. 

Une figure domine ces mémoires, celle de M. Thiers, 
à qui Ghambolle avait voué un véritable culte, et dont 
il ne cessa de partager toutes les idées sous tous les 
régimes que connut le grand homme d'État; écrits sur 
son conseil, ils s'arrêtent au lendemain de sa mort; ils 
sont sans cesse animés de ses idées et témoignent d'une 
grande sévérité pour ses adversaires, depuis M. Guizot 
jusqu'à M. Barodet. Tout remplis de renseignements 
souvent inédits, d'anecdotes curieuses et émouvantes, 
ils sont complétés par une série de lettres qui sont du 
plus puissant intérêt et qui constituent vraiment un 
document de premier ordre. Songez que les corres- 
pondants de Ghambolle furent, en dehors d'Adolphe 
Thiers : Odilon Barrot, Béranger, Victor Cousin, 
Edgar Quinet, Montalembert, Michelet, Tocqueville, 
Rémusat, Dupin l'aîné, Lamartine, tant d'autres 
encore. Les lettres de ces hommes célèbres sont bien 
curieuses et bien suggestives : elles nous renseignent 
sur une foule d'événements, et puis, on y peut décou- 
vrir qu'il y a trois quarts de siècle, des personnages 
très illustres ne dédaignaient pas de demander, pour 
Ipurs paroles et pour leurs écrits, la diffusion d'un jour- 
nal et la bienveillance d'un journaliste; il n'y a là sans 
doute rien d'imprévu, mais c'est tout de même 
intéressant. 



HENRY GOGHIN 

Lamartine et la Flandre. 

Histoire politique... et littéraire; M. Henry Gochin 
dédie son livre Lamartine et la Flandre, « à ses chers et 
fidèles électeurs de l'arrondissement de Dunkerque, « le 
plus bel arrondissement dq France ». C'est l'histoire 



i68 Le MOUVËMËNt LiTTéRAlftË 

d'une campagne électorale; et, de prime abord, quand 
on a assisté, même en spectateur lointain, à quelqu'une 
de ces consultations nationales, on n'imagine, pas que 
ce puisse être là une bien belle histoire; mais d'abord, 
il s'agit d'une élection qui eut lieu il y a trois quarts de 
siècle, et cela ne ressemble pas tout à fait à une élection 
d'aujourd'hui; et puis le candidat s'appelle Lamar- 
tine, et sans faire tort à nos parlementaires, il faut bien 
avouer que sa prose diffère un peu de celle que nous 
lisons sur les affiches que reflètent les mares sta- 
gnantes ! 

Et le livre de M. Henry Cochin est un document 
émouvant, du plus puissant intérêt pour l'histoire 
morale de la monarchie de Juillet, et pour son histoire 
électorale. On comprend que l'auteur, « après s'y 
être plongé à la suite de son sublime prédécesseur 
Lamartine », s'y soit passionné, et qu'à ses yeux l'his- 
toire du député d'Arcis de Balzac ait pâli devant celle 
du député de Bergues. 



JULES LEMAITRE 

Chateaubriand. 

Cette saison littéraire fut incontestablement la sai- 
son Chateaubriand. René fut le héros d'une foule de 
conférences, le sujet d'une quantité d'ouvrages impri- 
més : s'il a pu entendre et lire toutes ces choses, je 
pense que, malgré son immodestie bien connue, il a 
trouvé que c'était trop, qu'on parlait trop de lui. 

C'est à M. Jules Lemaître qu'il devra s'en prendre, 
car c'est l'éminent académicien qui, par l'intérêt sou- 
levé autour de ses conférences, a déchaîné le mouve- 
ment. Il pourra lui faire d'autres reproches. M. Jules 
Lemaître fut, en effet, pour lui, sans miséricorde. Je 




MAI. — HtSTOtRE, LITtERAtURË, DÎVEÎIS 169 



viens de relire ses conférences réunies en un volume, c'est 
un régal, mais c'est vraiment bien cruel et on est tenté, 
parfois, de demander merci pour le héros et la victime 
de cette étude. 

On a tort : la gloire de Chateaubriand ne sera pas 
ternie par les conférences de M. Jules Lemaitre, qui n'eut 
jamais de si mauvais desseins contre elle. D'abord, il 
l'a lu, ce qui est un hommage assez précieux et rare — 
on admire beaucoup Chateaubriand, mais on le lit peu 
en dehors des Méfnoires d'Outre- Tombe — et puis, après 
lui avoir décoché tant de traits, il a conclu tout de 
même que Chateaubriand était « depuis les écrivains 
du XVI® et du xvii® siècle, l'homme qui a le plus agi sur 
la langue et sur le style ; l'homme qui a su y introduire 
le plus de musique, le plus d'images, le plus de parfums, 
le plus de contacts suaves, et qui a écrit les plus eni- 
vrantes phrases sur la volupté et sur la mort ». Et tout 
cela c'est bien quelque chose, sans doute. 



PAUL BOURGET 

Pages de Critique et de Doctrine. 

Dans ces deux volumes : Pages de critique et de doc- 
trine, M. Paul Bourget a réuni des études, des essais, 
écrits au courant de l'actualité, et qu'il a groupés en 
« notes de rhétorique contemporaine », « notes de cri- 
tique psychologique », « thèse traditionnaliste », et 
« quelques exemples ». 

C'est, ainsi que M. Paul Bourget le dit dans sa pré- 
face adressée à M. Jules Lemaitre, un de ces recueils 
que nos aînés intitulaient simplement « Mélanges », 
« sorte d'ouvrage dont le type supérieur serait les 
Lundis de Sainte-Beuve et les Essais de Montaigne ». 
L'écrivain ne se dissimule pas que ce qui manque à de 

10 



15Ô tE MpUVÉMÈNt LiTlilRAlftÊ 

tels ouvrages c'est Tordonnance, Tunité d'objet, la 
perspective, mais en revanche que d'autres vertus : 
spontanéité, liberté, naturel, on a l'impression de cau- 
ser avec l'auteur, et s'il est vrai qu'ils n'ont pas l'unité 
objective, une autre unité se dégage de leur lecture: 
l'unité subjective. 

Ainsi, les « Pages de critique et de doctrine » ont un 
double intérêt; elles nous promènent à travers une 
foule de sujets, de Taine à Léon Daudet, de Théo- 
phile Gautier à Octave Feuillet, de Balzac à Henri 
Heine, de Spinoza à Brunetière; elles étudient la crise 
du parlementarisme, la valeur sociale de la vertu, les 
théories du Fustel de Goulanges, l'erreur de Tolstoï, et 
puis, chemin faisant, elles nous renseignent sur l'évo- 
lution de l'écrivain ou plutôt non, sur son développe- 
ment, car M. Paul Bourget a toujours protesté contre 
le mot de conversion, lorsqu'il lui était appliqué, et il 
ne doit pas admettre non plus celui d'évolution. 

n explique tout cela dans sa préface, rattachant son 
passé à son présent et démontrant comment ce tradi- 
tionnalisme intégral auquel il est parvenu aujourd'hui 
était déjà enveloppé dans ses apparentes hésitations 
d'il y a trente ans. 



HENRY ROUJON 

Artistes et Amis des Arts. 

On prétend que certains académiciens très illustres 
se préoccupèrent fort, aux derniers jours de leur vie, de 
savoir à quel écrivain pourrait bien échoir leur fau- 
teuil; et l'on ajoute que leurs vœux n'allaient pas tou- 
jours au plus digne, mais au plus éloquent et au plus 
bienveillant, et que le souci de leur futur éloge acadé- 
mique primait dans leur esprit toute autre considéra- 
tion. 



I 



MAI. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 171 



Ce n'est peut-être pas exact, mais ce serait bien excu- 
able. En tout cas, c'est une préoccupation qui est 
épargnée aux Immortels des beaux-arts; les Artistes 
et amis des arts connaissent leur panégyriste : ils 
savent, depuis le commencement du siècle, que c'est 
Henry Roujon qui solennellement les célébrera sous la 
coupole; et ce n'est, certes, pas là leur moins précieuse 
prérogative. C'est quelque chose vraiment de savoir 
qu'un jour, le plus tard possible, on est assuré d'être 
évoqué en des pages gracieuses, éloquentes, profondes, 
par un écrivain délicieux, maître incontesté en l'art 
du portrait littéraire. 

Ce sont, en effet, des œuvres achevées, ces portraits 
composés avec piété pour une lecture à l'Académie, 
ou tracés hâtivement sur le bord d'un tombeau. Je 
viens de les relire dans le volume où mon éminent 
et cher ami les a réunis, et je suis sous le charme. 
Amis des arts : le comte Henri Delaborde, marquis 
de Chennevières, M; de Vandières; peintres : Bougue- 
reau, Ernest Hébert, Gérôme; sculpteurs: Paul Dubois, 
Eugène Guillaume; musiciens : Verdi et Reyer; litté- 
rateurs : notre cher Gustave Larroumet et Ludovic 
Halévy, ils revivent là en des pages exquises d'émo- 
tion tendre, de compréhension raffinée; ils revivent 
pour toujours, parés pour la postérité,^ de leur génie, 
de leurs vertus et de leurs qualités, par un maître 
écrivain. 

Et c'est émouvant et joli; et ces pages si délicates, 
écrites en un si beau langage, qui font grand honneur à 
tous ces morts illustres, constituent en même temps 
le plus bel éloge d'un immortel très vivant qui ne pen- 
sait guère à lui-même en les écrivant, et qui s'appelle 
Henry Roujon. 



172 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



HENRI LAVEDAN 

Bon an, mal an {5^^ Série) 

La série célèbre de ces Bon an, mal an, formera dans 
la suite des temps, un monument de Tesprit français 
dans ce qu'il a de plus précieux et de plus rare. Vous 
savez que les pages de ces volumes sont tout simple- 
ment des chroniques, écrites chaque semaine, pour 
V Illustration. Mais quelles chroniques ! Que de verve, 
de grâce, d'émotion répandues dans ces pages écrites 
comme en se jouant où les sujets les plus divers effleurés 
d'une main légère sont traités en une langue d'une har- 
monieuse perfection, d'une richesse, d'une virtuosité 
incomparables. 

Nous avons lieu d'être fiers qu'un tel écrivain soit un 
journaliste, un de ces hommes qui écrivent pour une 
foule anonyme dont, peu à peu, ils ont fait une foule 
d'amis, qui, « en dehors de la secousse de vanité per- 
mise et des chatouillements d'art, goûtent une joie plus 
élevée, celle d'aller par une divination dont ils ne sont 
point responsables, droit aux cent buts divers qu'ils 
n'auraient jamais cru possible de viser autrement 
qu'avec ces flèches merveilleuses de la pensée ». 



GEORGES POLTI 

L'Art d'inventer les Personnages. 

M. Georges Polti qui, dans un récent volume, étu- 
diait, classait, dénombrait, les trente-six situations 
dramatiques, n'a pas fini de nous étonner : il applique 
aujourd'hui ses facultés mathématiques à l'Art d'in- 



MAI. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS, 173 

(tenter les Personnages et, à grand renfort de démons- 
trations, d'équations savamment posées, il établit les 
douze types principaux, leurs trente-six subdivisions 
et 154.980 variétés encore inédites. 

154.980, voilà un chiffre ! Et quelle aubaine pour les 
inventeurs de personnages. Pour moiy ces précisions 
arithmétiques m'enchantent et mon admiration ne 
connaît plus de bornes lorsque j'apprends de M. Geor- 
ges Polti qu'il a découvert trois cent soixante-neuf 
types (369 !) inédits au cours de cette classification, 
représentant autant de régions inexplorées dans Tâme 
de chacun de nous. « En les ouvrantj dans l'individu 
du même coup que dans l'humanité, nous avons com- 
plété la géographie de l'âme. » Tout cela n'est pas 
modeste, mais c'est si ingénieux ! 



ABBÉ FÉLIX KLEIN 

Mon Filleul au Jardin d'enfants. 

Les questions de pédagogie, qui intéressaient si vive- 
ment il y a deux siècles les lecteurs de l'Education des 
filles, nous passionnent aujourd'hui plus que jamais, et, 
parmi elles, celle des « Jardins d'enfants » nous semble 
particulièrement attrayante. Cette question, dont tout 
le monde parle et qu'on connaît en somme fort peuf 
l'abbé Félix Klein la traite avec infiniment de bonne 
grâce et de compétence en ce livre charmant. 

Il commence très sagement par le commencement, 
et ne croit pas inutile de nous expliquer, tout* d'abord, 
ce qu'il faut entendre par « Jardins d'enfants ». Ce n'est 
pas aussi simple qu'il paraît : le « jardin d'enfants », le 
« kindergarten » n'est pas un jardin mythique où il 
naît des enfants; ce n'est pas un jardin matériel, que 
des enfants cultivent; ce n'est pas même un jardin où 

10. 



174 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

des enfants se viennent amuser. C'est un endroit où 
l'on élève les enfants d'une certaine façon, et la façon 
importe plus que l'endroit. 

Et voilà qui précise le mieux du monde le sens du 
kindergarten, jardin où l'on cultive l'enfant comme 
une plante très délicate, une plante qui portera des 
fruits suivant sa nature, et que nous n'avons ni le 
droit ni le pouvoir de faire autre qu'elle n'est. Il nous 
appartient seulement, jardiniers attentifs, de la pré- 
server des intempéries, de la réchauffer de notre ten- 
dresse comme d'un doux soleil. 

C'est toute une méthode d'éducation que M. l'abbé 
Félix Klein expose en des pages alertes, amusantes, 
d'un très grand agrément; méthode qui produira « un 
enfant vivace, frais, vigoureux, nourri d'expérience 
plutôt que d'instruction, étranger à la théorie, mais 
habitué à regarder les faits; n'ayant rien lu dans les 
livres, mais dans la réalité, non pas savant, mais ca- 
pable d'apprendre; prêt pour l'école, et, bien mieux, 
pour la vie ». 



MÉMENTO DU MOIS DE MAI 



ROMANS 

Balsac (Pierre). — La Marche à Vahaolu, « divagations dialo- 
guées », un livre où il y a en effet de la divagation et dvi 
paradoxe, mais aussi des dialogues fort adroits, de l'hu- 
mour et de la psychologie. 

Bertheroy (Jean). — Le Double Amour. 

Bringer (Rodolphe). — Girofle- Girofla. 

Capillery (Louis). — Mais V Amour passa. 

Claretie (Léo). — Linette, « mémoires d'une enfant de Paris». 

Conrad (Joseph). — U Agent secret, « simple histoire », traduite 
de l'anglais par M. Henry D. Davray, 

Danrit (Capitaine). — Les Filleuls de Napoléon, a Histoire d'une 
famille de soldats ». 



1? 

i 



MÉMENTO DU MOIS DE MAI 175 



ledda (Grazia). — Dans le Désert {iradviciioTï. de Marc Hélys.) 
rault (Jean). — La Fiancée de Brumaire. 
isquet (Louise). — Thérèse Dalhran. 

Hamp (Pierre). — Le Rail, « la peine des hommes ». 

Ibanez (Vicente Blaseo). — U Intrus (traduction de Renée 
Lafont). 

Lachèse (Marthe). — La Violoniste. 

Laurent (Hélène). — Marthe Praval. 

Legendre (Mary- Anne). — Sacrifiée. 

Mallarmé (Camille). — Le Ressac. 

Maricourt (André de). — L'Oncle Praline. 

Morel (Jacques). — Feuilles mortes. 

Morrisson (Arthur). — Le Mystère de la Tortue, adapté de 
l'anglais par M. René Lecuyer. 

Niepce (Gaston). — C'était V Automne. 

Peladan, — La Theriaque, roman précédé de « la morale dans 
le roman ». 

Porret (Max E.). — Mini Lalouet. 

Saint-Germain (Addy de). — Choisir. 

Schewœbel (Joseph). — A la Cinquième Prière, « roman tuni- 
sien ». 

Star (Maria). — Qui l'emporte? 

Toudouze (Gustave). — Le Vertige dans VInconnu. 

Villemagne (Alix de). — Hors de sa Race. 



HISTOIRE. — LITTÉRATURE. 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Abbas (Paul). — Prem,ière Paroisse, un livre où l'auteur nous 
raconte ses débuts de jeune curé; bonne occasion pour faire 
un tableau de l'état actuel du Catholicisme en France. 

Allem (Maurice). — Alfred de Vigny. 

L'Epopée napoléonienne dans la Poésie française, un livre très 
judicieusement composé, pour lequel M. Frédéric Masson 
a écrit une vibrante préface. 

Augé-Laribé (Michel). — L'Evolution de la France agricole. 
C'est un sujet sévère, mais qui s'impose à nos préoccupa- 
tions; on s'en rendra compte en lisant ^ou^Tage très pré- 
cis, très bien construit, où M. Michel Augé-Laribé a étudié, 
en utilisant une documentation aussi complète et aussi 
récente que possible, la situation économique de l'agricul- 
ture, les progrès des techniques, la répartition de la pro- 
priété, la dépopulation rurale, les associations, le dévelop- 
pement du socielisme agraire et la fonction politique et 
morale de la démocratie paysanne. Ses conclusions ne 
témoignent point d'un très grand optimisme : « C'est avec 
quelcjue inquiétude que nous confions nos derniers espoirs 
à l'élite paysanne qui s'éduque dans les syndicats, les coo- 
pératives et les mutualités. » 



176 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Aynard (Raymond). — UŒuvre française en Algérie, un beau 
livre préfacé par M. Jonnart, 

Bastide (Ch.). — Anglais et Français du xvii^ siècle. 

Baudrillard (Mgr). — Frédéric Ozanam, une belle et solide étude 
consacrée à une grande figure catholique du xix« siècle. 

Bellanger (Justin). — Mes Dernières fleurs, « poésies nouvelles ». 

Berger (Alphonse). — La Route de Vair, « Aéronautique- Avia- 
tion ». 

Bernard (Abbé G.). — Les Modèles castillans de nos grands 
Ecrivains français. 

Bornecque (Henri) et Daniel Mornet. — Rome et les Romains, 
littérature, histoire, antiquités publiques et privées. 

Borys (Daniel). — Poésies, dont Camille Mauclair a aimé la 
belle unité rythmique, la tristesse pénétrante due à la 
sensualité à la fois brûlante et morne. 

Botrel (Théodore). — Les Alouettes, poésies. 

Brillant (Maïu-ice). — Le Charme de Florence. 

Brizeux (Auguste). — Œuvres, xm volume illustré de belles 
images où M. Auguste Dorchain a réiuii les « Histoires 
poétiques et la Poétique nouvelle ». 

Brunet (Marcel). — La Brèche maritime allemande dans 
V Empire colonial anglais. 

Camus (Théodore). — Delà Montagne au Désert, « récits d'as- 
censions et correspondance. » 

Carré (Henri). — La Fin des Parlements (1788-1790). 

Cartwright (M^s Ady-Julia). — Isabelle d'Esté, marquise de 
Mantoue (1474-1539), adaptation de M^^ Emmanuel 
Schlumberger. 

Caudwell (W.). — La Politique générale européenne en Afrique. 

Cauzons (Th. de). — Histoire de V Inquisition en France (Suite) : 
La Procédure Inquisitoriale. 

Cestre (Charles). — Bernard Shaw et son Œuvre. 

Cheradame (André). — La Crise française. — Faits, causes, 
solutions. Quelle est notre situation vraie au point de 
vue politique, social, moral, militaire? Quelles sont les 
causes de l'état de choses actuel? Quelles solutions sont 
pratiquement possibles ? 
Les réponses à ces questions apparaissent inquiétantes 
comme des menaces ; il semble cependant que les plus gra- 
ves dangers soient passés, puisque la France est « de nou- 
veau à im tournant de son histoire, puisq^ue lentement, 
péniblement, elle remonte la pente et termine sa crise. Si 
elle comprend l'impérissable vérité du vieil adage : l'union 
fait la force, si elle sait faire un bail avec l'esprit de suite 
et de méthode, si elle veut porter le fer rouge dans l'ulcère 
politicien, elle est à l'aube d'une nouvelle renaissance. 

Chuquet (Arthur). — 1812. La guerre de Russie. « Notes et 
documents. » (Suite). 

Colson (C). — Organisme économique et Désordre social. 

Commaille (J.). — Guide aux ruines d'Angkor. 

Cruyplants (Major Eugène). — Dumouriez dans les ci-devant 
Pays-Bas. 



MÉMENTO DU MOIS DE MAI 177 

Curzon (Henri de). — Le Théâtre de José Echegaray, « un 

théâtre d'idées en Espagne ». 
Cuttoli (Lieutenant B.). — La Pologne au xvme siècle et le droit 

international. 
Daireaux (Geoffroy). — Dans la Pampa, « chasses impromp- 
tues ». 
Derzac (André). — Le Vent du soir, poésies. 
Diplomate (Un). — Deux Républiques : France et Suisse. 
Divoire (Fernand). — Introduction à l'étude de la stratégie lit- 
téraire. 
Duhamel (Georges). — Compagnons, poèmes. 
Dupuis (Commandant V.). — La Direction de la guerre, « la 

liberté d'action des généraux en chef ». 
Edwards (Alfred) et Gir. — Clique-Claques, un album de 
« romances illustrées sur les célébrités contemporaines ». Il 
y a là une quinzaine de contemporains et de contemporaines 
notoires portraicturés avec une spirituelle vérité par 
l'humorisite Gir, commentés en des phrases nerveuses et 
rapides par M. AJfred Edwards qui n'est pas souvent bien- 
veillant, rnais q[ui est, presque toujoiirs, fort spirituel. 
Faur. — La Vie privée du maréchal de Richelieu. 
Faure (Gabriel). — Autour des Lacs italiens. 
Fouquières (André de). — Au Paradis des Rajahs, le récit de 
ce voyage au cours duquel l'auteur représenta si brillam- 
ment l'élégance française et l'entrain parisien. 
Fresnois (André du). — Une Etape de la Conversion de Huys- 

mans, d'après des « lettres inédites à M™^ de C... » 
Galli-Valério (B.). — Cols et Sommets. 

Gelis (F. de). — Histoire critique des Jeux Floraux depuis leur 
origine jusqu'à leur transformation en Académie (1323- 
1694); 
Gir. — Voir Alfred Edwards. 

Goblet d'Aviella (Félix). — L'Evolution du dogme catholique. 
Godard (André). — Le Procès du Neuf Thermidor. 
Goyau (Georges). — Autour du Catholicisme social. (Suite). 
Griveau (Lucien). — La Couronne de Troène, poèmes. 
Hanotaux (Gabriel). — Champlain, une éloquente plaquette 
où l'éminent historien a réuni non seulement les belles 
pages écrites par lui sur Champlain, mais aussi quelques 
documents du Comité France- Amérique, parmi lesquels 
nous sommes particulièrement heureux de voir figurer celui 
qui garde le souvenir de la souscription qui permit d'offrir 
aux Etats-Unis la belle œuvre de Rodin, pour faire parti- 
cij)er la France à la commémoration du troisième cente- 
naire de Champlain. 
Hennequin (Albert). — La Terre poitevine, poèmes. 
Héros (Eugène). — Le Théâtre anecdotique, « Petites histoires de 
Théâtre, « un agréable volume préfacé par M. Paul Gavault. 
Hersen (Alexandre). — Pages choisies, des pages autobiogra- 
phiques, histoire, nouvelles, correspondances, considéra- 
tions sociologiques, publiées par M. Michel Delines. 
Hinzelin (Emile). — La Terre et la Maison, des poèmes gracieux, 
familiers et émus. 



178 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Hue (Gustave). — Le Colonel de Villebois-Mareuil. 

Jammes (Francis). — Oeorgiquea chrétiennes ; j'ai signalé au fur 
et à mesure de leur apparition les sept chants de ce poème. 
— Les voici aujourd hui réunies en un livre définitif dont 
ie ne peux que redire la grâce suave, l'émotion profonde, 
la noblesse, l'harmonie : c'est une belle œuvre d'un grand 
poète. 

Kervillio (René de). — Le Rêve au Palais du Souvenir, poésies. 

Lacour (Léopold). — Œuvres choisies de Victor Hugo, prose et 
poésie. C'est toujours une initiative scabreuse de « choisir » 
dans l'œuvre d'un grand écrivain; mais, la question de 
principe étant réservée, il est juste de noter qu'on ne sau- 
rait choisir avec plus de discernement, d'intelligence et de 
f)iété que n'a fait M. Léopold Lacour : c'est vraiment 
'œuvre tout entière de Victor Hugo qui, dans ces deux 
volumes, apparaît synthétisée, mise à la portée d'une géné- 
ration qui n a plus le temps de lire. 

Landre (Jeanne). — Gavarni. 

Lapaire (Hugues). — Vieilles chansons populaires du Berry : 
rondes, chansons de bergères, chansons de conscrits, chan- 
sons de noces, chansons de métiers, chansons de fêtes, 
une jolie étude que commentent et qu'illustrent le plus 
agréablement du monde vingt chansons choisies parmi les 
plus anciennes, avec la musique et les couplets. 

Lardeur (F.-J.). — La Vérité psychologique et morale dans les 
romans de M. Paul Bourget. 

Larreguy de Civrieux. — Souvenirs d'un Cadet, les souvenirs 
d'un jeune soldat, engagé à l'âge de seize ans dans un 
régiment de ligne, sous les ordres du commandant Bugeaud 
et qui assista à Waterloo et au siège de Barcelone (1812- 
1823). 

Laurentie (François). — Le Comte de Chambord, Guillaume I^^ 
et Bismarck {octobre 1870), une précieuse plaquette où 
l'auteur nous restitue notamment la fameuse lettre de 
Bismarck, datée de Versailles, 11 octobre 1870, oà le Chan- 
celier de Fer raconte cette conversation historique. 

Le Berq[uier (Edmond). — Pensées des autres, une deuxième 
série de ce recueil de pensées glanées dans les œuvres des 
maîtres de la littérature, choisies avec goût et parfois avec 
malice, et rangées avec tant d'ingéniosité. 

Le Cardonnel (Louis). — Carmina Sacra. 

Lémonon (Ernest). — « La Seconde Conférence de la Paix. — 
La Haye (juin-octobre 1907) ». Vous trouverez dans cet 
ouvrage l'examen, article par article, des quatorze con- 
ventions et déclarations signées à la Haye le 18 octobre 
1907. Quatorze déclarations d'une conférence de paix, 
et depuis lors que de guerres, que d'inquiétudes que de 
menaces ! Ne soyons pas sceptiques cependant. M. Léon 
Bourgeois ne le veut pas : il souhaite, dans sa préface, que 
le livre de M. Lémonon soit « également lu par les amis et 
par les adversaires de la Conférence de 1907. Aux uns, il 
causera une satisfaction légitime; aux autres, il inspirera 
sans doute un jugement plus équitable, et donnera, noua 



MÉMEKTO bu MOIS DE MAI 179 

l'espérons, le désir de collaborer désormais à la grande 
œuvre de droit, qui lentement, mais sûrement, s'accom- 
plit ». 

Leneru (Marie). — Le Redoutable, drame. 

Le Reverand (Gaston). — Sous la Bannière aux Trois Lions, 
poèmes. 

Londres (Albert). — La Marche à VEtoHe. C'est un « poème 
effréné » d'un poète qui, à vingt-cinq ans bientôt, se déta- 
che — déjà ! — des femmes qu'il a trop regardées, trop 
aimées, mais, leur dit-il : 

Mais plus forte qu£, tout, comme un fauve indompté. 
Je lance contre vous ma jeune volonté. 

Lorenzi di Bradi. — V Art antique en Corse. 

Louis (Paul). — Le Travail dans le Monde romain. 

Lom-delet (Ernest). — Aux Jardins de Mytilène, poésies. 

Lucina. — La Confession d'une femme, « l'enlèvement de la 
Joconde, sa cause et son but ». Pendant qu'il était en 
veine de confidence, l'auteur aurait bien pu nous donner 
son adresse actuelle. 

Mamet (Emile). — De tout mon Cœur, poésies. 

Marcaggi (V.). — Les Origines de la Déclarations des Droits de 
V Homme en 1789. 

Masson (Kernoël). — Histoire des Chemins de Fer. 

Maurras (Charles). — Trois idées politiqu,es : Chateaubriand, 
Michelet, Sainte-Beuve. L'auteur réunit dans cette pla- 
quette les réflexions et les conclusions qui lui furent sug- 
gérées, il y a quelque quinze ans, par trois grandes commé- 
morations littéraires : le centenaire de la naissance de 
Michelet, le cinquantenaire de la mort de Chateaubriand, 
l'érection du buste de Sainte-Beuve. Et ce sont Chateau- 
briand ou l'anarchie; Michelet ou la démocratie; Sainte- 
Beuve ou l'empirisme organisateur. « La vieille France 
croit tirer un grand honneur de Chateaubriand, elle se 
trompe. La France moderne accepte Michelet pour patron, 
mais elle se trompe à son tour. En revanche, ni Tune ni 
l'autre des deux France ne nous montre un souci bien vif 
de Sainte-Beuve ; c'est encore une faute, un Sainte-Beuve 
peut les mettre d'accord. » Beaucoup d'idées dans ce petit 
volume, discutables, assez tendancieuses, mais bien inté- 
ressantes. 

Maury (François). — Nos Hommes d'Etat et VŒuvre de la 
Réforme en un volume où, après avoir retracé le passé de 
aos grands parlementaires : les Ribot, les Caillaux, les 
Briand, les Deschanel, les Poincaré, l'auteur expose leurs 
actes successifs, fixe leur caractère et leur rôle, et dépeint 
en même temps la situation présente du Parlementarisme, 
en indique les dangers, et trace les grandes lignes de la 
politique nécessaire. 

Mermeix. — La Chronique de Van 1911. 

Michel (Louise). — Au gré des Vents, poésies. (Nouvelle édi- 
tion.) 



180 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Moll (Lieutenant-colonel). — Lettres. « Une âme de colonial. » 

Mollat (G.). — Les Papes d'Avignon (1305-1378). 

Mornet (Daniel). — Voir Henri Bornecque. 

Noché (Pierre). — Sonnets de la première heure. 

Noël (Carlos M,). — Les Idées sociales dans le Théâtre de A. Du- 
mas fils. — Quelques auteurs et quelques pièces, « essai de 
critique dramatique, préface de M., Camille Le Senne. 

Picard (Lieutenant-colonel Ernest) et Louis Tuetey. — Cor- 
respondance inédite de Napoléon I^^ conservée aux archives 
de la guerre. 

Picard (Lieutenant-aviateur F.). — De France au Niger, 
« guide pratique ». 

Pichon (Alfred). — Fra Angelico. Le travail que nous offre 
M. Alfred Pichon est tout à fait nouveau. Personne, en 
effet, ni en France ni à l'étranger, n'avait étudié Fra Ange- 
lico en associant, dans la même analyse, le saint et l'artiste ; 
ce ne sont pourtant point là, nous dit-on très justement, 
deux choses qui puissent se séparer ou se juxtaposer, mais 
deux choses qui se pénètrent et s'expliqixent l'une l'autre, 
et voilà pourquoi l'auteur a voulu présenter dans son har- 
monie totale cette vie où l'art et la sainteté ne firent qu'un. 
C'est du plus vif intérêt, c'est une étude à la fois artistique, 
psychologique, mystique très fouillée, écrite en un langage 
excellent et que l'éditeur a magnifiquement ornée de repro- 
ductions des chefs-d'œuvre de Fra Angelico. 

Pilant (Paul). — Le Patriotisme en France et à l'étranger, un 
livre précédé d'une lettre ouverte de M. Maurice Barrés 
à M. Gabriel Hanotaux. 

Pilon (Edmond). — Watteau et son école. 

Plan (Pierre-Paul). — J.-J. Eousseau raconté par les gazettes 
de son temps d'un décret à Vautre (9 juin 1762-21 décembre 
1790). 

Pougin (Arthur). — Madame Favart, « étude théâtrale ». 

Pradel de Lamase (Paul). — Une Famille française sous la 
Révolution. « Le pillage des biens nationaux. » 

Rambaud (Jacques). — Mémoires du comte Roger de Damas : 
Russie, Valmy et Armée de Condé, Naples (1787-1806). 

Reymont (Ladislas-Stanislas). — L'Apostolat du Knout en 
Pologne. (Traduction de M. Paul Cazin). Ce sont des « notes 
de voyage au pays de Chelm », histoires de paysans que 
l'on veut forcer à ne pas être ce qu'ils sont et qui meurent 
plutôt que de céder. « Ces histoires ont pour le lecteur un 
autre intérêt que l'intérêt romanesque, elles nous offrent 
le grand exemple de volontés qui ne plient pas, de cons- 
tances que rien ne peut abattre. » 

Bichault (Gabriel). — Histoire de Ghinon. 

Rolland (Romain). — L'Humble Vie héroïque, des pensées choi- 
sies publiées par M. Alphonse Séché. 

Rollin (Lieutenant). — La Conquête de l'Air. 
— Le Drapeau, poésies. 

Rousseau (D"" Alfred). — Laënnec avant 1806. — Quimper, 
Nantes, Paris. — l'Enfance et la Jeunesse d'un grand homme. 

Santerre (Camille). — La Chanson de mon Automne, poésies. 



1 



JUIN. — LES ROMANS 189 



e, ivrogne humoristique et lamentable, et de Malvina, 
sa femme, la pauvre laveuse qui se donne tant de mal 
pour élever le petit gars et pour défendre l'humble bien 
compromis par les débauches du père. Enfance lamen- 
table et douloureuse : le pauvre petit Basile connaît 
(le bonne heure toutes les inquiétudes de la faim, toutes 
les angoisses de la peur; il pousse cependant, son éduca- 
tion se poursuit dans le commerce de la terre; « les aînés 
lui transmettaient les connaissances rustiques qu'ils 
avaient reçues des ancêtres; plongeant au plus obscur 
de la vie animale, des hérédités innombrables tressail- 
laient en lui ». 

Et nous le voyons tout le long du livre, campé avec 
une vigueur et une vérité intenses, au milieu des pay- 
sages évoqués avec beaucoup de puissance et de cou- 
leur, travailler sans relâche, peiner, pour sauver sa 
famille et pour en créer une. Il y réussit malgré les fras- 
ques du père incorrigible ; il devient dans le village un 
homme important, honoré; et il a le bonheur même, au 
dénouement, de pouvoir recueillir le père repentant et 
meurtri. Il lui a fallu, pour en arriver là, beaucoup de 
courage et de volonté, une humble grandeur d'âme dont 
il ne veut pas convenir et, quand, au dénouement, sa 
femme lui dit : « Comme t'es bon, mon pauvre homme ! 
— Parlons pas d'ça, femme », lui répond-il. Et il se rai- 
dit, il a un robuste haussement d'épaules, et, saisissant 
Ir manche de la pioche, il dit simplement : « Travail- 
lons ». 



PAUL-ADRIEN SCHAYÉ 

Gribiche. 

Gribiche, voilà, sans doute, un joli nom pour une 
petite femme, et prometteur d'aventures sans larmes : 

11. 



190 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

il s'inscrit dans une couronne fleurie, sur la couverture 
du roman de M. Paul- Adrien Schayé. 

Vous n'avez pas oublié le livre où M. Schayé nous a 
conté, naguère, l'aventure de Gloud Barbant, ce neu- 
rasthénique qui presque à chaque page de son journal 
s'écriait : « Je m'embête ! » Quel dommage que Gloud 
Barbant n'ait point connu Gribiche ! Avec elle, vrai- 
ment il n'y a pas moyen de s'emb...nuyer une minute; 
il n'est pas de neurasthénie — non plus que de neuras- 
thénique — qui puisse lui résister. De vrai, c'est une 
petite femme fort agréable : chacun de ses faux pas 
nous la rend un peu plus sympathique, — et elle fait 
tout ce qu'il faut pour nous devenir énormément sym- 
pathique ! Elle est primesautière et joviale, fantaisiste, 
d'une fantaisie qui s'ignore, heureuse ignorance qui lui 
permet de rester toujours simple et bon enfant. 

La déplorable influence de cette jolie petite personne 
désorganise le plus fâcheusement du monde des ména- 
ges excellents, trouble la vie de son ami, le jeune sta- 
giaire, Jacques Zède, qui a beaucoup de mal à prendre 
l'habitude d'être trompé, cause la mort d'un certain 
homme-volcan pris pour un cambrioleur. Mais tout 
cela, au fond, n'a pas d'importance, parce que Gribiche 
est si gentille à voir et à entendre, et parce que sa com- 
pagnie est infiniment agréable et divertissante. 



LÉON FRAPIÉ 

La Mère Croquemitaine. 

Sous ce titre M. Léon Frapié réunit une trentaine de 
ces nouvelles rapides, incisives, directes, de ces petits 
tableaux humains et vivants où il excelle, d'un art si 
particulier qui réside justement dans l'absence de toute 
espèce d'art, de toute recherche. 



JUIN. — LES ROMANS 191 

Comme toujours, ce sont des enfants qui régnent dans 
la plupart de ces récits : petits faubouriens aux joues 
creuses et pâles, aux yeux étincelants et profonds. Ces 
enfants, c'est la carrière de M. Léon Frapié; ils lui ont 
valu ses premiers succès, ils lui assureront une place 
tout à fait particulière dans la littérature contempo- 
raine : il restera en notre temps l'historien, le poète de 
la misère et de la grandeur puériles. 

Ses héros, c'est la multitude grouillante des petits 
enfants de Gavroche, moins lyriques, mais plus vrais; 
aussi pathétiques dans leurs chamJbres sans soleil, ou 
dans leurs préaux de la « maternelle » que le glorieux 
petit ancêtre sur sa barricade. Ils sont courageux et 
nobles, ces petits héros et ces petites ménagères de six 
ans, ils n'ont pas peur des fantômes et des imaginations, 
il n'y a que la réalité qui puisse parfois les terrifier. Ce 
n'est pas eux qu'on épouvanterait avec la vieille his- 
toire du Père Croquemitaine qui emportait les enfants; 
pauvres marmots battus, affamés ou transis : ils n'ont 
pas peur qu'on les emporte; mais par exemple, ils ont 
une sainte terreur de la mère Croquemitaine, une 
vieille dame très réelle qui arrive parfois dans l'unique 
chambre du taudis familial avec, à la main, un mysté- 
rieux cabas. Celle-là n'emporte pas les enfants, elle est 
bien autrement méchante : sur le lit de la mère malade, 
elle laisse, au contraire, toujours, avant de s'en aller, 
un nouveau petit qui va prendre pour lui l'infime par- 
celle du bien-être qui pouvait subsister encore ; le grand, 
celui de cinq ans, sera fouetté davantage, et il manquera 
de soupe encore plus souvent. 

Et voyez la grandeur d'âme des enfants : Petit Paul 
— c'est le nom de notre héros — après une nuit de 
désespoir, accepte cette punition imméritée, il adopte 
le nouveau, il lui donne son vieux berceau, il lui don- 
nera aussi de son lait, de sa soupe quand il en voudra; 
et gentiment, il dit à sa mère : « Tu peux embrasser ses 
pauv'petites joues, je ne pleurerai pas ! » Et Petit Paul 



192 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

sourit, le cœur sanglotant, du sourire éternel des 
hommes. 



W.-B. MAXWELL 
Les Gardiens de la Flamme. 

(Adaptation de M. Louis Fabulet.) 

Cette œuvre du célèbre romancier W.-B. Maxwell 
est tout à fait belle; elle nous fait assister à la plus 
poignante, à la plus romanesque des tragédies intiriies; 
et en même temps elle nous offre la plus belle, la plus 
philosophique, la plus humaine des leçons de pitié et de 
pardon. Ainsi elle apparaît comme une œuvre com- 
plexe, diverse, et pourtant d'une puissante et véhé- 
mente harmonie. 

Terrible histoire vraiment, celle qui dévaste le foyer 
de Richard Burgoyne, le grand philosophe, le célèbre 
savant, qui mène aux côtés de sa fidèle et charmante 
femîme Sybil, de sa nièce Miss EfTie, et de son jeune 
secrétaire Stone, une vie de labeur et de gloire, dans sa 
petite maison de Glifï Lodge. Il a cru s'apercevoir que 
sa nièce avait du goût pour son secrétaire, et la nervo- 
sité de ce dernier lui a laissé supposer qu'il n'était point 
insensible aux charmes de la jeune fille ; il les a confessés, 
il les a fiancés. Mais hélas ! si Miss Effie aime Stone, 
c'est la femme de son maître que ce dernier adore d'une 
passion partagée; de toutes les forces de leur honnêteté, 
ils résistent tous deux à cette fatale passion, mais elle 
est plus forte qu'eux-mêmes, elle les entraîne, les 
emporte, et l'irréparable s'accomplit. 

Le vieux savant découvre son malheur; il est frappé 
d'une congestion qui le laisse paralysé, atteint d'hémi- 
plégie, d'aphasie et aussi, croit-on, d'amnésie. Et les 
malheurs se précipitent. Miss Efïie qui n'a pas cessé 



MÉMENTO DU MOIS Î)E MAI 18l 

Saunier (Charles). — La Peinture au XIX^ siècle, un volume où 
l'auteur nous présente, après une étude à grands traits 
condensée en quelques pages, cent vingt-huit reproductions 
tout à fait remarquables des œuvres les plus célèbres de la 
peinture française dans les cent dernières années, depuis les 
chefs-d'œuvre admis jusqu'aux œuvres les plus passionné- 
ment discutées encore. 

Schopenhauer. — Fragments sur Vhistoire de la Philosophie, 
« Parerga et Paralipomen » traduction de M. A. Dietrich. 

Séché (Alphonse). — Les Accents de la Satire dans la Poésie 
contemporaine. 

Sencier (Georges). — Le Babouvisme après Babeuf, sociétés 
secrètes et conspirations commimistes (1830-1848). 

Sicard (Emile). — Films. 

Soubies (Albert) et Henri de Curzon. — Documents inédits sur 
le Faust de Gounod. C'est bien amusant à feuilleter et à 
regarder : il y a là de vénérables affiches d'il y a cinquante 
ans, des images d'autrefois où revivent les premiers inter- 
prètes, où sont reproduits les premiers décors de Faust ; et 
puis des chiffres, si intéressants, notamment ceux des cin- 
quante-sept premières recettes du célèbre opéra de Gou- 
nod qui ne fut point du tout, comme la légende l'a souvent 
prétendu, « un four », et qui atteignit souvent cinq mille 
francs — un beau chiffre pour le temps ; — vous trouverez 
bien d'autres choses encore dans ce volume d'histoire théâ- 
trale ; la version originale et inédite de Faust, la liste de ses 
interprètes depuis im demi-siècle... 

Soulier (Gustave). — Frank Brangvryn et ses eauxc-fortes. 

Stein (Henri). — Le Palais de Justice et la Sainte-Chapelle de 
Paris. 

Tardieu (André). — Le Mystère d'Agadir. 

Thalasso (Adolphe). — Les Trésors du Musée national d'Athènes. 

Thogorma (Jean). — Lettres sur la Poésie, « l'esthétique vi- 
vante ». 

Tuetey (Louis). — Voir lieutenant-colonel Ernest Picard. 

Turgis (Suzanne). — La Reine Mathilde, « la Tapisserie-bro- 
derie de Bayeux ». 

Verhaeren (Emile), — Hélène de Sparte. 

Wolff (Pierre). — L'Amour défendu, comédie en trois actes. 



il 



JUIN 



LES ROMANS 



ANATOLE FRANGE 

Les Dieux ont soif. 

Le livre de M. Anatole France est un roman des 
temps révolutionnaires : il commence au printemps de 
1793 et se termine au lendemain du 9 thermidor. Dans 
ce court espace de temps, si rempli d'événements atro- 
ces et pendant lequel les Dieux étanchèrent si cruelle- 
ment leur soif de sang, le grand écrivain a fait tenir 
toute la philosophie, tout le sens de la Révolution : il 
apparaît bien que ses folies sanguinaires, ses tragiques 
excès, ne lui inspirent qu'une médiocre sympathie. Un 
certain nombre de personnages qui confondent volon- 
tiers le bloc révolutionnaire et la politique du bloc s'en 
attristeront sans doute, mais, pour s'en étonner, il 
faudrait oublier que l'œuvre toute entière d'Anatole 
France, est un hymne harmonieux à la beauté, à la 
grâce, à la raison, à l'esprit; avouez que le chant du 
Ça ira détonnerait dans cette harmonie. 

Pauvre bloc révolutionnaire ! Le docteur Gustave Le 
Bon le mettait en miettes, il y a quelques jours, et voici 



JUIN. LES ROMANS 183 

que M. Anatole France l'incarne en la personne d'Eva- 
riste Gamelin ! Ce héros de la Révolution est un peintre, 
l'élève de David, qui, détestant les frivoles peintures 
d'autrefois, est revenu à l'art antique, vertueux et nu : 
« citoyen d'un peuple libre, il charbonnait d'un trait 
vigoureux des libertés, des droits de l'homme, des cons- 
titutions françaises, des vertus républicaines, des her- 
cules populaires terrassant l'hydre de la tyrannie, et 
mettait dans toutes ses conceptions l'ardeur de son 
patriotisme». Ce Gamelin, c'est tout le bloc : il a naguère 
exalté Mirabeau, Lafayette, Pétion, Brissot, il les voue 
aujourd'hui aux gémonies et à l'échafaud vengeur, et 
il plem-e des larmes d'attendrissement sur le passage de 
Marat. C'est un honnête garçon, fidèle éperdument à 
ses successives idoles, rigoureux dans ses convictions. 
Au demeurant, ce n'est pas un aigle ! Il va devenir ter- 
rible lorsque l'imprudente habileté de M"^^ de Roche- 
maure en aura fait un juré, à dix-huit francs par jour, 
du Tribunal révolutionnaire : il condamnera sans cesse, 
livrera toujours des têtes nouvelles et du sang nouveau 
aux dieux altérés, et son sang viendra à son tour étan- 
cher la soif divine : il périra sur l'échafaud le 10 ther- 
midor. 

En face de cette figure sombre, têtue, sincère, ter- 
rible, M. Anatole France en a placé une autre, en qui je 
ne peux résister au désir de reconnaître la fidèle image 
de l'auteur lui-même, c'est Brotteaux, le ci-devant des 
Ilettes. Il est délicieux, ce Brotteaux qui fut autrefois 
un traitant noble et riche, donnant dans son hôtel de la 
rue de la Chaise des soupers fins; et qui maintenant, 
pour vivre, fabrique des pantins, des « créatures qui 
ont reçu de lui un corps périssable, exempt de joies et 
de souffrances : il ne leur a pas donné la pensée, car il 
est un Dieu bon ». Il est sceptique, il ne croit pas au 
bloc, lui; il sait la relativité des choses, et il traverse la 
tourmente révolutionnaire en lisant Lucrèce. 

Un sceptique, un égoïste ; mais son égoïsme le pousse 



Iâ4 LE MôùVèMeni? littéraire 

à des actes d'un dévouement sublime. C'est ce genrô 
d'égoïsme qui « inspire à l'homme tous les actes de géné- 
rosité en le faisant se reconnaître dans tous les miséra- 
bles, en le disposant à plaindre sa propre infortune dans 
l'infortune d'autrui, et en l'incitant à porter aide à un 
mortel semblable à lui par la nature et la destinée, jus- 
que-là qu'il croit se secourir lui-même en le secourant ». 

Ses entretiens avec le P. Longuemare sur la bonté, sur 
la religion, sur Dieu, sont des pages exquises, d'une 
émouvante beauté; et ses ripostes à Evariste Gamelin 
sont des merveilles d'ironie. « J'ai des instincts pervers, 
lui dit-il, car je répugne à voir couler le sang, et c'est 
une dépravation que toute ma philosophie n'est pas 
encore parvenue à corriger. J'ai l'amour de la raison, 
je n'en ai pas le fanatisme. La raison nous dirige et 
nous éclaire; quand vous en aurez fait une divinité, 
.elle vous aveuglera et vous persuadera des crimes. » Un 
autre jour, il félicite Gamelin de ses nouvelles fonctions 
de juré : « Vous êtes sûr de bien juger, lui dit-il, vous ne 
risquez pas de vous tromper, puisque vous jugerez 
d'après les mouvements de vos cœurs », et que vos sen- 
tences seront bonnes, pourvu qu'elles contentent les 
passions qui sont les lois sacrées. Vous condamnerez les 
généraux vaincus à mort, et vous aurez raison; ce n'est 
pas qu'un général vaincu soit criminel, car de toute 
nécessité il en faut un dans chaque bataille, mais il n'est 
rien comme de condamner un général à mort pour don- 
ner du cœur aux autres. 

Avec de tel arguments, avec quelques sauvetages, 
comme ceux du P. Longuemare et de la fille Athénaïs 
qui avait crié : « Vive le Roi ! », le sort de Brotteaux 
n'était pas douteux : il monta sur la fatale charrette et 
jusqu'au bout poursuivit tranquillement la lecture de 
son Lucrèce; à l'arrivée de l'exécuteur, il mit le signet 
à la page commencée, ferma le livre et le fourra dans la 
poche de sa redingote. Auprès de lui, se tenait Athénaïs : 
ea montant sur l'échafaud, il contempla, en connais^ 



I 



JUIN. — LES ROMANS 185 



ur, sa gorge jeune et Planche, et il regretta la lumière 
"du jour. 

Mais je me laisse aller à la douceur des citations et 
me voici à la fin do l'espace qui m'est réservé sans que 
j'aie tenté d'analyser ce beau roman de passion, de 
frénésie, de douceur, de vaste pensée; je ne le regrette 
qu'à moitié : je l'aurais abîmé en tentant de vous le 
raconter et j'aime bien mieux vous avoir simplement 
dit, en toute humilité, la joie profonde que m'a causé 
cette œuvre d'une beauté si pure et sereine, d'une 
grâce si jolie, écrite en une langue d'une souveraine 
harmonie.*^ '^^/flfl i-^ 



RENÉ BOYLESVE 

Madeleine jeune Femme. 

Madeleine jeune Femme nous raconte sa vie de vingt 
à trente ans, pendant la belle période d'une existence 
de femme, celle des grandes aspirations, celle où, pour 
parler le jargon du jour, on « veut vivre sa vie ». 
Hélas ! dans des romans vivants, humains, observés, 
comme ceux de M. René Boylesve, on ne vit pas sa 
vie; on vit tout court. Madeleine jeune femme a été 
ime « jeune fille bien élevée » — l'auteur vous a naguère 
xpliqué ce que cela voulait dire, — elle est devenue une 
lomme bien mariée, raisonnablement, à un « architecte 
d'avenir» satisfait de piètres ambitions matérielles, qu'il 
ne parvient pas d'ailleurs à réaliser. Mais c'est le moin- 
(]re souci de Madeleine à qui la richesse importe peu, 
fui voudrait connaître la flamme intérieure, qui souffre 
lans un foyer banal, entre son médiocre mari et ses 
• nfants. 

Cette flamme, un séducteur l'a fait briller un instant. 
Madeleine a été troublée, bouleversée, mais les prin- 



186 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

cipes de la jeune fille bien élevée Font sauvée et elle 
s'est résolue à ne plus faire d'elle qu'un « instrument 
utile au bien des siens; elle a savouré une certaine joie 
dans cet oubli de soi-même, dans cet adieu définitif à 
tous ces désirs personnels et cette joie qui l'a transfi- 
gurée a fait dire autour d'elle : « Sans doute elle a trouvé 
le bonheur, elle aime, elle est aimée » et sans doute aussi 
elle a goûté avec quelque amertume l'ironie d'une telle 
supposition. 

Tel est le sort de la jeune femme qui fut une fille bien 
élevée. Et la mal élevée? L'aventure de Pipette qui 
côtoie l'histoire de Madeleine nous montre que sa des- 
tinée plus lyrique n'est guère plus brillante. Cette pau- 
vre petite fille, trop gaie pour être heureuse, a esquivé 
le mariage ridicule que méditaient ses frivoles parents 
et elle meurt à vingt ans aux bains de mer, noyée par 
accident, — un accident dont Juillet le séducteur, qui 
n'a pas voulu comprendre l'amour de cette petite, doit 
percer le mystère et garder, sans doute, le remords. 

Alors? Alors, la vie n'est pas gaie et le romancier 
dont l'action propre est, selon M. Boylesve, « une invi- 
tation à réfléchir sur la vie, longuement, profondément 
s'il se peut, et fût-ce avec amertume et difficulté », n'est 
pas un optimiste ou du moins il n'incline pas son lec- 
teur à l'optimisme, car M. René Boylesve ne tire pas de 
conclusions; il possède le grand art de rester silencieux 
derrière ses personnages. Ainsi, son livre est un beau 
roman, très vivant, trèshumain, d'un intérêt poignant, 
d'une merveilleuse pénétration psychologique, et si une 
leçon de philosophie et de morale s'en dégage, c'est 
parce que son lecteur, impressionné profondément, en 
a ainsi décidé. 



JUIN. — LES ROMANS 187 

CHARLES-HENRY HIRSCH 

Dame Fortune. 

Quel curieux roman ! H a les qualités âpres, violentes, 
brutales de ses devanciers, la cynique gaieté, l'obser- 
vation aiguë d'Eça Tumarche, la cruauté sanguinaire 
du Tigre et de Coquelicot et à'Amaury d'Ornières, et 
vous y trouverez en même temps tous les éléments d'un 
roman policier, et aussi, et surtout, une jolie leçon de 
philosophie narquoise, sceptique et tendre. 

Que de choses, dans ces trois cent cinquante pages ! 
C'est qu'on n'y perd pas de temps : les événements s'y 
précipitent et l'on voit, dans la même soirée, sous les 
lustres du Casino, où la partie infernale déchaîne l'émo- 
tion et la curiosité, les débuts de l'idylle entre Boulotte, 
la petite femme du Casino, et de bon gros Baigue; — 
et la fm de la carrière aventureuse du banquier Gotthur 
que la mort attend traîtreusement, tapie dans l'ombre, 
cependant qu'il abat des neuf et des huit avec une veine 
insolente qui ne le mènera pas loin. 

L'idylle et le drame se développent côte à côte, 
l'idylle même profite du drame, et Boulotte s'attache de 
plus en plus le cœur de son amant, cependant que des 
policiers valeureux et habiles, et des magistrats ridi- 
cules et lamentables, s'attachent à percer le mystère 
du crime; les premiers y parviennent malgré l'hostilité 
et la maladresse des seconds, les premiers seront d'ail- 
leurs ou tués ou blâmés, et les seconds recevront de 
l'avancement ! 

Et tous ces gens : criminels, victimes, amoureux, 
policiers, magistrats, dramaturge, — oh ! ce drama- 
turge ! — s'agitent et grouillent, et jouent, et blaguent, 
et l'on entend dans cette foule la voix de Baigue qui 
crie aux échos sa joie d'aimer : il en remercie avec une 



188 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

familiarité et une émotion qui ne manquent point de 
lyrisme, la grande maîtresse du jeu, « la coquette que 
nul n'a vue et qui mène à son gré la ronde humaine, 
Técervelée qui cause le bien et le mal tout ensemble, et 
qui s'appelle Dame Fortune ». Elle a mis sur le chemin 
« d'un gros garçon trop bêtement riche et trop plein 
d'ennui, une petite bonne femme trop bêtement pauvre, 
que la mistoufle n'avait pas dépossédée de la fraîcheur 
d'âme d'une bergère heureuse ! » Et vous voyez que 
Dame Fortune ne s'occupe pas uniquement à de vaines 
et louches besognes, qu'elle est parfois une bonne et 
brave fille et que, dans le tumulte de l'or, dans la boue 
et dans le sang, elle trouve moyen de frayer parfois 
son petit bonhomme de chemin à une action louable et 
à une aventure jolie. 



EMILE MOSELLY 

Fils de Gueux. 

M. Emile Moselly, dont le Prix Concourt a naguère 
consacré le beau talent et dont vous connaissez les 
œuvres robustes, généreuses et saines, est un écrivain 
lorrain qui doit tout, qui reporte tout à sa chère Lor- 
raine; c'est à elle, c'est à la rivière charmante où se 
mirent ses paysages de grâce et de mélancolie qu'il a 
emprunté son nom; c'est elle qui toujours palpite dans 
ses livres, c'est à Maurice Barrés, « au maître de notre 
chœur lorrain » qu'il offre en hommage d'admiration 
et de reconnaissance son livre : Fils de Gueux. 

Vous vous souvenez de Joson Meunier, ce beau livre 
où l'âme du pays et du paysan lorrains était étudiée 
avec tant de tendresse et de mélancolie; c'est encore elle 
qui nous apparaît dans l'histoire de Basile Crasmagne, 
le pauvre petit paysan, fils de Charles-Emile Crasma:- 



JUIN. — LES ROMANS 197 

de son amie, elle aura, par surcroît, reconstruit le sien. 

Telle est l'histoire que nous apprenons dans les cin- 
quante lettres écrites par la divorcée à Madeleine Rau- 
court, et cette histoire, qui est, nécessairement, toujours 
en récit et jamais en action, est cependant tout à fait 
vivante : elle semble même vécue. C'est que ces lettres 
sont d'un naturel parfait; il n'y a là nul artifice, nulle 
préparation : c'est la vérité même. Chemin faisant, cette 
gracieuse et tendre figure de femme se dessine entre les 
lignes, en face de l'homme qu'elle aime toujours et 
dont elle se reproche de n'avoir pas su excuser l'égoïsme 
et la rudesse morale qui sont, paraît-il, les qualités 
masculines par excellence. 

Je ne crois pas que cela soit d'une parfaite et univer- 
selle exactitude, mais c'est probablement très sincère; 
et puis c'est si féminin, cette forme d'indulgence et 
d'humilité qui consiste à dire : « en vérité, c'est moi la 
coupable, j'ai eu tous les torts; avec toute ma tendresse, 
ma sensibilité, ma délicatesse de femme, j'aurais dû 
savoir et me souvenir qu'un homme, même supérieur, 
même excellent était nécessairement par essence un 
être égoïste, bien moins sensible et bien moins délicat. » 
- Et j'ai pourtant goûté ce livre plein de talent; peut- 
être, après tout, les temps ont-ils changé depuis Molière, 
et est-ce nous maintenant qui aimons à être battus. 



MARCEL BOULENGER 

Le Marché aux Fleurs ! 

Le Marché aux Fleurs ! voilà, n'est-il pas vrai, pour un 
roman, un gracieux titre, évocateur de jolis tableaux, 
de fraîches couleurs et de doux parfums. Mais le marché 
dont nous parle M. Marcel Boulenger dans le livre qu'il 
a fleuri de ce titre, ne se tient ni à la Madeleine, ni sur 



198 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

la place ensoleillée de Nice, et ce ne sont pas des résé- 
das, des œillets ou des roses que Ton offre aux acheteurs, 
mais des jeunes filles que des pères intéressés et snobs 
s'efforcent de montrer à de riches fiancés. 

Les fleurs sont bien forcées de se laisser faire, mais les 
jeunes filles et même les jeunes femmes résistent par- 
fois, telle cette charmante Germaine Garretier, qui 
refuse énergiquement d'épouser le jeune fils morphi- 
nomane, ivrogne et tricheur du richissime banquier 
Gauwel, que son père lui destinait bien gentiment, 
dans l'espoir d'en faire une femme heureuse et fortu- 
née, et par surcroit, de se tirer lui-même d'une fâ- 
cheuse impasse. 

La pauvre Germaine n'a pourtant guère le droit de 
se montrer difficile, elle est divorcée; son mari, le grand 
couturier Adolphe Lesca qui l'avait épousée pour parer 
ses thés-choix — les thés choix ! Pourquoi pas, nous 
avons bien les cacaos-causeries et les thés-bridges ! — 
d'un ravissant et légitime mannequin, l'ayant aban- 
donnée après quelques années de mariage pour s'enfuir 
dans les Amériques avec une riche personne, M^^ Es- 
ther de Saint-Mesgrin, « reine des jumenteries ». 

Mais Germaine est fière : ces marchandages la révol- 
tent, et puis, elle aime son cousin Georges Garretier- 
Perrot, un cerveau brûlé qui fait du socialisme au Par- 
lement, et elle se laisse enlever puis épouser par lui. Et 
comme Georges Garretier-Perrot a le bon esprit et la 
bonne fortune de se faire nommer ministre, le ressen- 
timent du père s'apaise brusquement, et la famille se 
trouve réunie à la grande joie de la tendre et mouton- 
nière maman de Germaine- 
Cet aimable roman se déroule à Senlis, dans des 
milieux épris de sports élégants; on y joue au golf, on y 
fait courir des lévriers, et les snobs y régnent. Ces snobs, 
M. Marcel Boulenger, qui les connaît à merveille, les 
raille avec beaucoup d'esprit et de mesure, — une 
mesurejque, pour mon compte, je ne saurais pas garder 



JUIN. — LES ROMANS 199 

en face de ces sortes de gens qui m*agacent prodigieu- 
îment. 

Et c'est une heure charmante — une heure qui file 
comme une minute — à passer en compagnie de gens 
qui sont tous — y compris le socialiste ! • — très bien 
élevés et admirablement habillés. 



RÉGINA RÉGIS 

Double Etreinte. 

« Roman pshychologique », d'une psychologie raf- 
finée, subtile, cruelle, et qui s'exprime en des lettres 
toutes pleines de passion, de sincérité et de perfidie. 

L'héroïne qui apparaît dans ces lettres, ces « lettres 
qui sont un aliment à la volupté », est Lena de Failles, 
une jolie divorcée de trente-quatre ans qui aime de 
toute son ardeur amoureuse Jacques de Villemont, son 
amant, riche, spirituel et beau, et qui s'intéresse de 
toutes les forces de ses ambitions littéraires à un cri- 
tique éminent, ténébreux et passionné, Pierre Lamarre. 

Elle goûte, avec beaucoup de satisfaction, la « double 
étreinte », l'une morale, l'autre physique, de ces deux 
hommes qui l'aiment également : et cela est d'une 
morale discutable; elle s'amuse en outre à exciter la 
jalousie de l'un et le désespoir de l'autre, et cela est 
tout à fait odieux. Elle se juge d'ailleurs elle-même : 
après la mort de Pierre Lamarre, tué par le chagrin 
qu'elle lui causa, elle s'abandonne au remords et signifie 
à Jacques, qui n'en peut mais, son congé. « Nous sommes 
quittes, lui écrit-elle dans une lettre d'adieu, mais ainsi 
que Lui pour moi, je suis morte pour vous. » 

Comme logique, cela me semble un peu vif, mais cha- 
cun sait que la psychologie féminine et la logique sont 
deux choses fort différentes. 



200 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



JEAN RAMEAU 



La Route bleue. 

La Route bleue, dont M. Jean Rameau nous parle, est 
la route simple, droite, loyale que suivent les personnes 
honnêtes et candides en cueillant sans cesse les jolies 
petites fleurs bleues de l'idéal. J'éprouve pour la petite 
fleur bleue une prédilection que j'aime à proclamer, et 
je ne trouve jamais qu'il y en a trop : il y en a beaucoup 
dans le roman de M. Jean Rameau ! et Jeanneton Dar- 
rieulère qui la cultive avec tendresse et désintéresse- 
ment est récompensée au dénouement par un bonheur 
sans nuages — un bonheur d'azur ! — et l'amour de 
l'honnête et loyal Pierre Cassourat qu'elle adore depuis 
si longtemps; cependant que sa sœur aînée Simone, 
égoïste, cruelle, astucieuse est, contre toute attente, 
victime de ses mauvaises actions et de ses habiletés. 

Celle-là avait pris la route rouge, celle de l'ambition 
effrénée, et du radicalisme socialiste — car la couleur 
de ces deux routes contradictoires n'a pas une signifi- 
cation seulement sentimentale, mais aussi politique. 
Elle a épousé l'odieux politicien Sahucq, qui s'est rapi- 
dement élevé au faîte des honneurs, mais qui non moins 
rapidement a abandonné sa femme; le naïf Pierre Cas- 
sourat a bien failli se laisser enjôler par cette intrigante, 
mais il s'est repris à temps pour se donner à la petite 
sœur bleue. 

Et tout cela est très aimable, conté avec une copieuse 
émotion et Ton se réjouit de voir en ce roman de mœurs 
modernes, exalter avec tant de conviction et de sincé- 
rité « le bleu des bonnes actions, le bleu des honnêtes 
labeurs, le bleu des simples joies familiales »., 



JUÎN. — LES ROMANS 201 



GILBERT AUGUSTIN-THIERRY 

La Fresque de Pompéï — La Madone qui pleure. 

M. Gilbert Augustin-Thierry, qui cultive avec un 
égal bonheur les jardins de l'histoh'e et ceux du roman 
et qui nous a donné, tour à tour, de si curieuses et roma- 
nesques évocations historiques et des œuvres d'imagi- 
nation et d'observation empoignantes, a remis en 
valeur en un même volume, deux romans : la Fresque 
de Pompéï et la Madone qui pleure. Ce n'est ni le hasard, 
ni la nécessité typographique qui a réuni sous la même 
couverture ces deux belles histoires, ce « conte païen » 
où nous voyons Marcel Lautrem se débattre contre 
Tamour et se laisser vaincre et dominer par lui, et ce 
« conte chrétien » où le prêtre interdit, Ambrogio, est 
sauvé par son péché lui-même. 

Ces deux récits empoignants, douloureux et vivants, 
aussi différents qu'ils paraissent, appartiennent, en 
effet, au même ordre d'idées : le déterminisme. L'auteur 
nous l'explique lui-même dans sa préface : tous deux 
ils interrogent l'éternelle énigme, le Sphinx effarant 
des causalités. « L'hérédité fait l'homme », enseignent 
aujourd'hui les physiologistes. « Non, répliquent les 
théologiens... l'homme est un ressort que remue la main 
de Dieu. » M. Gilbert Augustin-Thierry n'a point voulu 
résoudre l'inconnu d'un insoluble problème, il a moins 
encore cherché à théosopher. Il a eu, nous dit-il, pour 
seule ambition d'intéresser le lecteur, entreprise, du 
reste, difficile. Je crois vous avoir dit déjà qu'il y a plei- 
nement réussi. 



HISTOIRE, MORALE, VOYAGES, 



DIVERS. 



HENRY HOUSSAYE 
léna et la Campagne de 1806 

(Œuvre posthume publiée par M. Louis Madelin.) 

M. Louis Madelin nous présente, en une page très 
noble et très émouvante, la dernière œuvre d'Henry 
Houssaye,/é^ia et la Campagne de 1806. Cette œuvre du 
grand historien napoléonien n'est pas — hélas ! — tout 
entière sortie de sa plume. La cruelle maladie qui l'a 
emporté avait brisé cette plume au moment où il était 
aux deux tiers environ de l'œuvre préparée. En se ser- 
vant de ses notes éparses, du souvenir de ses entretiens, 
M. Louis Madelin a terminé l'œuvre : il y a ajouté l'his- 
toire de cette poursuite conçue le lendemain d'Iéna, de 
cette poursuite rayonnante qu'Henry Houssaye évo- 
quait avec tant d'éloquence et d'émotion. 

« Cette poursuite, disait l'historien, l'Empereur Ta 
voulue, ce sont les maréchaux qui ont su agir suivant 
l'impulsion donnée. Ce qu'ils ont obtenu alors de leurs 
hommes ! Ces raids de* cavalerie à travers l'Allemagne 
avec Lasalle et Milhaud ; et ces marches des soldats de 
Lannes. C'est un miracle d'énergie et d'entrain ! » 

M. Louis Madelin s'excuse d'avoir dû reconstituer 
cette poursuite et raconter l'entrée de l'Empereur à 
Berlin; il a cependant accompli cette tâche avec autant 



JUIN. — aiStOIKE, MOitAtÈ, VOYAGES, ETC. 2Ô3 

de bonheur que de piété. Les derniers chapitres du livre 
ne le déparent en aucune façon, et il figurera tout entier, 
avec honneur, dans Tceuvre très belle et très forte 
d* Henry Houssaye. 



Dr GUSTAVE LE BON 

La Révolution Française 
et la Psychologie des Révolutions. 

On a écrit énormément sur la Révolution française ; 
plusieurs générations d'historiens et de philosophes l'ont 
étudiée et analysée avec un zèle patient et passionné, 
et Ton pouvait croire que le sujet était parfaitement 
élucidé, sinon épuisé. Il n'en est rien : les historiens 
modernes les moins suspects ont aujourd'hui de cruelles 
incertitudes; ils racontent, ils n'osent plus conclure. 
C'est qu'en notre temps où la science a repris l'examen 
de ses anciennes certitudes et constaté leur fragilité, 
l'histoire n'a pas échappé à cette revision, et particu- 
lièrement celle de la Révolution française : on se 
demande aujourd'hui si le droit nouveau succédant à 
l'ancien régime ne se serait pas établi naturellement, 
sans violence. 

\ C'est le grave et passionnant problème qui est étudié 
dans le beau livre du doctem* Gustave Le Bon. 

Le savant éminent, qui a consacré à la psychologie 
des foules et aux opinions et croyances de si fortes 
études, reprend à grand traits l'histoire et l'analyse de 
ce grand bouleversement humain, et il aboutit à des 
conclusions qui, après la lecture de son livre, apparais- 
sent évidentes et certaines. 

La Révolution n'est pas un bloc; ce mot a pu faire 
fortune, déchaîner l'enthousiasme de foules parlemen- 
taires et servir même, par la suite, à étiqueter un parti, 
il ne correspond en aucune façon à la réalité. Loin d'être 



204 LE Mouvement littéraire 

un bloc, la Révolution française se compose de phéno- 
mènes simultanés mais indépendants les uns des autres. 
Ses acteurs ne l'ont pas comprise: ils ont cru la mener, 
ils ont été menés par les logiques qu'ils ne voyaient pas 
et surpris par les événements dont ils étaient les héros. 
Quant à nous, spectateurs, historiens et juges, nous 
l'avons nous aussi regardée sans la comprendre, — 
suivant nos tendances et nos goûts, nous l'avons mau- 
dite ou admirée, elle a été pour nous un dogme accepté 
ou rejeté en bloc — le bloc, toujours ! — sans qu'au- 
cune logique rationnelle soit intervenue dans un tel 
choix. 

C'est, qu'en réalité, la Révolution est une œuvre de 
croyants jugée par des croyants; ses héros ont cru fon- 
der un régime nouveau, ils ont fondé une religion nou- 
velle dont la fortune ne fut pas longue, mais qui leur 
donna cepen^^ant la force de s'imposer à la France et à 
l'Europe. 

Quant au reste, quant à cette fondation d'une ère 
nouvelle, à cette abolition du passé dont ils se sont flat- 
tés, dont on leur a fait gloire, quelle erreur ! Le passé 
ne meurt jamais; il est plus encore en nous qu'en dehors 
de nous, et les « géants » n'ont jamais cessé de subir les 
influences ancestrales. 

Ont-ils cependant créé quelque chose? Oui, ils nous 
ont légué cette idée de l'égalité qui s'épanouit aujour- 
d'hui dans le socialisme, et c'est un joli cadeau qu'ils 
nous ont fait là ! 

\f^ Ne leur en veuillons pas trop ; ce n'est pas leur faute : 
les assemblées de la Révolution, impulsives et crain- 
tives, furent dominées par un petit nombre de me- 
neurs et agirent le plus souvent en sens contraire des 
volontés individuelles de leurs membres — voilà qui 
ressemble singulièrement à une étude de la Chambre 
de 1912 ! — les gens de la Révolution ont obéi à des 
forces irrésistibles dont ils n'étaient pas maîtres. 
Croyant agir au nom de la raison pure, ils subissaient 



JUIN. — LES ROMANS 193 

d'aimer Stone ne peut survivre à la découverte de la 
faute : elle s'empoisonne; et Stone, en face de tant de 
catastrophes, s'enfuit de cette maison maudite pour ne 
plus reparaître. Sybil alors, toute seule, à côté de l'in- 
firme, veut sauvegarder, du moins, ce qui reste de bon- 
heur à son glorieux mari; elle le soigne avec tendresse, 
et lorsque, miraculeusement, il revient à la santé intel- 
lectuelle et physique, la gardienne de la divine flamme, 
coupable involontaire et victime de la fatalité, apprend 
que cet homme n'avait pas une minute perdu la cons- 
cience, qu'il a tout deviné, tout su, que surtout il a 
tout compris, et qu'ayant tout compris, il a tout par- 
donné... 



CHARLES DE BORDEU 

La plus humble Vie. 

La plus humble Vie, est une œuvre d'une très émou- 
vante et très noble simplicité, digne de cette épigraphe 
du grand poète Francis Jammes : « La beauté que Dieu 
donne à la vie ordinaire... » Et c'est une vie très belle et 
très ordinaire, celle de Jacques, fils de Cadet, le por- 
cher, et de Daunine Bénédicte, qui naquit en 1820, 
dans un humble village et qui, durant plus de quatre- 
vingts ans, remplit tranquillement, loyalement ses 
devoirs quotidiens, travaillant tour à tour aux semailles, 
à la moisson, aux vendanges; fêtant chaque année la 
Saint- Jean; marié à vingt ans, bon époux, bon père, 
travailleur respecté... 

Les grands événements politiques de 1848 ont tra- 
versé sa vie sans la troubler; puis c'a été la tourmente 
de 70; les gars sont partis à l'armée de la Loire; épar- 
gnés par la mort, ils sont rentrés, ils se sont mariés à 
leur tour; une très petite aisance a contenté les deux 



194 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

vieux, et puis, doucement, sa femme s'est éteinte, et 
doucement aussi, Jacques est mort au printemps sui- 
vant. 

C'est simplet, comme vous voyez; je vous assure que 
c'est très émouvant, et parfois très beau. Devant la 
tombe de Jacques on parla de lui, on assura qu'il avait 
été heureux et que c'était bien juste, car il avait « tou- 
jours eu de la bonne foi, de l'honnêteté envers les gens; 
il avait rempli les devoirs de sa condition, gagné son 
pain, nourri sa famille et vécu sans inquiétude » : telle 
fut son oraison funèbre, et puis l'on parla du temps et 
des semailles. La vie d'un homme simple n'est rien de 
moins qu'une épopée magni fique et humble, puisqu'elle 
reflète le ciel et la terre; épopée qui doit survivre à sa 
mémoire, à ce monde même où elle passa. 



JULES PERRIN 

Un Masque sur deux Visages. 

Ce livre débute comme un roman de mœurs avec une 
observation attentive, scrupuleuse, amusante des 
milieux; il évolue en un feuilleton qui pourrait devenir 
un roman policier avec toute la poétique du genre : 
assassinat mystérieux, prodigieuse ressemblance de 
deux hommes, il se termine enfin dans l'angoisse d'une 
analyse d'âme et de sentiment. Tous les genres y sont, 
comme vous voyez, hors le genre ennuyeux, car ce 
roman est, d'un bout à l'autre, palpitant, et Tintérêt 
de « l'histoire » tient le lecteur haletant. 

Cette histoire, la voici : l'oncle de Bernard Borel est 
mort laissant une grosse fortune : la nue propriété à 
ses héritiers naturels, Bernard Borel et sa sœur, l'usu- 
fruit à sa veuve, la blonde M^^ Archambauld; à la con- 
dition toutefois que cette dernière garde ses voiles de 



JUIN. — LES ROMANS 195 

veuve. Si elle se remariait elle perdrait le bénéfice de cet 
usufruit. Comme elle a vingt-cinq ans et que Bernard 
Borel en a trente-quatre, les chances pour ce dernier 
d'entrer en possession de la fortune sont assez minces 
et le remariage de la veuve sans aucune ressource per- 
sonnelle est bien peu probable également. 

Il y aurait bien une solution, qui serait le mariage de 
Bernard Borel et de la jolie veuve, mais cette solution 
n'est point non plus satisfaisante à cause des origines 
de M°^6 Archambaud et de sa famille plutôt fâcheuse; 
et puis, Bernard aime une jeune fille délicieuse, Jea- 
nine Ardouin, qui par surcroît servirait à merveille ses 
ambitieux desseins. Seulement il lui faudrait quelque 
fortune; une seule hypothèse le rendrait donc parfai- 
tement heureux : la disparition de M^^ Archambaud. 

Ces réflexions, elles passent fugitives dans le cerveau 
de Bernard qui n'est ni un criminel ni un homme d'ac- 
tion; le hasard met sur son chemin un homme, André 
Jouve, ex-officier de l'armée d'Afrique, ténébreux ban- 
dit qui, par une fortune extraordinaire, lui ressemble 
prodigieusement. Grâce à cette ressemblance, c'est lui 
qui va prendre en mains la destinée de Bernard et la 
corriger par des moyens un peu rudes. Il ne le consulte 
pas, il n'en fait pas son complice, non ! Simplement, 
Bernard se laisse faire, se laisse porter avec une volon- 
taire inconscience par les événements qui le feront 
riche et heureux. 

Il apprend ainsi la mort subite de M°^® Archambaud, 
trouvée pendue dans sa chambre, et, tout en ressentant 
quelque inquiétude obscure, il accepterait cette déci- 
sion du destin si Jouve ne reparaissait à l'heure de son 
agonie pour lui raconter longuement, cruellement, tout 
lo drame au cours duquel il avait commis, lui, le crime 
que Bernard avait obscurément conçu et que son hon- 
nêteté, et aussi, et surtout, sa lâcheté l'avait empêché 
d'exécuter; avec des images précises, il sème dans son 
âme le germe empoisonné du remords. Et cet épilogue. 



196 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

cette vengeance du moribond, qui part satisfait d'avoir 
troublé pour toujours la vie de son «double», est dra- 
matique et terrifiant. 



LÉONA FABER 

Lettres d'une Divorcée. 

. L'héroïne de ce livre est une femme jeune encore 
dont Tété, sans être triomphant — elle a trop de mélan- 
colie pour triompher — apparaît agréable et séduisant. 
C'est une femme intelligente, généreuse, ardente, qui 
fut m.ariée à Guy Duvallon, un savant de vaste intel- 
ligence, au cœur noble et sincère; entre ces deux êtres 
d'élection un fossé pourtant s'est creusé, qu'un enfant 
né tardivement aurait sans doute comblé, mais hélas ! 
il est mort et ils ont divorcé. 

Depuis cette séparation, elle vit dans l'isolement, 
dans la mélancolie, dans le souvenir et même le remords, 
si l'on peut employer un tel mot à propos d'une femme 
impeccable, et qui ne peut se reprocher qu'un excès de 
sensibilité. Et voici qu'une amie d'autrefois, une amie 
de couvent, Madeleine Raucourt, mère de deux enfants, 
lui confie ses chagrins domestiques et son intention de 
reconquérir sa liberté. 

Elle sait en quoi consiste cette liberté; elle connaît, 
hélas ! le divorce, et elle sait tout ce qu'il faut dire pour 
dissuader son amie d'une telle extrémité. A chacune 
de ses plaintes, elle répond par un souvenir personnel : 
elle revit son existence d'autrefois, son chagrin, son 
regret. Sa tendresse pour le mari d'autrefois reparaît à 
chaque ligne et comme un heureux hasard a mis cette 
correspondance soùs les yeux de Guy Duvallon, ce 
dernier revient à elle : ils reprendront la vie commune, 
se remarieront, et en s'appliquant à sauver le bonheur 



iUiN. — ËïSfoiAÈ, môraLë, Voyages, èîc. 2Ô5 

des influences mystiques, affectives et collectives 
incompréhensibles pour eux et que nous commençons 
seulement à discerner aujourd'hui. 

Ne leur en veuillons pas ! Mais tâchons au moins de 
profiter de la leçon qu'ils nous ont laissée : pour hâter 
de quelques années des progrès que la marche de la 
civilisation eût fatalement, nécessairement amenés, ils 
ont accumulé les désastres matériels, désagrégé mora- 
lement la France, brutalement tranché la chaîne de 
l'histoire. Ils ont fait pendant dix ans une terrible quan- 
tité d'expériences sur notre pauvre société. Nous en 
connaissons le prix. N'écoutons pas les socialistes qui 
nous convient aujourd'hui à de nouvelles expériences; 
elles pourraient être mortelles : tout s'arme autour de 
nous; « chacun pressent que dans la concurrence uni- 
verselle il n'y aura plus de place pour les nations faibles. 
Si nous continuons à briser notre cohésion par des luttes 
intestines, des rivalités de partis, de basses persécu- 
tions religieuses, des lois entravant le développement 
industriel, notre rôle dans le monde sera vite terminé. 
Il faudra céder la place à des peuples solidement agré- 
gés, ayant su s'adapter aux nécessités naturelles, au 
lieu de prétendre remonter leurs cours ». 

Utile conseil, leçon précieuse; remercions M. Gus- 
tave Le Bon de les avoir si magistralement dégagés; 
s'ils sont entendus, la Révolution française, en nous 
les offrant, aura — cent ans après ! — bien mérité de 
la patrie... 



PIERRE DE LA GORGE 

Histoire religieuse de la Révolution Française. 

(2n^e çolume.) 

M. Pierre de la Gorce poursuit son Histoire religieuse 
de la Révolution Française. Ce deuxième volume évoque 

12 



206 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

les luttes qui, sur des sujets religieux, mirent aux prises 
en 1792, TAssemblée législative et Louis XVI : c'est la 
première et la seconde loi de proscription, le premier et 
le second veto royal qui aboutit à la Journée du 20 juin, 
et ce sont ensuite, évoqués en des pages magistrales, 
rinternement, les massacres, les lois de déportation et 
de mort des prêtres, terribles journées et lois terri- 
bles de 1793. C'est enfin Tinsurrection vendéenne et 
l'armée catholique et royale suivies jusqu'à l'échec de 
Nantes et la mort de Gathelineau. Cette insurrection 
vendéenne, M. de la Gorce, après l'avoir évoquée en 
des pages si vivantes et si chaleureuses, la juge avec 
noblesse : « Pour l'honneur du nom chrétien, il était bon 
qu'il y eut une Vendée; pour l'unité de notre histoire, il 
était bon que la Vendée succombât. La vocation divine 
de la nation française voulait tout à la fois cette résis- 
tance et cette immolation. » 



EMILE MAGNE 

Ninon de Lenclos. 

Dans la jolie collection « les Femmes illustres » Ninon 
de Lenclos vient de faire son entrée, et, sans doute, il 
n'est pas de femme qui soit plus illustre parmi les 
femmes; il n'en est pas dont le souvenir se pare d'une 
grâce plus légendaire. Tout le monde sait que Ninon de 
Lenclos, qui vécut quatre-vingt-dix années, du 15 mai 
1616 au 17 octobre 1706, garda jusqu'au dernier jour 
de cette longue existence, le merveilleux prestige d'une 
jeunesse éternelle. Elle le garda plus longtemps encore, 
puisque, après deux siècles écoulés, elle reste encore, 
à nos yeux, éternellement jeune, éternellement aimée. 

Cette légende, affirmée par l'histoire, a suffi à perpé- 
tuer le souvenir et le nom de Ninon de Lenclos. M. Emile 



JUIN. — HISTOIRE, MORALE, VOYAGES, ETC. 207 

Magne prétend que nous avons bîen d'autres raisons de 
nous souvenir d'elle et qu'en réalité, jusqu'à ce jour, 
nous n'avons pas connu cette héroïne fameuse. J'ai 
tremblé, je l'avoue, en lisant ces mots, et je me suis 
demandé si M. Emile Magne, au nom de je ne sais 
quelle vérité historique, n'allait pas s'amuser à détruire 
cette belle histoire de jeunesse éternelle et d'éternel 
amour, où nous nous sommes habitués à voir Ninon de 
Lenclos déchaînant encore, à l'âge de soixante-dix ans, 
des tendresses passionnées après tant d'aventures, 
depuis Saint-Evremond, Courville, Huyghens, le célè- 
bre astronome, jusqu'à La Châtre, celui du bon billet. 

La lecture du livre de M. Magne m'a rassuré; sans 
doute, il n'admet pas certaines aventures trop drama- 
tiques ou trop tardives ; mais il ne touche pas, en somme, 
à cette renommée de grâce, de joliesse plus belle que 
la beauté, de séduction persistante; et il nous démontre, 
en outre, que cette courtisane fut une femme délicieuse, 
une femme d'une intelligence supérieure. Disciple de 
Montaigne, elle dirigea les cohortes du libertinage et, 
conjointement avec Théophile des Barreaux, Saint- 
Pavin, Saint- Evremont, prépara l'avènement de Vol- 
taire. 

« Avec justice, la sympathie et l'admiration accom- 
pagnent sa mémoire. Image même de la politesse, de 
la simplicité et de la clarté, Ninon est, en effet, entrée 
dans le groupe de ces héroïnes que la multitude révère 
et, volontiers, béatifie. » Et nous sommes charmés d'ap- 
prendre que cette femme exquise fut également une 
femme d'esprit et de cœur, que cette courtisane vou- 
lut toujours choisir ses adorateurs, que loin de sol- 
liciter leurs présents, elle leur faisait grand honneur 
en daignant les accepter, et malgré tout cela nous 
ne songeons pas du tout à la « béatifier »; nous nous 
contentons, ce qui vaut beaucoup mieux, de continuer 
à l'admirer comme une ravissante image d'éternel prin- 
temps. 



208 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

COMTE DE MUN 

Pour la Patrie. 

Il y a un an qu^une canonnière allemande vint jeter 
Tancre en face d'Agadir. Depuis cette date, depuis le 
« coup d'Agadir », pendant les longues et pénibles négo- 
ciations, après même la signature de ce traité si doulou- 
reux et qui ne conclut rien, que d'angoisses, que d'in- 
quiétudes, que d'émotions, mais aussi quel réconfor- 
tant spectacle d'union et de résolution ! Je ne sais pas 
très bien encore ce que leur geste a rapporté à nos voi- 
sins de l'Est, mais je suis assuré de ce qu'il nous a valu 
à nous : il a, ainsi que le dit le comte de Mun, réveillé la 
nation française. 

Ce réveil, l'éloquent homme d'État en a suivi le§ 
phases, tandis que se déroulait en France et au dehors 
ce drame européen regardé et commenté. Et les nobles 
pages qu'il a écrites au cours des négociations, où il a 
salué le réveil du pays, noté les avertissements suprê- 
mes; ces discours véhéments, empreints d'un si ardent 
et si sage patriotisme, où il nous a conviés à la veillée 
des armes; — tout cela, nous l'avons retrouvé, avec 
émotion, dans un livre que le comte de Mun a très juste- 
ment intitulé Pour la Patrie. « En rassemblant dans ce 
volume les écrits que j'ai publiés, les paroles que j'ai 
prononcées, durant cette période, qui prépare peut- 
être de graves et décisifs événements, j'espère travail- 
ler utilement pour la patrie. » 



ETIENNE REY 

La Renaissance de l'Orgueil français. 

Ce sont là des heures très émouvantes que nous avons 
vécues depuis un an, des heures dont il importe de gar- 



JUIN. HISTOIRE, MORALE, VOYAGES, ETC. 209 

der le souvenir. Nous avons naguère interrogé quelques 
écrivains français sur cette renaissance du sentiment 
national : M. Etienne Rey l'a longuement, patiemment, 
ardemment étudiée, et il nous apporte aujourd'hui le 
résultat de ses recherches sur La Renaissance de l'Or- 
gueil français. Le mouvement de patriotisme qui s'est 
affirmé si magnifiquement dans notre pays et dont 
l'intensité nous a surpris nous-mêmes, ne fut pourtant 
pas, selon M. Rey, une brusque réaction : il a été pré- 
paré lentement par quarante années d'histoire, il est 
l'aboutissant direct d'une longue période de paix, il 
est le point de rencontre de toutes les forces reconsti- 
tuées de la France. « Au premier abord, il est apparu 
comme un réveil inopiné; il a fait l'effet d'un miracle, 
et il a provoqué un étonnement joyeux. Mais il né faut 
pas se tromper sur ses causes, qui sont plus lointaines, 
ni sur sa portée, qui est plus considérable. En réalité; 
la France â retrouvé son orgueil, qu'elle avait perdu 
depuis 1870. » 

M. Rey nous explique comment; il indique la part 
que les différents partis ont eue dans la formation de 
cet idéal, en un mot, « il dresse le bilan moral de la 
France d'aujourd'hui ». 



MARCEL PRÉVOST 

Lettres à Françoise maman. 

Il y a quelque deux cent cinquante ans que Fénélon 
prodiguait à nos aïeules ses classiques conseils sur 
1' « Éducation des filles »; beaucoup plus d'un siècle a 
passé sur V « Emile » où J.-J. Rousseau préconisait ses 
méthodes; et, depuis lors, il ne s'est pas trouvé d'au- 
teur pour composer une œuvre d'ensemble sur l'ins- 
truction et l'éducation de nos petits. C'est pourtant là 

12. 



210 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

un livre dont la nécessité s'impose et se trouve dénon- 
cée par le désarroi même ou plutôt Tanarchie « qui 
trouble l'éducation française depuis une centaine d'an- 
nées, et s'aggrave à mesure que les idées religieuses 
exercent sur la majorité des Français une influence 
moins impérative ». 

Ce livre, un des écrivains les plus séduisants de ce 
temps a décidé de l'écrire : Marcel Prévost offre aux 
jeunes mamans ce vade-mecum de l'éducation moderne, 
ce manuel de la famille qui tient à honneur d'être 
sérieusement mûri et écrit. A cette nouvelle, quelques 
frivoles lectrices fronceront le sourcil : « Voilà qui est 
gai, se diront-elles, l'ennuyeuse littérature des manuels 
nous ravit notre romancier favori, l'écrivain qui, tant 
de fois, nous a charmées, émues, ravies. » Mais oui ! 
cela est gai, frivoles lectrices, et cela est mieux, c'est 
émouvant et gracieux, et vous ne tarderez pas à être 
convaincues lorsque vous aurez commencé de lire les 
Lettres à Françoise maman. 

Dès le titre, vous avez été rassurées : les « Lettres à 
Françoise » ! quels jolis souvenirs ces mots évoquent en 
votre mémoire ! Vous vous rappelez ces spirituelles, ces 
émouvantes, ces délicates causeries de l'oncle à Fran- 
çoise jeune fille, à Françoise mariée, et vous savourez 
d'avance ces lettres du même à la même qui seront, 
hélas ! les dernières; Votre espoir ne sera pas déçu; vous 
allez lire un livre exquis, émouvant, spirituel, amusant 
et profond, grave et familier. De la première à la 
dernière page vous serez restées sous le charme, vous 
aurez vécu tout ce petit, tout ce vaste drame d'une 
existence d'enfant, depuif son premier vagissement 
jusqu'à sa seizième année; vous aurez lu le plus gra- 
cieux, le plus vivant, le plus humain des romans : tel 
est ce « manuel d'éducation ». 

Dans ce livre où nous voyons naître et grandir les 
deux enfants de cette Françoise qu'il nous a fait aimer, 
M. Marcel Prévost a été ce qu'il fallait être : « l'ami de 



JUIN. — HISTOIRE, MORALE, VOYAGES, ETC. 2H 

la maison, un peu médecin, un peu confesseur, un peu 
nourrice, Tami dévoué, raisonnable, réfléchi, docu- 
menté, que Ton interroge à la fois sur la question hygié- 
nique et sur les problèmes d'instruction, qui ne s'in- 
téresse pas moins aux bévues qu'aux gentillesses des 
enfants, à qui l'on confie les projets d'avenir ». Il a mis 
à profit la précision actuelle de la science, il a défini un 
idéal d'éducation, mais, si l'on peut dire, un idéal pra- 
tique, en tenant compte des contingences présentes; il 
n'a pas écrit en fumée, sur des nuages, pour des anges. 
Et il a composé un livre tout à fait remarquable et 
charmant où, sans optimisme excessif, il a montré les 
qualités de la nouvelle couvée, et -aussi ses défauts, en 
indiquant, tout doucement^ comment il convenait 
d'éviter leur développement. Et cette histoire de la for- 
mation du corps, du cerveau, de l'âme, du cœur d'un 
enfant, c'est le roman le plus beau, le plus humain qu'il 
ait écrit; le plus français aussi, car on pense et on élève 
à la française dans ce livre dominé tout entier par un 
tout petit mot qui n'a d'équivalence en aucune langue 
humaine et qui est : le cœur ; ce petit mot « qui unit deux 
idées presque opposées, qui signifie la sensibilité la plus 
délicate et la plus fière hardiesse, qui veut dire bonté, 
tendresse, amour, mais qui veut dire aussi résistance, 
ardeur, courage. Que la même courte syllabe puisse 
évoquer à la fois pour nous ces deux concepts en appa- 
rence si lointains, c'est un des indices les plus curieux 
de la sensibilité et du courage français, de l'âme fran- 
çaise, pour tout dire ». 



GUSTAVE BABIN 

Au Maroc. Par les Camps et par les Villes. 

M. Gustave Babin nous raconte en un volume alerte, 
documenté, verveux, son séjour Au Maroc. Par les 



212 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Camps et par les Villes. Ce livre est d'un bon journaliste 
dont les circonstances ont fait, ainsi qu'il arrive souvent, 
un très utile historien. Ses pages sur l'Espagne au 
Maroc, sa vision de trois sultans : Mouley Ismaïl, le Sul- 
tan qu'affola Versailles; Mouley Abd el Aziz, le Sultan 
sans trône; et Mouley Abd el Hafid, le Sultan du pro- 
tectorat; — son dramatique et pittoresque récit de 
l'action militaire, tout cela constitue, en même temps 
qu'un livre d'un très vif agrément, un document histo- 
rique de premier ordre, et l'on fera bien de méditer les 
très intéressantes conclusions qu'il a réunies sous le 
titre : « Politique et diplomatie », conclusions qui per-.0) 
mettent de prévoir, de comprendre et de redouter ce 
que nous réserve demain. 



JEAN DE KERLEGQ 

La Chanson de l'Orient. 

La Chanson de l'Orient ! Elle est de grande actualité 
cette année : nous pensons à elle d'autant plus que les 
bruits guerriers des canons et des fusils de Gonstanti- 
nople, à Fez et à Tripoli, nous empêchent de l'entendre 
et il nous est fort agréable de la retrouver ou de la 
découvrir dans le livre de M. Jean de Kerlecq. L'au- 
teur s'en est allé au Maroc, en Tunisie, en Egypte; il a 
écouté les conteurs arabes, et il nous a rapporté de son 
voyage une gerbe de contes, de légendes et de poèmes 
tout à fait curieux, étranges, séduisants, inédits. 

Inédits? Je crois bien! Ces contes, ces légendes, et u 
ces poèmes sont pour la plupart éclos de l'imagination «"^ 
des pèlerins et des mendiants ; ils n'ont pas vu le jour, 
ils ne le verront jamais. C'est toute une littérature volante 
si j'ose dire, dont M. Jean de Kerlecq nous conte la 
pittoresque histoire dans sa préface, une littérature 



JUIN. — HISTOIRE, MORALE, VOYAGES, ETC. 213 

étrange, savoureuse et belle, portée de café en café par 
des conteurs inconnus, ignorants qui, le plus souvent, 
ne savent même pas lire, mais qui racontent en toute 
simplicité des choses admirables, des histoires extraor- 
dinaires dans lesquelles chante toute Tâme orientale. 
Il faut lire cette préface si renseignée, si amusante, 
parfois si émouvante; il faut lire aussi toutes ces belles 
histoires que M. Jean de Kerlecq a recueillies, choisis- 
sant pour nous les plus gracieuses et les plus émou- 
vantes, et les plus pittoresques. Que de naïveté, que de 
i malice, que de tendresse, que de cruauté, quelle pro- 
fondeur et quel mystère dans ces histoires du Magicien 
aveugle, et des Babouches de Birouz-Kasim, et du 
f Talisman de Shala. Il y a là de la passion, de la bruta- 
lité, de la licence aussi, estompée avec un grand soin 
par M. de Kerlecq, et tout cela est enveloppé d'une 
poésie délicieuse. 



Dr MARC HAVEN 

^ Le Maître inconnu : Cagliostro 

ïl est peu de figures plus attrayantes et plus mysté- 
rieuses que celle de Cagliostro, savant, alchimiste, franc- 
ùaçon, occultiste; tour à tour exalté et vilipendé, réu- 
jsant en lui cent personnages divers : « odieux escroc, 
lïf illuminé, délicat manieur d'âmes, grossier lour- 
îaud », et bien d'autres encore; il a les plus éminentes 
ualités, les plus sombres défauts, sans compter le 
iiérite suprême d'avoir inspiré le « Joseph Balsamo » 
* l'Alexandre Dumas. Avec le grand romancier la légende 
st définitivement établie; à côté d'elle, M. le docteur 
Jarc Haven a voulu nous offrir la vérité : en une magis- 
cale « étude historique et critique sur la haute magie » 
il a campé de pied en cap le Maître inconnu : Caglios- 
tro. 



214 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Bourré de faits et de documents, ce livre est amusant 
comme le plus romanesque des romans : il suit Caglios- 
tro dans sa vie aventureuse, au milieu des hommes les 
plus illustres de son temps et dans les milieux les plus 
divers : dans les palais, les chaumières, les cabinets 
médicaux, les laboratoires d'alchimistes, les réunions 
d'illuminés ou de francs-maçons; à la Bastille, et aussi 
dans les centres d'évocations magnétiques ou magiques. 
C'est, paraît-il, de l'histoire et de la vérité; c'est aussi 
ténébreux, aussi amusant, aussi merveilleux que la 
légende; et le docteur Marc Haven a puisé dans sa 
longue et patiente étude une admiration et un enthou- 
siasme qui ne s'expriment pas sans quelque emphase : 
« Ainsi mourut, dit-il, le divin Gagliostro, l'être de 
lumière et de bonté, jeté en proie à la louve romaine 
qui se vengea sur lui de ses erreurs et de ses défaites. » 



MÉMENTO DU MOIS DE JUIN 



ROMANS 

Amélie. — Ruines, « mœurs mondaines ». 

Baranger (Léon). — La Cure, « cas ». 

Benson (Robert-Hugh). — La Vocation de Frank Ouiseley 
(traduction de T. de Wyzewa). 

Berger (Lya). ■^- Sur VAile des Moulins, roman hollandais. 

Buxy (B. de). — Une Prison dorée. 

Cardonne (Pierre de). — Les Dissentiments. 

Coulomb (Jeanne de). — L* E par pilleur de braises. 

Curwood (James Olivier). — MeKssa (traduction de M. Forbin). 

Damad (Marianne). — Pour une autre. 

Darros (J.-B.). — Voir G. Meirs. 

Dubroca (Maxime). — La Bague, « satire politique et morale ». 

Durand (Yvonne). — Le Bonheur accessible. 

Epuy (Michel). — Le Nouvel Homme. 

Evrard (Laurent). — La Nuit, nouvelles. 

Ferreti (Hortense A. M. de). — Recte et Fortiter « rêves et réa- 
lités ». 

Fersen-Adelsward (Jacques de). — Le Sourire aux yeux fermés. 



MÉMENTO DU MOIS DE JUÎN 2t5 

Foley (Cîharles). — Les Miettes de Vamour. 

Fouchet (Maurice). — Dans un Jardin solitaire. 

Gérard- Wegimont (Pierre). — Un Gentilhomme wallon. 

Girardin (J.). — Le fils de Valansé. 

Gosse (Edmond). — Père et Fils, « étude de deux tempéraments», 
(traduit de l'anglais par MM, Auguste Monod et H. Da- 
vray). 

Hearn (Lafcadio). — Kotto (traduit de l'anglais par M. Joseph 
Smet). 

Jeandet (Charles). — Qui sème le Vent... 

Joliclerc (Eugène). — Nos Péchés. 

Lacoiu" (Paul). — Amours rurales, recueil de « contes picards 
et autres ». 

Magog (H.-J.). — L'Attentat de la rue Royale. 

Meirs (G.), et J-M. Darros. — L'Enigme du train 13, « Aven- 
tures de William Tharps, célèbre détective anglais ». 

Merrick (Léonard). — La fille de Lyneh (traduction de M. Del- 
mont). 

Meyer-Forster (W.). — Le Baron de Heidenstamm. 

Montmorillon (Marquis de). — ApoUophane, « mœurs de l'épo- 
que gréco-alexandrine ». 

Morisson (Arthur). — Dorrington, détective marron, (adapta- 
tion de M. Albert Savine). 

Peladan. — Les Amants de Pise. 

Perret (J.-P.). — Mini Lalouet. 

Portalès,(Jean). — Histoire de Martine amoureuse. 

Pylkkânen (Hilma). — Saïmi Tervola. 

Reschal (Antonin). — L'Entretenu, « roman de mœurs pari- 
siennes ». 

Saussay (Victorien du). — L'Armée juive, « grand roman con- 
temporain ». 

Sormiou (Pierre). — Les Fiancés. 

Varaynes (Francis). — Mirages. 



HISTOIRE. — LITTERATURE 
THEATRE. — POÉSIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Acker (Paul). — Portraits de femmes, des silhouettes gracieuses 
et vraies de grandes dames, de femmes de lettres et de 
femmes de bien. 

Alcanter de Brahm. — Les Camavalettes. Le joli titre de ces 
Tjoèmes vous indique assez clairement qu'ils ont vu le jour 
ians la noble maison de M.^^ de Sévigné, où règne en ce 
siècle M. Georges Gain ; c'est à lui d'ailleurs que M, Alcan- 
ter de Brahm offre ces poèmes : 

A vous qui décrivez en peintre coloriste 
La heaiUé de Paris en ses coins évoqués, 
J'offre le souvenir du poète à l'artiste. 
Tous deux sur la galère idéale embarqués. 



âl6 tË MOtJVEMÉNt LlftÉRÀIRÊ 

Antioche (Comte d'). — Chateavhriand ambassadeur à Londres 
(1822), d'après ses dépêches inédites. 

Artois (Armand d'). — Muse et Musette, poèmes et sonnets. 

Avèze (André). — UEcole du Mariage. 

Bailly (Fernand). — Rimes galantes, sonnets et madrigaux. 

Baldy (Robert). — U Alsace- Lorraine et VEmvire allemand 
187M911. 

Barbey d'Aïu-evilly. — Les Œuvres et les Hommes (xix« siècle), 
tel était le titre d'un grand ouvrage où Barbey d'Aurevilly 
s'était proposé jadis de dresser dans un cadre qui pren- 
drait chaque année plus de profondeur et d'espace, l'in- 
ventaire intellectuel du xix- siècle Le premier volume de 
cet ouvrage, consacré aux « philosophes et écrivains reli- 
gieux », nous est aujourd'hui restitué : c'est tout simple- 
ment un livre de critique, mais quelle critique ! quelle 
hauteur et quelle prof onde\ir dans ces pages sur Jean ïley- 
naud, sur Saisset, l'abbé Mitraud, Renan, Lacordaire, le 
Père Ventura, Eugène Pelletan ! 

Barrés (Maurice). — Le Jubilé de Jeanne d^Arc. Quelques pages 
seiilement, quelques pages de méditation profonde, grave 
et tendre, que le grand écrivain a tracées en « replaçant 
devant lui les images parmi lesquelles Jeanne passa son 
enfance », et ces pages sont très émouvantes et très belles, 
et elles portent en frontispices des images d'Angel, compo- 
sitions d'un art naïf et achevé. 

Baudry (Paul). — Rêves et Pensées, recueil où l'auteur mêle 
« la chanson à la ballade, la fable à la sérénade, le chant 
patriotique à l'élégie en deuil». 

Baumann (Emile). — Trois villes saintes, Ars-en-Dombes, 
Saint-Jacques-de-Compostelle, le Mont-Saint-Michel. 

Bernet (Edmond). — Voyage à Ghadamès, « suivi des mémoires 
du maréchal Ibrahim-Pacha, ancien gouverneur, sur son 
œuvre en Tripolitaine avant la guerre ». 

Boisey (Maurice de). — Pages d'hier, des hymnes lyriques à la 
beauté, démonstration émouvante et qui est bien d'un 
poète, de cette grande règle qui gouverne les âmes hautes, 
éprises d'idéal : il n'y a peut-être de vrai, dans la vie, que 
le rêve. 

Bordeaux (Henry). — Les Amants de Genève, un livre où sont 
évoqués ces amants fameux qui s'appelèrent Ferdi- 
nand Lassalle et Hélène de Doermiges, qui moururent à 
quelque cinquante ans de distance et dont l'aventure appa- 
raît cependant si poignante, si tragique, si ramassée. Cette 
aventure à propos de laquelle on a instruit tant de fois le 
procès du romantisme, M. Henry Bordeaux l'évoque en 
des pages très vivantes et docimaentées, ç^u'il offre à 
Charles Maurras, auteiir des Amants de Venise, ce pilori 
de l'amour romantique; il lui demande d'accepter l'hom- 
mage de ces « Amants de Genève où l'on voit un conducteur 
du peuple et une jeune fille affranchie renier, l'un sa foi, 
l'autre sa passion, au nom d'un même individualisme », 
Braun (Thomas). — Fumée d'Ardenne, poésies. 



w 



MÉMENTO DU MOIS CE JUIN 217 

Broquelet (A.). — Nos Cathédrales, un intéressant ouvrage où 
l'auteur a évoqué^en des notices savantes, en de belles 
images, les voûtes j vénérables, les nobles silhouettes des 
cathédrales qui, par toute la France, dressent vers le ciel 
leurs flèches de pierre. C'est une œuvre utile: « Dans cette 
grande campagne qtii se dessine en faveur de nos édifices 
rehgieux, lui dit M. Maurice Barrés, vous apportez une 
contribution précieuse. Le meilleur moyen de défendre nos 
églises, c'est de les faire aimer, d'intéresser le grand public 
à leur sort. » 

Brunetière (Ferdinand). — Histoire de la littérature française 
classique (1515-1830). M. René Doumic présente en quel- 
ques lignes le deuxième volume de cette belle œuvre, dont 
M. Ferdinand Brunetière a laissé, en des plans très détail- 
lés et très précis, en des notes de cours pieusement recueil- 
lies par ses élèves, les précieux éléments. 

Capperon (Louis). — Au secours de Fez. 

Caron (Pierre). — La Défense nationale de 1792 à 1795. 

Charmont (Joseph). — Les Transformations du Droit civil. 

Chauvigny (Louis de). — Le Fils de Laclos. Ce sont, après une 
éloquente et solide préface, les « Carnets de marche du 
commandant Choderlos de Laclos (An XIV- 18 14) et les 
lettres inédites de Madame Poiu-rat. Le héros de ce livre 
c'est le fils de l'auteur des Liaisons dangereuses, Etienne 
Forgeau Choderlos de Laclos, né le l^^" mai 1784, mort au 
champ d'honneur le 18 mars 1814, à moins de trente ans. 
Beau temps vraiment, celui où en si peu d'années un 
homme pouvait laisser tant de souvenirs, remuer tant de 
gloire, parcourir tant de villes en Allemagne, en Prusse, en 
Pologne, à Tilsitt, en Espagne, en Saxe... 

Chuquet (Arthur). — La Guerre de Russie,lSl2. « Notes et docu- 
ments». (3™^ volume). 

Claudel (Paul). — L'Annonce faite à Marie, un « mystère en 
quatre actes et un prologue », tout plein de belles images, 
de pensées étranges et profondes. 

Cros (Guy-Charles). — Les Fêtes quotidiennes, poésies. 

Cruppi (Louise). — Femmes écrivains d'aujourd'hui, en Suède, 

Delafarge (Daniel). — La Vie et VŒuvre de Palissât {1131 -ISlé), 

Dybowski (Jean). — Le Congo méconnu, un beau livre de l'ex- 
plorateur quia toujours compris la valeur de cette grande 
colonie, même au temps où les convoitises germaniques ne 
nous avaient pas encore, hélas ! renseignés. 

Encausse (D'). — La Réincarnation, la Métempsychose, l'Évolu- 
tion physique, astrale et spirituelle, un livre où le docteur 
Encausse, qui a rendu fameux le mystérieux pseudonyme 
de Papus, nous expose ses idées et nous raconte ses 
curieuses expériences. Le texte est bien troublant et il cau- 
serait une indicible impression de malaise s'il n'y avait pas, 
pour nous rassurer, les images qui, avec leur air de préci- 
sion géométrique, apparaissent vraiment un peu comiques, 
notamment celle qm nous montre la « réintégration des cel- 
lules matérielles », et cette autre encore où s'expriment si 

13 



Pc 



218 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

naïvement la tristesse de la mort physique et la joie sereine 
de la naissance astrale qui lui succède. 

Fabié (François). — Ronces et Lierres, poésies. 

Fouquier (Marcel). — Paria au XVIII^ siècle : Ses folies. C'est 
un très beau livre composé avec beaucoup de soin et de 
goût par un homme qui a longuement étudié et fréquenté 
ces merveilles, charmants vestiges d'un temps aboli, un 
temps où des grands seigneurs et de riches financiers cons- 
truisaient des « folies » enfouies derrière d'impénétrables 
rideaux de verdure. Des folies ! De la verdure ! Voilà qui 
ferait sourire nos bâtisseurs de palaces, pourvus de tout le 
confort moderne, spéculateurs sérieux pour qui tout arbre 
est un gêneur. 

Et voilà poiu-quoi des folies de Bagatelle, de Saint- 
James, de la Muette, de Boulainvilliers, des folies de Beau- 
jon, du Luxembourg, de Marigny, de Boutin-Trivoli, de 
Saint-Germain, de Beaumarchais, et de tant d'autres, il 
ne restera plus bientôt que le souvenir charmant et fleuri ; 
et voilà pourquoi nous devons savoir gré à M. Marcel Fou- 
quier d'avoir, sur un somptueux vélin, fixé ce souvenir en 
des pages documentées et en une collection de dessins 
admirables reproduits avec toutes les ressoiurces et toute 
les perfections de la gravure moderne. 

Franck (Henri). — La Danse devant V arche, des poèmes que 
M»"^ de Noailles présente et exalte en une belle préface : 
« Les yeux limpides se sont fermés qui possédaient la grâce 
et comme la science du ciel ; une voix s'est tue où se pres- 
sait et s'ordonnait à la fois le tumulte de la pensée ; mais, 
de ce silence qui nous emplit d'un accablant ennui, iin 
chant sacré va s'élever. » 

Garcia-Caldéron (F.). — Les Démocraties latines de V Amérique. 

Gœtz-Bernstein. — Jacques-Pierre Brissot une magistrale étude 
qui est, en même temps, celle de « la diplomatie de la 
Gironde » : l'auteiir expose dans ce livre les idées de Bris- 
sot et des principaux Girondins sur la politique extérieure 
et l'action qu'ils ont eue sur la diplomatie de la Révolution. 

Gojon (Edmond). — La Grenade, poésies. 

Haugmard (Louis). — Des Ailes qui passent, poèmes. 

Hoppenot (Henri). — Trois Poèmes, placés sous l'invocation de 
Jean Racine et de Stéphane Mallarmé. 

Jacquet (René). — Au Cœur de Vidée, poèmes. 

Lalo (Charles). — Introduction à V Esthétique, une solide étude 
sur les méthodes de l'Esthétique, la beauté natiu-elle et la 
beauté artistique, l'impressionnisme et le dogmatisme. Et 
voici les conclusions très solidement établies par une étude 
approfondie : « Dans notre âge scientifique, l'esthétique, 
cette philosophie de la critique d'art, ou ne sera pas, ou, 
dépassant l'impressionnisme, sera dogmatique. Le dogma- 
tisme ne sera qu'une survivance attardée du traditiona- 
lisme, s'il ne devient, d'absolu, relativiste. Le relativisme 
esthétique enfin ne sera complet que s'il s'étend vraiment 
à toutes les relations; et il en est d'autres qu'individuelles 



MÉMENTO DU Mois DE iUlN 2l§ 

Hm Ou même inter-individuellea : c'est-à-dire qu'il imtpliquera 

' ^ nécessairement de plus en plus le point de vue sociologique. » 

Laugel (Auguste). — Flammes et Cendres, poésies 

Lejeune (Louis). — Terres mexicaines. 

Levilier (Robert). — Les^ Origines argentines, « formation d'un 
grand peuple ». 

Lichtenberger (André). — En Alsace. Ce sont en de jolies pages 
ornées d'images aux riantes couleurs, Strasbourg et sa 
cathédrale, les cigognes, de pittoresques figures de la 
vérité et de la légende, un gracieux récit d'autrefois, l'évo- 
cation d'un Noël alsacien, toutes choses qui feront revivre 
« à ceux qui connaissent l'Alsace quelques-unes de leurs 
impressions; aux autres elles donneront une idée sommaire 
de ce qu'elle nous suggère, elle leur fera entrevoir au moins 
le charme si particulier de cette région qui nous tient de 
si prés par tant de liens ». 

Mancini (Jules). — Bolivar et V Emiancipation des Colonies espa- 
gnoles, des origines à 1815. 

Martin-Decaen (André). — Le dernier ami de J.-J. Rousseau, « le 
marquis de Girardin. 1735-1808 ». 

Mathieu (Cardinal). — Œuvres, « mélanges historiques et litté- 
raires ». 

Maurette (F.). — Etats et Régions du Globe, un étonnant petit 
volume, qu'on peut, le plus aisément du monde, fourrer 
dans sa poche, où l'auteur a trouvé moyen de réunir les 
notions les plus neuves de la géographie moderne, les der- 
nières statistiques, la description de tous les États, de la 
vie que les conditions naturelles imposent à leiu*s habitants, 
que sais-je encore : c'est toute la terre en trois cents petites 
pages I 

Meneval (Baron de). — Le Général Baron Coëhom (1771-1813), 
« le Bayard alsacien ». 

Mocquillon (Abbé H.). — L'Art de faire un homme. «Conseils 

f)ratiques d'éducation moderne. De la première enfance à 
a fin des études. » 

Moreux (Abbé). — Les Secrets de la Mer. 

Momet (Daniel). — Le Romantisme en France au XVI 11^ siècle. 
Ne dites pas : Déjà ! Le romantisme est né tout entier au 
siècle de Rousseau : le mot lui-même est dès cette époque 
entré dans l'usage. 

Mouton (Léo). — Un Coin du Pré-aux-Clercs : le Manoir de 
Jean Bouyn et V Ecole des beau^-arts. C'est, au cours de 
quatre siècles, l'histoire d'une glorieuse maison, celle qui 
élève sa façade sur le quai Malaquais et dans laquelle, 
depuis cinquante ans, s'instruisent nos futurs ÉU-tistes. 
M. Léo Mouton évoque en des pages alertes, semées d'ima- 
ges, tous les personnages qui passèrent dans cette maison 
depuis l'an 1541 où Jean Bouyn, barbier-chirurgien, l'avait 
fait construire, et c'est Loménie de Brienne, le prince de 
Conti, M. de Guénégaud, le duc de Créqui, Lauzun, la prin 
cesse de La Roche-sur- Yon, le duc et la duchesse de Maza- 
rin, le marouis de Juigné, Fouché, le ministre de la police, 
et Vincent Gaillard, le fondateur des Messageries générales. 



220 LÉ MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Murât (Amélie). — Le Livre de Poésie. 

Niccomedi (Dario). — Le Refuge. 
— U Aigrette. 

Nigond (Ga,briel). — Théâtre. Savez- vous que cela représente 
déjà une œuvre imposante, d'une belle richesse et d'une 
heureuse variété, depuis les paysanneries des Petites Bleues 
et de Perlot jusqu'au lyrisme de Mil Huit Cent Douze, en 
passant par ces jolies pages littéraires de Mademoiselle 
Molière et par ces deux pièces exquises et vraiment supé- 
rieures : le Cœur de Sylvie et le Dieu Terme. C'est en vé- 
rité l'œuvre d'un homme de beaucoup de talent, d'un 
poète vraiment aimé des dieux qui, malgré les belles 
phrases admises, manifestent tout de même mieux leur 
sympathie en laissant la vie à leurs favoris, à ces poètes 
qui, tout jeunes, en pleine possession de leur talent, font 
déjà un passé, tout en caressant les longs espoirs de 
l'avenir. 

Oechsli (Wilhelm). — Le passage des Alliés en Suisse (1813- 
1814), (traduction du capitaine Francis Borrey). 

Oulmont (Ch.). — Le Verger, le Temple et la Cellule, « la Sensa- 
sualité dans les œuvres de mystique religieuse ». 

Pellico (Silvio). — Mes Prisons (traduction nouvelle de M. F. 
Reynard). 

Piton (Camille). — Paris sous Louis XV, « rapports des Inspec- 
teurs de police au Roi ». 

Pouvourville (Albert de, « Matgioi »). — Rimes d'Asie, poèmes 
pittoresques, harmonieux, colorés; rimes chinoises, rimes 
jacobines, où il y a tant de grâce, tant de vigueur, tant de 
mélancolie. 

Prévost (Marcel). — Moralités féminines et françaises, des pen- 
sées fort adroitement choisies dans l'œuvre de l'éminent 
écrivain par M. Ernest Gaubert. 

Rondet-Saint (Maurice). — Dans notre Empire noir. 

Salaiin (Louis). — Pour enrayer le favoritisme il faut organiser 
l'avancement. 

Séché (Alphonse). — La Chasse au Bonheur. M. Alphonse Séché 
a cueilli dans l'œuvre de Stendhal, notamment dans sa 
correspondance, dans son journal et dans ses souvenirs 
d'égotisme, des conseils, paradoxes, et maximes sur le bon- 
heur et il les a réunis et très judicieusement ordonnés sous 
un titre emprunté, nous dit-il, aux entretiens de Stendhal. 
Ce titre, le délicat écrivain Claude Lorrey en revendique 
pour lui la priorité, il l'a donné à un roman publié naguère 
dans la Phalange et que nous verrons prochainement en 
librairie. 

Sicard (Abbé Auguste). — Le Clergé en France pendant la Révo- 
lution. T. 1er. L'Effondrement. 

Tailhade (Laurent). — Pages choisies, vers et prose. 

Vallery-Radot (René). — Correspondance du duc d'Aumale et de 
Cuvillier-Fleury (Suite). J'ai dit, à maintes reprises, l'in- 
térêt passionnant de ces lettres émouvantes, et nobles, et 
primesautières ; la série qui nous est offerte aujourd'hui et 
qui embrasse les années 1869 à 1864 est, sans doute, la 



MÉMENTO DU MOIS DE JUIN 



221 



plus palpitante : on y voit défiler tous les faits et tous les 
personnages de l'histoire de France dans cette période si 
curieuse et si belle de la guerre d'Italie et des expéditions 
de SjTie et de Chine. Je voudrais pouvoir vous parler digne- 
ment de ce volume — l'introduction seule de M. Vallery- 
Radot mériterait une longue analyse — mais, hélas ! la 
place me manque toujours. 



JUILLET 



LES ROMANS 



MARCEL DHANYS 

Monsieur de Voltaire précepteur de Marie Corneille. 

Je vous ai signalé, à maintes reprises, les charmants 
ouvrages où Marcel Dhanys s'amuse à faire revivre les 
temps du Grand Siècle, en des romans ingénieux où il 
mêle un peu — très peu — de fiction, à beaucoup d'his- 
toire, et qu'il s'applique à écrire fort exactement dans 
le style et dans le ton du temps. 

Vous n'avez pas oublié^ pour ne citer que ceux-là, ce 
Journal d'une élève de Port-Royal, et ces Souvenirs 
d'une bleue, élève de Saint-Cyr, qui semblent sortis tout 
armés de la correspondance de M^^^ de Maintenon. Le 
nouveau livre de Marcel Dhanys figurera avec agré- 
ment dans cette collection. 

C'est un genre fort artificiel et qui fait penser à ces 
exercices que nous donnaient nos professeurs de rhéto- 
rique; je me vois très bien, sur les bancs du lycée, avec 
ce sujet à développer dans une composition : « M. de Vol- 
taire écrit à M. le comte d'Argental pour lui demander 
s'il est exact qu'une petite-fille du grand Corneille se 
trouve dans le dénuement. » Seulement, il nous arrivait 
souvent, à nous, de mettre sous la plume de Voltaire, 



JUILLET. — LES ROMANS 223 

des expressions fâcheusement anachroniques, tandis 
que Marcel Dhanys ne commet pas d'erreurs. Ses lettres 
sont impeccablement — elles sont même presque tou- 
jours littéralement — de Voltaire ou de M '^«(j^ Defîand, 
ses récits sont tels que durent les entendre ou les dire 
ces illustres personnages. Et ainsi, en écoutant la belle 
histoire de Marie Corneille sauvée par Voltaire, à Taide 
d'ailleurs d'un éreintement de son illustre parent, nous 
prenons une très gracieuse leçon de littérature et d'his- 
toire, qui est agréable pour nous et qui sera fort utile 
pour nos neveux, quand nos réformateurs de l'Univer- 
sité auront réussi à en bannir complètement les huma- 
nités. 



PIERRE VALDAGNE 

Les Leçons de Lisbeth Lottin. 

L'auteur nous conte, dans ce joli roman, l'histoire 
d'une jeune fille du dernier bateau : Marie-Thérèse Mon- 
tagrier, une petite personne abominablement mal élevée, 
fardée, habituée aux fréquentations les plus équivoques, 
dont l'indépendance inquiétante n'a rien de commun 
avec cette liberté d'allures saine et franche que nous 
prêtons aux jeunes filles d'Angleterre ou d'Amérique. 

L'indépendance de Marie-Thérèse la conduit non 
pas au tennis ou au golf, mais dans les cabinets parti- 
culiers, dans les garçonnières, dans les coulisses de 
théâtre; et l'on est tenté de conseiller à cette jeune per- 
sonne de prendre des leçons de pudeur, de tenue et de 
chasteté auprès de la demi-vierge de Marcel Prévost 
qui, elle, du moins, savait garder un certain décorum. 

On a tort. Tout ce vice est artificiel: il ne tient pas 
plus que le fard dont la jeune fille avive ses lèvres et ses 
jouos, et il suffit de l'intervention d'une comédienne 
célèbre, Lisbeth Lottin, dont Marie-Thérèse a voulu 



224 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

faire son amie, pour que cette indépendante, cette 
affranchie, se transforme, au dénouement, en une jolie 
mariée tout de blanc vêtue et parée de la plus légitime 
des fleurs d'oranger. 

Vous voyez combien tout cela est paradoxal et sca- 
breux ! Mais Pierre Valdagne nous le raconte avec tant 
d'esprit, une grâce si persuasive, que nous l'admettons 
le mieux du monde. Cet écrivain charmant connaît mer- 
veilleusement Paris, et les Parisiennes, donc ! Il nous 
raconte les thés, les couturiers, les restaurants de nuit, 
l'avenue du Bois et les boulevards — tout l'univers ! — 
avec une vérité que je dirais photographique s'il n'y 
mettait tant d'art et tant d'esprit. 

Ce livre pourrait être mélancolique, mais Pierre Val- 
dagne est bon prince : il ne veut pas nous attrister, et 
ces dessous parisiens dévoilés ne nous laissent en fin 
de compte qu'un joli souvenir de mousse et de mousse- 
line et de blancheur. 



RAGHILDE 

Son Printemps. 

Ce roman, est un livre bien curieux où l'observation 
la plus humaine, la plus vraie, la plus poignante, se 
raffine parfois jusqu'au tarabiscotage le plus artificiel; 
l'expression suit le mouvement : elle est souvent d'une 
sincérité, d'une vérité admirables, et parfois d'un manié- 
risme irritant; mais d'ensemble, ce livre, avec tant de 
pages très belles et quelques autres qui le sont moins, 
est d'une rare qualité : c'est une œuvre exquise et pre- 
nante et douloureuse. 

Son Printemps ! Pauvre Printemps, celui de la petite 
Miane, élevée par sa terrible grand'mère, M^^^ Leforest- 
Janiou, étroite, revêche, autoritaire; sous cette férule, 



JUILLET. — LES ROMANS 225 

elle est devenue tout de même une petite fille ardente, 
généreuse, qui voudrait tant s'épanouir. Elle est simple 
et bonne; elle aime : elle aime la nature et ses compa- 
gnes et la vie dont elle regarde le spectacle avec passion, 
avec angoisse aussi, car on lui a inspiré la terreur des 
choses et des hommes, et la crainte de Dieu. 

Elle a Tobscure révélation du gi'and mystère avec 
l'aventure de Fantille, la pauvre petite bonne qui met 
au monde, certain jour tragique, un enfant mort; 
Miane ne se rend pas compte, elle ne sait pas; ce qu'elle 
comprend seulement, c'est que la religion et son minis- 
tre furent bien durs et sévères pour Fantille; tant de 
cruauté la révolte, la détourne de Dieu et la porte vers 
un petit dieu païen dont l'image jolie, avec ses ailes et 
ses flèches, l'a séduite, le plus chastement du monde, 
d'ailleurs, car ses aspirations restent inconscientes et 
obscures; et elle meurt — comme Ophélie — dans 
l'innocence, après avoir vainement imploré la nature 
et la terre. 

« terre aveugle ! Terre qui fermes les yeux sur la 
douleur d'une de tes créatures, pourquoi ne peux-tu 
pas m'envoyer le secours que je demande? Ce que je 
demande, ô terre, ô printemps, c'est ma part de repos 
ou ma part de bonheur. Je suis déjà fatiguée de porter 
le poids de mes doutes. Je ne crois plus à ce que me 
disent les livres, mais je crois aux vérités de mon prin- 
temps qui me chante l'espoir. Je suis si petite encore, 
si jeune pour en finir avec toutes les fleurs » ! 



ADOLPHE ADERER 

Amours de Paris. 

Amours de Paris ! Ce titre inscrit par M. Adolphe Ade- 
rer sur la couverture de son livre est joli, et il a, en 

13. 



226 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

outre, le rare mérite de signifier quelque chose. Ce sont 
bien, en effet, les amours de Paris qui défilent dans ce 
volume, soigneusement rangées en vingt nouvelles qui 
se déroulent dans les vingt arrondissements de la grand* 
ville. Au premier regard, c'est là une division qui peut 
paraître assez arbitraire : ou bien Tamour est un, ou 
bien, il a tant de figures diverses qu'il est singulier de 
vouloir les limiter à vingt. Et pourtant, il y a une idée 
ingénieuse et juste dans cette division : il est certain 
qu'on n'aime pas de la même façon, ni les mêmes gens, 
à Grenelle, aux Champs-Elysées, ou à la Villette; et 
M. Jules Claretie affirme, dans la jolie préface qu'il a 
donnée au livre, qu'il y a une grande part de vérité 
dans cette division de l'amour : « Dis-moi où tu vis et 
je te dirai qui tu aimes. » 

En tous cas, cette idée, même si l'on persiste à la 
trouver un peu arbitraire, nous a valu vingt nouvelles 
tout à fait agréables et jolies, quelques-unes vraiment 
émouvantes et supérieures, telle cette histoire d'amour 
qui se déroule aux Quinze- Vingts, « les yeux fermés »; 
telle encore cette terrible aventure du Don Juaa 
moderne qui, après sa dernière faute, son dernier crime, 
s'en va se briser le crâne contre la pierre du monument 
aux morts du Père-Lachaise : Et in pulverem reverteris. 

Dans cette promenade sentimentale à travers la ville, 
le « long des cœurs de Paris », M. Adolphe Aderer n'a 
pas seulement raconté des drames, il a évoqué des 
décors avec un art très pittoresque et une grande 
science de l'histoire de Paris. 

Ainsi, ce joli volume romanesque apparaît en même 
temps comme un tableau historique et pittoresque des 
quartiers parisiens; c'est, pour reprendre la jolie expres- 
sion de M. Jules Claretie : « Un géographe du cœur 
humain qui a tracé la carte du Tendre de notre Paris 
moderne, » 



JUILLET. — LES ROMANS 227 

MAXIME FORMONT 
La Torture. 

M. Maxime Formont nous raconte, sous le titre : la 
Torture, une bien terrible histoire. Jugez plutôt : 
Hélène, mal mariée au cynique et débauché comte Mar- 
cien de la Rovère, a commis la plus excusable des fautes 
en se laissant consoler par Fortier, son ami d'enfance. 
Traîtreusement, le comte de la Rovère fait assassiner 
son rival au cours d'une chasse au sanglier. Le crime a 
été fort bien machiné : pour tout le monde ce sera un 
accident de chasse; pour tout le monde, sauf, bien 
entendu, pour Hélène à qui son mari a infligé la torture 
de cette révélation. La malheureuse ne peut que se 
taire; elle ne saurait se résigner à dénoncer le père de 
sa petite fille. 

Hélène n'est pas au bout de ses tourments : dans 
quelques mois elle va être mère, et son mari, fixé sur 
l'origine du nouveau-né, s'en empare, le fait dispa- 
raître, en s'engageant, cependant, à veiller sur lui et à 
donner même un jour de ses nouvelles à sa mère. 

Il tient sa promesse : pendant vingt années il s'in- 
génie patiemment, cruellement à faire du fils de sa 
femme et de son rival un pâle voyou, perdu de vices et 
prêt pour tous les crimes; et il a un sourire de triomphe 
en présentant certain soir, dans un bouge infâme, sa 
vilaine œuvre à la pauvre mère. Triomphe sans lende- 
main, car le jeune apache, pour ses débuts dans la car- 
rière du crime, assassine le misérable qui l'a flétri. Il 
ira au bagne, où les jurés pitoyables l'ont envoyé pour 
cinq ans seulement. Sa mère se propose de l'y rejoindre 
et de faire reparaître, à force de soins et de tendresse, la 
belle nature que ce garçon doit nécessairement tenir 
de son père... 

C'est une histoire formidable, comme vous voyez : 



228 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

M. Maxime Forment, qui ne nous a pas habitués à ces 
débauches mélodramatiques, l'a traitée avec beaucoup 
d'art, de tendresse et d'émotion. 



RAYMONDE LORDEREAU 

Vaincue. 

Cette œuvre de début témoigne chez son auteur d'un 
très réel talent et permet les plus belles espérances. Le 
livre est bien écrit, je dirais presque trop bien; enten- 
dez par là que M"^^ Lordereau semble contempler avec 
amour ses phrases soigneusement serties et donner une 
importance considérable aux mots qu'elle a patiemment 
assemblés. C'est là un excès qui peut devenir périlleux, 
mais on s'en corrige; à tout prendre, il vaut singulière- 
ment mieux que l'excès contraii*e, si fréquent, celui de 
la négligence. 

L'anecdote du roman est assez malaisée à con- 
ter; les personnages épisodiques, les tableaux évo- 
qués aident à la comprendre, à fixer sa signification 
psychologique, et l'on risque de la trahir par une sèche 
analyse. La voici cependant : Jacques Aubri, le grand 
musicien, inquiet, tourmenté, toujours à la veille de 
produire un chef-d'œuvre et qui, toujours mécontent 
de soi, anéantit sans cesse l'œuvre commencée, a épousé, 
il y a sept ans, Denise, une orpheline que sa brave 
femme de tante, M"^^ Cellier, avait recueillie et dotée. 

Le ménage a été heureux; un enfant est né, le petit 
Marcel; mais Denise s'est trouvée peu à peu déçue, 
humiliée par cette incertitude de son mari dont si long- 
temps elle a vainement attendu le chef-d'œuvre. Elle 
l'a comparé, avec mépris, aux artistes de talent qui 
fréquentent chez elle, à Romain Carrière, le célèbre 
sculpteur, à François Desgrèges, à tant d'autres, et un 



JUILLET. LES ROMANS 229 

beau jour elle est devenue la maîtresse de François Des- 
grèges. 

Comme elle est honnête profondément, elle a tout 
avoué à son mari et elle est partie. Jacques écrasé par 
ce malheur n'a point tenté de la retenir; mais, lorsque 
bientôt Denise malheureuse et délaissée par son frivole 
amant a demandé à revenir au bercail, il est resté de 
glace, pris tout entier par la composition, enfin résolue, 
de son œuvre; et ce chef-d'œuvre, une Salomè, a été 
représenté avec un triomphe éclatant auquel Denise a 
assisté, émue jusqu'aux larmes, aimante et repentante, 
dissimulée aux deuxièmes galeries. 

Mais une catastrophe atteint Jacques dans son 
triomphe : le petit Marcel tombe dangereusement 
malade, il est condamné, et Jacques appelle Denise au 
chevet de l'enfant; elle accourt désespérée, et devant ce 
pauvre petit être souffrant, devant sa femme en larmes 
le mari s'attendrit : il voudrait pardonner, mais il est 
trop tard, Denise victime, comme son fils, d'un terrible 
atavisme, ne peut plus accueillir ce pardon, elle mourra, 
volontairement, en même temps que son enfant. 

Avec cette analyse, vous connaissez l'essentiel de 
l'histoire, mais, je le répète, vous n'en savez que peu 
de chose : les détails qui l'illustrent, les personnages qui 
la traversent, tel cet admirable Vanderec, le gnome 
affreux, à l'âme si belle, seraient nécessaires pour vous 
faire comprendre toute cette psychologie tourmentée, 
profonde et douloureuse. 



JEAN-LOUIS VAUDOYER 

La Maîtresse et l'Amie. 

La Maîtresse et l'Amie est une œuvre délicate et sédui- 
sante infiniment, d'une observation mélancolique et 



230 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

raffinée. C'est une histoire d'amour tourmentée et dou- 
loureuse, racontée par un artiste et par un poète beau- 
coup plus que par un romancier. Et c'est pourtant un 
vrai roman, cette histoire de Georges Lendrieux et de 
Cécile de Jussey, un roman d'une vie intense et d'une 
telle vérité qu'il éveille en nos cœurs des échos mélan- 
coliques. M. Jean-Louis Vaudoyer, l'a, si j'ose dire, 
plongé dans l'art et dans l'esthétique : ses héros et ses 
situations sont influencés sans cesse par de suaves musi- 
ques ou de beaux vers entendus, par des promenades 
sentimentales au Louvre, dans les musées de Rome, de- 
vant des cathédrales de Hollande. Georges Lendrieux, 
l'amoureux, est un grand musicien, et Cécile de Jussey, 
la tendre amie, est une artiste de race, et Fleurquin, 
leur ami, est un magnifique poète, et ainsi, ce livre 
romanesque est tout baigné d'art, de musique et de 
poésie, et les rudesses de l'observation et de la vie en 
sont tout atténuées et estompées. 

Faut-il après cela vous résumer l'histoire en quelques 
lignes de prose? Je ne crois pas. Les amours idéales de 
Georges et de Cécile, les divertissements beaucoup plus 
matériels de Pauline et de Georges, qui a une âme d'ar- 
tiste, mais qui est tout de même un homme, et la fin de 
Cécile, qui meurt de son rêve flétri, sont choses trop 
subtiles, trop délicates, pour supporter l'outrage d'une 
brève et brutale analyse. 



LÉOPOLD GROS 

A l'ombre du Clocher. 

Je le remarquais l'autre jour : il n'est pas une semaine 
où je n'aie à vous signaler au moins un roman qui exalte 
l'amour de la maison familiale, le culte de la tradition. 



w: 



JUILLET. — LES ROMANS 231 

,. retour à la terre. Il y a là une très intéressante ten- 
dance de la littérature contemporaine qui pourrait 
bien être un signe des temps, malgré notre scepticisme 
de citadins. Ces livres bien pensants auront peut-être 
nielque jour une action sur les mœurs, leur lecture 

•mmencée dans les salons de la ville pourrait bien 
parfois se terminer dans la paix laborieuse des champs. 
Ainsi soit-il ! 

Après tant d'autres, M. Léopold Gros nous dit, dans 
-MU roman, les saines et douces joies que l'on goûte 
l V ombre du Clocher. Ce roman très simple, même assez 
simplet, qui, à chaque page, affiche ingénument ses 
intentions, ne manque ni d'intérêt ni d'émotion, et 
M. Léopold Gros qui l'offre en humble témoignage 
d'admiration à M. René Bazin, dont la Terre qui meurt 
inaugura jadis cette littérature rustique, n'est certai- 
nement pas dénué de qualités. 

L'histoire? La voici : Le père Vergues, qui fut autre- 
fois un riche propriétaire, a été accablé par la mal- 
I hance ; ses récoltes ont été détruites, ses bestiaux 
frappés par la maladie; il est ruiné et il assiste déses- 
péré à la vente de son domaine. Il s'en ira chez les 
autres, cependant que sa ferme de Gouzens sera acquise 
par son voisin, le père Roche. Heureusement, son fils 
et Irma, la fille du père Roche, s'aiment tendrement, 
ils se sont solennellement promis le mariage. Mais Léon 
s'en va au régiment, à Toulouse, où il est accueilli par 
lin vieil oncle qui lui inculque le dédain de la terre, 

imour de la ville, et cependant, au village, Irma est 
iKincée malgré elle par son père autoritaire à un mau- 
\ ais diable de facteur. 

Atterré par cette nouvelle, Léon se convertit défini- 
tivement aux idées de son oncle et il jure de ne plus 

venir au village où il n'a connu que le chagrin et la 
'i<'ception; mais Irma, délivrée de son fiancé, qui s'est 
suicidé à la suite d'une vilaine histoire, se désespère de 
son abandon, elle languit, et le médecin ne dissimule 



232 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

pas au père Roche qu'il va être responsable de la mort 
de sa fille. 

Alors, le vieux paysan n*hésite pas : il s'en va à la 
ville, il supplie le fiancé d'autrefois, le ramène, et ce sera 
enfin le bonheur « à l'ombre du clocher ». Et le bon doc- 
teur qui a arrangé toutes ces choses et fait tout ce bon- 
heur se réjouit parce qu'il a agi selon sa conscience et 
selon des maximes qui lui sont chères, telle celle du 
père Didon: « J'aime mieux une larme versée sur les 
douleurs d'autrui ou sur nos misères que toutes les 
extases d'une sensibilité raffinée. L'homme n'est grand 
et beau, l'homme n'est digne de Dieu que dans les heures 
où il s'oublie lui-même pour servir la vérité, la charité 
et s'immoler au devoir. » 



LOUIS PLANTÉ 

Sur le Déclin 

Dans ce roman M. Louis Planté a voulu fixer la psy- 
chologie émouvante et douloureuse de la vieille fille qui 
n'est point encore une vieille femme. Andrée Noussaye 
a trente-huit ans : elle a rêvé d'un mari idéal, d'un 
prince charmant qu'elle n'a point rencontré, et puis, 
le temps a passé, sa jeunesse aussi, et elle se voit « sur 
le déclin », cependant que son miroir lui affirme qu'elle 
est encore belle, cependant que les regards posés sur elle 
lui démontrent qu'elle est toujours désirable. 

Situation attristante et pénible à laquelle une amie 
trop obligeante, M™^ Aponini, s'efforce de mettre fin en 
lui présentant le riche et vieux M. Toulain qui l'épou- 
serait volontiers; mais Andrée repousse ce projet avec 
dégoût, d'autant plus qu'elle a rencontré à ce dîner 
même où la conviait M, Toulain, Gérard, un jeune écri- 
vain doué de toutes sortes de séductions et qui lui est 



JUILLET. — LES ROMANS 233 

apparu tout de suite comme le prince charmant si long- 
temps attendu. 

Mais hélas ! Gérard a vingt ans et Andrée lutte déses- 
fpérément contre le sentiment qui l'entraîne vers lui. 
a Trop tard » se dit-elle sans cesse, douloureusement, 
et celui qui l'aime tendrement voudrait dire les mots 
décisifs, mais elle ne lui en laisse pas le temps, elle s'en- 
fuit certain matin avec sa vieille mère cependant que le 
pauvre Gérard désespéré se laisse entraîner par la tou- 
jours obligeante M^^^ Aponini. 

C'est d'une psychologie un peu tourmentée; les héros 
de ce roman aiment, semble-t-il, à souffrir et à raffiner 
sur leur souffrance, mais une émotion profonde se 
dégage du livre, dominé par l'image la plus douloureuse 
et la plus pathétique qui soit : celle de la femme insa- 
tisfaite et que guette la vieillesse. 



MAX ET ALEX FISCHER 

Le Duel de Lolotte. 

MM. Max et Alex Fischer n'ont point voulu nous 
laisser partir en vacances sans nous offrir l'agrément 
d'un nouveau volume de joyeuses nouvelles. Ce volume 
s'appelle le Duel de Lolotte, et il est tout à fait digne de 
ses aînés. Vous y retrouverez ces drôleries très particu- 
lières, fortement tirées par les cheveux, et dont le comi- 
que est établi cependant avec une rigueur quasi-mathé- 
matique. 

MM. Max et Alex Fischer se sont fait donner par je 
ne sais quel « qui de droit » la mission de nous faire rire, 
et nul effort, nul labeur ne leur coûte pour accomplir 
cette mission. 

Notre hilarité, c'est leur devoir; pour aboutir à ce 
résultat, ils se livrent aux opérations les plus fatigantes, 



234 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

disposent scientifiquement des termes d'équations fort 
compliquées, les discutent laborieusement et enfin 
obtiennent leur solution et notre éclat de rire : C. Q. 
F. D. 

Le duel de Lolotte, la première des nouvelles réunies 
dans ce livre donne, fort exactement, l'idée de ce pro- 
cédé : Supposez qu'un monsieur porte le nom féminin 
de Lolotte, et les prénoms de Yves et de Zéphirin, que 
le monsieur soit un journaliste sans scrupule et qu'il 
signe de la première lettre de son premier prénom des 
articles à VAube; — de la première lettre de son second 
prénom, des articles au Crépuscule, en ayant promis 
mensongèrement à chacun de ces journaux l'exclusi- 
vité de sa collaboration. Pour démontrer sa bonne foi 
à ses directeurs, il écrit certain jour deux articles très 
violents, Tun où Y couvre Z d'injures, l'autres où Z 
traîne Y dans la boue. Ouf ! voilà le premier terme de 
notre équation. 

Supposez d'autre part qu'il existe un certain Yvon- 
net, lequel, encouragé par l'anonymat des articles de 
l'Aube, a laissé entendre à ses amis qu'il était ce mys- 
térieux Y; supposez aussi l'existence d'un nommé 
Zurbach qui se laisse volontiers prendre pour le Z du 
Crépuscule; — et vous comprendrez pourquoi Yves 
Zéphirin Lolotte apprend avec stupeur qu'Y et Z qui 
n'existent que dans son imagination se sont battus en 
duel, le duel de Lolotte. Et voilà ! ce n'est pas plus 
compliqué que cela; seulement moi, je ne vous ai pas 
fait rire, tandis que MM. Max et Alex Fischer, qui ont 
la « manière », ont extrait de cette équation toute sa 
force comique. 



r 



JUILLET. — LES ROMANS 235 

RICHARD O'MONROY 

Pour être du Club. 

Ce roman fut jadis, au théâtre Michel, une pimpante 
comédie en deux actes qui nous avait beaucoup diver- 
tis. L'histoire a gardé dans le livre tout son agrément, 
toute sa verve primesautière. C'est celle de Jacques de 
Tournecour, un fort aimable gentilhomme breton qui 
a vécu toute sa jeunesse dans le château paternel de Ker- 
tregen et qui, ses vingt-cinq ans révolus, doit venir à 
Paris chercher la consécration définitive sans laquelle 
un gentilhomme n'est qu'un pauvre sire : l'admission 
au Jockey-Club. Son oncle, le général, l'exige; son père 
y consent, et Jacques s'y décide malgré le muet cha- 
grin de sa petite cousine Diane navrée de le voir partir. 

C'est une grosse affaire que d'être admis au Club : il 
faut manœuvrer avec habileté, se concilier des amitiés 
utiles, avoir un bon tailleur et surtout être connu 
comme Tanii d'une gentille femme ornée debeaux bijoux 
et appartenant, autant que possible, à l'Opéra. Jacques 
s'emploie très consciencieusement à remplir toutes ces 
onditions : il devient, notamment, l'ami de la petite 
Manchaballe, une danseuse fort réputée de l'Opéra. 
Tout va le mieux du monde, et il est à la veille de son 
admission lorsqu'une fantaisie de sa petite amie le fait 
apercevoir installé en seigneur et maître dans la loge 
d'une concierge, la propre mère de M"^ Manchaballe. 
C'est l'affreux scandale, le scandale qui ferme à tout 
jamais les portes d'un club bien noté. Jacques est hon- 
' '^usement blackboulé, et il s'en retourne, sans regrets 
xcessifs, vers le château de ses pères où, par bonheur, 
il retrouvera sa gentille cousine toujours aimante. 

M. Richard O'Monroy nous a conté cette petite his- 
toire avec verve, en s'amusant beaucoup lui-même, ce 
qui est encore le meilleur moyen de divertir ses lecteurs. 



236 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



JEANNE BROUSSAN-GAUBERT 

Josette Chardin ou TÉgoïste. 

L'héroïne du roman de M^^^ Jeanne Broussan-Gau- 
bert est une' bien abominable petite créature; il fallait 
une romancière pour oser imaginer une telle femme : 
un homme n'aurait jamais eu cette audace, il aurait eu 
trop peur — et à juste titre, — du courroux des lec- 
trices qui lui auraient demandé, avec indignation, dans 
quel repaire il était allé chercher un aussi invraisem- 
blable modèle. 

Voici donc, présentée par une femme, l'image de 'la 
femme égoïste. Elle n'est pas belle, et si l'égoïsme est, 
comme nous le répètent à satiété nos belles amies, une 
qualité essentiellement masculine, il faut bien avouer 
que lorsque les femmes se mêlent de nous la prendre, 
elles la portent tout de suite à son plus haut degré de 
puissance et de perfection. 

Josette Chardin, dès son jeune âge, a froidement, 
méthodiquement organisé sa vie; sans fortune, elle a 
résolu d'épouser un homme riche qui lui donnerait le 
luxe, le bien-être, l'indépendance. Cet homme, elle le 
rencontre dans la personne de l'archéologue Pierre 
Chardin qu'elle a vite fait d'envelopper et de conquérir; 
il l'épouse avec ravissement; mais, dès le lendemain du 
mariage, il s'aperçoit qu'il n'a auprès de lui qu'une 
froide et indifférente poupée éprise seulement d'elle- 
même, de sa beauté et de sa voix qui lui vaut dans le 
monde de précieuses joies de vanité. 

Épouse indifférente, Josette devient une mère sans 
tendresse, elle abandonne l'enfant né de son mariage à 
l'époux débonnaire et affectueux; le petit tombe malade 
et meurt, mais cet affreux malheur n'émeut point 
autant Josette que la perte de sa voix survenue à peu 



JUILLET, — LÈS ROMANS 237 

près en même temps et que le médecin attribue juste- 
ment à sa récente maternité. Cruellement, odieusement, 
elle reproche au père infortuné cet enfant aujourd'hui 
disparu et dont elle ne garde qu'un souvenir : sa voix 
perdue. 

Le malheureux Pierre Chardin, ulcéré, mais toujours 
épris, tombe malade et le médecin ordonne le calme et 
le repos CQmplet, absolu. Cette ordonnance décide 
Josette : l'amour qu'elle refusa toujours à son mari, 
elle va le lui prodiguer, maintenant qu'elle le sait mor- 
tel et qu'elle entrevoit un avenir de libération et d'indé- 
pendance. Son diabolique projet réussit : Chardin 
meurt un soir, après avoir eu une minute l'illusion du 
bonheur et de la joie. 

Telle est la femme égoïste : l'auteur a évoqué cette 
aimable personne avec tant de force et de sincérité 
qu'elle donne l'impression de croire à sa vraisemblance ; 
peut-être, après tout, est-ce une suprême habileté fémi- 
nine, et M"^e Broussan-Gaubert a-t-elle voulu nous 
démontrer le caractère monstrueux, exceptionnel, de 
Tégoïsme lorsqu'il se fourvoie dans le cœur d'une 
femme. 



BELGRAND D'ARBAUMONT 

L'Appel. 

V Appel figurera dignement dans cette littérature 
traditionnaliste, si florissante en ce moment, et qui 
chaque jour s'enrichit de quelque apologie du vieux sol 
mcestral, de ses beautés, de ses joies moins décevantes 
que les plaisirs et les victoires factices de la ville. Et 
tout cela est excellent. Malheureusement, c'est dans les 
salons de la ville, entre deux spéculations financières, 
entre deux parties de plaisir, que l'on s'enthousiasme 



2â6 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

pour ces romans utiles, cependant que les champs conti- 
nuent d'être désertés... 

C'est donc à l'appel du sol, à Tap'pel de sa terre, 
qu'obéit Pierre de Mondry, le héros du roman; il revient 
à cette terre « qu'il s'est appliqué à connaître, ingénieur- 
agronome, qu'il rêve de rendre plus féconde, plus nour- 
ricière, gardienne vigilante de la dignité humaine, ins- 
piratrice des saines, des mâles résolutions ». Et il y a du 
mérite, car pour écouter cet appel, il faut qu'il en néglige 
un autre, infiniment impérieux et doux, celui de son 
cœar; il faut qu'il renonce à Maris Renières, sa belle, 
tendre et riche fiancée, qui comprend si bien ses aspi- 
rations, mais dont le père, froid spéculateur, ne peut 
admettre l'entrée dans sa famille de ce gentilhomme 
dédoré qu'il considère comme un paresseux, puisqu'il 
ne travaille pas de la même façon que lui. 

Et le roman se déroule entre deux êtres d'élection, 
fidèles tous deux à leur devoir et à leur amour; lui, là- 
bas, dans le domaine familial, elle à Paris auprès de son 
père, jusqu'au dénouement où nous voyons l'âpre spé- 
culateur terrassé, presque ruiné et qui, à son lit de 
mort, fait amende honorable, appelle le terrien et lui 
donne sa fille. 



PIERRE yEBER 

Les Rentrées. 

Le volume où M. Pierre a réuni sous ce titre, une 
série de nouvelles dialoguées, illustrées de jolies images, 
est un de ces livres qu'on aime à prendre dans une gare, 
au moment du départ, pour les déguster en wagon, 
parce qu'ils sont si faciles à lire. Il vaut mieux que cela. 
Sans doute, il a toutes les qualités d'un aimable compa- 
gnon de voyage, mais il en a quelques autres : vous trou- 
verez dans cette théorie de jeunes dames, de jeunes filles 



JUILLET. — LES ROMANS 239 

■t de garçons qui rentrent : « rentrée du bal », « rentrée 
des classes », « rentrée de Chambre », de jolies qualités 
d'esprit et de psychologie, d'émotion aussi, comme 
dans « cette rentrée au port » du mari infidèle, défait et 
repentant. L'épouse tendre et résignée l'a encore une 
fois recueilli, elle a écouté ses protestations, elle a 
accordé son pardon, elle se berce d'espoirs nouveaux; et 
puis, on se met à table, et brusquement, un regard du 
volage mari posé sur la jeune et jolie institutrice de la 
fillette, rappelle la pauvre femme à la réalité. « Est-ce 
bien la peine de défaire tes malles? » demande-t-elle. 



MADAME BARRAUTE DU PLESSIS 

Orosia et les Treize Cochons. 

^^me Barrante du Plessis a réuni treize étranges 
nouvelles sous ce titre d'un symbolisme assez brutal : 
Orosia et les Treize Cochons, Les treize animaux dont 
;\lme du Plessis nous dit les aventures ne sont point les 
_fentils petits cochons roses de Monselet si gras, si lui- 
sants, si avenants. Non ! ce sont des bêtes symbo- 
liques et frénétiques qui se livrent à des ébats terribles 
(ju ridicules pour nous montrer avec éclat l'image d'une 
iiumanité résignée et repue en face d'Orosia, son éter- 
nelle ennemie, Orosia, l'indomptée, la mystérieuse, la 
puissante, la détentrice de tous les trésors, la reine des 
métaux précieux, la terrible, la diabolique, l'ensorce- 
leuse. Et c'est, évoqué en des épisodes curieux, d'une 
imagination effrénée, la guerre éternelle entre l'idéal 
et la matière que M™^ Barrante du Plessis a jugé bon 
d'appeler Orosia et les Treize Cochons. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 



PAUL ROBIQUET 

Le Cœur d'une Reine. 
« Anne d'Autriche, Louis Xm et Mazarin ». 

M. Paul Robiquet causa un grand scandale 
lorsque, il y a quelques mois, il présenta à l'Académie 
des Sciences Morales et Politiques, quelques lettres de 
la reine Anne d'Autriche à Mazarin, commentées par 
un mémoire où il racontait les amours de la Reine et 
du premier ministre. 

L'accusation pourtant n'était pas nouvelle; souvent 
déjà elle a été soutenue ! Mais, cette fois, la vertu de la 
Reine trouva dans la docte Compagnie des défenseurs 
bouillants d'indignation. 

M. Paul Robiquet maintient cependant ses affirma- 
tions, et il porte le procès devant le grand public en un 
volume intitulé : Le Cœur d'une Reine, « Anne d'Au- 
triche, Louis XIII et Mazarin ». 

Et voilà encore une femme définitivement compro- 
mise; tous les secrets de son alcôve sont mis au grand 
jour, toute sa correspondance amoureuse est épluchée, 
commentée, confrontée avec des dates et des faits î Au 
risque de paraître un peu pompier, je vous avouerai que 
je n'aime pas beaucoup cela et que l'indiscrétion des 
historiens en pareille matière me parait fort condam- 
nable; les amours d'une femme — même si elle fut 



If JUILLET, — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 241 

reine — ne regardent pas le public; et nous n'avons 
pas le droit de déchiffrer des lettres intimes — même 
n elles remontent à trois siècles. 
1^ Cependant, puisque le mal est fait, et que les plus 
chevaleresques protestations n'y changeront rien, je 
puis bien vous avouer que ces indiscrétions sont du 
plus vif et du plus piquant intérêt et que cette histoire 
sentimentale d'Anne d'Autriche, avec toutes les étapes 
de sa vie de reine et de femme, est amusante et pas- 
sionnante comme le plus romanesque et le plus sca- 
breux des romans. 



MAURICE DREYFOUS 

Ce que je tiens à dire. 

Au temps où la mode ne s'était pas établie d'inscrire 
des déclarations en guise de titre, M. Maurice Dreyfous 
aurait intitulé tout bonnement son livre : « Souvenirs », 
ce que j'aurais préféré, — je me doute, parbleu ! bien, 
qu'il « tient à dire » ces choses, puisqu'il les dit ! — 
mais c'est là une mince chicane : le livre décoré de cette 
déclaration est tout à fait intéressant, verveux, amu- 
sant. 

Il a été écrit à la suggestion de M. Anatole France 
qui avait naguère exprimé ce souhait : « Maurice Drey- 
fous a beaucoup vu, beaucoup observé. Il conte bien. 
Tl a dans l'esprit beaucoup de fantaisie avec beaucoup 
'le raison. Je voudrais qu'il écrivit ses mémoires. Ce 
serait un livre intéressant. » 

Et en effet, ce vieux monsieur — c'est lui qui se 
qualifie ainsi — a beaucoup vu, beaucoup observé; il 
a « pratiqué toutes les gloires que le soleil couchant du 
\ix® siècle a glorifiées et sanctifiées avant qu'elles 
entrent dans l'ombre éternelle et dans l'immortalité. 
Il les a contemplées avec tendresse et avec respect. Il 

14 



24^ tË MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

a, de même, vu arriver du lointain, un à un, les hommes 
d'aujourd'hui et ceux de demain légers de bagage et 
chargés d'ambition ». Et ces derniers, il les juge parfois 
sans tendresse et sans respect. On peut trouver ses 
opinions discutables : il est certain qu'elles ne sont 
influencées ni par l'envie, ni par l'amertume, car 
M. Maurice Dreyfous qui nous aflirme, avec un peu 
trop de complaisance, qu'il ne fut rien, — a raison de 
dire qu'il ne voulut rien être. 

Il figurera, du moins, parmi les historiographes de 
notre temps et l'on ira chercher dans son livre des docu- 
ments et des renseignements sur la guerre et le siège 
de Paris, sur Théophile Gautier, sur Alexandre Dumas 
et Théodore Barrière, sur la naissance de la presse à un 
sou et son fondateur Polydore Millaud, sur Dalou et 
sur la princesse Mathilde, documents et renseignements 
sur tant de gens et sur tant de choses que M. Mau- 
rice Dreyfous a, sans compter, accumulés dans son 
livre avec une prodigalité qui ne va pas sans désordre 
ni confusion, mais qui donne à l'ouvrage une vie 
extraordinaire et un bien grand agrément. 



RICHARD WAGNER 

Ma Vie. 
(3^ Qoluméj 1850-1864.) 

11 y a dans ces souvenirs de M. Dreyfous une page 
bien intéressante où revivent les journées héroïques 
des concerts Pasdeloup, avec les œuvres de Wagner 
outrageusement sifïlées et chutées par une foule hur- 
lante, acclamées frénétiquement par une vingtaine 
d'auditeurs, au milieu desquels on admirait la divine 
figure d'Auguste Holmes, toute auréolée de cheveux 
couleur de blé mûr. Ces batailles magnifique, je les ai 



m 
I 

^ A 



JUILLET. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 243 

rouvées ra.contées tout au long dans le dernier volume 
des mémoires de Richard Wagner. 

Ce troisième volume qui termine l'histoire épique du 
grand musicien embrasse les années 1850 à 1864. Que 
de belles pages encore, que de souvenirs poignants ! 
C'est la vie à Zurich, l'ascension du Tannh^user, l'es- 
quisse de Za Walkyrie, la mise en chantier de l'Or du 
Rhin, les voyages à Londres, la précieuse amitié de 
Listz, l'évocation de cette terrible soirée du Tann- 
hœuser que les faveurs de la Cour, l'appui de Metter- 
nich, de Pourtalès, l'enthousiasme de Baudelaire et 
d'Emile Ollivier ne parvinrent pas à imposer à une 
coterie mondaine et qui fut misérablement chutée. 

Après cet échec, c'est le retour à Zurich, et ce serait 
pour toujours la résignation d'un méconnu plein de 
rancœur, si à ce moment n'intervenait ce poétique et 
douloureux roi de Bavière qui devait lui apporter le 
salut définitif. Tout n'était pas fini cependant, « le 
chemin dangereux, dit-il, que mon destin me faisait 
suivre pour atteindre le but le plus élevé, n'a jamais 
été libre de soucis et j'allais connaître des peines qui 
m'avaient été épargnées jusqu'alors : mais, du moins, 
sous la protection de mon noble ami, le fardeau des 
vulgaires misères de l'existence ne devait plus jamais 
me faire souffrir ». 



FERNAND VANDÉREM 

Gens d'à présent. 

Les hommes et les choses de notre temps ont, en 
M. Fernand Vandérem, un spectateur amusé, clair- 
voyant et que n'embarrasse pas un excès de bienveil- 
lance. La vie qui passe : ingénues qui débutent, che- 
vaux qui courent, vaisseaux qui coulent, pièces qui 
tombent, lui inspirent des réflexions narquoises, spiri- 



244 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

tuelles et parfois même indulgentes, qui chagrinent 
bien quelques vagues humanités, mais qui divertissent 
la galerie, peu charitable par tempérament. 

Ces réflexions, les parisiens les connaissent; ils en 
ont eu la primeur dans le Figaro et savent ce que 
M. Vandérem pense des Gens d'à présent'^ ils sont donc 
fixés, aussi bien que moi-même, sur le plaisir que leur 
réserve ce volume et je n'aurai pas la fatuité de pré- 
tendre à le leur révéler. 

Ce plaisir qu'ils eurent naguère, ils le retrouveront 
intact : le temps n'a pas touché ces pages nées cepen- 
dant de l'actualité, elles restent dans le livre, aussi 
alertes, aussi vivantes, qu'elles parurent dans le jour- 
nal. L'auteur y a joint quelques discours de réception 
qui auraient été adressés à des dames de lettres 
notoires admises sous la Coupole, et qui sdnt des 
modèles de rosserie académique; et tout cela, toutes 
ces pièces, chroniques et morceaux, forme un ensemble 
très homogène, un livre véritable, destiné à tenir une 
place fort importante dans l'œuvre de l'écrivain à qui 
nous devons ce petit chef-d'œuvre, la Victime.. 



JEAN DORNIS 

La Sensibilité dans la Poésie française (1885-1912). 

Sous ce titre, qui semble annoncer une étude parti- 
culière, le livre de Jean Dornis est — pas moins — une 
histoire critique de la poésie française dans ce dernier 
quart de siècle. Toutes les manifestations poétiques 
qui furent l'honneur ou simplement l'agrément de 
notre temps, toutes les écoles illustres ou éphémères 
qui se fondèrent, la plupart des poètes dignes de 
mémoire, — la plupart seulement, mais comment les 
nommer tous, ils sont trop ! — sont évoqués dans cet 



JUILLET. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 245 

ouvrage d'une très ingénieuse et philosophique ordon- 
nance. 

C'est de l'histoire littéraire palpitante, sincère, 
émouvante, et d'une belle impartialité, bien que la 
critique n'y perde pas ses droits. Sans doute, l'auteur a 
« dans l'esprit un idéal de justice, de bonté, la notion 
de ce qu'il aurait fallu ou de ce qu'il n'aurait pas fallu », 
mais, tel un juge « dès que les débats sont ouverts, il 
écoute les parties, il n'intervient que pour les amener 
elles-mêmes à préciser leurs pensées, à faire connaître 
leurs buts et révéler leurs moyens. Lorsqu'elles ont 
expliqué leurs façons de voir, il donne la parole aux 
avocats — ils sont ici les critiques, amis ou adversaires 
des poètes — et, mieux encore, aux citations de vers, 
illustrations qui illuminent les textes ». 

Ainsi, l'œuvre de Jean Dornis apparaît tout à la fois 
comme une œuvre d'une intense personnalité, et 
comme un document précieux, complet, sincère, pour 
l'Histoire de la Poésie. 



ALBERT DE BERSAUCOURT 

Pamphlets contre Victor Hugo. 

L'auteur n'a pas la prétention de nous révéler les 
haines et les colères qui se déchaînèrent, avec tant de 
violence contre Victor Hugo et ses disciples, au beau 
temps des luttes romantiques; il sait que nous les con- 
naissons, ou que nous sommes censés les connaître, 
que nous n'ignorons rien ni de ces coups de feu par 
lesquels certains adversaires du poète affirmèrent leurs 
convictions, ni des conseils, des railleries et des insultes 
qui lui furent prodigués par Baour-Lormian, non plus 
que de l'épître de M. Viennet, des livres de M. Alexan- 
dre Duval, et de tant d'autres. Ce sont là les « pam- 

14. 



246 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

phlets officiels »; ceux que M. Albert de Bersaucourt a 
voulu étudier, ce sont les autres, ceux qui émanent 
d'inconnus, de simples spectateurs qui jugèrent bon 
d'intervenir dans la querelle littéraire ou d'exposer 
leur mécontentement de l'attitude poétique de Vic- 
tor Hugo. 

Ils furent extraordinairement nombreux, souvent 
plats et stupides, mais parfois d'une combativité spiri- 
tuelle et amusante; ils sont, en tous cas, toujours 
significatifs, et ces torrents de proses et de vers, lancés 
par d'obscurs inconnus qui n'espéraient même pas la 
gloire, mais qui voulaient seulement assouvir leur ran- 
cune contre un grand poète, offrent pour l'histoire du 
romantisme en France un bien précieux et bien pitto- 
resque document. 



EDMOND PILON 

La Fontaine. 

M. Edmond Pilon publie, dans la Bibliothèque 
française, des textes choisis et commentés de La Fon- 
taine. Le livre est tout à fait agréable et charmant, 
il ne s'adresse pas, nous dit M. Edmond Pilon, unique- 
ment à une élite, — je l'espère, pardieu bien ! — ce 
serait méconnaître notre « bonhomme » que de réserver 
le choix de ses pages aux lettrés. « Il est pour tous les 
esprits et pour tous les âges », pensait déjà Voltaire en 
son temps. Et Taine, plus près de nous, disait avec 
conviction : « C'est La Fontaine qui est notre Homère. 
D'abord, il est universel comme Homère. » La raison 
de cette universalité n'est point toute dans la malice 
du trait, la véracité des peintures des caractères, mais 
encore elle est dans un attachement constant à la 
nature. Il n'est pas seulement de chez nous comme 
Rabelais, Molière, Voltaire, par le fait qu'il éleva vers 



JUILLET. HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 247 

la perfection le beau langage. La prestesse du récit 
dans la prose, la limpidité des vers, la facilité du 
rythme dans la poésie; enfin, dans les diverses œuvres, 
le choix savoureux des mots, ces qualités existent bien 
chez lui; mais il a, en plus de ses émules, une sorte 
d'heureuse négligence, d'abandon exquis et naturel au 
moyen de quoi il les masque. « Il n'a pas l'air d'un 
écrivain. >> 



Dr ANDRÉ FLOQUET 

Homère médecin. 

Homère médecin! Voilà, sans doute, un point de vue 
assez original : il parait qu'il n'est point inédit et que la 
valeur scientifique et médicale de V Iliade et de VOdys- 
sée fut déjà sérieusement étudiée. M. André Floquet 
l'établit victorieusement, " paraît-il, dans son livre, 
où il étudie l'anatomie et la chirurgie, la médecine, la 
physiologie, la thérapeutique et la psychologie chez 
Homère. Vous ne vous doutiez pas, sans doute, qu'on 
trouvait tant de choses dans l'Iliade et dans VOdyssée? 
Pour moi, j'en demeure abasourdi. Je ne sais pas si 
les arguments de M. Floquet sont scientifiquement 
irréfutables, mais, en tout cas, son livre est bien amu- 
sant et bien curieux, et vous n'apprendrez pas sans, 
satisfaction qu'Homère fut, à peu de choses près, un 
aussi grand anatomiste qu'Hippocrate lui-même. \\ 
ne reste plus maintenant qu'à découvrir, dans quelque 
fouille, les œuvres poétiques d'Hippocrate... 



248 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

EDOUARD LE ROY 

Une Philosophie nouvelle : « Henri Bergson. » 

Une philosophie nouvelle ! C'est un bien gros mot 
et qui, je pense, ne doit contenter qu'à demi M. Berg- 
son : il correspond cependant à la- réalité; il y a une 
philosophie bergsonienne et le bergsonisme apparaît 
comme une doctrine. M. Bergson, en tenant ses belles 
leçons, en écrivant ses pages lumineuses de TEssai sur 
les données immédiates de la conscience et de TEvolu- 
tion créatrice, ne songeait certainement pas à opérer 
dans la pensée humaine une « révolution égalant en 
importance la révolution kantienne ou même la révo- 
lution socratique », et je ne serais pas étonné qu'il fût 
un peu gêné par des enthousiasmes ainsi exprimés. 
L'œuvre de M. Edouard Le Roy doit le séduire cepen- 
dant parce qu'elle apporte à sa pensée si claire un 
commentaire si lumineux, et parce que cette étude 
constitue, pour la lecture et pour l'intelligence de ses 
œuvres, une magistrale introduction. 



OCTAVE UZANNE 

Le Célib'at et l'Amour. 

Ce « traité de vie passionnelle et de dilection fémi- 
nine » est d'une charmante immoralité et d'une très 
scabreuse sagesse. C'est, rédigés avec beaucoup de 
désinvolture, de hardiesse et de subtilité, « l'évangile 
du célibataire », la « bible du diable ». Je voudrais pou- 
voir suivre l'auteur dans sa promenade à travers 
r « antre de l'ogre », les décors de l'amour ; dans ses 



JUILLET. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 249 

ïtations devant le « çciiroir de T éternel féminin », semés 
^d'aphorismes et de jugements d'une franchise un tan- 
tinet scarbeuse, mais la place me manque; et puis, pour 
Jout dire, je n'ose pas : mes lectrices et mes lecteurs 
mt gardé du respect pour l'institution du mariage, et 
ïs tiennent à des illusions que M. Rémy de Gourmont 
►ouscule dans sa préface et que M. Octave Uzanne 
[achève de disperser dans son livre. 

« On s'est efforcé, depuis une centaine d'années, dit 
M. Rémy de Gourmont, d'identifier deux états qui 
n'ont pourtant que peu de rapports ensemble, l'état 
d'amour et l'état de mariage. » Prétention absurde, 
selon l'écrivain, puisque l'amour est passager et que le 
mariage est permanent : « ce sentiment et cette institu- 
tion sont à peu près contradictoires. » Par bonheur, 
pour notre pauvre société, il y a tout de même quelques 
époux qui s'inscriront en faux contre cet axiome et 
aussi contre cette assertion : « Les moralistes ne pou- 
vant vaincre l'amour ni faire qu'il devînt chrétien, 
l'ont mis dans le mariage où ils étaient sûrs de le dés- 
honorer et même de l'assassiner ». 



OSSIP-LOURIÉ 

Le Langage et la Verbomanie. « Essai de Psychologie 
morbide. » 

Savez-vous ce que c'est que la verbomanie? C'est 
une affection dont le caractère principal est un entraî- 
nement irrésistible à parler et à discourir. C'est une 
tendance pathologique, d'où la conscience et la volonté 
ne sont pas toujours bannies, à jongler avec des paroles 
du sens desquelles on ne se rend pas exactement 
compte; la verbomanie est constituée, chez l'individu, 
par l'excès de durée et d'intensité et par le caractère 



250 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

anormal des manifestations verbeuses. Eh ! mais, 
voilà une dé|inition qui s'adapte assez bien à Télo- 
quence de quelques-uns de nos parlementaires, et si 
le mot de verbomanie est inédit, je crois bien que la 
chose n'est pas nouvelle. 

Son étude philosophique, du moins, est tout à fait 
originale et ingénieuse ; vous y apprendrez notamment 
que la verbomanie est une maladie du langage tout à 
fait analogue à Taphasie, — de même que le gigantisme 
provient de tares physiologiques tout à fait semblables 
à celles qui produisent le nanisme. C'est bien curieux ! 
C'est triste aussi de se dire, lorsqu'on entend cer- 
tain orateur interminable de la Chambre, qu'il aurait 
suffi d'un hasard pour qu'au lieu de devenir le « ver- 
bomane » qui nous excède, il fût resté simplement un 
muet inofîensif. 



MÉMENTO DU MOIS DE JUILLET 



ROMANS 

André (Paul) et Henri Sébille. — Messieurs ces Daines. 

Bordier (Henri). — Les blés mûrissent... 

Bringer (Rodolphe). — L'Ombre de Fouché, « Les Policiers do 

l'Empereur ». 
Clary (Joachim). — L'Ile du Soleil Couchant. 
Conan Doyle. — La Main brune (traduction de M. Louis La- 

bat). 
Deroxe (Myriam). — L'Amour nomade, Claudia. 
Dessoubre (Henry). — Le Fâcheux Tournant. 
Eude (Robert), — Histoires d'amour. 
Hoche (Jules). — Le Mort volant. 
Ivoi (Paul d'). — Le Puits du Maure. 
Letang (Louis). — Poudre d'or. 

— L'or dispose. 
L'Olagne (Jean) et Henri Pourra. — Sur la Colline ronde, « films 

auvergnats », 



MÉMENTO î)tJ MOIS Î)E JUILLET ^51 

Monnet (A.). — Le Curé d' Amenas, un roman où l'auteur 
aborde non sans hardiesse le périlleux problème du célibat 
des prêtres. 

Poiteau (Emile). — La meilleure Part. 

Pourra (Henri). — Voir Jean L'Olagne. 

Rivière (Blanche de). — Le Roman d'une mystique. 

Salvat (Gabriel). — La Barbe bleue, « simple fantaisie sur le 
conte de Perrault ».. 

Sébille (Henri). — Voir Paul André. 



HISTOIRE. — LITTÉRATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

A. H. (Commandant). — Le Siège de Port-Arthur, « guerre russo- 
japonaise ». 

Berget (A.). — La Vie et la Mort du globe. 

Bernard- Arnous (Jean). — Au Jardin des Roses, poésies. 

Bernos (M.). — Voir G. du Boscq de Beaumont. 

Bertaut (Jules). — Les Romanciers du nouveau siècle, de Heiu'i 
de Régnier à Claude Farrère, en passant par René Boy- 
lesve, Charles-Henry Hirsch et Romain Rolland. 

Blaison (Louis). — Un défenseur alsacien en 1814. « Le premier 
siège de Belfort et le commandant Legrand ». 

Boissy d'Anglas. — La Question Louis XVII, « réponse à 
M. Frédéric Masson et à quelques autres ». 

Bonaparte (Joseph). — Lettres d'exil. M. Hector Fleischmann 
publie ces lettres inédites écrites d'Amérique, d'Angle- 
terre et d'Italie, entre 1825 et 1844. Elles présentent un 
bien vif intérêt, et elles nous renseignent le plus curieuse- 
ment du monde sur la personnalité du frère de l'Empereur. 
M. Hector Fleischmann, qui possédait déjà sur le roi Joseph 
une collection importante de papiers et de documents, a 
obtenu du b-^ron de Meneval communication d'un grand 
nombre de lettres écrites à M. de Meneval, son aïeul, secré- 
taire du portefeuille de l'Empereur, par le souverain en 
exil; et il a mis en œuvre, avec beaucoup de science, de 
conscience et d'adresse, ces documents précieux en un 
bien intéressant volume. 

Bordeaux (Henry). — Ames modernes (nouvelle édition). Ces 
études et ces réflexions sur Henrik Ibsen, Pierre Loti, José- 
Maria de Heredia, Jules Lemaître, Anatole France, Paul 
Bourget, vicomte E.-M. de Vogiié, Edouard Rod, furent 
publiés en 1894. « Il a fallu, nous dit l'auteiu*, près de vingt 
ans pour en épuiser l'édition, si je le réédite aujourd'hui 
ce sera pour marquer désormais la première étape de ma 
vie littéraire. Je campais alors au bord d'une forêt où mon 
horizon se perdait, et je ne distinguais pas encore si je res- 
tais dans mes limites ou si j'avais passé la frontière. Je 



252 LE MOUVEMENT LITTÉRAIÏIË 

n'ftvais pas découvert l'emplacement où j'ai bâti ma mai- 
son : c'est un champ de chez moi, si connu que, dans ce 
premier éclat de la jeimesse, je ne le regardais pas avec 
assez d'attention. » 

Boscq de Beaumont (G. du) et M. Bernos. — La Cour des 
Stuarts à Saint-Oermain-en-Laye, 1689-1718. Pauvre Cour 
que le faste et la générosité du Roi Soleil s'ingénièrent en 
vain à rendre heureuse et brillante; cour mélancolique 
d'un roi en exil, de cet infortiiné Jacques II qui portait 
sur son front la marque d'une implacable fatalité, de cette 
fatalité à laquelle Voltaire avait peine à ne pas croire lors- 
qu'il regardait « cette suite continuelle de malheurs qui 
persécuta la maison des Stuarts pendant plus de trois 
cents années ». 

Bruchard (Henry de). — Petits Mémoires du temps de la ligus, 
des souvenirs des années de discorde 1896-1901, où la ter- 
rible affaire déchira la France. 

Caron (Pierre). — Manuel pratique pour Vétude de la Révolu- 
tion française. 

Charbonneau (Jean). — Les Blessures, des poèmes que l'auteur 
« dédie à l'école littéraire qu'il a fondée et qui lui tient à 
cœur comme œuvre éminemment canEidienne française ». 

Claretie (Léo). — Feuilles de route en Roumanie ; La Roumanie 
intellectuelle et contemporaine. 

Clouzet (Gabriel). et Charles Fegdal. — Lamartine. 

Constant Scribe (Druy de). — Vie du Général baron Ramel 
(1768-1815). 

Corréa (José-Augusto). — Philosophie divine et humaine. 

Derieux (Henry). — Le Regard derrière Vépaule, poésies. 

Dulac (A.). — Voir G. Renard. 

Faure-Goyau (Lucie- Félix). — UAme des enfants, des pays et 
des saints. Ce sont des « spectacles et reflets » : le reflet des 
choses dans l'âme des enfants; le reflet des âmes sur la 
figiu-e des choses; la physionomie des pays; le reflet des 
âmes sur les âmes : l'âme des saints. 

Fegdal (Charles). — Voir Gabriel Clouzet. 

Filon (Augustin). — Le Prince Impérial (1865-1879), un livre 
émouvant de « souvenirs et documents ». 

Friedrichs (Otto). — Réponse à M. Frédéric Mqsson de V Aca- 
démie française, a Petites remarques sur les « Petites his- 
« toires » de M. Frédéric Masson. » Toujours la Question 
Louis XVII ! 

Herrera (Luis Alberto de). — La Révolution française et V Amé- 
rique du Sud (traduction de M. Sébastian G. Etchebarne). 

Koszul. — Anthologie de la Littérature anglaise, « des origines au 
xviiie siècle ». 

Laurentie (François). — Trois exemples de la Méthode Naun- 
dorffiste. 

Limet (Charles). — La Fleur du Panier ; le vénérable et char- 
mant poète, dont quatre-vingts ans passés n'ont pas su 
flétrir la jeunesse ni le lyrisme, nous offre gentiment ce re- 
cueil de poésies choisies suivi de pages inédites toutes par- 
fumées do grâce, de talent et de jeunesse étemelle. 



MÉMENTO DU MOIS DE JUILLET 253 

Loisel (Gustave). — Histoire des ménageries de V Antiquité à nos 
jours (3 volumes). 

Longnon (Auguste). — Les Origines et la Fortnation de la natio- 
nalité française : « éléments ethm. 



LÉONCE DE LARMANDIE 

Autour d'un Mystère. 

Dans un roman qu'il a intitulé Autour d'un Mystère, 
M. Léonce de Larmandie nous raconte l'étonnante 
histoire de la comtesse d'Arpajon, née Ruysdael qui, 
éprise de Saint-Gobert et aimée de lui, a cependant 
épousé le comte d'Arpajon. Saint-Gobert en a éprouvé 



274 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

beaucoup de chagrin et d'étonnemcnt, et il a demandé 
des explications à son amie; cette dernière lui répond 
tout simplement qu'elle n'a jamais cessé de l'aimer, 
mais qu'elle a voué le même amour à son mari. Mys- 
tère ! Ce mystère s'éclaircit de la façon la plus natu- 
relle et la plus merveilleuse à la fois, certain jour, chez 
le coifïeur, où Saint-Gobert rencontre son rival et 
constate une ressemblance prodigieuse, inouïe : le 
comte d'Arpajon est littéralement son double. 

Saint-Gobert qui est de bonne composition com- 
prend alors l'infidélité dont il fut victime et qui n'est 
pas en réalité une infidélité, mais le comte est furieux 
de cette ressemblance dont il prévoit les périls; il veut 
d'abord tuer son double, puis, renonçant à ce projet 
sanguinaire, se contente de persécuter sa femme par 
une jalousie frénétique qui pourrait bien finir par lui 
jouer un mauvais tour. Telle est cette histoire dont nous 
apprenons les détails étonnants par une série de lettres 
tour à tour badines, familières ou violentes, échangées 
entre les héros. 

Le livre de M. de Larmandie contient un autre 
petit roman intitulé En pleine angoisse "où nous 
sommes les confidents des inquiétudes d'une jeune 
femme qui a failli tromper son mari et qui, ayant 
évité ce premier faux pas, se demande si l'avenir ne lui 
en réserve pas un nouveau. 



ALFONS MASERAS 

L'Arbre du Bien et du Mal. 

L'auteur de l'Arbre du Bien et du Mal est un jeune 
écrivain catalan, M. Alfons Maseras, qui, après avoir 
publié plusieurs volumes en espagnol, a voulu écrire 
une œuvre en langue française. C'est un titre précieux 



AOUT-SEPTEMBRE. — LES ROMANS 275 

à notre sympathie; le livre de M. Alfons Maseras en a 
d'autres : c'est une œuvre tout à fait originale, de 
pensée profonde et généreuse, roman philosophique 
auquel l'auteur a su donner presque toujours cette 
qualité rare et précieuse entre toutes : la vie. 

L'aventure d'Olga Ronaldi et d'Emmanuele Tosti, 
celle du volage Danilo et d'Edith Rethel nous offrent 
le commentaire romanesque et dramatique de la 
légende chrétienne de l'arbre du bien et du mal, lequel 
n'est autre que l'amour, source de laideur et de beauté, 
de joie et de tristesse, d'horreur et d'harmonie, qui 
sont parfois confondues, selon la théorie assez roman- 
tique d'Emmanuele. 

Ces personnages symboliques aiment et souffrent 
et s'en vont ballottés du bien au mal, du sublime ana- 
chorète Fra Gerai'do à la satanique sorcière Comare 
Screpola, ils marchent avec quelque chose de fatal 
planant sur leur tête, et ils songent, enivrés et terrifiés 
à « l'expulsion du premier couple humain du Paradis 
terrestre, à la colère de Dieu, à l'épée flamboyante de 
l'Archange »... 

Et c'est, avec ses obscurités, dans sa forme pitto- 
resque, heurtée, une œuvre souvent poignante, jamais 
indifférente. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, THÉÂTRE, 
POLITIQUE, DIVERS 



ÉLIE HALÉVY 

Histoire du peuple anglais au XIX"^^ siècle. 
{Premier Volume-. L'Angleterre en 1815). 

M. Élie Halévy entreprend la publication d'une His- 
toire du peuple anglais au dix-neuvième siècle : c'est 
une tâche bien lourde et bien vaste qu'il s'est donnée là; 
bien séduisante aussi, et à laquelle on peut affirmer 
qu'il ne sera pas inégal quand on a lu le premier 
volume de cette histoire : le tableau de 1' « Angleterre 
en 1815 ». 

I Ce premier volume constitue à lui tout seul une 
œuvre magistrale, complète, harmonieuse, d'un puis- 
sant intérêt et d'un agrément prodigieux. 

Je dis bien « agrément » car c'est en vérité la chose 
admirable : ces six cents pages in-octavo qui témoignent 
d'un immense labeur, sont ordonnées et composées de 
telle sorte qu'on les lit sans l'ombre de fatigue, avec un 
plaisir sans cesse renouvelé; et M. Élie Halévy fait 
de ce monument historique la plus séduisante des 
œuvres littéraires. 

Le livre comporte trois grandes divisions : les Insti- 
tutions politiques, la Société économique, les Croyances 
et la Culture; en tête de chacune d'elles un préambule, 



AOUT-SEPTEMBRE. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 277 

qui est un chof-d'œuvre de synthèse, expose en une 
centaine de lignes la vaste question que Thistorien va 
traiter, les problèmes dont il compte rechercher la 
solution. 

Et c'est tour à tour le pouvoir exécutif, le pouvoir 
judiciaire, l'armée et la marine; le pouvoir législatif 
et le gouvernement de l'opinion; — l'agriculture, l'in- 
dustrie, le crédit et l'impôt; — la religion, les arts, 
les lettres et les sciences, évoqués en un grand tableau 
lumineux, vivant, d'une émouvante splendeur. 

La conclusion? Elle tient en cinq mots : « L'Angle- 
terre est un pays libre », seulement il faut s'entendre sur 
la valeur et sur le sens de ce mot de liberté : en Angle- 
terre, liberté veut dire obéissance volontaire et organi- 
sation spontanée; nous savons de reste qu'il est des 
nations où le même mot exprime des choses fort dif- 
férentes... 



ANDRÉ ROUVERY 

1812. Cent ans après « Rostopchine et Kutusoî )>. 

Il y a cent ans, presque jour pour jour, qu'après 
la bataille de la Moskowa commençait la retraite dont, 
en ce moment même, la Russie célèbre le souvenir. Et 
l'histoire de cette épopée, écrite tant de fois par tant 
de poètes et d'historiens, nous réserve encore des émo- 
tions nouvelles. Il faut lire le volume que M. André 
Bouvery vient de publier sous le titre : 1812. Cent ans 
après : « Rostopchine et Kutusof ». C'est un recueil de 
documents authentiques relatifs à l'histoire de la cam- 
pagne de Russie depuis la bataille de la Moskowa 
jusqu'au retour de Napoléon à Paris. Et ces docu- 
ments : extraits de journaux, bulletins et rapports 
militaires, très ingénieusement présentés et rangés, 
nous racontent avec une éloquence, une émotion pro- 
ie 



278 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

digieuses, l'occupation de Moscou et la retraite de 
Russie avec le passage de la Bérésina jusqu'au retour 
de Napoléon à Paris. 

Sur ces documents si palpitants, Fauteur a établi 
une thèse historique bien intéressante et qui apparaît 
très plausible : il prétend démontrer que, malgré Tin- 
cendie de Moscou, Napoléon aurait été maître du 
monde s'il avait suivi son inspiration dé marcher sur 
Saint-Pétersbourg en se repliant sur la basse Dwina 
pour aller prendre Wittgenstein par derrière et 
rejoindre le maréchal Saint-Cyr, les ducs de Tarente 
et de Bellune. Malheureusement pour l'Empereur, ses 
généraux ne furent pas, ne voulurent pas être à la hau- 
teur de cette conception; il rentra au Kremlin et atten- 
dit vainement les communications de l'Empereur de 
Russie, cependant que Kutusof, « prévoyant l'hiver 
et sa cruelle morsure, avait l'habileté d'intercepter 
toutes les communications. Ce fut à lui et à Rostopchine 
que l'Empire russe dut son salut définitif et l'écroule- 
ment du dernier des Césars ! » 



FRÉDÉRIC LOLIEE 

Le Roman d'une Favorite. « La Comtesse de Castiglionne. » 

L'ingénieux et savant historien de la société du 
Second Empire, à qui nous devons ces prestigieux 
ouvrages sur le duc de Morny et sur les Femmes du 
Second Empire, n'a rien écrit de plus palpitant que 
cette histoire d'une héroïne si belle et si mystérieuse. 
Cette histoire, il semblait bien que nous fussions con- 
damnés à ne la connaître jamais dans ses détails : des 
circonstances romanesques, la volonté de l'héroïne 
vieillie et retirée du monde, et enfin, la raison d'État, 
avaient anéanti les uns après les autres, tous les docu- 



AOUT-SEPTEMBRE. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 279 

ments capables de nous édifier; tous, ou presque tous, 
— car M. Frédéric Loliéc a été assez heureux pour 
mettre la main sur une correspondance intime, absolu- 
ment inédite, et sur les lettres des princes qui lui ont 
permis de reconstituer ce prodigieux roman, cette vie 
de la célèbre et très mal connue comtesse de Gasti- 
glione, surnommée « la Divine » pour sa beauté supra- 
humaine et qui, après avoir été la voix secrète, aux 
Tuileries, de la politique italienne, « la favorite », 
disait-on, de Napoléon III, la conseillère et Tamie des 
princes de la maison d'Orléans, termina, loin du monde, 
lasse de tout et de tous, son étrange aventure de 
rayonnement et de conquête. 

Il y a toujours eu dans la vie de cette femme étrange 
et belle, qui a pu dire, en exagérant un peu son rôle : 
« J'ai fait Tltalie et sauvé la Papauté», de l'obscurité et 
du mystère, un mystère que le livre si captivant de 
M. Loliée n'éclaircit pas tout à fait, et c'est tant mieux : 
cette ombre qui plane autour d'elle rehausse encore le 
prestige de cette beauté souveraine, de cette femme 
faite pour Tamour et qui, ayant été très admirée, ne 
fut pas beaucoup aimée. 



JEAN LORÉDAN 

Un grand procès de Sorcellerie au XVII'^e siècle. 

« L'Abbé Gauffridy et Madeleine de Demandolx 

1600 1670. » 

Le livre où M. Jean Lorédan nous raconte Un grand 
jirocès de sorcellerie an dix-septième siècle est d'un bien 
vif intérêt; il; évoque une des abominables et pitto- 
rosques foliesjdont l'épilogue classique était le bûcher 
• t qui se déroulaient en suivant des rites consacrés. 
Pel fut le procès d'Urbain Grandier; celui de l'abl^é 



280 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Gauffridy, que nous raconte M. Jean Lorédan, n'est 
pas moins étrange ni terrible. Le prêtre Gauffridy, 
bénéficier des Accoules de Marseille, fut, en Tannée 
1611, accusé « du crime de rapt, séduction, magie, sor- 
cellerie et autres abominables », d'avoir suborné, pos- 
sédé, livré au diable une jeune fille noble, d'une des plus 
nobles familles de Provence, et d'être Prince des magi- 
ciens. 

Ce procès eut au xvii® siècle un grand retentisse- 
ment; il causa une émotion profonde, non seule- 
ment à Aix, à Marseille, où il se déroula, mais à Avi- 
gnon, Arles, Tarascon, dans toute la province et dans 
tout le royaume. M. Jean Lorédan, à l'aide de docu- 
ments indiscutables, soigneusement notés, l'a longue- 
ment étudié, il l'a fait revivre avec « tous ses détails, 
toutes ses particularités, ses dépositions de témoins, ses 
interrogatoires, ses figures de premier et de second plan, 
ses comparses, « tous ses épisodes curieux et typiques, 
révélateurs de pensées anciennes, d'états d'âmes peu 
connus, qui font revivre les êtres et les choses d'autre- 
fois )). 



GEORGES BLONDEL 

Les Embarras de l'Allemagne. 

Le livre de M. Georges Blondel a, pour. le lecteur 
français, un bien vif intérêt; ces embarras de l'Alle- 
magne dont on a parfois quelque peu exagéré l'impor- 
tance, ils existent cependant très réellement, et ma 
foi — ce n'est peut-être pas très grand, mais c'est très 
humain — on les constate et on les dénombre sans 
déplaisir. 

Le livre de M. Georges Blondel, très précis, écrit sans 
passion, nous renseigne très exactement sur ces ennuis 
présents, gros parfois de dangers à venir : embarras 



AOUT-SEPTEMBRE. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 281 

politiques, embarras financiers, embarras sociaux, 
difficultés économiques, malaise des populations 
rurales, préoccupations des moralistes, préoccupations 
extérieures; tout cela nous le connaissons quelque peu, 
hélas ! mais nous en souffrons moins et nous sommes 
mis à Tabri de certains de ces dangers, précisément 
par ce sentimentalisme et ce désintéressement qui, 
après nous avoir joué tant de si vilains tours, semblent, 
pour une fois, nous servir à quelque chose. 

Les forces vives des populations germaniques sont 
dans une trop large mesure « absorbées dans le positi- 
visme de la science, de la finance, de l'industrie et du 
commerce. Voir tant d'intelligences s'exercer dans 
l'enceinte étroite des recherches utilitaires, tant de 
cœurs ne plus battre que pour des calculs intéressés, 
cela ne laisse pas en définitive une bonne impression. 
Une telle conception de la vie n'est pas seulement insuf- 
fisante, elle prépare aussi pour l'avenir de grands dan- 
gers. En dépit de nos misères on peut dire que dans la 
marche générale de la civilisation nous conservons sur 
nos voisins une certaine supériorité ». 



JUDITH GAUTIER 

Le Roman d'un grand Chanteur. (Mario de Candi a.) 

Ce roman véridique, M"^^ Judith Gautier en a 
trouvé les éléments dans les « Souvenirs » de M"^^ G. 
Pearse, traduits par M^^^ Ethel Duncan, et dans ses 
propres souvenirs à elle qui fut la parente de la grande 
cantatrice Giulia Grisi, compagne bien-aimée de 
Mario de Candia. 

Et c'est une belle histoire vraiment, toute pleine de 
passion, d'héroïsme et do génie : Mario, qui fut un 
merveilleux ténor, eut Texistonce la plus dramatique, 

16. 



282 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

la plus tourmentée, la plus enivrante. Officier dans la 
garde du roi de Sardaigne, proscrit politique, c'est par 
hasard, en cherchant en exil un moyen de vivre, qu'il 
commença d'exploiter son admirable voix, non pas 
comme un commerçant de l'art, mais comme un héros 
passionné. L'histoire de ses triomphes d'artiste, de sa 
vie d'amour et de tendresse auprès de Giulia Grisi est 
tout à fait touchante et noble; « personne ne fut plus 
applaudi, plus fêté que lui; cependant cet idole d'un 
public enthousiasmé, ce patriote dont l'Italie entière 
pleurait la perte, était resté un gentilhomme simple, 
confiant, au cœur noble et généreux, et tel il avait 
vécu, tel il s'en est allé à l'éternité ». 



JULES MASSENET 

Mes souvenirs (1848-1912). 

1848-1912 ! Une émotion profonde nous étreint 
devant ces deux millésimes écrits de la main même de 
Jules Massenet en tête du volume intitulé : Mes Sou- 
çenirs. 1848, était l'année de sa naissance à la musique ; 
c'est, en effet, le 24 février 1848 que sa mère lui mit, 
pour la première fois, les doigts sur un piano; 1912, 
c'était l'apothéose, l'étape où s'arrêtait le maître heu- 
reux et acclamé, d'où il regardait la longue, et belle, 
et laborieuse carrière parcourue. Ce fut aussi l'étape 
suprême : il terminait ses Mémoires lorsque la mort 
vint le prendre en pleine gloire, en plein triomphe. 

Cette mort, dont il semble avoir lui-même fixé la 
date, il est certain du moins qu'il l'attendait avec 
sérénité; les « notes posthumes » qu'il s'est amusé à 
écrire en épilogue de son livre, en témoignent avec une 
spirituelle éloquence; il parle de son départ pour le 
grand voyage, de son séjour dans l'au-delà avec un 



AOUT-SEPTEMBRE. HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. 283 

humour charmant et, pour nous, plein de mélancolie. 
Cet humour, nous le retrouvons dans les trois cents 
pages où il nous conte, jour par jour, victoire par vic- 
toire, ses soixante-quatre années de labeur et de 
beauté. Mille petits détails y sont consignés, retrouvés 
par le maître dans ces notes quotidiennes où, chaque 
soir il faisait, fidèle aux préceptes de sa mère, qui « était 
le modèle des femmes et des mères », son examen de 
conscience. Et c'est tout à fait amusant, joli, émou- 
vant, et la figure de ce grand musicien auquel ses pires 
ennemis n'ont jamais trouvé à reprocher qu'un excès 
de bienveillance — excès trop rare en notre temps — 
y apparaît dans toute sa grâce et toute sa bonne grâce. 



MARCEL BOULENGER 

Introduction à la Vie comme il faut. 

Voici un excellent manuel à l'usage des jeunes gens 
sans expérience qui aspirent à devenir des snobs et des 
snobinettes. Ne traitons pas, s'il vous plaît, ce volume 
avec désinvolture : l'auteur a beau être badin, il n'en 
demeure pas moins que ses conseils sont fort précieux 
pour une foule d'adolescents désireux de briller dans 
le royaume de Snobie qui est vaste comme le vaste 
monde, et qui s'est annexé une bonne partie de Paris 
et de ses environs. 

M. Marcel Boulenger était bien placé pour rédiger ce 
çade mecum] n'habite-t-il pas Chantilly qui est un 
centre considérable de « gens qui jouent au golf, 
chassent, goûtent, bavardent », en un mot de gens 
«comme il faut». Il les connaît donc bien, et il sait tout 
ce qu'il faut savoir pour figurer honorablement parmi 
eux. C'est très compliqué; d'abord il no faut pas de 
prénom français, et ses deux jeunes élèves, Guil- 



284 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

lauiïie et Jeanne, dont les parents exercent la profes- 
sion de gens comme il faut et qui désirent, eux aussi, 
embrasser cette belle carrière, devront désormais 
s'appeler Willy et Jane. Leur nom de famille est Le- 
grand : il sonne mal ; et puisque par bonheur leurs pa- 
rents possèdent un domaine à Sermoize, ils seront Willy 
et Jane de Sermoize, ce qui est à peu près comme il 
faut. 

Il conviendra ensuite de songer à la toilette : Jane 
devra suivre aveuglément la mode, et accepter toutes 
les injonctions de son couturier; pour Willy, c'est très 
simple : il sait où habitent les tailleurs anglais. Willy 
s'occupera de trouver une petite amie, choix très déli- 
cat, pour un homme comme il faut. L'idéal sera une 
demi-mondaine élégante, toutefois non ébouriffante; 
à l'aise et point millionnaire cependant. Pour Jane, la 
question grave est celle du mariage; c'est le « marché 
aux fleurs » qui s'impose : son mari sera laid, vieux et 
riche; jeune et jolie comme elle est, elle le trouvera 
facilement, et ce sera parfait lorsqu'elle en aura fait un 
baronnet anglais. Car il faut être anglais, tout est là. 
La connaissance approfondie de la langue britannique 
est indispensable : savoir l'anglais mieux que le fran- 
çais, cela équivaut presque à de la noblesse. 

Le français restera cependant la langue de la con- 
versation, mais alors il faudra le parler d'une façon 
commune : rien n'est plus distingué. Ladite conversa- 
tion sera, vous entendez bien, d'une pauvreté « comme 
il faut )) : on parlera du golf, du théâtre, des opérations 
chirurgicales et des courses. 

Naturellement, Jane se devra à elle-même de ne 
pas être fidèle à son baronnet, mais il faudra qu'elle 
prenne garde à son attitude de femme coupable : elle 
devra toujours être troublée, c'est indispensable pour 
une personne comme il faut. 

Naturellement aussi, elle devra avoir des enfants, 
et elle se gardera de s'en occuper : ce sera le soin des 



AOUT-SEPTEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 285 

gouvernantes, anglaises, bien entendu. Pourvu que ces 
petits sachent l'anglais, le reste ii'a tout seul. 

Mais je m'arrête : j'en sais assez pour être assuré que 
malgré tous ces conseils si utiles, si joliment exprimés, 
vous avez déjà renoncé à entrer dans cette carrière si 
difficile et si fermée. Tant pis pour vous, vous ne régne- 
rez pas en Snobie; je gage que M. Marcel Boulenger 
ne vous en gardera pas rancune... 



JULIEN BENDA 

Le Bergsonisme ou une Philosophie de la Mobilité. 

Je disais naguère, à propos d'un ouvrage où le bergso- 
nisme était exalté avec un grand enthousiasme, que 
M. Bergson devait être un peu gêné par de telles mani- 
festations, par ces rapprochements de la « révolution 
bergsonienne » et des révolutions socratique et kan- 
tienne ; par ces allusions délirantes à « une ère nouvelle 
de la philosophie », à «une rénovation intégrale des 
méthodes de l'esprit », à « un remaniement complet du 
système entier de la connaissance ». Ce sont là des pro- 
pos excessifs et dont un philosophe comme M. Berg- 
son ne pouvait s'accommoder. Il s'attendait en tous 
cas, sans nul doute, à ce qu'un réquisitoire vînt quel- 
que jour contre-balancer ces panégyriques. 

Ce réquisitoire, c'est M. Julien Benda qui s'est 
chargé de le prononcer. En trois chapitres : — trois 
assauts ! — « le but », « la méthode : l'intuition », « les 
résultats », il a pris à partie la théorie bergsonienne et 
s'est attaché impitoyablement à n'en rien laisser sub- 
sister. Dans les prémisses réputées les plus audacieuses, 
les phis nouvelles du philosophe, il no voit que des 
constatations, des remarques cent fois faites avant lui. 
Quant à ses conclusions, dont il admet la nouveauté, 



286 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

il les affirme inexactes, illogiques. Et, pour tout dire, 
il emprunte à M. Bergson lui-même le jugement qu'il 
convient à son sens de porter sur son œuvre : « Vous 
prétendez, lui dit-il, que notre connaissance est la 
vraie; seulement, pour ce qui est d'une suite d'idées 
claires, par essence même elle en est incapable. » Il 
s'empare impitoyablement de cet aveu et se déclare 
décidé à en abuser. 

Ma science philosophique est trop mince pour que jo 
songe à dire mon mot dans ce débat : je croirais assez 
volontiers que la sévérité de M. Benda est excessive, 
mais je suis bien certain qu'elle est infiniment spiri- 
tuelle. 



JOAGHIM ROLLAND 

Les Comédies politiaues d'Eugène Scribe. 

Dans ces comédies, Scribe expose quelques idées qu'il 
donne comme sa philosophie de l'histoire, et il fait la 
satire des mœurs politiques de son temps, et ce sont les 
pièces historiques : Bertrand et Raton, V Ambitieux, le 
Verre d'eau; les pièces politiques : le Solliciteur et la 
Camaraderie. Ce sont, d'après M. Joachim Rolland, les 
seules, ou à peu près, qui supportent encore la lecture, 
Voilà une affirmation qui étonnera bien quelques 
auteurs dramatiques contemporains, lesquels méprisent 
beaucoup Scribe, mais condescendent encore jusqu'à 
le lire quand ils sont tout seuls. 

M. Joachim Rolland analyse très judicieusement ces 
cinq comédies et il en tire avec beaucoup de verve la 
piètre philosophie. « Dans la comédie de mœurs, dit-il. 
Scribe n'a cherché qu'à tirer parti de l'actualité et à 
puiser dans l'étude des faits contemporains un regain 
de popularité. Il a été l'observateur superficiel d'une 
époque sans caractère, d'un siècle sans force et sans 



AOUT-SEPTEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 287 

élan. En politique, conservateur et frondeur à la fois, 
il a mis dans ses pièces un gi'ain de libéralisme bour- 
geois : il soutient le trône en raillant les Chambres et 
les ministres. » 

Tout cela est très vrai, et nous savons aussi que dans 
l'œuvre dramatique de Scribe le style est faible, sou- 
vent incorrect, que le fonds d'idées dont il a tenté le 
développement est fort peu original, l'observation des 
mœurs superficielle, l'analyse des caractères presque 
toujours fort insuffisante, et que son grand, son seul 
mérite, c'est l'habile conduite de l'action. Il a tiré de 
ses œuvres une popularité passagère et beaucoup 
d'argent, mais aux dépens d'une gloire durable. 

C'est évidemment très fâcheux, mais, tout en recon- 
naissant ses défauts, l'indigence lamentable de son 
style et de sa pensée, je trouve tout de même qu'on est 
bien sévère pour Scribe, notamment lorsqu'on lui 
reproche d'avoir, au théâtre, « couru après le succès et 
l'argent » : cette course me paraît le plus légitime du 
monde et, au demeurant, elle n'a jamais cessé d'être en 
lionneur... 



PAUL BOURGET 

Le Tribun. <( Chronique de l'an 1911. » 

Cette « chronique de l'an 1911 », M. Paul Bourget en 
fixe la portée dans une préface adressée à M. Charles 
Maurras. Le Tribun n*est pas seulement une pièce de 
théâtre, c'est aussi, c'est surtout, l'affirmation d'une 
théorie politique et historique, celle du traditionalisme 
que l'académicien soutient avec tant d'énergie dans 
ses œuvres. Il souhaite que sa pièce réalise ce double 
programme « d'être une chronique vivante de cette 
époque-ci, et de faire penser, d'avoir cette valeur histo- 
rique et cette portée ». 



288 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

C'i'st, nous dit-il, « l'histoire d'un professeur de 
philosophie devenu homme d'État. — Nous en avons 
connu et nous en connaissons. — lia gardé de sa pre- 
mière formation des habitudes de généralisation. Il sert 
une doctrine en servant son parti. — Le type est plus 
rare, mais il existe encore. — Cette doctrine, c'est la 
libération radicale de l'individu. Un beau jour, une 
suite d'événements, tous aussi dans les données de 
notre temps, le mettent en présence d'un devoir caté- 
gorique et impératif, eût dit Kant. 11 ne peut pas 
accomplir ce devoir, parce qu'il se heurte, lui, l'apôtre 
intransigeant de l'individu, à la famille. Elle lui appa- 
raît, et elle est bien cela, comme le fait naturel et irré- 
ductible, l'élément premier, l'atome simple. Mais alors, 
vouloir construire la société pour l'individu et hors de 
la famille, c'est aller à contresens de la vie. » 

Tel est l'esprit dans lequel fut conçue cette œuvre 
dramatique. Telle est la démonstration que l'auteur a 
voulu en faire ressortir. 



RIP ET MAX AGHION 

De bric et de broc. 

Il y a toutes sortes de choses dans ces cent pages : 
des vers, de la prose, des images, des fables, des carica- 
tures, et ce sont d'amusantes fantaisies de Rip illus- 
trées par le crayon spirituel de Max Aghion; des pages 
verveuses de Max Aghion égayées encore par le crayon 
de Rip, car Rip est un écrivain humoriste qui sait très 
bien dessiner, et Max Aghion est un humoriste dessi- 
nateur qui écrit avec beaucoup d'adresse. 

Ainsi, les deux collaborateurs se sont, — c'est le cas 
de le dire, — mis en quatre pour nous divertir. Ils y ont 
réussi le mieux du monde et ils nous ont obtenu, par 



MÉMENTO f)EÔ Mois d'août Et i)Ë SEPTEMBRE 280 

surcroît, le régal d'une préface de Tristan Bernard 
dont le masque noir et barbu, croqué par Rip, sourit 
au seuil du livre, cependant qu'un peu plus loin les 
sympathiques silhouettes de Rip et de Max Aghion 
nous sont présentées par Sem et par Abel Faivre... 



MÉMENTO DES MOIS D'AOUT ET DE SEPTEMBRE 



ROMANS 

Alanic (Mathilde). — Le Miracle des Perles. 

Bringer (Adolphe) et Léon Valbert. — Fritz-la-Haine, « grand 
roman patriotique ». 

Carol (Jean). — Réparation. 

Constant (Max). — Le Journal d'un Sceptique. 

Darros (J.-M.) et G. Meirs. — La Carte sanglante, « les Aven- 
tures de William Tharps » (Suite.) 

Flamant (Paul). — Les Mirages possibles, nouvelles. 

Ferode. — Amour et Bridge. 

Garçot (Maurice). — L'Entrave. 

Green (A.-K,). — Derrière^ les portes closes (traduction de 
M. Pierre Luguet). 

Hamp (Pierre). — Vieille histoire, « contes écrits dans le Nord ». 

Ivoi (Paul d'). — L'Obus de Cristal, « le Roi des Espions ». 

— Du Sang sur le Nil. 

Labruyère (Raymond). — Le Sel de la Terre. 

Lagonde (Julien de). — Trente ans de Fidélité, contes et varié- 
tés. 

La Houlette (René). — Sur mon chemin, contes et poèmes en 

S rose. 
^ ois (Marc). — En passant, « contes et nouvelles» précédés 
d'une lettre-préface de J.-H. Rosny aîné. 

Lesoc (F.). — Les Deux Voies. 

Meirs (G.). — Voir J.-M. Darros. 

Mignard (Johannès). — Sous la Rafale. 

Moro (Henri). — La Première Etape. 

Payoud (Jean). — L'oncle Mandi, « roman de mœurs provin- 
ciales ». 

Plieux de Diusse. — La MuloUe. 

Puech ( Jules.-L). — Les jeux de la Politique et de l'Amour, « gens 
et choses de chez nous ». 

Regia-Lamotte (Roger). — La Bougeotte, un recueil de contes 

M 



290 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

amusants et trépidants où l'auteur fait vivre et causer ses 
personnages en auto, à bicyclette, en wagon, en traîneau, 
en aéroplane, en gondole, que sais-je encore? 

Strarbach (Gaston). — La Ruée, « Mœurs contemporaines ». 

Strarbach-Baudenne. — Sao Tiampa, époiise laotienne. 

Valbert (Léon). — Voir Adolphe Bringer. 



HISTOIRE. — LITTÉRATURE 
THEATRE. — POÉSIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Ardouin (Suzanne). — L'Ame de la Voulzie, élégie drama- 
tique qui fut interprétée au théâtre de verdure de Pro- 
vins. 

Aubert (Marcel). — Sentis, une des « petites monographies des 
grands édifices de France ». 

Audigier (Georges). — La Ville au bois Dormant, jolies rimes à 
la gloire de Senlis. 

i5acot (Jacques). — Le Tibet révolté, « Nepémako, terre pro- 
mise des Thibétains ». 

Baraudon (Alfred). — En Ecosse. 

Baucarcé (J.-D. de). — Prestiges et autres poèmes. 

Beaucoudrey (R.-G. de). — Le Langage normand au début du 
XX^ siècle, noté sur place dans le canton de Percy {Manche), 
un volume préfacé par M. Charles Joret. 

Bénédite (Léonce). — Le Musée du Luxembourg. 

Berget (A.). — Le Temps qu'il fait, le Temps qu'il feraj notions 
de météorologie à l'usage des aéronautes, des aviateurs 
et du grand public, 

Blanguernon (Edmond). — La Vie orgueilleuse, poèmes. 

Blay de Gaïx (Baron de). — Coraly de Gaïx : « Une amie incon- 
nue d'Eugénie de Guérin », un volume précédé d'une très 
intéressante introduction de M. Armand Praviel et dont 
M. Jules Lemaître nous dit l'émouvante séduction, ce En 
lisant ce livre on goûtera, dans sa familiarité, le charme 
d'un passé noble et pur et l'on sera reconnaissant à M. le 
baron de Blay de Gaïx d'avoir sauvé de l'oubli une amie 
et une sœur spirituelle d'Eugénie de Guérin ». 

Boncour (Paul). — Les Retraites, la Mutualité, la Politique 
sociale. M.- J. Paul-Boncour est un apôtre de ces retraites 
ouvrières votées avec tant d'enthousiasme au Parlement 
et si mal accueillies dans le pays. On peut discuter les opi- 
nions de l'ancien ministre du travail, on ne saurait contes- 
ter l'ardente sincérité de ses convictions, ni le très beau 
talent qu'il met à leur service. Les adversaires les plus 
résolus du régime social nouvellement établi seront, sans 
nul doute, d accord avec ses partisans pour proclamer 
l'intérêt du recueil de ses discours. Il y a là une magnifique 
dépense de talent, d'éloquence et d'énergie. 



MÉMÈNtÔ t)ËS Mots D*AOUt ET* DÉ SEPTEMBRE 291 

Brieux. — V Algérie. 

Carco (Francis). — La Bohême et mon cœur, poèmes. 

Castier (Jules). — Parisianités, poèmes. 

Cheylack (Auguste). — J'entends des appels mystérieitx, poésies. 

Choppin (Capitaine Henri). — Journal de captivité d'un officier 
de Varmée du Rhin (27 octobre 1870-18 mars 1871). 

Cornu (Paul). — L' Architecture, « les styles à la portée de tous ». 

Costel (Paul). — Sensations, poésies. 

Dehérain (Henri). — Dans V Atlantique, « Sainte-Hélène au 
xvne et xviiie siècle. L'archipel de Tristan de Cunha; 
Côtes de l'Afrique australe. Les voyages d'Auguste Brous- 
sonet au Maroc et aux Canaries ». 

Démange (Charles). — Notes d'un voyage en Grèce. 

Denys Cochin, — Qu/itre Français : Pasteur, Chevreul, Brime- 
tière, Vandal. Siu* les deux premiers, ce sont des pages 
familières et d'une noble simplicité; sui les deux autres, 
des oraisons émouvantes et solennelles. On trouvera dans 
ce HvTe, « sur l'œuvre de Pasteur, le récit d'un témoin, écrit 
le soir même des belles journées qu'il avait eu le bonheur 
de passer au laboratoire de la rue d'Ulm; puis un portrait 
d'Eugène Chevreul, tracé par un élève des cours du Jar- 
din des Plantes, plein de vénération, ainsi que tous ses 
camarades, pour le Doyen des étudiants. Depuis ces temps 
anciens, vingt-huit années s'étaient écoulées quand le 
même auteur fut invité à raconter, à Besançon, la noble et 
vaillante existence de Brunetière, et admis à prononcer, 
devant l'Académie française, l'éloge d'Albert Vandal ». 

Derys (Gaston). — Les Grandes Amoureuses (Suite). 

Doimiic (René). — Lamartine, un fort beau livre très ramassé, 
très éloquent, d'un raccourci impressionnant. 

Ducos (Gabriel). — Musiques, de spirituels et gracieux ron- 
deaux. 

Duraciné Vaval. — La Littérature haïtienne, « essais critiques ». 
En épigraphe l'auteur inscrit cette parole d'Elisée Reclus : 
« Par la langue, Haïti est la France... » Mais il entend cepen- 
dant nous démontrer que la littérature de son pays doit 
être personnelle et non la simple copie de la littérature 
française. Il essaye, par un examen attentif et impartial 
des œuvres littéraires haïtiennes, de préparer « la venue 
de cette littérature qui reflète le pays en ses aspects infinis 
et en ses infinies séductions ». C'est d'un sentiment très res- 
pectable et le seul livre de M, Duraciné Vaval témoigne 
avec éloquence du degré de culture intellectuelle et litté- 
raire auquel peuvent parvenir, et parviennent, les repré- 
sentants de cette race noire si personnelle et si intéres- 
sante. 
Epry (Ch.). — Des Abîmes au rivage, « à la mer », « Chasses et 

pêches ». 
Esnault-Pelterie (Robert). — Quelques renseignements prati- 
ques sur V Aviation. 
Félix (Commandant). — Les Aéroplanes Blériot, description 

technique avec plans et croquis. 
Fougères ((justave). — Athènes. 



292 LE MOUVEMENT LïTTéRAIÎlÊ 

Gaubert (Ernest). — Poèmes à dire, ingénieusement choisis 
dans les œuvres d'excellents poètes, de Jean Aicard à 
Miguel Zamacoïs, en passant par Théodore de Banville, 
Henry Bataille, Henri de Régnier, Jean Richepin, et aussi 
Victor Hugo, Lamartine, Alfred de Vigny, et même Vol- 
taire et Villon. 

Grérard (Rosemonde) et Maurice Rostand. — Un bon petit dia- 
ble, la gracieuse et jolie féerie dont le régal nous fut, l'an 
dernier, offert au Gymnase et que ses auteurs offrent en 
pieuse dédicace « à la comtesse de Ségur et à Edmond Ros- 
tand, marraine et parrain ». 

Guinot (Henri). — En voyage, poèmes. 

Guyot (Maurice) et X. — Comme dirait... une série de pastiches 
ingénieux d'écrivains célèbres, vivants ou morts, d'Henry 
Bataille à Willy, en passant par Paul Bourget, Victor Hugo 
Racan, Jules Renard, Sully Prudhomme. C'est un très 
joU divertissement littéraire, auquel on ne peut faire 
qu'un reproche, celui d'avoir été précédé par un chef- 
d'œuvre du genre : A la manière de... Parmi ces pastiches, 
qui ont souvent une tendance un peu excessive vers la cari- 
cature, j'ai particulièrement goûté ceux de Sully- Prud- 
homme et de Rudyard Kipling. 

Laval (Dr Victorien). — Le Général Joseph-François Dours. — 
Sa vie politique et militaire — Sa mort tragique (1739- 
1796). 

Lebas (Georges). — Histoire d'un port norm^ind sous la Révolu- 
ton et V Empire. C'est l'histoire de Dieppe de 1789 à 1815 : 
« Vingt années de guerres maritimes, — les Corsaires de la 
Manche, — la Pêche». J'aime beaucoup ces histoires locales 
qui nous font voir de si près, dans leur cadre restreint, cer- 
tains événements et certains héros de la grande histoire. 
C'est très amusant, très instructif aussi, et précieux sou- 
vent pour la compréhension de l'histoire générale. Le 
livre de M. Lebas figurera très honorablement dans cette 
bibUothèque d'histoire régionale; il est pittoresque, amu- 
sant, et sa relation de la guerre de course dans la Manche 
est du plus captivant intérêt. 

Lemarchand (Victor). — Le Lion de Pierre, poèmes. 

Le Moyne (Yves). — L^ Agonie des fleurs, poésies. 

Litta (Paolo). — La Déesse nue, un bien curieux ouvrage dédié 
« A notre maître Léonardo da Vinci », où l'auteur étudie 
« la danse comme moyen ésotérique d'expression musi- 
cale » 

Maître (Henri). — Les Jungles moi. 

Martin Petitclerc. — La Couronne de Xanthippe, un fort spiri- 
tuel recueil d'épigrammes dont l'auteur prétend, avec une 
fort orgueilleuse modestie, laisser le mérite au bon Socrate. 
On vous a raconté que Socraten'avait jamais rien écrit; mais 
la perspicacité d'un savant personnage baptisé Courtaud- 
Profiterol a changé tout cela : ce savant a découvert, en 
effet, un précieux manuscrit que M. Martin Petitclerc a 
traduit et dont il a extrait ces « petits vers socratiques à 
l'usage de quelques épouses et pour l'agrément de nom» 



MÉMENTO DES MOIS d'AOUT ET DE SEPTEMBRE 293 

breux maris » ; je vous Kvre la conclusion prêtée au philo- 
sophe grec et interprêtée par le poète français : 

C^est parce que ma femme, amis, est sans raison 
Que la raison ntHnspire une amour si profonde 
Et j^ aurais moins besoin de renseigner au monde 
Si je Vavais dans ma m^aison. 

Et voilà qui démontre l'utilité de Xanthippe qui a bien 
mérité cette couronne « mi d'épines mi de fleiu-s ». 

Masson (Frédéric). — Journal de déportation à la Guyane fran- 
çaise (fructidor an V-ventôse an VIII), publiés d'après 
les manuscrits inédits et souvenirs de Laffon-Ladébat, 
président du Conseil des Anciens. 

Merlet (Louis). — Trois Artistes. « J.-Francis Aubtu-tin, E, An- 
toine Boiu-delle, Charles Cottet », des conférences faites en 
1911 et 1912 par la Société Française de l'Art à l'École. 

Michel (André) et Gaston Migeon. — Les Grandes institutions 
de France : le Musée du Louvre « Sculptures et objets d'art 
du moyen âge, de la Renaissance et des temps modernes ». 

Moreau (Emile). — Théâtre, pr volume (en collaboration avec 
Victorien Sardou) : Madame Sans-Gêne, Cléopâtre et Dante. 

Moreau (Lieutenant). — Nos enfants de troupe tués à Vennemi. 

Mortier (Raoul). — La Sénéchaussée de la Basse-Marche. 

Nadaillac (Colonel Marquis de). — Mémoires de la marquise de 
Nadaillac, duchesse d'Escars, « suivis des Mém,oires inédits 
du duc d'Escars ». L'auteur a voulu, par cette publication, 
rendre im hommage de piété filiale à celle dont toute la vie 
peut se résumer dans ces deux mots : « Dieu, le Roi ». Cet 
hommage de piété filiale nous vaut un livre d'un bien 
piquant et bien vif intérêt. M^^^ d'Escars n'a pas eu, 
nous dit-on, la prétention d'écrire l'histoire des grands 
événements qui se sont déroulés de 1790 à 1812; elle 
raconte simplement les épisodes de sa vie si mouvementée 

, au cours de laquelle cette grande dame connut tant de 
splendeur et tant de misère, tour à tour émigrée pendant 
la Révolution, exilée pendant le règne de Napoléon P'". 
Tout cela, elle nous le restitue en des pages ardentes et 
verveuses, dont la sincérité ne saurait faire de doute, car 
elles fiu-ent écrites non pour le]| public, mais pour elle- 
même et pour sa famille. 

Noussanne (Henri de). — L'Ecosse. 

Orléans et Bragance (Prince Louis d'). — Sous la Croix-du-Sud : 
« Brésil, Argentine, Chili, Bohvie, Paraguay, Uruguay». 

Perret (Emile). — Cœur et Raison, poésies. 

Picard (Ernest) et Louis Tuetey. — Correspondance inédite de 
Napoléon I^^, conservée aux Archives de la guerre. Tome II 
1808-1809. 

Raynaud (M™^ Camille). — Les Heures marocaines, poésies. 

Reichlen ( J.-L.). — L'Alliance franco-suisse, a étude historique, 
politique et économique ». 

Remy (Lieutenant-aviateur). — Comment on forme~un aviateur. 

Richement (de). — Jeanne d'Arc d'après les documents, 
œuvre posthume d'un officier supérieur mort récemment. 



294 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

H semble, écrit l'éditeur, que tout ait été dit sur cette admi- 
rable histoire et qu'après le superbe monimnent élevé en 
mémoire de Jeanne d'Arc par le R. P. AyroUes, il ne reste 
plus rien à faire ni à écrire. Mais tout le monde ne peut 
pas posséder ni même lire les cinq énormes volumes qui 
forment cet ouvrage. Il était utile que ces précieux docu- 
ments fussent Condensés en un volume qui pût être à la 
portée de tous. Tel fut le' but de M. de Richemont, qui a 
écrit cette histoire en soldat, « ainsi qu'on peut s'en aper- 
cevoir à l'allure du style et aux termes tout militaires 
semés dans l'ouvrage », et en chrétien qui a lu, pour pou- 
voir les réfuter, « les historiens incrédmes ou impies tels 
que Michelet et Henri Martin ». 

Rostand (Maurice). — Voir Rosemonde Gérard. 

Saillard (G. ). — Florian, « sa vie, son œuvre ». 

Saint-Cyr (Charles de). — Toute mon âme, poèmes. 

Saint-Georges de Bouhélier. — La Romance de VHomm.e, poé- 
sies. Vous retrouverez dans ces pièces, à la fois si fami- 
lières et si lyriques, les belles et nobles qualités de ce poète 
étrange et profond, qui est un vrai poète. Elles sont pla- 
cées sous l'invocation du vagabond Malheur ; ce vagabond 
il l'a vu venir vers lui et, nous dit-il, 

J^ai frissonné. Mon hôte enfin m^a pris la m,ain, 
Je me suis dit : voici m,on dernier jour humain 
Et, sous le triste chant des cloches funéraires, 
J^ai vu des anges gris tourner dans la bruyère... 
Mais, sans plus de raison, froid fantôme qui fuit, 
U étrange visiteur a disparu sans bruit... 
Et je suis resté seul, tandis que, sur la route. 
Traînaient les perles d^eau d'une aube qui s'égoutte... 

Saint-Maurice (Comte de ). — Les Instruments niodernes de la 
politique étrangère, « Les Emprunts d'Etat ». Poursuivant 
la publication de son important ouvrage, l'auteur étudie 
aujourd'hui la « situation de l'Angleterre, de l'Allemagne, 
des États Balkaniques et de la Grèce »; c'est, en quelque 
sorte, un bilan financier et économique des peuples avec 
lesquels la France s'associe pour la mise en valeur de leiu-s 
biens fonciers, de leurs sources naturelles; or, les peuples 
qui font appel à l'épargne française sont presque le monde 
entier, et l'on peut parler, sans exagération, du protec- 
torat financier de la France à l'étranger. C'est bien inté- 
ressant, et quoique 1'» éloquence des chiffres » soit un cliché 
un peu fatigué par un long usage, il est difficile de ré\'iter 
à propos du livre de M. de Saint-Maurice. 

Schneider (Edmond). — Uldée pathétique et vivante, un choix 
de pensées de François de Curel. 

Sigall (M.^^ Renée). — Fruits d'atelier, quelques comédies pim- 
pantes et spirituelles qui sont présentées en une gentille 
préface par M. Jean Aicard. 

Stradiot (Jean). — A la Venvole, des poèmes émouvants et 
gracieux qui ont pour auteur un officier aviateur mort 
pour la Patrie. 



MÉMENTO DES MOIS d'aOUT ET DE SEPTEMBRE 295 

Tuetey (Louis). — Voir Emest Picard. 

Van Bever. — La Normandie vue par les écrivains et les artistes. 
L'auteur a recueilli dans ces quatre cents pages une foule 
prodigieuse de textes et de documents, et il a rédigé un 
guide pratique des curiosités artistiques et naturelles de 
la Norniandie : « Ce qu'il faut voir », qui est vraiment un 
modèle du genre. 

Week (René de). — La Vie littéraire dans la Suisse française. 



OCTOBRE 



LES ROMANS 



AUGUSTE BAILLY 

Les Chaînes du Passé. 

Le roman que M. Auguste Bailly intitule les Chaînes 
du Passé est un fort beau livre qui place Fauteur des 
Prédestinés, dont j'ai naguère salué les débuts, au pre- 
mier rang de la jeune génération littéraire. 

« Encore un ! », vont dire, sans doute, avec un sourire, 
les censeurs qui voient un blâmable parti pris de bien- 
veillance dans ces enthousiasmes dont je suis trop pro- 
digue à leurs yeux. 

Cette prodigalité, je persiste à la croire justifiée par 
l'abondance merveilleuse — et terrible ! — des talents 
dignes de remarque parmi lesquels la renommée, forcé- 
ment moins généreuse, choisira quelques élus, dédai- 
gnant tant d'autres dignes d'un meilleur sort, et vic- 
times de l'embarras du choix. 

M. Auguste Bailly mérite d'être de ces élus : son 
roman écrit en une belle langue harmonieuse et ferme 
est d'une pensée très noble, très haute, très humaine. 
Le héros, Pierre Daurelle, nous raconte sa douloureuse 
histoire en un journal précis, minutieux, impitoyable, 



OCTOBRE. — LES ROMANS 297 

OÙ parfois une date notée vient marquer une étape dé 
souffrance; cette souffrance, il Tétudie en conscience, il 
la raffine, il la raisonne sans cesse; et, chose admirable, 
cet examen de trois cents pages, qui semble devoir à la 
longue être assez fastidieux, nous cause une émotion 
sans cesse renouvelée, qui devient toujours plus poi- 
gnante et plus pathétique : c'est que, derrière cette 
confession psychologique, un drame se déroule, drame 
intime et formidable, qui la pénètre, l'emporte, lui 
donne toute sa valeur, toute sa puissance humaine. 

Pierre Daurelle est un individualiste résolu ; il a rêvé 
de dresser une morale scientifique, pratique, sans pré- 
jugés, sans hypothèses, sur les ruines des morales tradi- 
tionnelles, — et il a réalisé son rêve : écrivain et philo- 
sophe respecté, il connaît les ivresses du chef d'école 
exalté par des disciples fervents, honni par des adver- 
saires exaspérés; homme, il a mis ses doctrines en pra- 
tique : il a « vécu sa vie », il est allé jusqu'au bout de 
son « droit au bonheur ». Sans se soucier des victimes 
qu'il sacrifiait à ce « droit », de sa noble et tendre femme 
Claire, de sa petite fille Suzette, il a suivi son entraîne- 
ment pour Agnès qu'il a épousée aussitôt après la mort 
souhaitée, hâtée, de sa première femme. 

Et puis, peu à peu, les « chaînes du passé » ont pesé 
sur lui de tout leur poids : sa conscience d'homme libre, 
s'est posé des questions douloureuses ; les « lois non écri- 
tes » qu'Antigone invoque dans sa réplique à Créon se 
sont irrésistiblement imposées à lui, ces lois dont l'au- 
torité n'a pas été entamée depuis Sophocle, et contre 
lesquelles toutes les réformes des législateurs et tous 
les systèmes des philosophes ne pourront rien. Et quand, 
désespéré, privé de la femme qu'il adorait, il a voulu 
s'évader du moins de la vie, cette libération même ne 
lui a pas été permise : le grand individualiste, le liber- 
taire conscient a dû se soumettre très humblement aux 
lois surhumaines méconnues et dont une frêle enfant 
exprima les volontés avec une puissance irrésistible et 

*17. 



298 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

inconsciente, emprisonnant dans la vie « l'homme libre », 
rivé pour toujours aux chaînes du passé... 



,J.-H. ROSNY, aîné 

Les Rafales « roman de mœurs bourgeoises ». 

Avec les Rafales, M. J.-H. Rosny aîné commence, 
nous dit-il, « une série de récits étroitement apparentés 
les uns aux autres : chacun des Lérande ( c'est le nom 
de son héros) en particulier fera Tobjet d'un roman 
complet ». Cette déclaration liminaire m'a séduit par 
son audace et sa vaillance : il est beau, en notre temps 
d'efforts limités, d'entreprises rapides, de savoir, d'af- 
firmer, au seuil d'un roman qu'il est le premier d'une 
longue série raisonnée, logique, construite déjà dans la 
pensée. C'est une promesse audacieuse, M. J.-H. Rosny 
aîné n'y faillira point : il est de taille. J'ai dit maintes 
fois mon admiration pour la fécondité de cet écrivain 
et pour la magnifique souplesse de son talent qui se 
meut avec la même aisance dans le roman de mœurs 
et d'amour, dans le roman social et dans la nouvelle, 
dans la préhistoire et dans l'anticipation, et qui lui 
permet de nous donner, à quelques mois de distance, 
deux œuvres aussi différentes que cette vaste épopée de 
« la Mort de la terre » et ce roman bourgeois des « Rafa- 
les ». 

Les « Rafales » qui dévastent le foyer d'Antoine Lé- 
rande sont assez médiocres : ce sont les déboires d'un 
homme dénué de sens pratique et qui, dans le gouffre 
sans fond d'entreprises chimériques, a englouti sa for- 
tune, la dot de sa femme, toutes les ressources décou- 
vertes autour de lui : il se trouve enfin, par ce qu'il 
appelle la malchance, acculé à la faillite puis, à cette 



OCTOBRE. — LES ROMANS 299 

déchéance suprême, à son sens : la nécessité de devenir 
un employé. 

Déboires médiocres, mais plus pathétiques que les 
plus grands drames : ces mille misères de la maison d'où, 
peu à peu, sont partis les meubles, les bijoux, les 
tableaux, puis les reconnaissances; où l'homme revient 
le soir, accablé et fiévreux; où la femme tremble et plie 
sous la rafale qui passe ; où les enfants connaissent trop 
tôt les angoisses, les inquiétudes, la terreur du créan- 
cier qui crie, de la domestique qu'un long crédit a ren- 
due souveraine; toutes ces petites choses pitoyables, 
observées avec minutie, composent ensemble un tableau 
déchirant et qui, dans son intimité, dans son étroitesse, 
apparaît vaste comme la misère du vaste monde. Et 
c'est très poignant, très humain, très beau. Ces petites 
défaites du vaincu qui s'acharne honnêtement, obsti- 
nément, à sa ruine, c'est toute l'infortune des hommes; 
ces humbles démarches de la mère qui veut défendre 
et sauver ses petits, c'est tout le magnifique héroïsme 
des femmes; ces enfants qui comprennent déjà, qui, 
jusque dans leurs jeux, évoquent des misères, c'est 
toute l'enfance si douloureuse, si émouvante, trop tôt 
avertie du malheur. 



E.-F. BENSON 
Rose d'automne. 

(Traduction de M. Bernard-Derosne.) 

Le roman de l'écrivain anglais E.-F. Benson, est un 
livre aux belles lignes harmonieuses et simples, de belle 
santé, de bonne humeur, d'émotion profonde et sincère, 
un beau roman en vérité et qui retrouvera en France le 
succès considérable qui l'accueillit outre-Manche. 

Rose d'automne, c'est la femme de quarante ans — 
celle à qui Balzac galamment donnait trente ans — si 



300 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

belle, si émouvante, dans la plénitude de sa grâce, de 
sa séduction, de sa beauté morale et intellectuelle; 
image radieuse sur laquelle il n'y a qu'une ombre, la 
menace du lendemain: rose d'automne éclatante que 
guette l'hiver trop prochain. 

Mrs Edith Allbutt incarne, dans toute sa noblesse et 
sa grâce, cette rose d'automne. Elle s'était mariée, par 
amour, il y a quelque quinze ans avec un ivrogne débau- 
ché qui lui fit subir un long martyre, et puis, l'heure de 
la libération venue — son mari mort — elle s'est appli- 
quée héroïquement à reconstruire sa vie morale sur les 
ruines du passé et, après trois ans de recueillement, elle 
reparaît dans le monde, plus belle, plus spirituelle, plus 
brillante qu'auparavant, traînant tous les cœurs après 
elle, rayonnante, pétrie de grâce et d'esprit. 

Son amour de la vie, son désir passionné de rayonne- 
ment et d'activité, elle le tournera, non pas vers les 
amours qu'elle ne croit plus permises, mais vers les joies 
de l'art et du théâtre; elle a écrit dans le silence et le 
recueillement une œuvre admirable qu'elle fera repré- 
senter sous un pseudonyme obscur, et cette œuvre rem- 
porte le triomphe magnifique qu'elle osait à peine espé- 
rer. Mais, chemin faisant, elle a rencontré cet amour 
que des préjugés estiment hors de saison. Hugh Grain- 
ger s'est épris pour elle d'une grande tendresse et elle 
l'a aimé passionnément; seulement, il a vingt-cinq ans 
et ce serait une union folle. 

Cette folie, ils l'accomplissent dans toute la sagesse 
de leur passion et, aux côtés d'Hugh Grainger, qui est 
un grand musicien, elle mène une vie de bonheur idéal, 
embellie encore par la naissance d'un enfant. Mais c'est 
trop beau : peu de mois après, la maladie s'empare 
d'elle et elle meurt, tout à la fois désespérée et radieuse, 
en plein bonheur, en plein amour, sans avoir connu la 
tristesse des lendemains douloureux. 

Ceite histoire si belle, si émouvante, se déroule dans 
les décors évoqués avec une vérité, une bonne grâce 



OCTOBRE. — LES ROMANS 301 

délicieuses ; les mœurs anglaises y sont observées le 
plus spirituellement du monde, les caractères y sont 
magistralement campés, et c'est un très beau roman qui 
se donne le luxe de présenter un agrément infini. 



RAYMOND CLAUZEL 

L'Extase. 

Ce n'est point faire injure, je crois, aux lecteurs de 
romans d'afïîrmer qu'ils ne sont pas nombreux en notre 
temps à se passionner pour les problèmes de haute 
morale et de doctrine religieuse; et il y a vraiment 
quelque témérité pour un écrivain de faire du quié- 
tisme et de l'Extase le sujet d'un roman. 

M. Raymond Glauzel a eu cette témérité et, chose 
admirable, il a réussi à faire de l'Extase le plus vivant, 
le plus humain, le plus moderne des romans, un roman 
capable de passionner cette foule qui est indifférente 
— ou qui se croit indifférente — à l'histoire du quié- 
tisme enterrée avec M^^ Guyon, avec Fénelon et avec 
Bossuet. 

Ce roman aura-t-il la fortune qu'il mérite? Je le sou- 
haite. En tous cas, je suis très sûr que c'est un beau 
livre, émouvant, profond et généreux. L'auteur a voulu 
écrire un « roman spirituel, évoquer la vie de l'âme dans 
quelques-unes de ses manifestations particulières » et, 
quoi qu'en pense le scepticisme de nos bons matéria- 
listes, l'âme est un sujet qui en vaut un autre; il y a 
dans son histoire des faits réels au même titre qu'un 
déraillement de train ou une éruption de volcan. « Les 
mystiques, les illuminés, les ascètes, les solitaires irra- 
diés existent aussi véritablement que les ivrognes, les 
avares, les peseurs de denrées, et les remueurs de matiè- 
res. Nous digérons, mais nous rêvons aussi, et quelque- 



302 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

fois nos rêves montent très haut ». L'alliance ou le 
conflit de Tâme avec le corps produit les désordres les 
plus dramatiques du monde « L'ange ne terrasse pas 
toujours la bête, ni la bête l'ange. Ils s'accouplent sou- 
vent, et, parfois, sous une telle fascination, qu'ils s'as- 
souvissent ensemble en d'inconscientes perversités ». 

Peut-être ce préambule vous paraîtra-t-il sévère ? Ne 
vous laissez pas arrêter, allez plus avant : l'histoire du 
vicomte Sylvestre d'Amancey, élevé par sa mère rigide 
et par l'abbé Fustel d'une si étroite et si rigide vertu, 
de Claire, sa cousine, et de Germaine, son amie, qui nous 
expose ces luttes et ces théories sous la forme concrète 
d'un roman, est vivante, je vous assure, captivante et 
belle. M. Raymond Clauzel nous l'a contée en des pages 
remarquables toutes pleines de couleur, de pensées et 
d'images; il y a même trop d'images, et je n'aime pas 
« l'âme qui grelotte comme les feuilles d'avril sous un 
vent froid » ni « les nénuphars qui tendent leurs belles 
coupes d'or au soleil ». Mais c'est une petite querelle, et 
il reste assez d'images heureuses, de pensées profondes 
et fortes pour plaider et pour gagner la cause de ce livre. 



PIERRE MAC ORLAN 

La Maison du Retour écœurant. 

La Maison du Retour écœurant est un roman humo- 
ristique. Si vous ne vous en étiez pas avisé en lisant ce 
titre un peu étrange ou la pensée de l'auteur mise en 
épigraphe : « Toutes les familles pauvres possèdent un 
marteau et un tournevis », vous le remarqueriez en tous 
cas dès les premières pages où l'on nous présente les 
héros du livre : Thomas Turnlop et son neveu Paul 
Choux. 

Thomas Turnlop, anglais de naissance, est devenu 



OCTOBRE. — LES ROMANS 303 

nègre par accident : au cours d'une aventure périlleuse, 
il a vu ses cheveux jadis noir blanchir instantanément, 
sous le coup de la peur, mais, par contre, le noir de sa 
chevelure s'est répandu sur sa peau lui donnant toutes 
les apparences du nègre le plus attaché aux traditions 
dermiques de sa race. Son neveu est un garçon diligent 
qui, les jours de grande réception, « met du charbon 
neuf dans le foyer des quatre vaches à vapeur qui don- 
nent par jour deux cents litres de lait chaud ». 

Vous le voyez, nous sommes en plein humour, et 
c'est ainsi tout le long du roman, pendant tout le cours 
des aventures extraordinaires de Paul Choux sur les 
océans, de Turnlop dans son cottage normand. C'est là 
un ton assez difficile à soutenir dans tout un livre de 
deux cents pages, et il est malaisé d'avoir tant d'esprit 
pendant si longtemps sans risquer de devenir un peu 
fastidieux. Nous supportons plus facilement les larmes 
à jet continu que le rire. 

M. Pierre Mac Orlan a réussi cependant le mieux du 
monde à nous ingérer cet humour à forte dose; il est 
presque toujours amusant, et parfois tout à fait drôle, 
et nous arrivons fort agréablement et sans fatigue au 
terme de ce voyage en « loufoquerie ». 



TOKUTOMI KENJIRO 
Plutôt la Mort. 

(Traduction de M. Olivier Le Paladin.) 

Nous ne connaissons guère la femme japonaise que 
sous l'aspect si gracieux, si poétique de M^^ Chrysan- 
thème; il y en a une autre, hélas ! singulièrement plus 
répandue, et dont la condition est plus douloureuse et 
plus pénible. Le romancier Tokutomi Kenjirô nous l'ex- 
pose dans ce roman très japonais, dont la traduction 



304 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

de M. Olivier Le Paladin, a respecté la couleur et Tex- 
traordinaire saveur. 

C'est l'histoire de la pauvre petite Nami-Ko, épousée 
par renseigne de vaisseau Takeo, qui s'en va au loin, la 
laissant au pouvoir terrible de sa marâtre qui la déteste 
comme la belle-mère traditionnelle d'Europe, et qui a 
des moyens plus puissants de lui prouver son aversion. 
Elle a décidé de faire répudier Nami-Ko et, malgré la 
résistance de son fils, elle y parvient; elle oblige le père 
de la jeune femme, le célèbre général Kataoka-ki, à la re- 
prendre, et Nami-Ko meurt phtisique, inconsolable et dé- 
sespérée. Takéo, qui l'aimait, vient pleurer sur sa tombe 
auprès de son père; larmes fugitives, car des Japonais, 
des soldats, ne doivent pas s'attendrir longtemps :« c'est, 
par l'épreuve qu'on devient un homme et que le cœur 
se trempe ». Et les deux hommes, laissant au cimetière 
l'objet de leur tendresse et de leurs regrets, s'en vont 
ensemble en devisant : « Il y a bien longtemps que je 
n'ai eu le plaisir de vous voir. Racontez-moi tout à 
l'aise ce qui s'est passé à Formose ». 

Cette histoire qui comporte, vous le pensez bien, 
d'autres épisodes : récits de guerre, aventures d'amour 
et de haine, évocations de décors, est, nous dit l'au- 
teur, tout à fait véridique : la répudiation de Nami-San, 
la douleur de Takéo-Kun, l'indignation du général do 
division Kataoka qui recueillit chez lui sa fille, la cons- 
truction qu'il fit faire d'un pavillon dans un endroit 
tranquille de son parc pour y soigner son enfant malade, 
son excursion à Kyoto et Osaka en compagnie de Nami- 
San avant l'éternelle séparation, son refus d'accepter les 
fleurs envoyées par la famille Kawashima pour les funé- 
railles, tout ce drame s'est déroulé vraiment. « Ce qu'il 
y a d'insipide dans ce roman, dit Tokutomi Kenjirô, 
cela tient à mon incapacité, et s'il y a une note qui 
empoigne le lecteur, eh bien ! cette note, je l'ai recueil- 
lie de la bouche d'une femme, un soir d'été ». Et certes, 
il prend là une précaution inutile qui témoigne d'une 



OCTOBRE. — LES ROMANS 305 

excessive modestie : le livre est palpitant, d'un art 
étrange, fruste et prenant; il évoque, avec des procédés 
littéraires tout à fait modernes et de chez nous, des 
mœurs très lointaines et très archaïques, et c'est tout 
à fait ingénu, subtil et profond. 



PIERRE LHANDE 

Luis. 

Ce roman se divise en deux parties : la première, « A 
l'école des domestiques », s'orne de cette épigraphe 
empruntée à Paul Bourget : « On demeure étonné de 
Teffrayante facilité avec laquelle, et depuis toujours, 
les gens des plus beaux noms abandonnent leurs enfants 
à des influences douteuses; la seconde, « L'ineffaçable 
empreinte », est commentée par la parole de Musset : 
« ... Lorsque la première eau qu'on y verse est impure... » 

Ces deux titres, ces deux épigraphes résument toute 
l'histoire de Luis, fils du comte T..., ambassadeur de 
France à Madrid, que ses parents confièrent impru- 
demment aux soins des domestiques; ses jeux de plein 
air se déroulent avec les pires vauriens dans les fau- 
bourgs populeux de Cuarenta Fanegas, et, quand il 
rentre au palais paternel de la Calle Mayor, c'est pour 
y rejoindre bien vite l'office... De telles fréquentations 
produisent l'effet qu'on en peut attendre : l'âme fière 
que Luis doit à ses origines se pervertit lamentable- 
ment. 

Certain jour, il découvre les amours coupables de sa 
mère; il en éprouve un vif chargin, une grande indigna- 
tion, et s'en va tout conter à son père qui comprend, un 
peu tard, la nécessité de le soustraire à son détestable 
milieu. Il l'envoie chez les Johannites, où il rencontre 
un éducateur admirable, le Père O'Leary, qui fera tout 



306 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

au monde pour effacer l'ineffaçable empreinte. Efforts 
superflus; Luis a le cœur fermé et flétri, il déteste sa 
mère et quand, son père étant mort dans un tragique 
accident, il apprend que sa mère va épouser son amant, 
il s'enfuit, il veut tuer l'intrus; une scène affreuse éclate 
entre le fils et la mère qui, impitoyable, envoie son 
enfant dans un pénitentier de Capucins. Ce dramatique 
roman se déroule dans les décors prestigieux de la ville 
madrilène et de la campagne andalouse brillamment 
évoqués. 



ANDRÉ GEIGER 

Fors l'honneur. 

Le « roman d'un lieutenant de vaisseau » que nous 
conte M. André Geiger, est une histoire considérable 
où s'accumulent et s'enchevêtrent, pendant quatre 
cents pages d'un texte serré, les plus dramatiques péri- 
péties. C'est excellent pour les lecteurs de romans, 
mais c'est terrible pour le chroniqueur qui a lu ces 
quatre cents pages et qui doit vous en parler en quinze 
lignes. 

Comment vous donner une idée de ces aventures du 
lieutenant de vaisseau Armand de la Joussière, épris 
de M°^6 Marcelle Bruce Simon, éperdument aimé de 
M^^ de Courseulles, poursuivi d'une haine farouche par 
le soldat Seré, et qui, pris entre ces deux amours de 
femmes et cette haine d'homme, est amené inconsciem- 
ment jusque sur le bord de la trahison. 

Heureusement, tout s'arrange avant que la catastro- 
phe définitive soit accomplie, grâce à l'intervention de 
M"^e de Courseulles, repentante, qui après avoir tout 
fait, — jusques et y compris l'abandon de sa personne, 
— pour perdre celui qu'elle aimait, se décide à tenter 



OCTOBRE. — LES ROMANS 307 

pour le sauver un effort désespéré qui va jusqu'au même 
abandon en faveur d'un autre bénéficiaire. 

Mais je m'arrête : je trahirais, sans doute, en insis- 
tant, ce roman qui est fort bien construit et où l'on 
retrouve ces qualités littéraires que nous avions aimées 
dans la Reine amoureuse où les circonstances les met- 
taient mieux en lumière. 



HAN RYNER 

Les Paraboles cyniques. 

Il y a bien longtemps déjà que je vous ai parlé pour 
la première fois de H an Ryner et Ton ne songeait guère 
alors à en faire le prince des conteurs. Cette élection 
qui n'ajoute rien à son talent ni à notre estime est un 
heureux prélude à la publication de son livre : les 
Paraboles cyniques, auquel les lecteurs de contes, avides 
de connaître bur nouveau prince, viendront sans doute 
en grand nombre. Ils ne seront pas déçus : M. Han Ry- 
ner leur raconte dans ce livre cinquante histoires où 
des vérités se drapent dans les nobles voiles des para- 
boles, « action précise comme un beau corps de femme 
dont, sous un voile, les traits s'estompent, les yeux bril- 
lent et le sourire s'indéfmise ». Pour peu que le lecteur 
ne craigne point de gagner son plaisir, il se divertira 
beaucoup à ces belles histoires dont M. Han Ryner 
reporte le mérite aux philosophes cyniques; il goûtera 
ces allégories avec lesquelles l'auteur a, tout à la fois, 
exprimé et voilé la vérité, avec des voiles parfois bien 
épais; mais leur prestige ne fait qu'y gagner : quand on 
comprend, c'est tout à fait intéressant; quand on ne 
comprend pas, c'est encore bien plus beau et impres- 
sionnant... 



308 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

RENÉ PERROUT 

Marins Pilgrin « Idées de Province ». 

M. René Perrout publiait, il y a quelques mois, un 
livre dont, je Tespère, mes lecteurs n'ont pas perdu le 
souvenir et qui, j'en suis sûr, restera parmi ceux qui 
défendront devant l'avenir la cause de la littérature 
contemporaine. Goëry Coquart bourgeois d'Epinal, est, 
en effet, une œuvre d'une rare perfection littéraire et 
d'une bien vive séduction. Le nouveau livre que M. René 
Perrout publie sous le titre : Marins Pilgrin, « Idées de 
province », est plein, lui aussi, de belles qualités, et s'il 
ne m'inspire pas le même enthousiasme, ce n'est cer- 
tainement point la faute de son auteur. D'abord, il ne 
m'apporte plus l'heureuse surprise du nom tout neuf 
qu'on a la joie de découvrir, et puis son sujet m'appa- 
raît moins séduisant : ce sont toujours de belles et 
tendres images d'Epinal — entendez des images spina- 
liennes, — mais, au lieu d'évoquer les grands bourgeois 
de jadis, les derniers temps de l'indépendance d'Epinal 
au xvii^ siècle, elles nous disent l'histoire de jeunes 
gens qui sont tout à fait de notre temps. Le roman de 
Marins Pilgrin et de son ami Pierre Auger commence 
en 1887, au soir d'un banquet présidé par Jules Ferry 
pour se terminer, je pense, aux environs de 1900. Et l'on 
a beau ne point mépriser son temps, il faut avouer que 
les choses d'autrefois avaient plus de grâce et plus de 
prestige. 

J'ai parlé du « roman » de Marins Pilgrin et de Pierre 
Auger; ce n'est point en réalité un roman; c'est, ainsi 
que nous en avertit M. René Perrout, une suite d'ima- 
ges. « Elles représentent, sous ses divers aspects, la vie 
de province, sa tranquillité, sa douceur, son silence, qui 
apaise ou qui^écrase ». 



OCTOBRE. — LES ROMANS 309 

îl « apaise » Pierre Auger qui vit heureux dans Texer- 
cice honnête de sa profession d'avocat, au milieu des 
meubles rares et des belles statues, auprès d'une 
épouse paisible et d'un bel enfant; qui marche avec 
calme en déroulant sa rêverie dont il aime la douceur. 
L'amour ne le déchire pas: il sait l'erreur des amants et 
leurs souffrances cruelles; il dédaigne les opinions des 
hommes qu'il sait dénuées de sens, de justice et de sin- 
cérité; les victoires populaires lui sont indifférentes : il 
poursuit l'estime des gens de bien et l'approbation de 
son cœur. C'est un enraciné, il demeurera à Epinal. 

Ce silence, au contraire, « écrase » Marins Pilgrin, 
qui n'est point comme son ami, glorieux d'une vieille 
souche spinalienne. Fils d'un Spinalien déraciné et 
d'une Provençale, il sera un déraciné; il a connu les 
amours violentes et tendres, aux lendemains doulou- 
reux, et les ivresses de l'avocat épris des triomphes d'é- 
loquence, acharné à défendre une cause, qu'il sait mau- 
vaise, devant des jurés dont il veut forcer la pitié. Il a 
vécu les émotions de la politique, il a voulu dominer 
avec sa parole une foule populaire qui l'a rejeté, et, de 
tous ces échecs, de toutes ces déceptions, il en veut à sa 
ville, il en veut à la province. «La vie provinciale est 
lourde, enveloppante comme la nuit qui descend; la 
province, c'est la solitude, c'est le silence »; et sa réso- 
lution est prise: il va s'enfuir vers Paris, malgré les 
conseils de son ami qui voudrait le retenir : « en pro- 
vince comme ailleurs, on peut étudier, regarder la 
nature, penser avec élégance, couler une vie artiste. 
Cela vaut bien tous tes mirages et tes bâtons flottants ». 
Mais Marins, déjà, ne l'entend plus: c'est un déraciné. 



310 LE MOÙVËMENt LITTÉRAIRE 

FRANZ TOUSSAINT 

Gina Laura. 

L'histoire de Gina Laura est fort émouvante : Gina 
Laura est la fille charmante d'un vieux joueur de harpe 
qui s'appelait jadis Pages et qui, sur la route de Bayonne 
à Biarritz où il erre mélancolique, a été surnommé 
Papa Praline à cause d'un inépuisable sac de bonbons 
qu'il distribue aux enfants. Une aventure pénible sur- 
venue à la petite Gina, un soir que ses parents avaient 
commis l'imprudence de la laisser seule, a flétri la jeu- 
nesse de cette enfant et troublé la raison de son père. 

Pourtant, elle a grandi en beauté et en talent, et elle 
est devenue une danseuse et une musicienne aujour- 
d'hui célèbre. Elle s'éprend pour Gerberoy, le héros et 
le narrateur de cette histoire, d'une tendresse ardente, 
exclusive, qu'elle lui déclare ; mais Gerberoy est un scep- 
tique qui accueille en souriant cette déclaration, et la 
pauvre Gina meurt de n'avoir pas été comprise. Il y a, 
dans ce roman un peu décousu, de l'émotion, de la sin- 
cérité et un certain désordre qui est parfois un effet de 
Fart. 



JEAN RENAUD 

Les Errants. 

Ce « roman colonial » a l'âpre saveur, l'intérêt poi- 
gnant, des histoires vraies. Sans doute, les lieutenants 
Paul Dambre et Georges Lancret, de l'artillerie colo- 
niale, le lieutenant de vaisseau de Brémond et cette 
touchante Glarita de Robert, sont des héros de roman 
et leurs aventures sont d'émouvantes fictions imaginées 



OCTOBRE, — LES ROMANS 311 

par récrivain ; mais, on le sent, leurs traits sont emprun- 
tés à la réalité; ces angoisses, ces espérances, ces émo- 
tions ont été ressenties par l'auteur, ou autour de lui; 
ces périls, il les a courus; cette vie, il l'a vécue. 

Ainsi, la vérité palpite sans cesse sous la fiction et 
donne à ce livre une portée plus haute que celle d'un 
simple roman; c'est un hommage émouvant aux 
errants, « à ces héros souvent obscurs qui s'en vont, 
derniers conquérants emballés après les dernières 
chimères». Leur triste roman moderne, M. Jean Renaud 
l'offre en hommage à M. Albert Sarraut, gouverneur 
général de l'Indo-Chine, qui « a vu leurs gestes, qui les 
a rencontrés dans la brousse avec leur figure hâve, avec 
leurs yeux qui regardent bien droit », et qui sait com- 
ment ils tombent pour la Patrie plus grande. 



SIMONE BODÈVE 

La petite Lotte. 

La Petite Lotte! Trois cents pages d'un texte serré, 
touffu, ont été nécessaires pour évoquer la destinée si 
courte de cette enfant qui, à vingt ans à peine, s'est 
évadée de la vie. C'est que M^^® Simone Bodève est 
soucieuse de vérité et de précision ; non seulement elle 
nous raconte en détail la vie de son héroïne, mais, che- 
min faisant, elle nous communique ses réflexions à elle, 
qui nous permettront de mieux comprendre l'âme 
émouvante et complexe de Charlotte Bugeot. 

Et c'est ainsi qu'à propos de la distribution des prix 
à l'école où fréquente Lotte, nous sommes informés 
des sentiments qu'inspirent ces cérémonies à l'auteur; 
c'est ainsi encore que, les Bugeot exploitant un com- 
merce de fleurs artificielles, nous sommes mis au cou- 
rant de la technique de ce commerce. Le roman est 



312 tfi HOÛVEMBNÏ' LtÏTéRAlftË 

d'ailleurs, avec toutes ces digressions, fort intéressant ; 
seulement il est, pour cette raison — et pour d'autres 
encore — assez malaisé à raconter. 

L'essentiel, c'est le drame qui dévasta l'existence de 
la petite Lotte certain jour où elle s'en alla toute seule 
avec son père à la campagne. L'affreux mystère de 
terreur pour la petite, de honte pour le père, a, pour 
toujours, empoisonné l'âme de Lotte. Malgré les 
ordres de sa mère, le séjour dans la maison paternelle 
lui est devenu insupportable; elle s'est sauvée, et puis, 
elle a rencontré un être d'élection qui l'a aimée et qui 
fut son idole. Elle a cru un instant qu'elle pourrait être 
heureuse, mais le douloureux secret l'oppressait 
affreusement; elle a compris, la pauvre innocente, 
qu'elle ne serait jamais digne de son ami et elle s'est 
sauvée dans la mort. 

Cette pâle petite figure faubourienne est évoquée 
par M^^ Simone Bodève avec beaucoup d'émotion et 
de sincérité. Les étapes de la déchéance du père, qui 
aurait pu ne pas devenir un mauvais homme, mais que 
l'austérité d'une femme épousée par amour a décou- 
ragé et dévoyé, les mille incidents de cette humble 
existence sont observés avec beaucoup de vérité, cette 
« vérité une et infinie, insaisissable et changeante » 
qu'invoque l'auteur au seuil de son roman. 



PIERRE LASERRE 

Le Crime de Biodos. 

Le livre de M. Pierre Lasserre pourrait être un 
roman policier; il en a tous les éléments : assassinat 
mystérieux, testament dissimulé, magistrats acharnés 
contre un innocent, que, d'ailleurs, tout accuse, et 
découverte finale du vrai coupable par une personne 



I 



OCTOBÏIË. — tES ROMANS 313 

qui n^appartient ni à la police ni à la justice, mais à 
qui son amour pour l'innocent soupçonné donne une 
belle clairvoyance et une merveilleuse énergie. 

Et avec tout cela, il serait inexact de dire que ce 
livre est un roman policier : M. Pierre Lasserre ne s'est 
point laissé, en effet, absorber par le récit de ces péri- 
péties dramatiques. Il a, en des pages colorées et pit- 
toresques, évoqué les décors béarnais où se déroule 
l'action; il a observé les mœurs, analysé les âmes de 
ses héros. Ce ne sont pas des fantoches de police qui 
s'agitent dans son livre, ce sont des hommes qui vivent, 
qui aiment et qui souffrent. 



CHARLES FOLEY 

Pernette en escapade. 

L'histoire de Pernette en escapade est tout à fait 
gentille; elle pourrait être fort scabreuse si l'auteur 
n'avait eu la ferme résolution d'être moral. Voici : 
Mlle Saugier, une riche et jolie orpheline à laquelle le 
prénom de Pernette, avec son petit air xviii^ siècle, 
va fort bien, est une personne très indépendante et qui 
fait ce qui lui plaît dans la vie. Il lui plaît notamment 
d'accepter dans une comédie de salon un rôle de jeune 
garçon, qu'elle prétend piocher avec beaucoup de 
conscience en s'affublant pour toute la durée de ses 
vacances d'un costume de cycliste masculin. 

Au cours d'une de ses randonnées, Pernette — qui 
est devenue Pernet comme il convient — fait la ren- 
contre d'un beau jeune homme, Gérard de Bucière; 
une grande sympathie s'établit tout de suite entre les 
deux garçons qui deviennent très bons amis. Au 
cours d'une promenade ils sont tous deux victimes d'un 
accident. Gérard, moins grièvement blessé que son 



314 LE MOUVEMENT LÎTTéRAlftË 

camarade, vient s'installer à son chevet, et le pauvre 
Pernet est quelquefois bien gêné de cette sollicitude; 
mais il n'est qu'au commencement de ses peines, car, 
une fois guéri, il est forcé de se mettre tour à tour à 
l'escrime, à l'équitation, et d'assister même, en frac, 
à une soirée que donne la tante de Gérard. 
- Au cours de cette soirée Gérard fera la connaissance 
d'une personne qu'on lui destine en mariage; et cela, 
c'est trop pour les nerfs de Pernet dont la sympathie a 
grandi et s'est muée en amour : il dit des choses désa- 
gérables à la fiancée, gifle son frère et, redevenue Per- 
nette il s'évanouit très gentiment. Je gagerais que vous 
avez deviné déjà l'épilogue de cette aventure et que 
vous savez que Pernette, remise en possession de son 
sexe, épousera Gérard, sera très heureuse, et renon- 
cera pour l'avenir aux manières et au costume des 
hommes. 

Tout cela est raconté par M. Charles Foley avec de 
l'agrément, de l'esprit et une gentille pointe d'émo- 
tion. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES 



DIVERS. 



BARON DE BATZ 

Vers l'Echafaud. 
« Germinal, Floréal, Prairial, An n. » 

Le baron de Batz, dont les prodigieuses aventures 
nous ont été racontées avec tant de verve par son petit- 
fils, est un héros tout à fait sympathique. Nous lisons 
avec infiniment de plaisir le récit de ses exploits et, 
comble de popularité, ce conspirateur, tant noirci par 
les historiens de la Révolution, a fait récemment, avec 
M. J.-J. Frappa, son entrée triomphale au théâtre, où 
on l'acclame de Torchestre au poulailler. 

Sommes-nous donc devenus si réactionnaires? Je ne 
suis pas sûr que ce soit là l'unique, ni même la prin- 
cipale raison de notre enthousiasme : si le baron de 
Batz nous enchante, c'est qu'il est la vivante image de 
la crânerie et de la révolte, en un temps où régnèrent 
universellement l'épouvante et la résignation. 

A cent vingt ans de distance, ces victimes qui, sans 
esquisser un geste de résistance, se laissèrent juger, 
condamner, exécuter, nous déconcertent. Elles ne 
manquaient point cependant, pour la plupart, de 
courage et d'héroïsme; leur attitude pendant les pro- 
cès, en prison et devant l'échafaud le démontre élo- 
quemment. Elles en avaient plus, en tout cas, que les 



316 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

bourreaux qui les envoyaient au supplice et dont 
Técœurante lâcheté se manifesta au lendemain même 
de la tourmente. 

Comment ces bourreaux, sans courage personnel, 
abrités derrière une parodie de légalité, purent-ils ter- 
roriser la foule muette et glacée d'épouvante et suppri- 
mer parmi leurs victimes toute tentative de résistance? 
Le baron de Ratz nous l'explique à Taide d'un exemple 
émouvant qu'il a trouvé dans sa famille : celui de son 
grand-père, le conseiller au Parlement de Toulouse, 
Jean-François de Montégut. Ainsi, par une singulière 
fortune, le même historien a trouvé dans des documents 
de famille ces deux exemples si contradictoires : celui du 
baron Jean de Batz, qui n'eut pas peur et qui montra 
impunément une si incroyable audace devant les 
périls incessants de la Terreur; et celui, bien plus 
répandu, d'une de ces victimes qui témoignèrent, en 
face d'une pareille tyrannie, de tant de soumission, 
d'abattement, de résignation, et parfois, chose étrange, 
de complaisance. 

C'est l'histoire émouvante et terrible des Parlemen- 
taires toulousains qui allèrent, par petites étapes, 
s'offrir au couperet de la guillotine, que le baron de Batz 
nous raconte et ces documents historiques nous font 
comprendre comment ces hommes si braves, si géné- 
reux, si résolus se laissèrent exécuter par la volonté 
sanguinaire de ces hommes de tribune et de clubs qui 
eussent, individuellement, tremblé devant eux. Il y a 
là un cas de psychologie et de psychiatrie bien curieux : 
« une sorte de langueur et d'atonie envahit alors tout un 
peuple, tandis qu'à la frontière ce même peuple, tou j ours 
sous une influence psychiatrique, faisait des prodiges, 
grâce à une surexcitation différente, mais émanée aussi 
de l'ambiance"' dans laquelle il se trouvait placé. » 



OCTOBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 317 

PAUL GAULOT 

Les Petites Victimes de la Terreur. 

Le Tribunal révolutionnaire, ses juges, ses jurés 
et ses magistrats sont depuis longtemps, devant 
l'histoire et devant l'opinion, en posture d'accusés : il 
semble bien que leur condamnation soit aujourd'hui 
définitive et sans appel. Chaque jour un historien nous 
apporte une preuve nouvelle de leur ignominie, et leurs 
défenseurs eux-mêmes ont perdu leur superbe : ils 
n'osent plus nous parler de la « sainte «Terreur qui a 
sauvé la France, ils plaident timidement pour ces 
bourreaux les circonstances atténuantes. De circons- 
tances atténuantes, il n'y en a qu'une, si l'on peut son- 
ger à l'admettre, c'est la peur, la peur ignoble qui fai- 
sait trembler ces hideux justic leurs et leur dictait 
leurs impitoyables sentences. 

Des procès comme ceux de Marie-Antoinette, de 
Vergniaud, de Danton, et de tant d'autres victimes 
illustres nous ont édifiés sur leur compte, et pourtant, 
ce n'est là qu'une faible partie de leur histoire : pour 
les apprécier vraiment, il faut connaître les Petites 
Victimes de la Terreur, cette foule, longtemps anonyme 
et ignorée, des humbles qu'ils envoyèrent à l'échafaud. 
Notre ami Paul Gaulot est allé chercher dans les 
dossiers du Tribunal révolutionnaire les noms et les 
histoires de quelques-unes de ces victimes, choisies 
parmi tant d'autres, et il nous raconte leurs aventures 
sinistres en des pages palpitantes de vie et d'émotion. 
Et c'est un modèle d'histoire anecdotique écrite en une 
langue excellente et simple, et c'est un document 
décisif contre la bande qui confisqua et déshonora la 
Révolution. 



18. 



318 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



ANDRÉ DELAROGHE-VERNET 

1870-1871 : Une Famille pendant la guerre 
et la Commune. 

Les hommes de ma génération s'intéressent pas- 
sionnément aux « histoires » racontées par les survi- 
vants de l'Année terrible, par ceux qui vécurent ces 
angoisses, ces douleurs et ces colères. Cette année que 
nous n'avons pas connue et qui pèse d'un poids si 
lourd sur la destinée de notre pays, et sur notre propre 
sort présent et à venir, excite en nous une curiosité 
insatiable où il y a, tout à la fois, un puéril désir de 
souffrir et de trembler rétrospectivement avec les 
enfants de ce temps-là et un sentiment plus mâle et 
plus noble de souvenir douloureux, d'espérance obsti- 
née. Le livre publié par M. André Delaroche-Vernet 
nous offre une précieuse moisson de ces histoires. 

Ce sont les lettres écrites pendant la guerre et la Com- 
mune par M. Philippe-Grégoire Delaroche-Vernet et 
par sa femme, née Marie Talbot; elles racontent sim- 
plement, presque au jour le jour, ce qui a été vu, ce qui 
a été ressenti dans une famille de Parisiens placés, par 
les circonstances et par leur situation, dans des condi- 
tions leur permettant de voir quelquefois un peu plus 
loin que d'autres. Et vous éprouverez, en les lisant, ce 
sentiment dont je parlais tout à l'heure; il n'y a là 
aucune révélation historique, mais ce qui est raconté 
« a été vécu, senti, souffert, par ceux qui ont écrit sous 
l'impression des malheurs qui étreignaient alors la 
France ». 



OCTOBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 319 



EMILE BERGERAT 

iSonvenirs d'un enfant de Paris. 

(5me volume : 1879-1884.) 

Voici le volume de ces charmants Souvenirs d'un 
enfant de Paris. A petits pas nous nous rapprochons 
du temps présent, ce sont déjà les années 1879 à 1884. 
Ces années-là, nous les avons connues, et leur prestige 
s'en trouve un tantinet diminué; petit enfant, nous 
avons regardé les images de Daniel Vierge et feuilleté 
la Vie Moderne, nous avons entendu parler des obsè- 
gues de Gustave Flaubert et regardé celles de Gam- 
betta; même le Voltaire et son feuilleton fameux 
furent familiers à nos yeux d'écolier curieux. Ce ne 
sont plus dès lors les « belles histoires » de jadis qu'on 
écoutait bouche bée à la table de famille, mais ce sont 
de belles histoires tout de même qu'Emile Bergerat 
évoque avec infiniment de talent, de grâce et de verve. 

Je voudrais bien vous parler longuement de ce joli 
volume, mais j'ai épuisé toutes mes épithètes en l'hon- 
neur des deux qui l'ont précédé; je me contenterai de 
vous dire le plaisir qu'il m'a causé, un plaisir où il y a 
un brin de mélancolie, une mélancolie qui ira sans doute 
en s'accentuant à mesure que les années passeront et 
que les Mémoires d'Emile Bergerat avanceront, se 
rapprocheront de nous et viendront me prouver que le 
temps dont je suis est d'âge à avoir son histoire. 

Ce petit accès de mélancolie fera bien rire d'ailleurs 
l'auteur des Souvenirs d'un Enfant de Paris, qui 
remercie, dans sa préface, le public d'optimistes qui 
leur fit un accueil si favorable. « Il n'est pas à douter, 
ajoute-t-il, que j'en doive le bénéfice à la bonne humeur 
où je m'efîorce de les maintenir, sans peine d'ailleurs, 
car elle est innée en moi, j'ai honte à mon âge de le 



320 LE MOUVEMENT LITléRAIRE 

dire, et la vie me Ta laissée, avec les cheveux, sa flo- 
raison peut-être. » 



DUGUÉ DE LA FAUCONNERIE 

Souvenirs d'un Vieil homme. 

Dans ces Souvenirs d'un Vieil Homme, M. Dugué de 
la Fauconnerie nous raconte, avec un grand luxe de 
détails personnels, treize ans de l'histoire politique 
française, de 1866 à 1879. J'ai lu, avec cette émotion 
dont je vous parlais l'autre jour, les pages palpitantes 
de M. Dugué de la Fauconnerie sur la guerre de 1870 ; les 
jours qui la précédèrent : la constitution du ministère 
du 2 janvier; ceux qui la suivirent : de 18,71 à la mort 
du Prince Impérial. Il y a là une foule de renseigne- 
ments pris sur le vif qui m'ont prodigieusement inté- 
ressé et qui seront utiles, je pense, aux historiens. Il y 
a aussi une explication de la vie politique de M. Dugué 
de la Fauconnerie, une sorte de plaidoyer pro domo, 
une affirmation de la doctrine à laquelle il resta im- 
muablement fidèle. 

Enfin, M. Frédéric Masson, saluant le retour de 
l'enfant prodigue, a donné au livre de M. Dugué de la 
Fauconnerie une préface tout à fait remarquable; 
vaste profession de foi politique où il n'a pas négligé 
de dire leur fait au Parlementarisme et aux Parle- 
mentaires. « A quoi une nation ne survit point, c'est 
au règne des Parlementaires, à la mise en oubli de 
tous les principes sur lesquels repose une société, à 
l'abolition de toute autorité légitime. Le Parlementa- 
risme est oppresseur au profit de la classe qui donne 
mandat aux parlementaires : habitués des loges et des 
comités, populace de petits bourgeois, marchands de 
vin ou tenanciers retirés, épiciers ou vétérinaires en 
exercice, instituteurs, usuriers de campagne, petits 



OCTOBRE. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 32t 

propriétaires, gens sans instruction, sans imagination, 
sans générosité, qui se sont mis à être athées entre 
deux absinthes, et à être républicains parce qu'ils ont 
absorbé la République ». Ce parlementarisme qui est 
oppresseur est nécessairement corrupteur : « le but du 
parlementaire, son but unique est d'être réélu, pour 
quoi il ne néglige rien : il se fait des créatures, n'im- 
porte comment, n'importe avec quoi, pourvu qu'ils 
votent; il se forme une clientèle qui ne puisse pas lui 
échapper. » 

Tout cela est bien sévère, mais avouons que des ora- 
teurs comme ceux du congrès de Tours font bien tout 
ce qu'ils peuvent pour justifier une telle opinion... 



ERNEST DAUDET 

La Chronique de nos jours. 

M. Ernest Daudet, historien éminent à qui nous 
devons tant de belles pages sur les hommes et les 
hoses du passé, travaille aujourd'hui pour les histo- 
I iens de l'avenir. Sous le titre : La Chronique de nos 
jours, il a réuni, des « Notes et souvenirs pour servir à 
l'histoire ». Ce sont des récits du temps présent publiés 
à l'époque même où s'accomplirent les événements 
qu'ils rappellent. « Ecrits, nous dit M. Ernest Daudet, 
sous l'influence qu'exercent sur nous les péripéties 
publiques, si fréquentes et si diverses dans les temps 
où nous sommes, et à l'aide d'informations puisées 
aux sources les plus sûres, ils n'ont guère d'autre 
mérite que celui de l'exactitude. » Ils ont, en effet, ce 
mérite, mais n'en déplaise à M. Ernest Daudet, ils 
ils en ont d'autres : ils sont très vivants, merveilleuse- 
ment documentés, écrits en un beau langage; une foule 
de personnages de la vie politique, artistique, litté- 



322 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

raire contemporaine y sont campés en des traits déci- 
sifs, et c*est Casimir-Périer, Ismaïl Pacha, la reine de 
Portugal, le général Saussier, Timpératrice d'Autriche, 
la maréchale de Mac-Mahon, le duc de Broglie, Thiers, 
Gambetta, Bismarck, le cardinal Perraud, Montalem- 
bert, Guillaume II, tant d'autres encore. Ce sont des 
pages captivantes, toutes pleines de renseignements 
précieux qui seront consultées plus tard avec profit 
par ceux qui aiment à pénétrer dans les dessous des 
événements et dans les coulisses de la vie contempo- 
raine. 



VICTOR GIRAUD 

Maîtres d'Autrefois et d'Aujourd'hui. 

M. Victor Giraud publie sous le titre: Maîtres d'Au- 
trefois et d/ Aujourd'hui une série d'essais d'histoire 
morale et littéraire sur Montaigne, Chateaubriand, 
Saint-Beuve, Taine et sur Brunetière; sur Sully- Prud- 
homme et Angellier et sur Gabriel Hanotaux. Dans 
une brillante préface, l'écrivain revendique ce titre 
d' « essais » et il précise le sens de ce vieux mot que 
Montaigne a rendu célèbre et qui, quoi qu'on en pense 
généralement, est très modeste; « l'auteur qui l'emploie 
n'a pas la prétention d'épuiser un sujet ou une ques- 
tion. Un livre vient de paraître qui traite un sujet sur 
lequel on croit avoir certaines clartés : on essaie le 
livre; on essaie l'auteur; on essaie après lui, le sujet 
qu'il traite ; on essaie les idées que le livre suggère ; on 
s'essaie soi-même au contact d'une personnalité étran- 
gère ». Et si l'on sait s'y prendre, ces essais successifs ou 
simultanés peuvent « fort bien servir à l'instruction, 
au divertissement, à la rêverie des honnêtes gens ». 

M. Victor Giraud a très bien « su s'y prendre ?> : il 
nous a donné sur ces maîtres une série d'études d'une 



ÔCtOBRË. — HtSTOÎRË, LÎTTéRAtURÈ, EÏC. 323 

belle tenue littéraire tout à la fois avenantes et pro- 
fondes, intermédiaires entre les brillantes improvisa- 
tions du journalisme et les gros volumes écrits par des 
spécialistes et pour des spécialistes, qui s'adressent à 
ceux qui veulent s'instruire sans trop d'efforts et qui 
pourtant ont gardé le goût du recueillement intellec- 
tuel. 



AUGUSTIN HAMON 

Le Molière du Vingtième Ifiècle : Bernard Shaw. 

Bernard Shaw est un auteur dramatique dont le 
nom est très fameux et l'œuvre fort peu connue chez 
nous : les quelques représentations qui nous furent 
offertes sur des scènes parisiennes ne peuvent, avec les 
meilleurs intentions du monde, donner qu'une idée 
assez lointaine de ce talent si complexe, si particulier. 
En attendant que nous puissions lire ces œuvres dans ' 
leur texte et les voir représenter tout à fait dans leur 
esprit, voici un très solide ouvrage où M. Augustin 
Hamon entreprend de nous expliquer Le Molière du 
Vingtième Siècle : Bernard Shaw. Le Molière du ving- 
tième siècle ! c'est un bien gros mot et un bien grand 
nom. 

Contentons-nous de constater qu'une bien intéres- 
sante et remarquable figure se dessine dans l'œuvre 
de M. Hamon et qu'après l'avoir lue nous avons une 
fière envie de connaître vraiment cette œuvre. C'est 
le souhait que forme l'auteur : « Je souhaite, dit-il, 
dans son épitre dédicatoire à Shaw, créer parmi ceux 
qui le liront le désir et de lire et de voir jouer vos 
comédies. Je souhaite faciliter le travail des critiques 
appelés à juger des pièces bâties avec la technique 
classique, qu'ils ont oubliée. Je souhaite susciter parmi 
la jeunesse littéraire de langue française, des admira- 



324 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

teurs de votre théâtre et des disciples. Il en résultera 
pour les lettres françaises et Tart dramatique un grand 
service, car la renaissance du classicisme, nécessaire à 
la rénovation théâtrale, ne pourra se faire que lorsque 
des écrivains de langue française suivront la voie que 
vous avez rouverte. » 



GUSTAVE LANSON 

Trois mois d'enseignement aux États-Unis. 

M. Gustave Lanson, qui est allé parler récemment 
de la France et des lettres françaises aux Américains, 
réunit ses observations en un volume intitulé Trois 
mois d'enseignement aux États- Unis. Ce livre écrit en un 
fort beau langage, Tauteur Toffre aux Américains plus 
encore qu'aux Français : « Je ne puis me flatter, après 
trois mois de séjour, d'apprendre l'Amérique aux Fran- 
çais; mais je puis montrer aux Américains comment 
a réagi ma nature française en présence de lem' civili- 
sation. J'ai confiance, dit-il à ses amis de New-York, 
de Boston et des autres villes, que si vous jetez les yeux 
sur ces pages, vous saurez découvrir ma sympathie 
dans ma sincérité. Il était fatal que certaines choses 
étonnassent un esprit façonné par une éducation fran- 
çaise, choquassent des habitudes formées par la vie 
française. J'ai dit tout comme je l'ai vu, comme je l'ai 
senti, sans déguisement, et sans prétendre d'ailleurs 
avoir raison dans mes étonnements et mes malaises. » 
Vous voyez que ce livre, écrit pour les Américains, 
intéressera vivement les Français, dont la curiosité des 
choses d'Amérique a été mise en éveil par notre ami 
Jules Huret et par tant d'autres après lui. 



MÉMENTO DU MOIS d'OCTOBRE 325 



MÉMENTO DU MOIS D'OCTOBRE 



ROMANS 

Broquetona (Jean des). — L'Amour meurt. 

Delavelle (Henri). — L'Ile enchantée. 

Gill (Mary). — Les Légendes slaves. 

Le Mière (Marie). — Roman d'âmes. 

Magog (H.-J.). — L'Enigme de la Malle rov^e. 

Maryan. — Aviour d'un testament. 

Meunier (M™e Stanislas). — La Princesse ennuyée. 

Moneœur (Eveline). — L' Incomparahle. 

Puy busqué (Berthe de). — Les lointains s'éclairent. 

Roubaud (Louis). — Le Rose et le Chris, recueil de nouvelles 

précédé d'une préface d'Henry Bataille. 
Sales (Pierre). — Le Docteur Miracle. 
Zaidan (G.). — La Sœur du Calife, roman traduit de l'arabe 

par MM. Bitâr et Monlié et précédé d'une préface de 

M. Claude Farrère. 



HISTOIRE. — LITTERATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Alexinsky (Grégoire). — La Russie moderne. 
Bœttcher (M™^ F.), — La Femme dans le Théâtre d'Ibsen. 
Bonnal (Ed.). — Wellington général en chef (1808-1814). 
Burke (Edmond). — Réflexions sur la Révolution Française 

(traduction de M. Jacques d'Anglejan). 
Cheffaud (P.-H.). — George Peele (1558-1596). 
Chuquet (Arthur). — Quatre généraux de la Révolution, « Hoche, 

Desaix, Kleber, Marceau » (Suite). 
Clerc (Charles). — Les Oasis, des poésies que couronnèrent 

cette année le prix de Sully-Prudhomme. 
Combette (Dominique). — Les Pèlerins d'Emmaûs, poèmes. 
Daoremont (Henri). — Poèmes Ardennais. 
Dante. — La Divine Comédie, une très intéressante traduction 

de M. Ernest' de Laminne. 
Davis (Le Révérend E. W. L.). — Chasses aux loups et autres 

chasses en Basse- Bretagne (traduction du comte René do 

Beaumont). 
Duboscq (André). • — Budapest et les Hongrois : le pays, les 

mœurs, la politique. M. René Millet nous dit, dans une 

19 



326 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

préface, l'intérêt et l'importance de ce petit livre. Les 
Hongrois valent la peine d'être étudiés, ils sont infiniment 
séduisants, braves et généreux, et pour tout dire, leur tem- 
pérament rappelle beaucoup le nôtre et « cependant, nos 
institutions démocratiques ne cesseront pas de leur ins- 
pirer une antipathie instinctive, et, d'autre part, l'alliée de 
la Russie leur sera toujours suspecte ». 

Escalle (Lieutenant C.-P.). — Les Marches dans les armées de 
Napoléon, volume préfacé par le Général Niox. 

Eudel (Paul). — De tout un peu, « derniers mélanges ». 

Faguet (Emile). — Fontenelle, « textes choisis et commentés ». 

Goudeau (Emile). — Poèmes à dire, nouvelle édition publiée par 
M. Jacques Ferny. 

Gourmont (Kemy de). — Promenades littéraires (quatrième 
série), « Souvenirs du Symbolisme et autres études ». 

Gros (Gabriel- Joseph). — La Beauté du Ciel, poèmes. 

Hauterive (Ernest d'). — La Police secrète du Premier Empire. 

Henriot (Philippe). — La Clairière aux Sources, poésies. 

Kipling (Rudyard). — Parmi les Cheminots de Vlnde (traduc- 
tion de M. Albert Savine). 

Lacaze-Duthiers (Gérard de). — La Liberté de la Pensée. Le 
libéralisme, le modernisme, le féminisme, le pragmatisme, 
les conflits de classes et le syndicalisme, l'action directe et 
l'action légale, le parlementarisme et le socialisme, la phi- 
losophie de l'inconscient, la littérature d'idées, tel est l'ob- 
jet, le vaste, l'immense objet des méditations de M. Lacaze- 
Duthiers, qui a étudié ces problèmes avec beaucoup de 
science, de conscience et de hauteur. « Envisageons, 
conclut-il, l'avenir avec sérénité. Vivons le présent avec 
sagesse. Réfugions-nous dans le travail. Le remède qui 
nous préserve de la mort, c'est de nous efforcer de créer le 
plus d'art possible pour nous-même et pour les autres. 
C'est de nous absorber dans une œuvre hautaine et désin- 



Lafontaine (Capitaine Claude). — A travers Vlnde. 

Laloy. — La Solution de trois énigmes : « le Masque de fer, 

Jacques Stuart de la Cloche, l'abbé Pregnani » avec un 

appendice sur « Raoul de Marsilly, sa conspiration, son 

procès et son supplice ». 
Laugel (Anselme). — La Culture française en Alsace. 
Laurent (Gustave). — Notes et Souvenirs inédits de Prieur de 

la Marne. 
Le Senne (Camille) et Guillot de Saix. — UEtoile de Seville, la 

version française et intégrale que les auteurs ont fait 

représenter du chef-d'œuvre de Lope de Vega. 
Lindenberg (Paul). — Charles I^^, roi de Roumanie. 
Luppé (Comte Mayol de). — La Captivité de Pie VII, d'après 

des documents inédits. 
Masson (P.). — Marseille et la Colonisation française. 
Matienzo (J.-N.). — Le Gouvernement représentatif dans la 

République Argentine. 
Maurel (André). — Paysages d'Italie. M. A. Maurel qui s'est 

fait de l'Italie une fort enviable spécialité, et dont les 



MÉMENTO DU MOIS d'oCTOBRE 32l 

« Petites Villes d'Italie » ont été considérées par beaucoup 
comme une révélation, entreprend aujourd'hui une pro- 
menade de Florence à Naples en passant par Volterra, 
Sienne, Montepulciano, Pienza, Ostie, Palestrina, Gaëte, 
etc., etc., paysages racontés en des tableaux dont l'ensem- 
ble constitue un guide tout à fait original. 
Noailles (Vicomte de). — Episodes de la Guerre de Trente ans : le 

Maréchal de Guebriant (1602-1653). 
Ollivier (Emile). — Histoire de VEmpire libéral (suite) : « Les 
derniers Moments ». Le Suicide : « Wœrth, Forbach, Ren- 
versement du Ministère ». 
Pellisson (Maurice). — Atta Troll. L'écrivain à qui nous devons 
une si intéressante traduction des « Chansons et poèmes » 
et du « Romancero » de Henri Heine, tente aujourd'hui la 
transcription en rimes françaises de cette œuvre exquise, 
profonde, et si intensément significative, poèmes fantasti- 
ques où l'on respire la vie intime de la mystérieuse Alle- 
magne. Bien difficiles à traduire, quoique le génie de 
Henri Heine y apparaisse si près de nous ! M. Maurice Pel- 
lisson s'en tire avec beaucoup d'adresse, de grâce et une 
science merveilleuse de la langue allemande. 
Pilon (Edmond). — La Fontaine, « textes choisis et commen- 
tés ». 
Pimodan (Comte de). — Les Fiançailles de Madame Royale, 
fille de Louis XVI, et la première année de son séjour à 
Vienne. L'auteiu* consacre à Marie-Thérèse-Charlotte, Ma- 
dame, fille du Roi, ce touchant et joli volume dont il a 
trouvé les éléments dans les Archives impériales et royales 
de Vienne, copies prises à la poste par les soins de la police 
autrichienne, et qui semblent d'une absolue fidélité. Ce 
volume met en lumière la figure mélancolique de la mal- 
heureuse captive du Temple, et « donne d'heureuses pré- 
cisions sur son caractère, ses rapports délicats avec la Cour 
de Vienne, qui aurait voulu lui taire épouser un archiduc, 
et avec son oncle Louis XVIII, qui se montrait jaloux d'af- 
firmer, aux yeux de tous, amis comme ennemis, ses titres 
de chef de la Maison de France ». Chaste roman d'une 
exilée qui força le respect dans les situations difficiles où 
le sort la promena, et dont la destinée fut peut-être infé- 
rieure à son rêve secret. 
Plantet (Eugène). — Mouley Ismxiël, empereur du Maroc, et la 

princesse de Conti. 
Rebillot (Général Baron). — Souvenirs de Révolution et de 
Guerre, Révolution de 1848, guerre de Crimée, guerre de 
1870-1871. 
Reinach (Salomon). — Cornélie ou le latin sans pleurs. En un 
ravissant petit volume qui, avec sa couverture de maro- 
quin rouge écussonnée d or, a tout à fait l'air d'un prix de 
Concours général en miniature, M. Salomon Reinach nous 
offre la plus gentille et la plus avenante des leçons de latin. 
Comme nos grammaires latines do jadis font piètre figure 
à côté de ce gracieux volume et comme j'envie les jeunes 
gens qui apprendront le latin sous une telle férule 1 Qu'ils 



328 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

en profitent au moins : aucune éducation esthétique ni 
littéraire ne tient lieu de celle que donne la sagesse romaine. 
M. Salomon Reinach n'a pas enseigné seulement dans ces 
deux cents petites pages les rudiments de la langue latine 
« il a tenté, en choisissant ses exemples, d'insinuer dans 
l'âme de la jeunesse studieuse quelque chose de la plus 
grande école de vertu qui fût jamais ». 

Rocheblave (S.). — Agrippa d'Aubigné. L'auteur a naguère 
publié un fort attrayant volume sur l'œuvre d' Agrippa 
d'Aubigné. Mais Agrippa d'Aubigné ne fut pas seulement 
un grand écrivain français, ce fut un héros; mieux: un 
héros de roman; et son historio^aphe nous raconte 
aujourd'hui la vie de ce héros. Ce livre où il n'est pas un 
trait qui ne soit pris dans la réalité, pas une anecdote qui 
ne soit rigoureusement vérifiée, est palpitant comme un 
roman de cape et d'épée; les événements s'y précipitent 
avec rapidité, car le livre est ramassé et concis, mais « l'a- 
brégé d une grande vie est peut-être d'autant plus saisis- 
sant qu'il est plus sommaire. Son caractère en prend d'au- 
tant plus de relief. Et la leçon d'héroïsme y apparaît 
écrite en plus gros caractères ». 

Rousseau (Henri). — Guillaume- Joseph Chaminade, fondateur 
des Marianistes, volume préfacé par Mgr Baudrillart, rec- 
te\ir de l'Institut catholique de Paris, où l'auteur étudie 
« le Réveil religieux au lendemain du Concordat » (1761- 
1850). 

Saix (Guillot de). — Voir Camille le Senne. 

Séché (Léon). — Le Cénacle de Joseph Delorme : « Victor Hugo 
et les poètes » (de Gromwell à Hernani), « Victor Hugo et 
les artistes ». 

Seitier (Joseph). — Visions ensoleillées, croquis pris de la 
frontière marocaine au sud algérien. 

Soc (Pierre). — L'Arbre, poème. 

Soulié (Gre orges). — Essai sur la littérature chinoise. 

Stendhal. — Vie d'Henri Brulard, une belle édition publiée par 
M. Casimir Stryienski de cette autobiographie de Stendhal 
dont il nous apporta, voici quelque vingt ans, la révélation, 
chef-d'œuvre devenu aujourd'hui à peu près introuvable. 

Strowski (F.). — Montesquieu, « textes choisis et commen- 
tés ». 

Tessan (François de). — Promenades au Far- V/ est. « Il n'est pas 
entré dans mon dessein, dit l'auteur, de synthétiser en un 
seul volume l'ardente et mobile beauté des provinces du 
Pacifique, non plus que de décrire cette ample comédie 
en cent actes divers qu'offre la vie dans le Far- West. Au 
hasard de longs vagabondages, j'ai seulement brossé une 
série de tableaux qui m'ont paru typiques et j'ai noté quel- 
ques-uns des traits significatifs des jeunes populations qui 
sont marquées d'une originalité particulière dans le monde 
américain ». Et il ajoute qu'il sera particulièrement charmé 
d'avoir attiré vers le Far- West quelques regards français. 
« Ils n'y trouveront pas seulement, dit-il, l'exemple des 
vertus étrangères, mais aussi de l'énergie de nos compa- 



MÉMENTO DU MOIS d'oCTOBRE 329 

triotes qui défendent là-bas nos traditions et notre dra- 
peau ». 

Tessandier (Aimée). — Souvenirs (recueillis et rédigés par 
M. Henri Fescourt). 

Tschudi (C. de). — L'Impératrice douloureuse, un, livre, traduit 
de l'allemand par M. H. Heinecke, où l'auteur évoque 
l'image émouvante et la vie dramatique d'Elisabeth, 
impératrice-reine d'Autriche-Hongrie, si grande par ses 
malheurs, par sa beauté, par son intelhgence et par sa 
fin tragique. 

Turquan (Joseph). — Madame Récamier (nouvelle édition). 

Wilde (Oscar). — Nouveaux essais de Littérature et d'Esthétique 
(1886-juin 1887) (traduction de M. Albert Savine). 

Willey (Pierre). — Les Sources d'idées au XVI^ siècle. 

Zurlinden (Général). — Souvenirs depuis la guerre (1870-1901). 



NOVEMBRE 



LES ROMANS 



ROMAIN ROLLAND 

« Jean Christophe ». La Nouvelle Journée 

La Nouvelle Journée est le dixième et dernier volume 
de « Jean Christophe ». Voilà donc achevée cette œuvre 
magistrale si souvent admirable, et universellement 
admirée : c'est une date importante dans l'histoire de la 
littérature contemporaine. Au moment où toute la cri- 
tique salue ce monument littéraire, je ne puis résister 
au désir de rappeler que sa naissance — cette « aube » 
si émouvante et si belle — ne fut célébrée que dans le 
premier volume de cet ouvrage? où l'on n'hésita pas 
devant le mot de chef-d'œuvre, un mot que l'avenir 
ratifiera sans nul doute, mais qui, à l'époque, ne fut 
guère répété, à peine entendu. Il fallut, en effet, des 
années pour que l'œuvre patiemment poursuivie, 
escortée d'admirations étrangères, s'imposât au public 
et à la critique. 

Ce dernier volume est l'un des plus beaux ; il appro- 
che — sans l'égaler — la perfection émouvante du pre- 
mier qui reste le chef-d'œuvre d'une série admirable. 
C'est le soir apaisé d'une journée si tumultueuse, si 
âpre, si douloureuse; Jean Christophe ne juge plus la 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 331 

société, et c'est heureux, car ses jugements furent sou- 
vent injustes; les orages sont passés, il a pardonné à 
ses ennemis, et même, ce qui est plus louable encore — 
et plus difficile — à ses amis. Il retrouve en Italie, 
dans cette Italie qu'il découvre en des pages lumineuses, 
une femme, Grazia, que nous avions déjà entrevue et 
dont nous apprenons à mieux connaître le fin visage, 
le cœur délicat et profond. Il la retrouve avec joie : une 
amitié très tendre les unit qui, imperceptiblement, 
devient un profond amour; mais la vie de nouveau les 
sépare. Grazia meurt loin de son ami, et Jean Chris- 
tophe passe une fois de plus à côté du bonheur. 11 se 
résigne doucement, contemple avec une indulgence 
apaisée la vie autour de lui, "et s'emploie avec ferveur à 
une dernière bonne action : Tunion du fils de son ami 
Olivier et de la fille de son amie Grazia. 

Et puis, il meurt très doucement dans la joie, dans 
la sérénité, dans la foi retrouvée. « Oh ! joie de se voir 
disparaître dans la paix souveraine du Dieu qu'on s'est 
efforcé de servir toute sa vie ». C'est l'étape finale, ce 
n'est pas la fin. « Seigneur, dit-il, n'es-tu pas trop 
mécontent de ton serviteur : j'ai fait si peu ! Je ne pou- 
vais faire davantage. J'ai lutté, j'ai souffert, j'ai erré, 
j'ai crié. Laisse-moi prendre haleine dans tes bras pater- 
nels. Un jour, je renaîtrai pour de nouveaux combats ». 
Et le grondement du fleuve et de la mer bruissante 
chantèrent avec lui : « Tu renaîtras. Repose. Tout n'est 
plus qu'un seul cœur. Sourire de la nuit et du jour 
enlacés ». 

C'est le final de la symphonie, final apaisé, plein 
d'espoir et de sérénité. « Musique qui berças mon âme 
endolorie, musique qui me l'as rendue ferme, calme et 
joyeuse — mon amour et mon bien, — je baise ta 
bouche pure, je cache mon visage dans tes cheveux de 
miol, j'appuie mes paupières qui brûlent sur la paume 
douco de tes mains..., et I)lotti sur ton cœur, j'écoute 
Je b.'it I crridif de ]i\ vif éf <'rfH'll<' », 



332 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

JULIEN BENDA 

L'Ordination. 

Vous vous souvenez de VOrdination, ce beau livre, ce 
mince cahier si gros de pensées, où M. Julien Benda 
nous conta l'histoire de Félix qui avait lutté désespé- 
rément contre cette pitié envahissante qui est la mort 
et qui, enfin, avait remporté la grande victoire, sacri- 
fiant douloureusement son amie Madeleine, immolée 
à sa pensée. Il a longuement pleuré, mais il a vaincu; 
la vie intellectuelle qu'il a découverte, la vraie vie, il 
pourra se donner à elle tout entier; il connaîtra l'é- 
treinte passionnée, permanente, exclusive, les semaines 
entières passées à creuser un concept sans penser à 
autre chose, l'action fiévreuse de ce creusement, les 
transes de l'échec et les joies du triomphe, et la féconda- 
tion haletante de l'idée par l'idée. 

Cette pleine ivresse de la vie intellectuelle, il la con- 
naît d'autant mieux qu'il a réglé la question de l'amour, 
qu'il en a fini avec l'aventure, car il a compris que l'es- 
prit exigeait l'inattention de la chair et que le mariage 
s'imposait. Il s'est marié. Des années ont passé : il vit, 
auprès de Clémence, sa femme, et de sa petite fille 
Suzanne, la vie qu'il a rêvée; assuré par cette double 
présence du calme et de la paix nécessaires au travail 
de sa pensée qu'il poursuit, la nuit, dans sa chambre, 
loin, très loin, des deux êtres qui vivent sous son toit. 

Et voilà qu'un jour, un mal soudain ayant atteint sa 
petite fille, il s'est aperçu qu'il aimait; il a lutté contre 
ce sentiment qui l'arrachait au monde de ses pensées : 
en vain ! Il a connu « l'amour » qui nous ramène aux 
bêtes, l'amour qui nous dégrade. Toutes ses vastes pen- 
sées, toutes ses théories profondes se sont écroulées 
devant cela ; l'inquiétude d'un père qui voit souffrir une 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 333 

petite fille. Il a tenté encore de se replonger dans ses 
livres, dans ses pensées. Mais, c'est fini, il est perdu, il a 
sombré dans la chair, il a aimé son enfant comme les 
êtres qui rampent, comme les êtres qui broutent; 
demain, il ne sera plus qu'une chose qui aime; il est 
chassé du ciel des élus, du ciel des grands solitaires qui 
scrutaient la nature du Nombre et du Mouvement, du 
grand penseur romain qui méditait dans la nuit sur la 
nature des choses, des grands moines vraiment morts à 
tout amour créé et dont la foi non informée en charité 
cherchait le sens de Dieu et non pas son amour. C'est 
« la chute »... 

Ai-je su, en ces quelques lignes, — où j'ai d'ailleurs 
assez souvent passé la parole à l'auteur, — vous don- 
ner une idée de la grandeur, de la beauté de ce drame 
pathétique? Je n'en suis pas très sûr, mais si j'ai pu du 
moins vous faire soupçonner qu'il y avait là une œuvre 
très belle, d'une pensée vaste et profonde, exprimée en 
un noble langage, je me tiendrai pour satisfait. 



CHARLES-HENRY HIRSCH 

Le Sang de Paris. 

Le Sang de Paris est un livre considérable : l'écri- 
vain a voulu qu'il marquât une étape décisive dans la 
carrière que jalonnent Eva Tumarche et ses amis, cette 
manière de chef-d'œuvre, la Demoiselle de Comédie^ et 
Nini Godache pour ne citer que ces trois beaux livres 
entre tant d'autres. H a cette fois haussé le ton, élargi 
sa manière : ce n'est plus une de ces images à l'eau- 
forte dont nous avons dit souvent la puissance et 
l'âpreté, c'est une vaste fresque, et pour employer le 
familier langage des rapins « une grande machine » où 
palpite et grouille le peuple de Paris. 

19. 



334 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

La maison de La Villette où se déroule le drame est 
évoquée avec tous ses locataires et sur tous ses paliers 
comme celle de Pot-Bouille, et les sombres jésuites qui 
le traversent nous font penser au Juif-Errant, avec l'as- 
sentiment de l'auteur qui a baptisé Ronin certain pape- 
tier affilié à la Compagnie de Jésus. 

Est-ce à dire que Le Sang de Paris doive quelque 
chose à Zola ou à Eugène Sue? Non, certes, et M. Char- 
les-Henry Hirsch ne fut jamais plus puissamment ori- 
ginal et personnel, mais ces noms cités vous donneront 
une idée de l'importance, de la complexité de ce roman, 
— et aussi de l'embarras du chroniqueur qui a lu ces 
six cents pages, qui a vécu ces drames, qui a connu ces 
héros et qui doit maintenant vous parler de tout cela 
en quarante lignes. 

Comment me débrouillerai-je au milieu de tous ces 
gens qui habitent les misérables logements de la maison 
où la pauvre M"^^ Lebain vient de mourir, laissant ses 
six enfants à son mari désespéré et à son aînée la petite 
Alice; où M"^^ Gibet, la sage-femme, exerce une dou- 
teuse industrie; où Gratien Jaclaude, le poète génial et 
alcoolique, agonise lentement ; où Mitoux, le jésuite laïc, 
pratique dans sa chambre, asile abstrait battu des 
vagues mystiques, les utiles pénitences; où potinent, 
caquettent, et voisinent dans la fraternité hostile des 
cités de faubourg, tous les autres locataires et aussi la 
concierge; — comment sans les trahir, vous dirai-je 
les aventures de tant d'autres gens mêlés au drame, de 
la sœur de M^^ Lebain, devenue sous le nom de Denyse 
de Ligneux une courtisane de grande allure, et de ses 
amis le vicomte de Forcerie « camelot du roi », et Gha- 
nus, l'illustre professeur... 

Heureusement, au milieu de tant d'aventures, entre 
tant de personnages, une figure apparaît qui domine 
tout le drame, et qui nous permettra de dégager la pen- 
sée du romancier; c'est celle d'Alice Lebain, une petite 
bonne femme de treize ans dont la mort de M^^ Lebain 



NOVEMBRE. LES ROMANS 335 

a fait une maman. Cette gamine a deviné la mission 
grave pour quoi elle a la première dormi dans le berceau 
où, après les trois garçons qui s'y étendirent successive- 
ment, couche à son tour la petite Berthe avec sa poupée 
de bois; et elle accepte cette mission comme une petite 
héroïne. Pour défendre, pour élever les cinq enfants qui 
lui furent confiés, elle déploie toute seule, contre tous, 
contre le père lui-même, que la mort de sa femme a 
dévoyé, des trésors de vaillance, de volonté, d'intelli- 
gence; elle est admirable cette « enfant héroïque en qui 
coule le sang de Paris », et l'histoire de ses trois ans de 
lutte, de travail, d'humble courage est vraiment pathé- 
tique et belle et ressemble fort à un chef-d'œuvre. Elle 
suffirait à placer très haut le livre tout entier où 
M. Charles-Henry Hirsch a « voulu glorifier cet héroïsme 
quotidien des humbles d'où naît l'universel rayonne- 
ment de la cité ». 



GEORGES COURTELINE 

Les Linottes. 

Après un long silence, M. Georges Courteline nous 
revient avec un livre tout neuf, paré d'une jolie couver- 
ture et d'un gracieux titre : Les Linottes. C'est un vérita- 
ble événement que cette rentrée en scène d'une grande 
vedette de l'esprit parisien et de l'esprit français, un 
événement attendu avec impatience, avec anxiété 
aussi. Comment allions-nous retrouver notre Courte- 
line après un si long temps passé sans le lire? Un peu 
changé? Envahi par la sagesse morose? 

Nos craintes se sont vite dissipées : c'est bien le 
Courteline de Boubouroche qui nous raconte « les 
Linottes », ces oiseaux étourdis et dépourvus de juge- 
ment qui, sur la couverture, s'ébattent en un vol éperdu 



336 LE MOUVEMENT t,ITTÉRAIRE 

autour des ailes des moulins de Montmartre ou qui, 
mués en une Parisienne aux pieds menus et cambrés, 
descendent la butte d'un pas désinvolte. 

Tête de linotte, Robert Gozal, le poète qui aime éper- 
dument Marthe Hamiet et la trompe sans vergogne 
avec Anita, la blanchisseuse, et se désespère de cette 
« erreur »; tête de linotte, Hour, le musicien, prix de 
Rome, s'il vous plaît, dont la carrière se résume en 
deux mornes chutes : Servage, épopée tragique, repré- 
sentée à rOpéra, et intentionnellement traitée en opé- 
rette; la Main chaude, opérette bouffe, jouée aux Fo- 
lies-Dramatiques, et débordante d'âpre érudition et 
d'insipide solennité; ce musicien est complété par une 
amie, la jeune Hélène, voyou enjuponné de dix-sept à 
dix-huit ans qui lui fait endurer les pires tourments et 
qu'il répudie définitivement au moins trois ou quatre 
fois par mois. Tête de linotte encore, Hamiet, ce gros 
homme toujours à l'affût de quelque trouvaille abra- 
cadabrante : « de même la mission d'un arbre fruitier 
est de porter des noix, des cerises ou des pêches, de 
même la mission d'Hamiet était de porter des idées, 
toujours inappliquables, il est vrai, mais toujours ori- 
ginales, puisées aux sources, aux seules sources d'une 
imagination délicieusement absurde ». 

Linotte toujours, Gûtlight, bailleur de fonds de 
Hamiet, qui présente à l'observateur « l'image d'un 
homme qui joindrait la passion du jeu de tonneau à 
l'art de toujours mettre à côté de la grenouille. Né et 
grandi à même les lingots paternels, il marche vers la 
noire purée d'un pas tranquille et sûr de soi, par un 
chemin que borde, main tendue, une double haie d'es- 
crocs, de faiseurs, de rêveurs ». Linottes, tous ces per- 
sonnages, tous ces rêveurs, tous ces amoureux et toutes 
leurs victimes. Hs s'ébattent dans le livre de Courte- 
line et nous donnent la plus spirituelle, la plus invrai- 
semblable et la plus vraie des comédies; nous nous 
amusons follement, nous sourions, parfois nous rions 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 337 

aux éclats, et puis nous nous prenons à penser, nous 
trouvons entre ces fantoches et nous des traits de res- 
semblance : nous sommes tous peu ou prou des linottes, 
et Georges Courteline est un bien sagace, bien profond 
et bien spirituel observateur. 



LÉON DAUDET 

Le Lit de Procuste. 

Ce « roman contemporain » est une œuvre curieuse 
et forte qui n*a qu'un grave défaut pour le chroniqueur 
c'est d'être tout à fait rebelle à l'analyse. Si je vous 
contais l'aventure amoureuse de Jean Langlade et 
d'Eliane; celle de Tavel, le célèbre écrivain idolâtre de 
la forme verbale, et d'Epervant, le vieux philosophe 
millionnaire et libertaire; si j'évoquais sous vos 
yeux le phalanstère anarchiste de Comberouge, et 
l'attentat perpétré par deux de ses pensionnaires contre 
la Bourse; si je vous disais enfin l'anecdote de ce 
roman tumultueux, je parviendrais — peut-être, et ce 
n'est pas très sûr ! — à vous donner une idée de son 
intérêt, de la vie ardente qui l'anime, mais je trahirais 
sûrement la pensée de l'écrivain. 

Le vrai drame, en effet, que ce livre veut évoquer, 
c'est un drame intellectuel, philosophique, social; c'est 
la lutte entre deux théories également décevantes : celle 
de l'art pour l'art, et celle de l'art pour le peuple ; le vrai 
drame, c'est l'évasion de deux êtres sains un instant 
ligotés, altérés dans ces théories, et sauvés par l'amour. 

Jean Langlade s'est échappé de ce lit de Procuste où 
l'avait couché son maître Tavel, « lit de la grammaire, 
de la syntaxe, du dictionnaire », où il l'étendait tour à 
tour et le réséquait pour lui donner la taille qui con- 
vient, la seule bonne à sa guise ; Eliane, de son côté, a 



.'Î38 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

compris rinanité des conceptions de son généreux 
père, Martial Epervant, conceptions périmées, bâtar- 
des, qui prêtent le flanc aux critiques imbéciles et ne 
peuvent faire le bonlieur de personne, pas même de 
leur inventeur. 

Libérés tous deux, rentrés dans la norme et dans la 
tradition, Eliane et Jean se sont mariés devant M. le 
Curé et devant M. le Maire, ce qui est beaucoup plus 
simple, plus sûr et moins vieux jeu que l'union libre ! 
Ils vivront désormais; si Langlade écrit, ce sera pour 
donner une voix à l'inexprimé, ce sera surtout pour 
défendre la race par le langage. Ni matérialiste, ni réa- 
liste, ni spiritualiste ; vivant, telle sera sa devise; ils 
vivront, et quand l'inquiétude les prendra devant tout 
ce qui disparaît, ils se ressaisiront en songeant à ceux 
qui naîtront... 



LOUIS PERGAUD 

La Guerre des Boutons 
(( Roman de ma douzième année ». 

M. Louis Pergaud, à qui ses « histoires de bêtes », 
De Goupil à Margot, valurent naguère le prix Goncourt, 
nous raconte en un nouveau livre, « Roman de ma 
douzième année », la Guerre des Boutons. Les héros de 
cette aventure sont des garnements de douze ans, petits 
paysans natifs de deux villages limitrophes de Lon- 
geverne et de Velran. Comme il convient entre voisins 
si proches, une grande hostilité divise les Longevernes 
et les Velrans qui se sont déclaré une guerre sans merci 
et vont, chaque soir après la classe, se livrer des batailles 
homériques au cours desquelles on échange des injures 
et des coups de pierres. 

Sous l'impulsion d'un général de douze ans, Lebrac, 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 339 

chef des soldats de Longeverne, la guerre prend, cer- 
f ain jour, une tournure nouvelle : non contents d'échan- 
„^or des injures et des coups, les combattants décident de 
soumettre les prisonniers que le sort des armes fera 
tomber entre leurs mains à un traitement particulier 
<(ui consistera à les dépouiller systématiquement de 
tous les boutons qui garnissent leur chemise, leur tricot, 
leur veste, leur culotte; — de tous les crochets qui 
retiennent leurs pattes de pantalons, des agrafes de 
leur blouse, des cordons de leurs souliers, de l'élastique 
de leurs jarretières. Ainsi dépenaillé, le pauvre garçon 
;iux trois quarts dévêtu, s'enfuira sous les huées de ses 
nnemis et trouvera, par surcroit, en rentrant à la mai- 
son, une raclée vengeresse de la mère indignée. 

Telle est la guerre des boutons. Elle se déroule en 
trente épisodes tragi-comiques, narrées en une langue 
d'une rare verdeur, car M. Louis Pergaud, qui faisait 
parler ses bêtes avec quelque retenue, n'a pas eu les 
mêmes scrupules pour ses jeunes héros. 

Aussi bien, il met son livre sous l'invocation de 
François Rabelais qui en garde le seuil avec cette épi- 
graphe : « Cy n'entrez pas, hypocrites, bigotz, vieulx 
matagots, marmiteux, borsoufïez ». La précaution n'est 
point inutile : les hypocrites, les bigotzs, et les marmi- 
teux feront bien de s'enfuir et d'emmener avec eux les 
personnes à l'oreille délicate que les gros mots, trop 
souvent répétés, risquent d'offenser un peu. M. Louis 
Pergaud ne se soucie guère de leurs pudeurs qui sous 
leur hypocrite manteau ne fleurent trop souvent que 
I névrose et le poison ». « Foin des purs latins, nous 
dit-il, — et l'on sait de reste que la culture latine le 
laisse assez froid ! — je suis un Celte. C'est pourquoi 
j'ai voulu écrire un livre sain, qui fût à la fois gaulois, 
(•pique et rabelaisien; un livre où coulât la sève, la vie, 
I enthousiasme; et ce rire, ce grand rire joyeux qui 
devait secouer les tripes de nos pères : buveurs très 
illustres ou goutteux très précieux ». Et de fait, il y a 



340 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

dans cette évocation d'enfants, poussés en pleine 
nature, à peine touchés par la discipline incertaine de 
récole primaire, une vie, une intensité, une vigueur 
extraordinaires; j'aurais tout de même mieux aimé ces 
pages si je n'avais été gêné par tant de vilains mots 
souillant des bouches enfantines. 



ALFRED MACHARD 

Les Cent Grosses « Épopée au Faubourg ». 

C'est à Louis Pergaud, déjà nommé, que M.Alfred 
Machard offre les Cent Gosses, relation de « l'Épopée au 
Faubourg», qu'il dédie également « à la vraie marmaille 
de Paris, celle des sales mômes, des mal-mouchés, etc. » 
Et voici, campés en face de leurs petits camarades des 
campagnes, les mioches de nos faubourgs parisiens. Je 
les préfère, sans doute parce que je les comprends 
mieux, les ayant vus de plus près. Ils sont, d'ailleurs, 
aussi mal embouchés que les garçons du village et aussi 
batailleurs; seulement, la guerre ici se complique de 
politique, de religion. Et c'est, dans deux rues voisines, 
les élèves de la laïque et ceux de Saint-Pamphile, l'école 
des frères, qu'elle met aux prises. Guerre épique, guerre 
féroce, avec des épisodes de sauvagerie, comme le 
martyre d'un petit chien, commandé par un nommé 
Trique, chef reconnu des mômes de la laïque. Ce Trique 
est le gavroche de notre temps : au risque de paraître 
un peu pompier, j'avoue que j'aimais mieux l'autre, celui 
qui mourait sur les barricades, tanjlis que Bastouille, 
un autre gavroche, victime de l'épopée des Cent Gosses, 
trouve la mort au fond des fortifs, le soir d'une bataille 
acharnée, entre les mômes de Saint-Pamphile et ceux 
de la laïque. 

Les garçons et les filles qui passent dans cette épopée, 



I 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 341 

OU dans les petites histoires qui la suivent, n*ont pas 
beaucoup de cœur; ils sont cruels, ils sont sournois, ils 
>ont lâches parfois, presque autant que des hommes. Et 
pourtant, on ne peut se défendre pour eux d'une grande 
tendresse : ils ont la grâce invincible et souveraine de 
l'enfance, ces gosses de Poulbot, aux joues creuses, au 
teint pâle, mal vêtus, mal lavés, et qui savent déjà tant 
de vilains mots et tant de vilaines choses, nous avons 
tout de même un grand désir de les embrasser, nous 
sommes pour eux tout remplis d'une pitié attendrie; 
mais M. Machard, lui, ne s'attendrit pas : il n'a pas, en 
face de ces gosses, l'émotion profonde de M. Léon Fra- 
pié et nous lui en voulons un peu de ne pas partager ce 
sentiment que son art si poignant, si humain, si vrai, 
su faire naître en nous. 



FÉLICIEN GHAMPSAUR 

La Caravane en folie. 

C'est l'histoire tumultueuse et frénétique de Guy de 
Lavor, intrépide explorateur qui a emmené sa jeune 
femme, Ariette de Rocheneuve, dans la périlleuse expé- 
dition qu'il commande au delà de Tombouctou-la- 
Mystérieuse. Digne femme d*un tel héros, Ariette a 
mérité le surnom de Freïa, la valkyrie impétueuse, que 
lui a donné son mari. Et tous deux s'aiment avec une 
frénésie abondante et passionnée, qu'exaltent sans 
resse le danger, l'aventure, le désert. Cette frénésie a 
gagné la petite troupe dont Guy de Lavor est le chef; 
Freïa, toute seule à la tête de tous ces hommes primitifs, 
est environnée de désirs, et c'est « la caravane en folie », 
derrière la valkyrie qu'aime aussi éperdument, désespé- 
rément, un ami d'enfance, l'enseigne de vaisseau, Jean 



342 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Prcvot qui, par une autre route, rejoindra tout à Theurc 
la caravane. 

M. Félicien Champsaur a évoqué ce drame intime, ri 
cette épopée passionnelle, avec un luxe extraordinaire 
de vives couleurs, une débauche d'images chatoyantes, 
en un livre qui semble, lui aussi, parfois affolé, dont les 
chapitres vont en avant, reviennent en arriére, chantent 
le soleil, proclament Tamour, rêvent sur les tombes, et 
finissent tout de même, comme la caravane, par courir 
vers le but, « comme un torrent franchit les monts et les 
plaines pour gagner l'Océan, en dépit des embûches, des 
dangers, des morts, des lâchetés, des crimes, des ruts et 
des sacrifices ». 



GEORGES OHNET 

Le Revenant. 

Dans ce nouveau roman, M. Georges Ohnet nous 
raconte une de ces « bataille de la vie » que sa féconde 
imagination a tant de fois déjà évoquées sans lasser 
jamais l'émotion et l'intérêt d'un public palpitant et 
fidèle, dont l'avant-garde est formée par les lecteurs 
mêmes du Figaro, auxquels fut réservé, il y a quelque 
trente ans la primeur du fameux Maître de Forges, 
et qui, cet automne, attendaient chaque matin la 
suite du Rei^enant. Entre ces deux romans, que de 
« batailles » livrées,, que de victoires remportées dont 
la dernière ne sera pas la moins brillante. 

Ce succès persistant s'explique par les raisons les 
plus légitimes et les plus solides. M. Georges Ohnet reste 
un romancier de la vieille école, de la bonne, celle qui 
exige avant tout un lièvre dans le civet, un sujet dans 
le roman; les écrivains à court d'idées qui, en des livres 
de trois cents pages, s'efforcent, èous prétexte do roman, 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 343 

i nous donner des leçons de style ou de philosophie, 
iQurront railler la familiarité de sa prose et de sa pensée ; 
Is ne convaincront pas le lecteur, qui va tout bonne- 
ment à qui sait le distraire ou l'émouvoir; le véritable 
Amphitryon reste pour lui l'Amphitryon où l'on dîne, 
et le bon romancier celui qui a vraiment une histoire à 
raconter. 

Celle de la duchesse de La Tour d'Avon et de son 
mari, revenant inattendu après seize ans d'absence, et 
qui rentre à la maison en maître pour sauver sa fille et 
par surcroît sa femme, est très attachante, très meublée, 
fertile en incidents émouvants et dramatiques. Elle a pas- 
sionné les lecteurs du feuilleton du Figaro, elle passion- 
nera aussi ceux du livre qui seront séduits par la figure 
d'Elise, vierge forte et tendre, acharnée à la défense de 
I tn bonheur et de sa dignité. Reposante image d'honneur 
l d'énergie, à côté de la honteuse faiblesse d'une mère 
itnoureuse, et de l'ignominie d'un Don Juan prêt aux 
plus vilaines combinaisons. Tous ces héros, et les per- 
sonnages qui gravitent autour d'eux : le Père de Postel, 
f Louis Courcyer, et le vieux duc de La Tour d'Avon 
.-ont vivants, évoqués par M. Georges Ohnet avec une 
conviction, une sincérité, une émotion très communi- 
atives. 



GEORGES BEAUME 

C3a>rien Galissart, lauréat du Conservatoire. 

Ce Cyprien dont M. Georges Beaume nous conte les 
iventures est ^un garçon roussâtre et mince, d'assez 
haute taille, qui possède une fine moustache dorée, des 
yeux de demoiselle, bleus et sensuels, il est né natif de 
Coulobres, en Languedoc, et le Conseil municipal de sa 
ville a découvert en lui un gi'and musicien dont il 
' onvient de soigner le génie en l'envoyant, nanti d'une 



344 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

somptueuse pension de douze cents francs, vers ]a 
grand'ville et son Conservatoire. Des déboires artisti- 
ques et une victoire amoureuse l'y attendent : il ne 
remportera que de maigres succès dans sa classe, mais 
il conquerra le cœur d'une jeune personne qui s'appell* 
Marguerite Sablier; il conquerra même sa main, mais 
non sans de grandes difficultés et il lui faudra aller 
jusqu'à l'enlèvement pour vaincre la résistance de son 
père. 

Tout s'arrange enfin: les deux époux retournent, sous 
la conduite de la vieille maman de Cyprien, à Coulobres 
et ils emmènent le père reconcilié de Marguerite dans 
l'humble petite ville languedocienne; ils mèneront là 
une vie paisible et heureuse, ayant dit adieu aux rêves 
de gloire. Tout cela est très bien, non dénué d'une phi- 
losophie facile et souriante. M. Georges Beaume s'est 
amusé en écrivant son histoire, et nous faisons comme 
lui en la lisant. 



GASTON RAGEOT 

A l'Affût. 

Œuvre fouillée, âpre, dramatique, où l'auteur de la 
Renommée a mis tout son talent d'observation dans 
l'étude d'une âme paysanne sombre, rancunière, sim- 
pliste et complexe tout à la fois. Louveau est un garde- 
chasse, il vit dans son pavillon, niché au milieu de la 
forêt d-e Perseigne, sur les confins de la Normandie et 
du Maine, auprès de sa femme Catherine. Louveau, qui 
a dépassé la quarantaine, est en extase devant cette 
jolie fille de vingt-cinq ans, si douce, si travailleuse, si 
jolie à voir; il est ensorcelé, enivré d'amour. 

Mais Catherine, elle aussi, vient de connaître la'dou- 
ceur d'aimer qu'elle ne soupçonnait pas auprès de son 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 345 

mai'i : elle a écouté les propos galants de M. Landelle, 
le patron de Louveau, elle s'est donnée à lui émue et 
respectueuse, comme au seigneur. Louveau tout de 
^uite a soupçonné son malheur et lorsqu'un enfant est 
venu au monde, il a été certain, et il a arraché l'aveu 
à sa femme. 

A partir de ce moment le garde-chasse, toujours res- 
pectueux devant le maître, s'est mis « à l'affût »; il a 
longuement, patiemment, médité sa vengeance, et 
quand l'enfant, adoré par sa mère, protégé par son 
paiTain — car Landelle est son parrain — est devenu 
un homme, il lui a fait, sournoisement, cruellement, 
comprendre le secret de sa naissance. Le jeune garçon 
abuse de ce secret : il multiplie les exigences, il accumule 
les fautes, et il finit par se rendre coupable dans la mai- 
son de commerce de Landelle, où il fut pris comme 
employé, d'un vol de cinq mille francs. 

Landelle, excédé, ne veut plus réparer; il se refuse à 
pardonner cette nouvelle faute; mais sa femme, malade 
et dolente, qui a tout compris depuis des années, l'oblige 
au pardon. 

Mais au moment où il apporte la nouvelle de ce par- 
don, un coup de feu retentit, le cadavre du jeune 
homme, est rapporté sanglant* et, devant la mère qui 
hurle sa douleur, et qui dit en sanglotant : « Mon petit 
i^^ars, mon petit gars qui s'est tué !... » Louveau sort des 
broussailles profondes, son fusil en bandoullière et dit 
posément : « C'est point lui qui s'est tué. C'est moi qui 
l'ai tué. » Cette sombre histoire, que mon analyse rend 
nécessairement un peu sommaire, est tout à fait dra- 
matique, et M. Rageot en a ménagé les effets avec beau- 
coup d'art et de talent. 



346 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

ROBERT DE TRAZ 

Les désirs du Cœur. 

Ce roman pourrait se résumer en quelques lignes : 
Philippe Marandon au cours d'un séjour en Italie a 
connu la belle comtesse Narnia; son imagination s'est 
enflammée, il l'a aimée, — ou il a cru l'aimer, ce qui 
revient au même, — il a obtenu d'elle les suprêmes 
faveurs et puis il s'est aperçu que les désirs de son cœur 
n'étaient point satisfaits : la comtesse est partie pour 
une lointaine croisière, et Philippe est allé rêver mélan- 
coliquement dans la paix harmonieuse de l'église basse 
de San-Francesco-d'Assise. 

Après avoir lu ce résumé, vous connaîtrez vaguement 
l'histoire, vous ne saurez rien ni du drame, ni de son 
véritable sujet qui est une curieuse analyse d'âme éten- 
due en trois cents pages toutes remplies de recoins, 
d'ombre et de contradictions. 

L'aventure de Philippe était fatale : c'est un garçon 
dont les désirs ne peuvent mener qu'à des déceptions; 
dans son âme « il y avait un élan continuel, une curio- 
sité pressante, un désir sentimental toujours éveillé, et 
un effort constant pour s'imposer la croyance à ce qu'il 
imaginait. Mais il avait beau y croire, il savait que 
c'était un mirage. Il en souffrait à certains moments. Il 
aurait tant voulu que ce fût vrai. Et voulant éteindre 
sa soif avec des eaux vaines, son gosier sec le brûlait 
toujours ». Et vous voyez que ce garçon, abstracteur 
de quintessence, pourrait être fort à plaindre s'il 
n'était pas insupportable avec le culte constant, atten- 
dri, éperdu de son moi. Il nous est bien difficile de nous 
passionner pour les amours d'un héros de ce genre qui 
n'aime vraiment bien — ou plutôt mal — que lui-même. 
M. Robert de Traz nous conte cette aventure, analyse 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 34? 

.'tte âme, évoque des décors de beauté, en des pages 
élégantes, raffinées qu'il « offre à M. Jean-Louis Vau- 
doyer ». 



JEAN BERTHEROY 

Les Chanteurs florentins. 

Avec les Chanteurs florentins, M"ie je^n Bertheroy 
nous offre une de ces histoires romanesques où elle 
excelle à faire revivre avec tant de gi'âce un passé loin- 
tain. C'est dans la Florence du xv^ siècle, celle de la Re- 
naissance et des Médicis, que se déroule la touchante 
liistoire du pauvre Benozzo, élève du vieux maître Da- 
vid, et qui ayant étérecueilli jadis par charité aux Inno- 
onti montre un front rasé au milieu de ses camarades 
aux longues boucles. Benozzo, heureusement pour lui, 
a trouvé, dans le cloître voisin, un grand ami, le moine 
Fra Giovanni, si doux et si tendre qu'on l'a surnommé 
Va Angelico »; il va le voir souvent, il s'extasie devant 
ses chefs-d'œuvre, et il décide qu'il sera un peintre 
célèbre, car seul un grand artiste peut être digne du 
cœur de Lucrezia, dont Benozzo est devenu éperdument 
amoureux. Et, contre toute espérance, malgré la riva- 
lité de Sandro, le fils du riche banquier, Lucrezia, la 
petite vierge florentine aux cheveux d'or, aux yeux 
étroits, où brille une flamme avivée sans cesse, Lu- 
crezia aux lèvres minces, aux joues en fleur, lui appar- 
tiendra. 

Comme pour attester l'étonnante souplesse de son 
talent d'évocation, M™e Jean Bertheroy fait suivre 
cette aventure florentine du xv^ siècle d'une belle his- 
toire qui se déroule trois cents ans plus tard, en 1814, 
dans le port d'Antibes : c'est celle de l'Enfant Septen- 
trion. Jean-Antoine Moscodi, touchant et gracieux 



348 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

éphèbc qui fait penser au jeune danseur antique sur la 
tombe duquel s'inscrivit cette épitaplie : Bidiio saltavit 
et plaçait. Jean- Antoine qui est amoureux veut mon- 
trer qu'il est un homme et il s'enrôla dans l'armée de 
Napoléon au retour triomphal de l'île d'Elbe, et quel- 
ques mois plus tard, Elisabeth sa fiancée reçoit le sou- 
venir de Jean-Antoine tombé à Waterloo... 



GEORGES POURGEL 

Un Bohémien passa. 

Le roman de M. Georges Pourcel est une œuvre bien 
curieuse, attachante, inégale, toute pleine de qualités 
précieuses et contradictoires et dont les défauts souvent 
semblent être voulus, et sont dans la note. Truculente, 
romanesque, parée d'oripeaux trop voyants, elle est en 
même temps d'une observation morne, profonde, méti- 
culeuse; elle tient des origines de son héros, fils hasar- 
deux d'un bohémien et d'une paysanne, cette allure si 
curieuse, un peu déconcertante, où il y a de la diablerie 
et de l'humanité. 

Un bohémien passa, certain jour, dans le village de 
Pruny, il y séduisit une fille et l'abandonna. La fille 
quitta son village et mourut à Rodez en donnant le 
jour à un enfant qui fut élevé par l'Assistance publique. 
Cet enfant c'est Amédée Lestang, notre héros. Il pré- 
sente dès son enfance un singulier mélange de dou- 
ceur et de brutalité, d'humilité et d'orgueil; son humeur 
aventureuse l'entraîne à ia fuite, et il s'en va aux mines 
de Cransac ; à Paris, où il est tour à tour apprenti pâtis- 
sier, télégraphiste, groom d'hôtel et garçon coiffeur; à 
Marseille, à Naples, à Palerme, en Egypte, en Tripoli- 
taine, en Algérie, où il fait cent métiers divers. Ayant 
ainsi obéi aux impulsions irrésistibles de ses origines 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 349 

bohémiennes, il éprouve le besoin de se reposer enfin : 
il a vingt ans ! 

Et c'est maintenant sa mère qui « rêve en lui » : elle 
rêve le port de doux refuge, le petit coin de terre, 
l'humble village perdu, les joies calmes des foyers unis, 
l'église et le cimetière. Et Amédée rentre au village 
maternel, il épouse une belle jeune fille du pays, Rose, 
la Rouzou, et il installe sur la place du village un caba- 
ret qui sera en même temps un salon de coiffure. Les 
affaires prospèrent, Rouzou est en extase devant son 
mari, le village tout entier subit Tascendant de sa 
faconde de beau parleur et de sa vive intelligence; il est 
en passe de devenir un paysan bourgeois, maître et 
maire de son village. Mais le bohémien veille en lui et 
Je lance dans des aventures. Une fois, c'est une brune 
bohémienne aperçue à la fête qu'il enlève et avec la- 
quelle il disparaît trois ans durant; puis il revient au 
bercail, accueilli par la Rouzou toujours en extase et 
toujours amoureuse. Quelques années après, c'est une 
fille du village qu'il séduit. Nouvelle disparition de 
dix-huit mois, nouveau retour au foyer. 

Il a maintenant quarante ans; il est resté très jeune, 
très séduisant; il règne dans sa boutique où sa femme, 
vieillie avant l'âge, le regarde toujours avec admira- 
tion; sur le village où toutes les femmes sont subju- 
guées, tous les maris résignés. La Rouzou attend avec 
angoisse une nouvelle escapade; elle ne tarde pas à se 
I)roduire : le bel Amédée enlève l'institutrice du village, 
Mlle Rival. Il disparaît une fois encore et c'en est fait de 
la joie de Pruny ; « le meilleur charme, la plus claire joie 
se sont envolés, les hommes sont mornes et les femmes, 
dès qu'elles n'injurient plus, muettes ». 

Aussi quelle fête lorsque Amédée, une fois encore, 
revient au village, seul, ayant abandonné sa pauvre 
petite amie qui s'est suicidée ! On l'acclame, on le 
porte en triomphe, et il goûte tout entière l'ivresse de 
la domination, ce don Juan de village qui a déjà deux 

20 



350 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

cadavres dans sa vie, et « pourtant, il n'était ni plus 
égoïste ni plus méchant que les autres hommes, sim- 
plement une fatalité pesait sur lui, supérieure à sa 
volonté, et seulement parce qu'un soir un bohémien 
était passé au fond d'un village perdu ». 



MARC ELDER 

Marthe Rouchard, fille du peuple. 

Marthe Rouchard, fille du peuple, est une gracieuse 
jeune fille de dix-sept ans, à la blonde beauté, fille 
affinée, instruite, d'un brave ouvrier, Francis Rouchard 
et de sa femme, jadis gracieuse midinette, aujourd'hui 
grasse ménagère occupée aux soins de son logis et à la 
lecture des romans feuilletons. 

Le père et la mère sont en extase devant la jeune 
fille qu'ils ont voulu instruire, élever; elle fréquente une 
pension presque élégante, elle a son brevet élémentaire 
et prépare son brevet supérieur. Francis Rouchard 
dépense sans compter le salaire honorable que lui vaut 
sa situation de chef monteur à l'usine pour embellir et 
parer Marthe ; sa mère, en admiration, elle aussi, est la 
servante de cette petite bourgeoise, lorsqu'une catas- 
trophe vient bouleverser ce paisible ménage : au cours 
d'une grève qu'il n'approuvait pas, Francis Rouchard a 
été pris dans une charge de cavalerie, écrasé sous les 
sabots des chevaux. 

Tout de suite le parti ouvrier s'empare de son cada- 
vre, ses obsèques sont l'occasion d'une grande mani- 
festation socialiste, et Marthe, impressionnée par les 
déclamations de Marcel Bargeois, l'organisateur de la 
grève, sent s'éveiller en elle la haine irraisonnée du 
patronat, du capital, le désir des vengeances. 

Elle est à merveille servie par les événements. 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 351 

Charves, le patron, est un brave homme, jeune encore, 
qui décide de donner à la jeune fille la seule aide que 
puisse accepter sa dignité hostile : il lui offre une place, 
lui confie l'instruction de son fils Hubert, un petit gar- 
çon de dix ans dont la mère est morte. Et voilà Marthe 
dans la place ; peu à peu elle se rend compte de l'impres- 
sion profonde produite sur le maître par &a beauté; 
elle se sait aimée, et, confusément, elle comprend 
qu'elle va pouvoir faire souffrir le riche, l'ennemi. Elle 
quitte sa maison et accorde sa main à Marcel Bar- 
geois. 

Mais Charves, éperdument épris, ne peut se faire à 
l'idée de cette séparation, il offre à Marthe de l'épou- 
ser, et celle-ci reprenant sa parole à son fiancé, épouse 
l'industriel. C'est la victoire; elle fait souffrir à son 
mari mille tourments de la jalousie, s'ingénie à le ruiner 
en de folles dépenses, et s'allie à Bargeois devenu un 
grand chef du parti ouvrier pour fomenter une grève 
qui sera fatale dans l'usine de son mari. 

Entre temps elle a été séduite par le charme juvénile 
d'Hubert, son élève d'autrefois, et le malheureux 
Charves la surprend certain soir tragique dans les bras 
de son fils; il s'enfuit, court à son usine en pleine révolte 
et se laisse assassiner par ses ouvriers. Hubert s'enfuit 
lui aussi, et disparaît. 

Et Marthe veuve, à peu près ruinée, ne songe plus ni 
I la fortune perdue, ni à ses haines sociales, elle pense 
obstinément, désespérément à l'adolescent disparu, et 
lui crie son amour dans des lettres passionnées qui ne 
lui parviendront pas. 

Telle est cette histoire, dramatique, émouvante, où 
vous pouvez découvrir sans effort un sens philosophi- 
que et social. 



352 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

MAURICE OLIVAINT 

Les derniers Oiseaux. 

M. Maurice Olivaint, poète harmonieux et inspiré, 
dont je vous ai signalé déjà les Poèmes de France et de 
Bourbon, les Poèmes de France et d'Algérie publie aujour- 
d'hui, sous le titre : les Derniers Oiseaux, un livre qui 
est, je crois bien, son premier roman. C'est encore l'œu- 
vre d'un poète épris de belles couleurs, d'horizons pit- 
toresques, habile à les évoquer dans le scintillement des 
mots artistement rangés. Et c'est Tahiti, l'île aux 
oiseaux de rubis, d'émeraude et de saphir, avec ses 
guerriers armés de dents de requins, au visage peint en 
rouge et noir, aux casques d'osiers ornés de plume de 
paille-en-queue; avec ses adolescents couronnés de 
feuillages, ses belles jeunes filles en robes roses, et son 
jeune roi Otou dont on célèbre l'avènement dans un 
grand déploiement de fêtes et de rites cependant que les 
perruches, les cardinaux et les bengalis, emportés par la 
joie populaire, caquettent, sifflent, et gazouillent sur 
les tamanous, s'enfuient en un fifrelis de feuilles et de 
plumes, égayent l'azur d'un éblouissement de pierreries. 

Dans ce cadre prestigieux de couleurs et de soleil, 
une idylle charmante se déroule entre le jeune guerrier 
Hinoto et Tévaoura, la gracieuse maoria de Mooréa, 
l'île voisine. Idylle, hélas ! interrompue par les tristesses 
de la guerre : les deux îles entrent en lutte et les Tahitiens 
vainqueurs débarquent à Mooréa. Pour sauver sa bien- 
aimée, Hinoto la fait prisonnière, mais une loi a décidé 
la mort des prisonniers et Hinito connaît l'horreur 
d'avoir à sacrifier lui-même son plus cher trésor. 

Il ne voudrait plus maintenant que mourir, mais on 
l'appelle sur le rivage : une prophétie terrible faite par 
un vieillard lors de l'avènement du roi Otou est en train 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 353 

de s'accomplir : le vieillard a prédit qu'un jour vien- 
drait où une pirogue maudite apparaîtrait et où pour 
jamais les oiseaux s'envoleraient emportant loin de 
Tahiti Tâme tahitienne. Voici, en effet, une pirogue 
d'une grandeur prodigieuse qui s'avance sous de larges 
voiles, les maories la contemplent avec épouvante et 
les bengalis éblouissants, les perruches- admirables, les 
cardinaux de pourpre, les maucodes à gorge d'or cou- 
vrent la surface d'azur, emportés par une force incon- 
nue. Tout le peuple aérien s'éloigne vers l'Occident en 
faisant courir sur la mer une ombre immense. Et Hinoto 
regarde l'âme maorie s'évanouir avec la fuite des der- 
niers oiseaux. 

Et c'est une belle histoire, mélancolique et pioignante, 
un étrange roman qui ne pouvait être écrit que par un 
poète. 



MARCEL BATILLIAT 

La Liberté. 

La Liberté ! C'est un bien beau mot que celui-là : il 
sonne à nos oreilles la plus joyeuse, la plus enivrante 
des fanfares, il évoque à notre esprit enchanté l'image 
d'une vie sans entraves, sans restrictions, avec ses 
larges routes et ses petits sentiers suivis à notre gré, à 
notre heure. La Liberté ! Mot délicieux vraiment, mais 
ce n'est qu'un mot. Telle est la conclusion qui s'impose 
à nous après la lecture du roman de M. Marcel Batilliat 
placé sous cette décevante invocation. 

Ce n'est sans doute pas tout à fait le dessein qu'il 
formait; il n'a d'ailleurs pas songé à soutenir une thèse, 
il a voulu seulement montrer dans une histoire très 
vivante et humaine des êtres épris de liberté, d'indé- 
pendance, acharnés à la conquête de leur affranchisse- 
ment. Et c'est Félicienne, la femme du riche industriel 



354 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Heurteloup qui brise ses chaînes d'or pour suivre 
Robert Sizeran dont elle est passionnément éprise, et 
c'est Josiane Si7,eran, étudiante en médecine, puis doc- 
toresse, qui vivra aussi sa vie et, sans souci des contin- 
gences et des convenances, aimera « librement » l'homme 
qu'elle a choisi, et c'est encore Régine de Terbes, la 
belle et riche affranchie qui ne veut point connaître les 
entraves sociales. 

Et de toutes ces libres amours deux enfants naissent, 
Stéphane et Huguette, qui devenus grands s'aiment à 
leur tour; après tant d'entraves brisées dans Texalta- 
tion, dans les drames, et dans les larmes, voici que pieu- 
sement ils vont renouer des liens... 

Et cet épilogue de sagesse et de philosophie, nous l'a- 
vions prévu dès le début quand, avec cet illogisme 
suprême qui est la logique des femmes... et des hommes, 
Félicienne se réjouissait de sa liberté si chèrement 
conquise parce qu'elle allait pouvoir enfin l'immoler de 
ses propres mains, la sacrifier à celui qu'elle aimait. 
« Cette liberté, je la désire je l'appelle pour me donner 
tout à toi, dit-elle à son ami. Je n'aurai d'autre volonté 
que la tienne, ta force sera ma force... » 



COMTESSE DE BAILLEHACHE 

Les Ombres passent. 

La comtesse de Baillehache, dont j'avais apprécié 
les précédents livres : Estelle et le Remorqueur, romans 
très « meublés » et très vivants, d'une heureuse et riche 
imagination, vient de publier un nouveau livre : Les 
Ombres passent, qui, nous en sommes avisés des le 
début, doit nous offrir une démonstration. A la première 
page, en effet, au cours d'un dialogue entre le héros 
Willem van Ameringen et son ami, l'oncle Jasper, nous 



NOVEMBRE. LES ROMANS 355 

lisons cette phrase : « Notre vie est comme une grotte 
profonde à l'entrée de laquelle nous sommes debout, 
le dos tourné à la lumière. Au dehors est la vérité, et 
dans ce royaume passent des cortèges merveilleux. 
Ces cortèges, nous ne pouvons les voir, et leurs ombres 
seules se découpent à nos yeux sur le fond de la grotte. 
C'est la suite de ces images déformées que nous appe- 
lons la vie... » 

Et c'est l'histoire de Willem si merveilleusement 
doué pour la peinture, qui, sous l'égide du grand artiste 
français Rondat, quitte sa Hollande et s'en va étu- 
dier son art à Paris. Des déboires sans nombre l'y 
attendent : misères de cœur et misères d'argent; il est 
renié par sa famille, abandonné par sa fiancée, humi- 
lié affreusement par une jeune fille qu'il aime; il doit, 
pour vivre, composer dans l'ombre des chefs-d'œuvre 
que d'autres signeront, et il comprend enfin combien 
cette lutte est vaine, il dit adieu à la vie menteuse et 
à ses « ombres », il retourne vers la lumière : il entre au 
cloître et se fait moine. 



JEAN MELIA 

Le Triomphe de l'argent. 

Le Triomphe de l'argent ! M. Jean Melia nous 
démontre, dans son roman, que rien ne saurait l'em- 
pêcher, et qu'avec un nombre suffisant de millions, on 
est armé contre les plus effroyables circonstances. Ce 
n'est pas très moral. Je ne crois pas non plus que ce soit 
très exact, et j'espère que M. Jean Melia n'en est pas 
lui-même bien convaincu. 

L'histoire qu'il nous conte est cependant une très 
persuasive illustration de cette thèse fâcheuse. Voici : 
Justin Bécard est un richissime filateur, il possède 



356 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

trente millions et il estime que tout doit plier devant 
lui. Il n'a qu'une faiblesse, sa fille Marguerite qu'il adore 
et qu'il a su d'ailleurs former à son image. 

Or, certain jour, Marguerite se laisse aller avec 
Emile Planquet, un employé de l'usine, à une irrépa- 
rable faiblesse, cependant que son père commet sur 
Adrienne Joret, la fille d'un vieil ouvrier, le plus odieux 
des attentats. La fille a connu le crime du père, le père 
a surpris la faute de sa fille : ils ne s'attardent pas en 
reproches superflus; n'ont-ils pas l'argent, ultima ratio, 
qui répare toutes les fautes et couvre tous les crimes. 

Pouf la fille, tout s'arrange à merveille : Emile Plan- 
quet est expédié au loin, et elle épouse René Jalat, un 
avocat plein d'ambition et de talent qui a connu sa 
faute et qui l'excuse. Pour le père, c'est plus difficile : 
Adrienne a un fiancé à qui elle a dit l'affreux malheur 
dont elle fut la victime, et ce dernier, après avoir — à 
peu près — renouvelé le crime du maître, veut se ven- 
ger : il tente de le poignarder, manque son coup et va se 
noyer. Justin Bécard, bon prince, offre alors beaucoup 
d'argent à Adrienne mais cette dernière, fièrement, 
refuse. 

La destinée arrange, d'ailleurs, les choses le mieux 
du monde, en faisant broyer l'infortunée Adrienne 
sous les roues d'une automobile qui ramène de leur 
voyage de noces Marguerite et son mari enivrés de 
puissance, d'argent et d'espoir. Et après un mo- 
ment de regret et d'attendrissement, ce digne père 
et sa fille conviennent que tout est bien. Tant que ce 
monde sera le monde, il y aura des écraseurs et des 
écrasés. Ils restent délibérément dans le camp des 
premiers : ils n'ont pas voulu se laisser aller, « ils ont 
résisté, repris le dessus : ils ont tout, puisqu'ils ont des 
millions et des millions. ».. 



NOVEMBRE. — LES ROMANS 357 



MAURICE GUILLEMOT 

La Misère d'une Femme. 

La Misère d'une Femme,M. Maurice Guillemot a été 
bien discret en employant ce singulier, car les misères 
qui marquent l'existence de Reine Mahaut sont à la 
vérité innombrables et, au moment de vous raconter 
son histoire, je recule devant ce calvaire. Comment 
Reine Mahaut qui était, en 1869, une jeune fille riche, 
choyée, heureuse, meurt-elle quelques années après 
surveillante dans un asile d'aliénés, étranglée par une 
démente, Giselle, qui fut jadis son amie? Par quel 
concours de circonstances cette femme victime sans 
cesse de sa bonté et de sa générosité descend-elle tous 
les degrés de l'échelle sociale, en restant d'ailleurs tou- 
jours parfaitement honnête et pure? Il n'y a que 
M. Maurice Guillemot qui puisse vous expliquer cela, 
car il se meut avec une merveilleuse aisance au milieu 
de tant de péripéties généreusement accumulées par 
lui et qui auraient pu fournir à un auteur moins pro- 
digue la matière de deux ou trois romans feuilletons. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, SCIENCE, 



DIVERS. 



PAUL FRÉMEAUX 

Souvenirs d'une petite amie de Napoléon. 

M. Paul Frémeaux qui connaît admirablement les 
détails du séjour de Napoléon à Sainte-Hélène et qui 
nous a fait naguère un si poignant récit de ces derniers 
Jours de l'Aigle, ajoute à cette belle et tragique his- 
toire un chapitre bien touchant et bien joli : il publie 
les Souvenirs d'une petite amie de Napoléon. Ces sou- 
venirs, vous les connaissez, ce sont ceux de Betsy Bal- 
comb : ils furent publiés, dès 1843, en Angleterre où 
leur succès fut très grand, et plusieurs rééditions les 
ont répandus dans le monde, mais M. Paul Frémeaux 
les a très ingénieusement arrangés. Sans prendre avec 
leur texte aucune liberté, il y a mis un peu d'ordre et 
de précision, rectifié des inexactitudes et des erreurs 
de dates flagrantes. 

En outre, il les a fait précéder d'un vivant portrait 
de cette petite fille de quatorze ans, aux cheveux d'or 
blond et qui tremblait si fort lorsque Togre vaincu 
pénétra dans la demeure de son père, au début de son 
affreux séjour à Sainte-Hélène. Terreur passagère, car 
le grand Empereur et la petite fille furent bientôt les 
meilleurs amis du monde ; les espiègleries, les taqui» 



NOVEMBRE. ■ — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 359 

neries de Tenfant firent parfois refleurir un sourire sur 
les lèvres du vaincu, et même il semble que Betsy, 
ayant grandi en taille et en beauté, un sentiment plus 
tendre ait fait battre pour elle le cœur de Napoléon. 
Gela doit suffire à faire vivre le souvenir de Betsy. 
Ses réflexions, ses souvenirs, ses remarques qui sont 
d'ailleurs souvent amusantes, primesautières, émou- 
vantes, appartiennent à l'histoire; et nous avons pour 
elle de l'attendrissement et de la piété parce que le 
grand Empereur durant sa captivité « daigna lui accor- 
der quelque attention, lui permit des familiarités, plai- 
santa et joua avec elle, parce qu'elle fut là-bas, dans 
l'île atroce, une fleurette qui charma un instant son 
regard sur le chemin du calvaire ». 



ETIENNE SALLIARD 

La Terreur à Poitiers. 

Dans un de ces livres d'histoire locale et d'histoire 
vraie qui apportent à la grande histoire une si précieuse 
et si vivante contribution, M. Etienne Salliard évoque, 
d'après des documents inédits ou peu connus, la Ter- 
reur à Poitiers. Et c'est un tableau horrible et palpitant 
des atrocités commises par les utilités de la Révolution. 
Pendant que les premiers rôles travaillaient à Paris, ces 
jacobins des départements n'eurent pas autant d'al- 
lure et ne conquirent pas une égale célébrité; ils 
méritent cependant d'être cloués au même pilori. 

Grâce à M. Etienne Salliard, nous connaissons 
désormais ceux de Poitiers : leurs faits et gestes nous 
sont racontés en des pages palpitantes, en des docu- 
ments incontestables; nous n'ignorons plus rien de ce 
beau politique qui disait plaisamment qu'il « ne suf- 
fisait pas de répandre le sang par pintes, qu'il fallait 



360 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

en remplir des tonneaux »; ni de ce Chénevière qui 
estimait que tous « ces messieurs qui avaient de la 
fortune et des talents devaient être guillotinés et qu'il 
fallait réduire le nombre des habitants à huit millions ». 
Ce sont là des évocations nécessaires : les affreux jaco- 
bins des petites villes méritent leur part de célébrité et 
d'horreur, et, ainsi que le dit M. Funck-Brentano, dans 
sa vibrante préface, « puisque pour les punir, nous ne ' 
pouvons plus avoir recours qu'à la voix de l'histoire, 
que l'histoire tout au moins les flétrisse, de toute la 
force de son indignation ». 



VICOMTE DE GUICHEN 

La France morale et religieuse. 

M. le vicomte de Guichen poursuit son histoire si 
captivante de : La France morale et religieuse pendant 
la Restauration. J'ai dit déjà, lors de l'apparition du 
premier volume relatif au début de la Restauration, 
combien le point de vue de M. le vicomte de Guichen 
était nouveau. Celui qui vient de paraître et qui nous 
raconte la fm de la Restauration nous apporte bien 
d'autres surprises encore. Il en résulte que, sous le 
gouvernement de Charles X, considéré par l'immense 
majorité des historiens comme le plus clérical des 
régimes, l'Église a connu au contraire les plus grandes 
vicissitudes et subi les plus durs assauts. 

M. de Guichen porte sur le régime de la Restauration 
un jugement qui ressemble étrangement à ceux qu'ins- 
pire actuellement la politique religieuse de notre troi- 
sième République. « De 1815 à 1830, dit-il, une guerre 
perfide n'a respecté ni le Pape, ni l'Ëpiscopat, ni ces 
milliers de prêtres sans autres ressources que les quel- 
ques centaines de francs que l'État leur adjuge avec 



NOVEMBRE. — HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. 361 

parcimonie, ni même ces humbles religieuses, dont la 
vie s'écoule au chevet des malades ou des pauvres et 
qui, le soir, dans le silence de l'oratoire ou de leur cel- 
lule, suppliaient Dieu de pardonner à leurs ennemis. » 
Et ce ne sont pas les assertions d'un polémiste mais les 
inclusions d'un historien qui a longuement, sérieu- 
• ment, étudié les textes et qui — sans que nous puis- 
sions conserver le moindre doute sur ses opinions — 
s'est constamment efforcé à l'impartialité. 



LUCIEN ROURE 



Figures franciscaines. 



Le prestige du Poverello d'Assise est immense; à sa 
suite, les poètes, les artistes, les historiens, se sont 
pressés, avides de le contempler et de le peindre; pour 
M. Roure, son dessein n'a point été de refaire une fois 
de plus la vie de saint François d'Assise, il a voulu 
. seulement chercher comment le saint s'est formé et 
% s'est fait. Sa conversion, le caractère de sa sainteté, 
? double sujet qui lui donne l'occasion « de pénétrer un 
des types les plus étonnants et les plus authentiques 
i' la sainteté catholique et en même temps de se 
demander si la psychologie contemporaine peut l'expli- 
quer en dehors du surnaturel ». 

Puis, après avoir étudié la réalité et le cadre du 
prodige qui marque saint François d'un caractère à 
part, le prodige des stigmates, il interroge avec la 
même préoccupation psychologique la douce et forte 
figure de sainte Claire. De saint Antoine de Padoue, il 
se demande quelle conception il convient de se faire 
dans l'état actuel de la critique historique. Il montre 
enfin, dans son épilogue, par un exemple tout à fait 

21 



362 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

impressionnant : les Stigmatines de Galluzzo, que Tes- 
prit franciscain est toujours vivant. 



PAUL HAMELLE 

La Querelle des Communes et des Lords. 

Les événements politiques qui depuis trois ans se 
sont déroulés outre-Manche ont une importance consi- 
dérable, et leur relation constituera quelque jour une 
page décisive de l'histoire d'Angleterre. Cette page, 
M. Paul Hamelle n'a pas jugé qu'il fût trop tôt pour 
tenter de l'écrire. En un volume sur la couverture 
duquel il a inscrit cette épigraphe : Quo vadis, Britan- 
nial il nous raconte : La Querelle des Communes et des 
Lords. 

M. Augustin Filon, dans sa préface, juge l'œuvre en 
ces termes : « Sous une forme dont la libre et familière 
ironie ne fait rien perdre à la sévère précision du récit 
ni à la pénétrante gravité des jugements, ces pages 
racontent la crise constitutionnelle dont l'Angleterre 
vient d'être le théâtre. M. Hamelle a-t-il fait œuvre 
d'historien en écrivant ce volume? A-t-il simplement 
recueilli les impressions d'un spectateur, très curieux 
et très amusé? J'ose dire, au risque de blesser sa modes- 
tie, que son livre participe de ces deux natures et 
réunit deux mérites très différents. On y trouvera l'im- 
partialité, l'exactitude documentaire, les larges vues 
de l'histoire ; on y trouvera aussi l'émotion d'un spec- 
tacle dont l'issue se fait attendre et ne se laisse pas 
prévoir. » Je n'ai pas cru pouvoir mieux faire que de 
copier ces quelques lignes : elles expriment très exacte- 
ment l'impression que m'a laissée le livre de M. Paul 
Hamelle et elles l'expriment beaucoup mieux que je 
n'eusse fait moi-même. 



ft 



NOVEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 363 



PAUL D'ARISTE ET ARRIVETZ 

Les Champs-Elysées. 

J'aime beaucoup ces histoires si pittoresques, si 
instructives de rues et de quartiers parisiens : il n'est 
rien qui apprenne mieux, et de façon plus amusante, 
la grande histoire. Les plus humbles rues ont leur 
attrait, leur émotion, leur intérêt particulier, mais que 
dire des Champs-Elysées? 

Toute rhistoire de Paris passe par cette large avenue 
triomphale depuis les temps, pas si lointains, où elle 
s'appelait la forêt de Rouvray et où nos ancêtres y 
poursuivaient les animaux sauvages dont ils rappor- 
taient la dépouille dans leurs huttes sur pilotis de la 
rue de la Grange-Batelière. C'est au xvii™^ siècle que 
Marie de Médicis amorce la grande promenade en fai- 
sant planter le Cours-la-Reine... 

Et voici, à travers les temps, la place de la Concorde, 
témoin de tous les grands événements populaires, depuis 
les joyeuses foires Saint-Ovide jusqu'aux sanglantes 
hécatombes de la Révolution; le jardin des Champs- 
Elysées; le Cirque d'été; les Folies-Marigny ; la rue 
Boissy-d'Anglas où régnèrent les Grimod de la Rey- 
nière; l'avenue Gabriel avec ses hôtels historiques et ses 
: jardins somptueux; l'avenue d'Antin où languit la 
Dame aux Camélias; l'avenue Montaigne où M«^e t^I- 
lien régna dans la maison pompéienne; Mabille où 
dansèrent Pomaré et Céleste Mogador; le Rond-Point 
avec son Colisée; l'hôtel Le Hon et la Niche à Fidèle; 
et la longue avenue avec tous ses hôtels princiers; 
Chaillot avec le souvenir de la Vallière et de Sainte- 
Périne; le Château des Fleurs, et, enfin, l'Arc de Triom- 
phe, évocateur de tant de victoires, témoin aussi par 
trois fois de l'invasion. 



364 h-R MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

ANDRE BEAUNIER 

Chateaubriand. 

La Bibliothèque Française, instituée pour notre 
agrément, notre instruction et notre commodité, et qui 
met les œuvres compactes des grands écrivains à la 
portée de notre hâte et de notre paresse, s'enrichit de 
deux précieux volumes sur Chateaubriand, dont les 
textes ont été choisis et commentés par M. André 
Beaunier. Ce nom seul me dispense... et vous savez 
d'avance que ces deux volumes contiennent l'essen- 
tiel de l'œuvre de Chateaubriand, pieusement recueilli ' 
et choisi, commenté avec infiniment d'esprit, de science 
et de grâce. Les dévots de Chateaubriand, — qui sont 
rarement ses lecteurs, — trouveront sans doute que 
parmi tant de pages magnifiques, il y avait d'autres 
choses encore à citer, mais il fallait bien se borner 
pour que le présent recueil fût commode et agréable. 

Il est incontestable que nos contemporains, lorsqu'ils 
sont sincères, trouvent un peu nombreux les cinquante 
volumes de René, et c'est bien servir sa gloire que 
d'abréger pour eux cette « œuvre admirable, éloquente, 
bien colorée et, souvent, frivole à souhait ». « Il est pos- 
sible, ajoute M. André Beaunier, que nos neveux 
réduisent à un seul les deux tomes que voici. Nous 
avons de la peine à prévoir nos neveux. En tous cas, 
les connaisseurs s'attendent que la renommée de Cha- 
teaubriand soit, parmi celles du précédent siècle, l'une 
des mieux durables. » Le commentaire de M. André 
Beaunier est tout à fait captivant : il compose chemin 
faisant une biographie de ce grand homme, chose néces- 
saire, car « Chateaubriand n'est jamais absent de ses 
écrits, et il faut, après Rousseau, le considérer comme 



NOVEMBRE. HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 365 

l'inventeur^de l'égoïsme littéraire qui a si remarqua- 
blement flori^depuis lors ». 



JEAN RICHEPIN 

De l'Olympe à l'Agora. 

M. Jean Richepin qui, en des conférences d*une élo- 
quence et d'un art merveilleux, a évoqué r« âme athé- 
nienne » devant les jeunes filles des Annales, réunit ses 
li^çons en un volume qu'il intitule : De l'Olympe à 
l'Agora. Et nous retrouvons là ces pages sur l'Olympe, 
sur les mystères d'Eleusis, sur les Oracles, sur V Iliade 
et y Odyssée, sur l'Agora, sur le bouillant Achille, sur 
Socrate, sur Platon, dont la lecture, ou plutôt l'impro- 
\ isation souleva l'enthousiasme de tant d'auditeurs 
enchantés. 

On pourrait croire qu'elles ont perdu un peu de leur 
prestige, privées de la voix si chaude et si prenante de 
l'orateur, de l'atmosphère d'enthousiasme créée autour 
d'elles; l'auteur lui-même n'est pas rassuré : il « n'a pas 
espéré que les pages du linceul en papier noirci con- 
serveront au verbe mort tous les frissons dont il palpite 
à l'air libre, par les inflexions et les timbres de la voix, 
le ballet volubile des gestes, le feu d'artifice des 
regards ». 

Ses craintes sont vaines : le livre a gardé toute la 
|)uissance et tout le charme du discours; c'est que 
ces pages si brillantes sont en même temps des 
pages solides, d'une érudition profonde, d'une forte 
pensée; elles ont gardé, en outre, une vie intense, 
car l'auteur n'a pas voulu y opérer la moindre correc- 
tion, en quoi il a eu bien raison; « elles n'ont pas été 
reprises ni reprisées, ces gueuses de plein air; elles ont, 
sans dout(;, des trous à leurs maillots de gymnastes et 



366 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

de danseuses; elles gardent ainsi leur sincérité d'ini 
provisation, leur allure de parole animée. » 



CÉLESTIN DEMBLON 

Lord Rutland est Shakespeare. 

On vous avait dit déjà que Shakespeare n'était pour 
rien dans les chefs-d'œuvre qui ont immortalisé son 
nom; de très doctes démonstrations ont établi que 
l'auteur d'Hamlet, de Richard III et de tant d'autres 
chefs-d'œuvre n'était autre que Bacon. Cette révéla- 
tion était bien suffisante pour la satisfaction de nos 
curiosités, elle n'empêchait d'ailleurs ni le culte des 
Anglais à Stratford-sur-Avon ni l'érection de statues 
de Shakespeare sur les places publiques. Mais que va 
devenir tout cela, « maintenant que le grand mystère 
est dévoilé w.et que M. Célestin Demblon démontre en 
un gros volume. que Lord Rutland est Shakespeare. 

Et non content de l'établir en quatre cents pages, il 
démolit défmitivement le pauvre Shakespeare, auquel 
il ne laisse même plus son nom, car il l'appelle « Shax- 
per )) ou « Shagsbere ». Il nous trace de ce fils du culti- 
vateur ruiné de Stratford-sur-Avon le plus lamentable 
portrait : c'était un illettré qui ne savait même pas 
écrire son nom, très débauché, fort ivrogne, vaguement 
usurier et voleur. Pendant que Shaxper traînait ainsi 
son nom dans la boue. Lord Rutland composait, pa- 
raît-il, les chefs-d'œuvre qui immortalisèrent celui de 
Shakespeare... 



NOVEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 367 



C. RAUCOURT 

Le Livre de Raison d'Elisabeth Renaut. 

Avec le Lii^re de Raison d' Elisabeth RenautM. G. Rau- 
court offre à une jeune écolière de ses amies et par 
extension à tout un public de jeunes gens et de jeunes 
filles une fort aimable et attrayante leçon d'histoire. La 
Révolution française nous fait l'effet d'une grande 
catastrophe qui bouleversa la France tout entière et 
pénétra avec ses désordres, ses excès et ses drames, 
dans toutes les villes, dans toutes les maisons. Ce n'est 
pas tout à fait exact : il y a une foule de petits bour- 
geois qui, tel Sieyès, « vécurent » pendant la tour- 
mente, et même menèrent une vie presque normale. 

Quelle pouvait bien être cette vie? Comment fut- 
elle influencée par les événements du dehors? C'est ce 
que tente de nous raconter le Livre de Raison, ce joli 
petit registre relié en veau avec de jolies tranches jas- 
pées et un fermoir d'argent que les parents d'Elisa- 
beth Renaut eurent l'heureuse inspiration de lui offrir 
au mois d'avril 1789, pour ses quinze ans. « Nous sou- 
haitons, lui dirent-ils, que ce petit registre soit le livre 
de raison de ta vie de jeune fille; tu prendras l'habitude 
de ne pas le remplir d'enfantillages et de puérilités; tu 
sauras choisir les événements qui méritent d'y être 
marqués. » 

Et voilà comment, du mois d'avril 1789 au mois de 
mai 1795, une jeune personne de quinze à vingt ans, 
habitant un paisible appartement de Saint-Germain, 
nous raconte la Révolution française. Vous pensez que 
pour entrer dans un tel cadre elle doit singulièrement 
se rapetisser, et que le récit — mêlé d'aventures per- 
sonnelles, d'un tendre sentiment pour un volontaire 
de l'armée du Rhin — est un peu sommaire, mais il 



368 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

est gentil, agréable : c'est celui d'un témoin véridiqu» 
pleinement d'accord avec ce que révèlent les Archives 
locales et les Correspondances contemporaines, et il 
nous offre une image de ce que pensait, de ce qu< 
disait, de la vie que menait toute la masse des citoyens 
la foule anonyme qui, « elle aussi », nous dit l'auteur ~~ 
je crois bien : elle surtout ! — « constitue la Nation et 
dont l'influence obscure modifie l'allure des événe- 
ments, » 



PAUL ACKER 

Le Beau Jardin. 

Le Beau Jardin qu'évoque M. Paul Acker c'est 
l'Alsace, sa petite patrie dont la grande doit cultiver 
le charmant et cruel souvenir, l'Alsace inoubliable que 
Louis XIV salua en 1681, au moment où la monarchie 
venait de l'ajouter à la France, en criant : « Quel beau 
jardin ! ». 

En des pages poignantes, M. Paul Acker chante pour 
nous ses vertes prairies, ses champs de blé, ses hou- 
blonnières, ses vignes, ses forêts, ses routes plantées de 
quetschiers et de cerisiers et, ramassés dans la verdure, 
ses villages aux toits rougeâtres : toute sa magnificence 
et toute sa douceur. Avec une érudition qui se fait 
pieuse et attendrie, il étudie la question d'Alsace et 
nous enseigne notre double devoir de Français qui est, 
par notre tenue individuelle dans la province asservie, 
d'y faire aimer la France; et, rentrés en France de 
parler de l'Alsace, d'inspirer le désir de la connaître, 
de la faire aimer, de lutter pour elle. 

En bon Alsacien et en bon Français, il remplit ce 
devoir pour son compte : il nous dit Colmar, la ville 
alsacienne, digne, charmante, glorieuse, toute pleine 
d'un noble passé, brillante aussi d'art et de poésie; et 



NOVEMBRE, — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 369 

Mulhouse, la grande ville industrielle d'Alsace, peuplée 
d'hommes véritablement dignes de ce nom, qui ont 
porté à un si haut degré les rares qualités de labeur 
opiniâtre, d'intelligence entreprenante, d'initiative 
originale, en qui se rassemblaient toutes les vertus 
des trois races, l'allemande, la suisse et la française, qui 
constituent ainsi ce caractère si spécial, le caractère 
inulhousien; et Metz la captive, fidèle au souvenir, 
sous la lourde armure d'acier dont l'a revêtue le vain- 
queur. 

Il nous dit encore le théâtre alsacien, ce théâtre de 
Strasbourg et de Colmar qui nous offre l'expression 
oncrète du désir ardent d'un petit peuple qui sent 
11 lui-même une âme indépendante et veut conserver 
a littérature, sa tradition et sa nationalité; et c'est 
iifin la leçon de ce pèlerinage à Bitche, où nos jeunes 
uons peuvent et doivent aller chercher l'exemple de 
discipline et d'héroïsme des morts qui ont lutté jus- 
qu'au bout, puis sont tombés en ensanglantant la 
terre qu'ils défendaient — l'exemple de discipline et 
d'héroïsme des vivants qui, dans une lutte quoti- 
dienne, résistent aux vainqueurs et gardent le patri- 
moine de leurs pères, patrimoine d'honneur, de tra- 
vail et de gloire ». 



ALFRED GAPUS 

Mœurs du Temps. 

Ce livre d'Alfred Gapus est une œuvre délicieuse de 
grâce et d'esprit, une œuvre profonde aussi et qui 
restera Tune des plus captivantes, une des plus flat- 
teuses manifestations de l'esprit français de notre 
temps. 

Mais pourquoi m'ingénier en une vaine recherche 

21. 



370 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

d'épithètes : ce livre, vous Tavez lu, et tout Paris avec 
vous, page par page, dans ces délicieux « Courriers de 
Paris », que le Figaro a l'heureux privilège de vous 
apporter chaque lundi. Ces pages hebdomadaires, qui 
sont d'un grand journaliste, sont aussi. d'un bel écri- 
vain; en les discutant dans la fièvre des événements 
autour desquels elles sont nées, on se disait qu'elles 
valaient mieux que l'éphémère destinée d'un article 
de journal, on pensait au beau livre ainsi dispersé. Ce 
beau livre, le voici. 

Je viens de le lire, ou plutôt d'en relire chaque page, 
et je suis sous le charme : on ne saurait, en vérité, parer 
le bon sens de plus d'attrait et de séduction, on ne sau- 
rait avoir raison avec plus de grâce et d'esprit. Ces 
pages si spirituelles, si alertes, si vives, où les mots 
partent en fusée, où chaque trait porte à coup sûr, où 
les nuances sont ménagées avec un art extrême, sont 
divertissantes; mais elles ne sont pas que divertis- 
santes : elles sont aussi merveilleusement expressives 
de l'esprit français, un peu las des paradoxes, des équi- 
voques cultivées et des dangereuses chimères pour- 
suivies depuis des années en art, en littérature, en 
politique, épris de vérité et de santé, qui veut être 
Français et qui n'a pas honte de le proclamer... 

Mais, je m'arrête; je sens que, pour un peu, je tom- 
berais dans la « réaction ». Je m'y trouverais, d'ailleurs, 
en bonne et nombreuse compagnie, puisque c'est être 
réactionnaire de considérer avec Alfred Capus que le 
suffrage universel n'est peut-être pas l'origine de tout 
droit et de toute justice; de se méfier des gens qui 
réclament avec insistance une morale nouvelle et à qui 
l'ancienne ne suffît plus; de mépriser tout ce qui est 
criard, de n'être ni impressionniste, ni « temps nou- 
veaux », ni « droit au bonheur ». J^ vous le dis en vérité, 
la France tout entière sombre dans la réaction... 



NOVEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 371 



ALBERT DAUZAT 

La Défense de la Langue française. 

M. Albert Dauzat prend la Défense de la langue fran- 
çaise. Elle a grand besoin d'être défendue, la pauvre ! 
Les réformateurs des programmes universitaires l'ont 
dépouillée de ses armes, et l'ont livrée sans défense à 
une multitude d'ennemis souvent inconscients, qui lui 
font subir les plus cruels outrages et risquent de trans- 
former cette belle, vénérable, et charmante personne, 
en une demoiselle en haillons, digne de son vilain nom : 
l'argot. 

Les temps ont bien changé depuis - le manifeste 
fameux où, il y a quatre siècles, Joachim du Bellay 
s'occupait déjà lui aussi, de la « defîense et illustration 
de la langue française ». Alors c'était contre l'omnipo- 
tence du latin, que la pléiade prétendait protéger le 
français; aujourd'hui, c'est contre l'abandon de ce 
même latin, de ses enseignements nécessaires qu'il faut 
protester, et contre le jargon envahissant. 

M. Albert Dauzat s'y emploie avec une énergique 
éloquence : il plaide la cause de la grande culture fran- 
çaise, il s'élève contre l'argot, celui des hommes de 
sport qui ont l'excuse de chercher pour des choses nou- 
velles des mots nouveaux, celui des gens du monde qui 
sont sans excuse. Il proteste enfm contre la tentative 
dangereuse des espéranto et autres langues univer- 
selles qui ignorent, ou veulent ignorer, que cette langue 
universelle existe et qu'elle s'appelle le français. 



372 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

DOCTEUR GRASSET 

Idées paramédicales et médico-sociales. 

Le livre que le docteur Grasset intitule : Idées para- 
médicales et médico-sociales est l'ouvrage d'un savant 
qui s'adresse au grand public et lui parle en un langage 
accessible de questions qui le passionnent. C'est l'ap- 
plication des idées médicales et biologiques aux pro- 
blèmes sociaux, à la sociologie. Les profanes liront avec 
le plus vif intérêt et le plus grand profit cette étude de 
la question médico-sociale, du mode de recrutement du 
corps enseignant médical, et de la querelle du concours 
d'agrégation. Ils s'intéresseront passionnément à cet 
exposé de la lutte contre le grand fléau de la société 
contemporaine : l'alcoolisme; de l'organisation de la 
défense sociale contre les maladies nerveuses, des droits 
et des devoirs de la société vis-à-vis des névropathes 
dont M. le docteur Grasset étudie un illustre spécimen 
dans la personne d'Auguste Comte. 

Ils suivront enfin le docteur Grasset lorsque, s'éle- 
vant au-dessus de son sujet, il envisage les bases essen- 
tielles de l'hygiène sociale, les trouve dans la science 
et dans la morale et « arrive à exposer ce qu'il croit la 
vérité sur la morale scientifique et la morale de l'Évan- 
gile, devant la sociologie montrant que, l'Évangile est 
aussi le meilleur et le seul terrain possible d'union et 
d'action sociales ». 



ETIENNE ROZE 

Un Officier. 

Le lieutenant Jacques Roze, qui fut frappé en pleine 
charge le 24 novembre 1907 au combat d'Oued-Sefrou 



MÉMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 373 

et qui, blessé à mort, perdant à flots un sang généreux, 
marchait encore à la tête de ses troupes, est un de ces 
héros qui plaident devant l'histoire la cause de notre 
siècle et démontrent qu'en France les temps héroïques 
ne sont pas révolus. Son histoire si noble, si harmo- 
nieuse, si courte, est désormais fixée dans ce petit 
livre qui s'appelle très simplement : Un Officier, et qui 
a pour auteur le frère du héros, M. Etienne Roze, lequel 
a voulu dire lui-môme, en quelques pages, ce que furent 
la vie et la mort de son frère : « Il n'a pas pu se résoudre 
à laisser à un autre l'honneur d'une telle besogne, et il 
est venu lui-même apporter au lieutenant Roze un 
dernier témoignage d'infinie tendresse et un dernier 
hommage d'admiration passionnée ». 

Ainsi, nous apprenons à connaître Jacques Roze 
enfant, collégien, à Saint-Cyr, officier à Melun, à Epi- 
nal, à Saumur, puis en Afrique, au Maroc, au camp 
d'Oudja; nous avons la relation émouvante de son 
premier combat suivi, à si peu de distance, de celui qui 
devait être le dernier, et c'est le plus beau des exemples, 
et la plus émouvante des leçons, l'histoire de cette vie 
si courte et si noblement remplie, qui commença le 
9 octobre 1876, pour finir, au champ d'honneur, trente 
et un an après... 



MÉMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 



ROMANS 

Adam (Paul), — Le Trust (édition définitive). 

Audibert (Marcel). — Pilleraud. 

Binet-Valmer. — Le Cœur en désordre. 

Cathlin (Léon). — Leur Petit Garçon, « histoires plus vraies qu'il 

ne faudrait », 
Christmas (Walter). — Camarades de bord. 



374 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Diraison-Seylor. — V Amour en croupe, « roman de demain ». 

Dor (Prosper). — La Ouirlande d'amour. 

Flambart des Bords. — Jean du B&juet. 

Foley (Charles). — La Dame aux millions. 

Fontainas (André). — Les Etangs noirs. 

Le Febvre (Yves). — Le Sang des Emeutes. 

Maizeroy (René). — L'Amour perdu. 

Maryan. — Roman d'automne. 
— L'Echo du Passé. 

Maudru (Pierre). — Suzanne Leclasnier. 

Mirande (Henry). — Les Baisers de Lesbie « amours antiques ». 
Oe sont les amours de Catulle et de Cynthia que le roman- 
cier évoque à nos yeux en des pages vivantes, délicates et 
jolies. Le doux poète latin lui a laissé pour ce récit une 
foule de documents ; M. Henry Mirande a choisi parmi eux 
avec beaucoup de tact et de discernement, et il a réussi à 
composer un roman où sont évoquées avec infiniment d'a- 
grément, de vérité — et toute la réserve nécessaire — les 
suprêmes amours du plus amoureux des poètes et la vie 
romaine au temps de César. 

Orna-Galatz (Adolphe). — La Fange. 

Pacheu (Abbé Jules). — Alceste au Couvent. 

Penin (Auguste). — Cœur d'Apôtre. 

Place (Sidney). — Les Fréquentations de Maurice, mœurs de 
Londres. 

Regismanset (Charles). — Le Bienfaiteur de la Ville. 

Riche (Daniel). — Je vous aime. 

Roger (Noëlle). — Le Docteur Germaine. 

Sales (Pierre). — Le Secret du Fakir. 

Savignon (André). — Les Filles de la Pluie. 

Schefîer (Robert). — Les Taciturnes. 

Sinclair (May). — L'Immortel Moment (adaptation de l'anglais 
par M. Clément Mottot). 

Ténars (Louis). — Guerin fonctionnaire, « caricatures sociales ». 

Tessandier (Gustave). — Les Vrais Pauvres. 

Tolstoï (Léon). — Contes et Romans posthumes, traduits du russe 
par M. Téodor de Wyzewa. 

Vildrac (Charles). — Les Découvertes, un recueil de nouvelles 
très littéraires, très curieusement observées. 



HISTOIRE. — LITTERATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Allorge (Henri). — La Splendeur douloureuse, poèmes offerts par 
l'autear à « ses ancêtres laboiu-eurs ». 

Angellier (Auguste). — Œuvres posthumes (Premier volimae). 
L'auteur, poète harmonieux et profond, avait laissé quel- 
ques manuscrits entièrement achevés dont il avait, en ses 



MÉMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 375 

derniers jours, souhaité la publication. Ce vœu s'accom- 
plit aujourd'hui : ces pièces de la « Lumière antique » et 
ces « Poèmes modernes » devaient, en effet, être mis au 
jour ; ils sont exquis et consacreront la renommée du 
poète. 
Apollinaire (Guillaume). — Chroniques des Grands Siècles de 
la France : l'entrevue du Camp du drap d'or, l'assassinat 
d'Henri IV, François I", protecteur des arts, racontés 
d'après des documents inédits, etc. 
Arnould (Louis). — Nos Amis les Canadiens (histoire, psy- 
chologie, littérature, colonisation). 
Bapst (Edmond). — Les Origines de la Guerre de Crimée, « La 

France et la Russie de 1838 à 1854. » 
Baudin (Pierre). — Sur VArt contemporain. Dans ces analyses 
des rapports de l'Art et de l'État, dans ces études de nos 
métiers d'art, dans ces évocations de Paris, universel mar- 
ché de l'art, des musées des villes, etc., on retrouve les 
belles qualités d'éloqvience et de clarté que M. Pierre Bau- 
din apporte à l'étude des questions les plus diverses : qu'il 
s'agisse de guerre, de politique extérieure, de commerce 
ou d'art, cet homme d'Etat éminent ne prend la parole ou 
la plume que lorsqu'il a complètement approfondi, épuisé 
son sujet. Bel exemple qu'il donne là à ses collègues du 
Parlement, et trop rarement suivi. 
Benzart (Paul). — Les Hérésies pendant le Moyen Age et la 
Réforme jusqu'à la mort de Philippe II — 1598 — dans la 
région de Douai, d'Arras et au pays de l'Alleu. 
Bernard (A.). — Le Maroc. 

Bemstein (Henry). — Théâtre. (Premier volume). Trois pièces 
figurent dans ce premier volume, trois étapes du plus 
puissant talent dramatique de ce temps : le Marche, la 
Griffe et cet émouvant Détour dont dix ans passés n'ont 
pas affaibli l'émotion et qui triomphe plus brillamment 
encore qu'au premier jour sur la scène du Gymnase. Un tel 
succès, accueillant dix ans après la reprise d'une oeuvre 
dramatique est un critérium infaillible; le Détour est tme 
belle œu\Te : nous en étions sûrs déjà il y a dix ans; c'est 
une œuvre qui restera : on peut aujourd'hui l'afïirmer. 
Berthet (Marguerite). — La Fée aux Oiseaux, féerie en vers, en 

cinq actes et huit tableaux. ^ 

Bertrand (Louis). — Gustave Flaubert, un livre bien remarqua- 
ble où l'auteur étudie un Gustave Haubert peu connu, 
un Flaubert lyrique, romantique, un esthéticien très cons- 
cient de ce qu'il exigeait de son art, un voyageiu- épris de 
l'Orient et de l'antiquité gréco-latine un érudit grisé par 
la poxissière des bibliothèques — voire un bourgeois qui 
s'échauffait à la lecture des journaux — un Français enfin 
qui aimait passionnément son pays. 
Bidou (Henry). — V Année dramatique 1911-1912. Les feuille- 
tons des Débats si remarquables, si ingénieux et si profonds 
tjui'ont valu au critique selon M. Emile Faguet, trois 
grands succès : l'estime et l'admiration des gens de goût 
et de culture, une certaine crainte respectueuee de la part 



376 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

des auteurs, l'indifférence des imbéciles. Et vous compren- 
drez après cela que j'aie plaisir à vous redire mon estime 
et mon goût pour ces feuilletons. 
Boiilenger (Jacques) et Emile Henriot. — Animaux de sport, 
« Coursing-Corridas ». C'est M. Jacques Boulenger qui nous 
parle du coursing; M. Emile Henriot évoque les courses 
de taureaux depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. 
Bourée (Lieutenant de vaisseau). — De la Surface aux Abîmes. 
Bourotte. — Pour coloniser au Maroc, la Chouia agricole. 
Boussenard (Louis). — La Terreur en Macédoine, « récit vrai ». 
Brisson (Aldophe). — Le Théâtre, 1912. L'éminent critique 
publie la septième série de ses feuilletons hebdomadaires. 
C'est l'histoire du théâtre contemporain racontée au jour 
le jour par un spectateur d'une merveilleuse assiduité, à qui 
aucune manifestation théâtrale ne saurait échapper; et 
ces pages écrites au jour le jour, dans la fièvre de l'actua- 
lité, restent dans le livre, aussi vivantes, aussi alertes 
qu'elles furent dans le journal. Elles acquièrent, en outre, 
— après tant d'autres pages et tant d'autres séries : celles de 
Larroumet et celles de Francisque Sarcey, auxquelles elles 
se rattachent sans interruption depuis un demi-siècle, — la 
valeur d'un très précieux document pour l'histoire du 
théâtre pendant ces cinquante dernières années, de 1860 
à 1911. 
Cagnat (R.). — A travers le Monde romain, de savantes et jolies 
conférences où l'auteur a évoqué des figiu-es d'impératrices 
romaines, racontant la vie de garnison et la religion des 
soldats dans l'Empire romain, la sorcellerie et les sorciers, 
le commerce et la propagation des religions en des pages où 
une grande érudition se dissimule sous la plus agréable 
parure. 
Cantacuzène (Charles- Adolphe). — Apothéoses de Météores, 
poésies étranges, audacieuses, souvent harmonieuses et 
profondes, et ce sont des fragilités « suaves », des « paren- 
thèses liliales », et le a mois' douloureux », et le « début 
floréal ». 
Cappati (Louis). — Pourquoi? poèmes. 

Carton de Wiart. — Vertus bourgeoises, un volume d'une bien 
sobre typographie où l'auteur aurait voulu faire revivre 
les vertus bourgeoises du vieux Bruxelles avec tout ce 
qu'elles eurent de bon, d'excellent et de pire. 
Chantavoine (Henri). — La Vie : « Pierre et Jeanne ». C'est 
toute une vie que l'auteur nous raconte en ses poésies, 
depuis la naissance, les fiançailles, jusqu'à la mort, au 
deuil, au souvenir, en passant par les rêves et les joies, le 
travail, les inquiétudes. Il a composé ce livre avec sagesse 
et ferveur, ému par le grave souci. 

De dire ce qu'il tient de douceur ou de peine 
Dans ce rêve d'un jour qu'est une vie humaine... 

Chapman (W.). — Fleurs de Givre, poésies. 

Corbin (Pierre). — Histoire de la Politique économique de la 



MÉMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 377 

France. « Les origines et la période anslaise jusqu'en 

1483 )). 
Costel (Paul). — Sensations (2*^ série). Poèmes delà ville. 
Daudet (Ernest). — Madame Royale, fille de Louis XVI et de 

Marie- Antoinette. « Sa jeunesse, son mariage ». 
Derème (Tristan). — Le Poème de la Pipe et de V Escargot, d'une 

fantaisie souvent heureuse : 

J'' avais un air mélancolique et des gants jaunes 

nous dit l'auteur qui aime à plaisanter avec une émotion 
parfois réelle et sincère. 

Dierx (Léon). — Poésies posthumes, de beaux vers où le prince 
des poètes chantait Alfred de Vigny et Paul Verlaine et 
Cr.tulle Mondes. 

Doléris (D'' J.-A.). — Le Nil Argentin, une étude économique 
et agricole siu* le& régions du Sud-Argentin. 

Drouet (Joseph). — L'Abbé de Saint-Pierre, « l'homme et 
l'œuvre. » 

Duboit (Charles). — Prométhée enchaîné, une bonne traduc- 
tion en vers de la tragédie d'Eschyle. 

Duquet (Alfred). — Chôlons et Bcaumont, un livre remarquable 
où l'auteur consacre tout près de cinq cents pages à l'étude 
de vingt-trois jours de la guerre de 1870-1871, du 7 août 
au 30 août 1870. C'est d'un intérêt émouvant, et une leçon 
douloureuse ressort de ces pages, leçon que les victoires 
balkaniques viennent de mettre en lumière et en action 
avec un singulier éclat, à savoir, que le secret de la vic- 
toire c'est le haut commandement libre des influences 
politiciennes, l'esprit militaire, l'intendance bien orga- 
nisée et toujours d'accord avec le général en chef, le secret 
des opérations à exécuter, la discipline des troupes et le 
bon armement. Leçon vitile et qu'il faut méditer... 

Exteens (Maurice). — La Préhistoire à la portée de tous. 

Fargue (Léon-Paul). — Poèmes en prose. Il y a dans ces pages 
bien du talent, un sens merveilleux du rj'thme et de la 
couleur, une pensée profonde, riche et généreuse; il y a 
aussi souvent un grand mépris de nos cerveaux de bour- 
geois. Au moment où l'écrivain nous a séduits par un beau 
tableau, une évocation émouvante, où nous sommes dis- 
posés à le suivre enivrés, tandis que « le poème des âges 
s'amuse et sonne, et se presse par toutes les mains des 
Ic'gendes »; à ce moment, il s'amuse, semble-t-il, à s'éva- 
der dans des brumes opaques et nous nous prenons la tête 
entre les mains. Nous voudrions le suivre dans ce beau 
voyage et nous ne le comprenons plus. Je soupçonne 
M.' Léon-Paul Fargue de se divertir à ce sujet et de s'amu- 
ser de nos étonnemen^ts. Ne protestons pas : son réel talent 
lui donne tous les droits, même celui d'employer les images 
les plus imprévues, telle celle-ci : « La rue est triste comme 
ime porteuse de pain congédiée, et toutes les maisons ont 
leur tablier gris »... 

Febtiro (Lucien). — Histoire de la Franche- Comté, 

(Jaffre (L.-A.). — Visions du Brésil. 



378 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Goethe. — Lettres choisies (1765-1832) (traduction de M»e A. 
Fan ta), « On voit dans cet ouvrage, dit M. Arthiir Chuquet, 
qui le présente, un Goethe nouveau ou du moins peu 
connu. Son caractère s'y montre dans toutes ses nuances, 
l'homme entier y apparaît et non l'être plus ou moins 
artificiel qu'on appelle un auteur », 

Harry (Myriam), — V Indo-Chine. Ce livre tout pimpant de 
belles images et de vives couleurs, l'écrivain l'offre « à ses 
trois petits-neveux carthaginois : Robert, Henry, Coquo- 
line Cirier, futurs explorateurs, soldats, colons pour leur 
faire connaître une nouvelle France plus lointaine encore 
que la leur ». Ecrit pour un jeune public en une langue 
familière, en des chapitres rapides, où les choses d' Indo- 
Chine avec ses rizières et ses arroyos, ses dieux et ses dia 
blés, ses congays, son théâtre, ses contes et ses légendes, 
défilent comme au cinématographe, — le volume a toute 
la grâce et toute la profondeur qu'il faut pour plaire à des 
lecteurs plus âgés, plus blasés, j'en ai fait l'heureuse expé- 
rience : il est digne du talent si souple, si original, si puis- 
sant, et de l'œuvre passée de M"™^ Myriam Harry. 

Havard de la Montagne (Robert). — Madame de Maintenon. 
Dans une étude approfondie, l'auteur conclut que son 
héroïne est tout à fait digne d'estime, et aussi d'admira- 
tion, et même, vraiment, de sympathie. Il n'y a pas lieu, 
selon lui, de s'arrêter aux griefs des esprits romanesques 
qui lui en veulent surtout d'avoir fait deux mariages dont 
aucun ne fut un mariage d'amour. Si c'est vraiment le 
seul grief qu'on ait contre M.^^ de M& intenon, il convient, 
en effet, de lui pardonner : elles sont trop, dans l'histoire 
des temps passés, et des temps présents, qui commirent 
la môme faute, et il faudrait en vouloir à trop de femmes... 

Henriot (Emile). — Voir Jacques Boulenger. 

Hustin (A.). — Les Allemands à Vest de Paris, du Canal de 
rOurcq à la Marne (1870-1871). 

Jardet (Abbé). — La Femme Catholique « son apostolat, son 
action religieuse et sociale ! » 

Laforest (Edmond). — Cendres et Flammes, poésies. 

Lapauze (Henry), — Jean Briant, paysagiste, m,aître de Ingres, 
une solide étude ornée de magnifiques images. Le peintre 
qui eut l'honneur d'enseigner Ingres bénéficie de la piété 
et de l'enthousiasme de M. Henry Lapauze pour tout ce 
qui touche à son héros ; et novis apprenons de lui que « Jean 
Briant ne fut pas un paysagiste en chambre, et qu'il n'est 
pas vrai que Ingres, peintre d'histoire, ait été dégoûté de 
la nature agreste par les études faites chez son maître ». 

Leclerc (Jules). — Aux Sources du Nil par le Chemin de fer de 
V Ouganda. 

Leclerc du Sablon. — Les Incertitudes de la Biologie. 

Le Dantec (Félix). — La Science de la Vie. 

Lepointe (E,-L.). — Correspondance de Carlyle et Emerson 
(1834-1872). 

Le Pointe (Henri), — Souvenirs de guerre et de garnison, « trente 
récits contemporains inédits ». 



MÉMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 379 

Lévi (André). — Souvenirs du général Vionnet, vicomte de 
Maringoné. 

Machuel (L.). — Auteurs arabes, «. pages choisies des grands 
écrivains ». 

Maspéro (G.). — L'Egypte. 

Maurras (Charles). — Anthinea, « d'Athènes à Florence ». « J'ai 
fait, dit l'auteur, le voyage d'Athènes au moment des 
Jeux olympiques, et, les Jeux terminés, j'ai respiré, aussi 
longtemps que je l'ai pu, la violette divine entre l'Acro- 
pole, Eleusis, l'Hymette et les champs de Colonne. Je 
passai peu après en Corse, reconnaître une petite ville 
fondée par des Grecs fugitifs et fidèle à son origine... Un 
séjour à Florence m'avait appris la ressemblance de la 
Grèce et de la Toscane en ce qu'elles ont de meilleur. Plus 
je les comparais l'une à l'autre, mieux je voyais en quoi 
elles se distinguent du reste ». 

Mignon (D"" A.). — De Paris à Benarès et Kandy. 

Milosz (O.-W.). — Les Chefs-d'œuvre lyriques du Nord. « Angle- 
ierre, Allemagne » (traduction poétique). 

Mistral (Frédéric). — Les Olivades, un livre tout plein de soleil, 
d'émotion et de joie, dont je ne puis, hélas ! déguster la 
beauté que dans la traduction littéraire mise en regard du 
texte provençal : 

Le temps qui devient froid et la mer qui déferle, 
— Tout me dit que Vhiver est arrivé pour moi — 
Et qu'il faut, sans retard, amassant mes olives, 
En offrir Vhuile vierge à Vautel du bon Dieu. 

Mourey (Fernand). — Histoire générale de l'Eglise. Tome VII. 

« L'Eglise et la Révolution ». 
Muzet (Alphonse). — Au:c Pays Balkaniques : « Monténégro, 

Serbie, Bulgarie ». 
Normand (Jacques). — En regardant la vie... Ces réflexions sur 
quelques modes et usages du jour, ces silhoviettes et por- 
traits, ces excursions à Paris et ailleurs sont d'une note 
tout à fait agréable : malicieuses sans méchanceté, opti- 
mistes sans complaisance. L'auteur prie gentiment ceux 
qui lui feront l'honneur de parcourir ces pages « de n'y 
cnercher rien de profond ni de définitif »; il supplie aussi 
qu'on ne l'accuse pasu d'avoir joué au moraliste ». Il n'en a 
ni l'ambition ni le droit. Il a souhaité seulement « faire 
sourire quelques-uns de ses contemporains, sans se pré- 
tendre exempt lui-même des petits travers qu'il leur 
signale ». 

Patry (H.). — Les Débuts de la Réforme protestante en Guyenne 
(1523-1559). un livre préfacé par M. Camille JuUian. 

Persy (D"" Paul). — Les Sonnets de VOr. 

Petit (Edouard). — Eugène Pelletan, « sa vie, son œuvre ». 

Pétrie (Flinders). — Les Arts et les Métiers de l'ancienne Egypte 
(traduit de l'anglais par M. Jean Capart). 

Pierron (Sander). — Les Mostaert « Jean Mostaert, dit le maître 
d'Oui trament, Jules et François Mostaert, Michel Mostaert 



380 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Poléjaieff (Pierre). — Six années. La Russie de 1900 « 1912 

(adaptation de M. Gaston Dru). 
Remond (G.). — Aitx Camps turco-arahes ; « notes de route et 
de guerre en Tripolitaine et en Cyrénaïque ». I/auteur est 
un de ces correspondants de guerre qui font si grand 
honneur à la presse contemporaine, qui ne craignent ni 
les fatigues, ni les privations, ni les dangers, et qui s'ex- 
posent souvent aux mômes périls que les combattants dont 
ils relatent les hauts faits, dont ils gardent le souvenir, 
dont ils partagent les misères et non la gloire. Ils sont par- 
fois récompensés par la renommée, et c'est le cas de M. Re- 
mond, dont les récits publiés à l' Illustration attestent tout 
à la fois le coiirage et le talent, et qui, en travaillant 
pour la gloire des autres, a réussi à composer \m très 
beau livre qui lui fait grand honneur. 

Reymond (Marcel). — De Michel-Ange â Tiepolo. 

Ribaux (Adolphe). — Capri. 

Robiquet (Jacques). — Gouthière — « sa vie, son œuvre ». 

Rodocanachi. — Etudes et Fantaisies historiques. L'auteur 
réunit sous ce titre une série de très captivantes promena- 
des aux jardins de l'histoire. Et c'est le récit du séjour de 
Pie VII à Paris raconté par l'abbé Cancellieri qui avait 
accompagné le pape pour la cérémonie du sacre et qui 
contemplant Paris du haut du Panthéon, avait découvert 
« un chaos de richesses et de misères, de scélératesse et 
d'innocence, de puissance et de faiblesse, d'oisiveté et d'in- 
dustrie, de plaisirs et de tourments »; la recherche de l'ori- 
gine du nom de Napoléon; les aventures d'une courtisane 
vénitienne à l'époque de la Renaissance ; l'histoire du sifïlet 
au théâtre ; tant d'autres choses encore, pages palpitantes 
d'histoire à côté, où M. Rodocanachi a mis infiniment de 
grâce, d'agrément et d'érudition. 

Saint-Maurice (Marquis de). — Lettres sur la Cour de Louis XIV 
1671-1673 (publiées par M. Jean Lemoine). 

Savine (Albert). — Dans les fers du Moghreh, « récits de chré- 
tiens esclaves au Maroc aux xvii^ et xvin® siècles ». 

Shelley (P.-B.). — Prométhée délivré {tTa.àvictiondie M«ie TolaDo- 
rian). 

Simon (Charles). — Iai Flûte enguirlandée, poèmes. 

Spetz (Georges). — Légendes d'Alsace (nouvelle édition). 

Stirling (André). — Ode à Vaile frissonnante, vers d'une belle 
envolée offerts au maître Edmond Rostand. 

Teramond (Guy de). — La Guerre sur Mer : « Corsaires, pira- 
tes, etc. ». 

Thomas (Romain). — La Route du Retour, poèmes. 

Toussaint (Marcel). — Vers écrits sur Veau. 

Valclair (J.). — Consolations, « poèmes en prose » offerts k à 
vos larmes, à vos sourires tristes, à vos découragements, 
à vous, pour qui ce tout petit livre fut écrit ». 

Wagner (Charles). — A travers le Prisme du Temps. Ainsi que 
l'indique ce titre, c'est l'idée du temps qui relie entre elles 
ces nouvelles causeries présentées en un triptyque dont le 
premier panneau est consacré à la tradition, le deuxième 



MÉMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 381 

aux relations entre contemporains, le troisième à la préoc- 
cupation de l'avenir. L'auteur a pu faire tenir dans ce 
cadre un noble idéal de vie pénétrée par la loi universelle 
de cohésion à travers les âges. Toute éducation, qui ne se 
rattache à rien avant nous et ne se soucie pas de ce qui 
viendra après nous., enferme l'homme dans un cercle dont 
l'étroitesse l'étouffé. Nous sommes les enfants de ce qui a 
été; par notre fidélité à gérer dans le présent le patri- 
moine reçu, nous avons à préparer ce qui sera. 



DECEMBRE 



LES ROMANS 



MARCELLE TINAYRE 

Madeleine au Miroir. 

Madeleine au Miroir est une œuvre très particulière 
qui tient du roman, de la chronique, de l'étude de 
mœurs; œuvre charmante, grave et jolie où Tauteur 
nous restitue le journal de Madeleine Mirande, une 
femme de trente ans — c'est-à-dire qu'elle en a un peu 
plus de trente-cinq ! — restée veuve avec deux jeunes 
enfants, très femme tout à la fois et mère parfaite, dont 
la vie est très suffisamment remplie par « ses enfants, 
quelques amis, quelques livres, la musique, des souve- 
nirs, un peu de bien qu'elle essaie de faire, le plaisir de 
curiosité qu'elle prend au spectacle du monde, à la 
comédie humaine ». 

Tout de même, elle voudrait dire ses impressions, ses 
opinions, ses sentiments; et comme ses enfants sont 
trop jeunes, comme elle n'a pas de partenaire, elle prend 
le parti de tenir ce journal, qui ne sera pas un journal 
sentimental, et où elle n'a pas la prétention de faire de 
la littérature. Non : elle fixera les reflets de la vie qui 
passe au miroir de sa pensée de femme; elle collection- 
nera des impressions, des opinions, des images; — 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 383 

n'est-ce pas un remède excellent à l'ennui, une diver- 
sion au chagrin, une façon détournée de faire à propos 
de tout, un utile examen de conscience ? 

Et voilà comment, sur cette trame légère, à la faveur 
d'une histoire dont l'héroïne nous intéresse et nous 
séduit, l'auteur nous fait connaître sans nous infliger 
de conférence, les sentiments d'une femme honnête, 
sensible et sage, sur la maternité, sur la mode, sur les 
appartements modernes, sur le Salon d'automne, sur 
la littérature et les femmes, sur l'amour avec un grand 
A, et l'amourette avec un tout petit ; sur le patriotisme 
des enfants, et les terreurs des mères; sur mille choses. 
Et c'est un recueil d'impressions, de souvenirs, de son- 
geries où l'imaginaire se mêle au réel. « C'est un miroir 
aux mains d'une femme qui se plaît à regarder passer 
dans le disque étroit les reflets de son visage pensif et 
de son âme attentive, les clartés et les ombres du senti- 
ment, les images fuyantes de la vie »... 



ABEL HERMANT 

Ck)utras voyage. 

Dans ces charmants et terribles Mémoires pour ser- 
vir à l'histoire de la société que M. Abel Hermant déco- 
che à notre temps, il n'est sans doute pas de figure plus 
signiflcative que celle du Cadet de Coutras; ce jeune 
homme nous enchante par je ne sais quel air d'ingé- 
nuité et ce sont, semble-t-il, les événements qui se 
chargent d'être cyniques pour lui; par exemple, ils s'en 
chargent bien, et Gosseline, le camarade précepteur, 
que vous vous êtes gardés d'oublier, est là pour les 
commenter. 

Donc, Coutras dont nous avons connu la savou- 
reuse adolescence, et que nous avons vu ensuite sous 



384 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

l'habit militaire, Contras i^oyage; il entreprend, en com- 
pagnie de Gosseline, le tour du monde; le tour du 
monde, c'est une façon de parler, car les deux voyageurs 
ont trop d'esprit pour vouloir boucler la planète et 
couper les méridiens sans en excepter un seul, non ! Ils 
feront un tour du monde de philosophes, c'est-à-dire 
qu'ils feront le tour des choses en réduisant au mini- 
mum leur déplacement : les Balkans, la Grèce, Constan- 
tinople et l'Italie suffiront très bien à leur ambition, et 
au retour Maximilien de Coutras se souviendra d'avoir 
vu les plus beaux décors et les plus beaux spectacles du 
monde. 

Cet itinéraire suffît à merveille aussi à notre plaisir 
car, dans ces décors, les deux voyageurs vivent les 
plus divertissantes aventures : ils enlèvent une prin- 
cesse royale dans le jeune royaume d'Albanie, ils rêvent 
d'aventures amoureuses à Gorinthe et à Constantinople, 
ils connaissent à Venise la fatale passion et, en fm de 
compte, le Cadet de Coutras, servi à souhait par les 
événements, remplit consciencieusement sa mission qui 
est, comme chacun sait, d' « exercer des reprises sur la 
branche aînée », en s'appropriant la femme de son 
cousin, la richissime et belle Lili Hodgson qu'il épousera 
lorsque l'Église aura rompu sa première union. Et je 
compte bien que nous verrons quelque jour. « Coutras 
marié » dans le somptueux palais restauré sur les plans 
du mari répudié... 

Ce récit de voyage est le plus divertissant du monde, 
il affecte souvent les allures d'une opérette dont il a 
toute la folie cordiale et pimpante, mais d'une opérette 
qui serait pensée par un conteur philosophique, écrite 
par un virtuose merveilleux de la langue française. 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 385 

MICHEL PROVINS 
L'Art de rompre. 

Quand on élira le « prince du dialogue », je pense qu'il 
n'y aura pas de longues contestations et que la couronne 
sera tout de suite, et d'un consentement unanime, 
décernée à Michel Provins : il excelle vraiment dans ces 
drames rapides, dans ces brèves comédies nouées et 
dénouées avec tant de bonne grâce et d'adresse, et ses 
dialogues sont des modèles du genre. UArt de rompre 
ne déparera 'pas la collection. Les dialogues groupés 
sous ce titre sont tout à fait divertissants, et ils ont du 
mérite à l'être, car M. Michel Provins a choisi un sujet 
qui pourrait être très facilement pénible et déplaisant; 
il a joué la difficulté et il a gagné brillamment. 

Le héros dont nous vivons les aventures, Maurice 
Durèze, est en effet un Don Juan qui tient essentielle- 
ment à ne point s'attarder dans les bonnes fortunes et 
qui, par un malheureux hasard, excite des passions 
d'une qualité éternelle. Comme, d'autre part, il déteste 
les scènes, les histoires, les rancunes, son art consiste, 
lorsqu'il en a assez, à faire prendre par son amie la 
fatale détermination; elle s'en va désespérée et recon- 
naissante à l'homme qui a eu la grandeur d'âme de la 
laisser partir. 

Pour arriver à un tel résultat, il convient parfois de 
n'être pas très scrupuleux, et Maurice Durèze ne craint 
pas d'avoir recours à des moyens assez déplaisants qui 
vont de la police à l'hygiène, en passant par l'hypno- 
tisme; tranchons le mot : ce don Juan, ingénieux à 
garder le beau rôle, est un simple mufle; seulement, 
Tart de Michel Provins a réussi à le rendre bien amusant. 



22 



386 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

MARCEL BERGER 

L'Homme enchaîné. 

Voitô vous souvenez de ce rêve que formait Alexandre 
Dumas : le mariage de l'homme très jeune et très chaste 
avec la vierge très pure et de divine ignorance. Ainsi 
assorti, ce couple où chacun aurait fait en même temps 
les mêmes découvertes, connu les mêmes joies, éprouvé 
les mêmes souffrances, réaliserait le miracle de Theu- 
reuse et indissoluble union. Ce rêve séduisant est la plus 
dangereuse des chimères : beaucoup de psychologues 
l'ont affirmé, et M. Marcel Berger prétend nous le 
démontrer une fois de plus avec son roman de V Homme 
enchaîné. C'est l'histoire de François Portrieux qui, dès 
l'âge de vingt et un ans, s'est marié avec Jeanne, une 
jeune fille de Moulins où il est professeur. François est 
un universitaire de profonde culture, de haute intelli- 
gence, de grand avenir; sa femme fort intelligente elle 
aussi, est douce, sensible, aimante; elle s'appuie avec 
une confiance absolue au bras de son mari qui l'aime 
infiniment, et la route, devant eux, s'ouvre large et 
belle, fleurie d'espérance. 

François a obtenu une bourse de doctorat : les voici 
à Paris où ils retrouveront quelques anciens amis, Pres- 
tal notamment, le romancier célèbre et un peu cynique. 
François d'abord travaille avec acharnement à sa 
thèse sur Chateaubriand, mais, certain jour, l'obligeante 
intervention de Prestal lui ayant ouvert l'accès d'un 
journal, il devient — poste dangereux entre tous — 
critique dramatique. Ainsi lancé dans le tourbillon, cet 
homme supérieur aperçoit autour de lui les mille plaisirs 
factices et charmants qu'il ne connut jamais. Insensi- 
blement, la tentation s'empare de lui, il se détache de 
sa femme; il lui en fait honnêtement, doucement, cruel- 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 387 

lement Taveu. Une épreuve s'impose : cette vie de 
plaisir et de liberté qu'il n'a jamais connue, il faut 
qu'il en fasse l'expérience et, paisiblement, il offre à 
Jeanne de se séparer d'elle, séparation temporaire, car 
il lui fixe pour dans un an, un rendez-vous à une date 
précise, à Moulins, où ils ont commencé de connaître le 
bonheur. 

Jeanne accepte, donne sa parole, et, à la date fixée, 
François se trouve fidèle au rendez-vous. Il a dans cette 
année épuisé toutes les joies de la liberté, il pense à 
peine à sa déception, tant sa joie est grande de repren- 
dre auprès de la seule femme qu'il aime, auprès de sa 
femme, la route interrompue. 

Mais Jeanne n'est pas au rendez-vous; seule, une 
lettre est là, très douce, très raisonnable, qui lui 
apprend que, pendant cette année d'épreuve, elle a 
refait sa vie définitivement; elle est très loin, à Buenos- 
Aires, aux côtés d'un honnête homme qui l'aime et 
dont bientôt elle va avoir un enfant. « Notre aventure 
était fatale, lui dit-elle, tu m'avais épousée trop jeune, 
tout a découlé de là. Puisque vous autres hommes vous 
êtes ainsi faits, puisqu'il faut que vous l'émoussiez, cet 
instinct, ce désir à cent faces, que la nature a mis en 
vous, épuisez donc votre fougue, soyez fervents et 
volages avant de vous être unis à la femme qui, elle, 
se confie toute à vous ». 

Cette thèse, qui n'est pas nouvelle, M. Marcel Ber- 
ger l'a développée en un roman tout à fait remarquable, 
vivant, humain, d'une observation minutieuse, un peu 
trop parfois, quand elle retarde par des descriptions la 
marche d'une action à laquelle l'auteur a su nous pas- 
sionner. 



388 hE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

LOUIS DELZONS 

Le Maître des Foules. 

Ce pourrait être un livre à thèse, mais l'auteur de 
l'Affaire Nell est trop romancier pour s'attarder dans 
une démonstration; c'est le lecteur lui-même qui, après 
avoir fermé le livre, est tenté d'en tirer une conclusion 
que l'écrivain n'a pas songé, semble-t-il, à lui imposer, 
mais que les faits eux-mêmes ont mise en lumière. 
C'est, à mon sens, la bonne formule; en dehors d'elle, 
un roman ne saurait être vivant. 

Et l'essentielle qualité du livre de M. Delzons est pré- 
cisément une vie intense, ardente, une action ramassée 
qui vous empoigne et ne vous laisse pas, pendant tout 
le temps qu'elle se déroule, le loisir de la réflexion. C'est 
l'histoire de Germaine Grandier, une ravissante jeune 
fille de vingt-cinq ans, orpheline, qu'une jeunesse mal- 
heureuse a fortement armée pour la vie. Elle a voulu, 
par le travail et l'étude, conquérir son indépendance 
matérielle et morale ; elle est devenue licenciée es lettres, 
et a obtenu à Rouen une chaire de professeur. Elle a 
rencontré là, Manès, un jeune professeur de philosophie, 
d'une vaste intelligente, d'une éloquence entraînante 
qui connut, lui aussi, une jeunesse douloureuse. Une 
vive inclination les a l'un vers l'autre attirés; ils se sont 
promis un mutuel amour. 

Mais les vacances sont venues, et tandis que Manès se 
jetait à corps perdu dans une affaire fameuse qui déchi- 
rait alors la France, et menait une fougueuse campagne 
en faveur du droit, tout en gardant fidèlement dans son 
cœur le doux secret de son amour ; Germaine se laissait 
conquérir par la vie heureuse et large que lui offrait — 
avec sa main — le quinquagénaire Vambard. père 
d'une de ses élèves. 



DECEMBRE, 



LES ROMANS 389 



A la rentrée, elle signifie à Manès son irrévocable 
décision, et le pauvre professeur, soutenu dans son 
désespoir par quelques amitiés fidèles, se donne tout 
entier aux luttes politiques et sociales, où son élo- 
quence entraînante lui assure de magnifiques victoires, 
et où, prolétaire exaspéré, il pourra assouvir son ressen- 
timent contre le capitalisme, dont un représentant lui 
a ravi son bonheur. 

Le succès dépasse ses espérances; il est entraîné lui- 
même plus loin qu'il ne voulait : il conquiert la foule, 
déchaîne des grèves et s'empare du pouvoir. Cependant, 
Germaine a compris un peu tard la faute commise 
contre elle-même et contre son cœur; elle voudrait tout 
abandonner : sa situation, sa fortune, son mari, pour 
revenir à Manès, que sans doute elle n'a jamais cessé 
d'aimer, et celui-ci, toujours meurtri, toujours aimant, 
est sur le point de céder, mais il sent que c'est impossi- 
ble, il se doit à sa tâche, à la mission que les événements 
lui ont confiée. Ce maître des foules est leur prisonnier, 
et il a perdu son droit au bonheur sentimental : il est 
trop tard... 



GASTON LEROUX 

Balaoo 

Vous vous souvenez de cette surprenante affirma- 
tion placardée l'an dernier sur tous les murs de Paris : 
« Il y a des pas au plafond ». Ces pas qui nous intriguè- 
rent si violemment, ce sont ceux de Balaoo, le héros 
d'un roman où M. Gaston Leroux a trouvé le moyen 
d'être mystérieux d'une façon tout à fait nouvelle. 

Balaoo est, nous l'apprenons dès la centième page 
du livre, un anthropopithèque que le savant M. Corio- 
lis a ramené de Java. Il ne lui manquait, comme on dit, 
que la parole, et M. Coriolis en « tranchant un nerf et 

22. 



390 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

en rapprochant un autre nerf sous la langue » a su la lui 
donner. Ainsi, il a avancé de cent mille ans Tceuvre de 
transformation de Tespèce, mais Balaoo, devenu 
M. Noël, comme vous et moi, n'a pas pris les cent mille 
ans de conscience nécessaires pour pouvoir, sans danger, 
se promener parmi les hommes. 

Et c'est en vérité un terrible compagnon que ce 
Balaoo : il pénètre la nuit dans les maisons, par le toit, 
et, caché au-dessus de la tête du propriétaire, deux de 
ses mains appuyées sur un meuble, les deux autres 
touchant le plafond, il étrangle le dormeur : voilà pour- 
quoi il y a des pas au plafond et pourquoi aussi tant de 
gens sont étranglés mystérieusement dans les maisons 
de Saint-Martin-des-Bois. 

Pour comble, Balaoo s'est lié d'amitié avec les trois 
frères Vautrin, qui sont de terribles bandits, et il leur 
apporte dans leurs expéditions le plus précieux et le 
plus meurtrier des concours; même, il trouve moyen de 
les délivrer lorsque les bandits se sont laissés pincer. 

On envoie contre eux un régiment d'infanterie et un 
escadron de cavalerie qu'à lui seul il met en déroute. Et 
le voici à Paris, où M. Goriolis l'a amené pour faire son 
droit. Balaoo est un étudiant sentimental : il connaît les 
souffrances de l'amour, car il est épris de Madeleine, lef 
fille de Goriolis, et le mariage de cette dernière avec 
Patrice le désespère. Après avoir eu un instant le des- 
sein d'étrangler Patrice, il se résigne et même il emploie 
sa force herculéenne à sauver Madeleine, enlevée par 
les bandits Vautrin, qu'il tue tous les trois avec la plus 
grande aisance. Mais il est difficile de garder avec soi un 
tel compagnon et Goriolis se décide à le ramener dans 
la forêt de Bandani où il est né. Il y vit un peu consolé, 
et dit que si jamais les enfants de Madeleine ont besoin 
de lui, il seVa là. 

Telle est l'histoire. Je ne sais si mon analyse la fait 
bien comprendre; elle est, dans le livre, très claire, 
amusante et dramatique, et ce n'est pas seulement un 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 391 

roman d'aventures; même, M. Gaston Leroux a renoncé 
dès la centième page, au prestige du mystère, en nous 
renseignant de façon précise sur M. Noël; il a cru, à 
juste titre, qu'il pourrait nous intéresser au spectacle 
du petit d'animaux parmi les hommes, comme Kipling 
nous avait passionnés à celui du petit d'hommes parmi 
les animaux, et il s'est donné la peine de nous démontrer 
par des notes très scientifiques, mises au bas des pages, 
que son personnage n'était point du tout impossible 
ni même complètement invraisemblable. 



JACQUES DES GACHONS 

La Vallée Bleue. 

Le roman que M. Jacques des Gâchons a publié sous 
le titre : La Vallée Bleue, est, à mon sens, le meilleur 
livre, et de beaucoup, que nous ait donné jusqu'à pré- 
sent cet écrivain. C'est un livre très complet, très har- 
monieux, écrit dans une langue d'une gracieuse et ferme 
élégance, un livre où l'auteur a réussi à être original en 
plaidant la bonne cause, si souvent plaidée en notre 
temps, du retour à la terre, « à la terre qu'on cultive et 
qui sent si bon ». 

Il la plaide discrètement, d'ailleurs, sans étalage de 
thèse et sans vain prosélytisme; c'est nous qui, au récit 
des aventures de Jérôme Baroney, l'architecte parisien 
exténué de travail pour la satisfaction des frivoles 
désirs de sa femme, de sa fille, la belle et coquette 
Rolande, et de son fils, le cynique et léger Maxime, 
souhaitons le voir s'évader de cette geôle où il s'épuise, 
où bientôt il perdra la vue, pour répondre à l'appel de 
son frère Gabriel qui vit à la campagne, à côté de sa 
femme et de ses sept enfants, la belle vie saine et large 
de la nature. 



392 LE MOUVEMENT LITTERAIRE 

Et notre vœu se réalise définitivement après les plus 
émouvantes péripéties. Jérôme, parvenu à une indiffé- 
rence nécessaire à l'égard de sa femme et de ses indi- 
gnes enfants qui bouleversèrent la paisible région où il 
les avait amenés, restera auprès des braves gens qui 
l'accueillirent, occupé à des travaux qu'il aime, gardant 
les dernières forces de ses yeux fatigués pour contem- 
pler éperdument la belle nature qui l'environne, ce 
Berry charmant que George Sand appelait la « vallée 
noire » et que M. Jacques des Gâchons a bravement 
débaptisée parce qu'il la voit lui perpétuellement bleue, 
même alors que ses arbres sont dépouillés. Il s'est 
excusé de cette liberté : « George Sand ne m'en voudra 
pas, a-t-il dit, si mon roman est bon ». Elle ne lui en 
voudra pas... 



JEANNE MARAIS 

Nicole Courtisane. 

Nicole Courtisane, est une ravissante personne, intel- 
ligente, fine, cultivée; elle relève singulièrement le 
prestige de ce titre de courtisane et lui restitue le rang 
officiel que les Grecs lui reconnaissaient publiquement 
et que nous mettons un peu plus d'hypocrisie à lui 
consentir. Nicole est d'ailleurs une courtisane d'un 
ordre tout à fait particulier; elle ressemble énormé- 
ment à une honnête femme. Son ami, le richissime ban- 
quier Bernard, est le premier homme qui ait passé dans 
sa vie, ou presque, — Nicole n'a, en effet, connu avant 
lui qu'une très sentimentale et très blanche déception, 
— il est certainement le seul, et Nicole serait une 
femme du meilleur monde si, par malheur, Bernard 
n'était marié ailleurs. A cette nuance près, la vie de 
Nicole est la plus régulière qui soit; elle s'écoule dans 
le cadre d'un hôtel somptueux où fréquentent des 



r 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 393 

ministres d'hier et de demain, de grands banquiers, des 
artistes, et de simples mondains prêts à Tamour, avides 
de se brûler les ailes à cette flamme éblouissante. 

Dans ce palais, Nicole amusée, intéressée, un peu 
écœurée, assiste et préside à des événements de la vie 
parisienne où la comédie voisine avec le drame et qui 
ne sont pas sans influence sur la chose publique. Ces 
événements, que M^^^ Jeanne Marais nous raconte d'une 
plume alerte et familière, je ne puis songer à vous les 
retracer ; ils meublent tout au long ce roman très vivant, 
très palpitant et qui se dénoue le mieux du monde, par 
la rentrée définitive dans la vie normale de Nicole, qui 
épouse Bernard devenu veuf. Elle a trouvé, entre 
temps, le moyen de faire décorer son ami, de sauver 
d'une aventure fâcheuse le banquier Landry Colin, 
associé de Bernard, d'attacher à son char le ministre 
Brochard par le seul prestige de son intelligence et de 
sa grâce sans que sa vertu ait subi la moindre atteinte. 
Elle a sur la conscience une seule victime: Julien Dan- 
iel, le jeune papillon amoureux qui n'a su faire croire 
;i sa sincérité qu'en se suicidant, comme Werther. 

Il y a dans ce roman, écrit sans recherche, de bien 
jolies qualités d'observation et d'intérêt, et puis, il a 
la vertu suprême : une vie intense, débordante. 



ROBERT CHAUVELOT 

Parvati <( Mœurs hindoues contemporaines ». 

L'histoire douloureuse de Parvati, la petite princesse, 
que nous raconte M. Robert Chauvelot, est un roman de 
« mœurs hindoues contemporaines ». Mœurs hindoues 
f'onteraporaines : le rapprochement de ces deux épi- 
thètcs nous frappe, tout d'abord, comme un contraste : 
• 'Mtre ces mœurs de mystère et de féerie, et celles cjo 



394 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

notre temps, il n'y a pas seulement la barrière des océans 
qu'on franchit en quelques semaines, il y a des milliers 
d'années. Ce contraste, vous le retrouvez dans le 
livre de M. Chauvelot, qu'on sent vécu, sincère et vrai, 
où l'émotion est très humaine, très près de nous, et qui, 
cependant, évoque le drame le plus extraordinaire, 
dans des décors prestigieux de richesse, de splendeur et 
d'angoisse. 

C'est, au centre, la figure de Parvati, la Maharani, 
l'épouse du puissant Maharajah de Jeypore, svelte fille 
de rajahs aux grands yeux noirs ombrés de mystère, 
aux longues tresses séparées en bandeaux sur un front 
pur et blanc d'Aryenne. 

Avant d'épouser, sans amour, son puissant mari, la 
petite princesse fut élevée en Europe, à l'européenne, la 
civilisation occidentale la marqua de son empreinte, et 
ce fut un déchirement pour elle, lorsque, l'échéance 
arrivée, devenue femme et reine, il lui fallut dire adieu 
à la joie d'être libre et à l'espoir d'aimer. 

L'amour, dans la vaste et somptueuse prison des 
palais de l'Inde, est une chose terriblement dangereuse; 
la pauvre petite Parvati en fait la cruelle expérience 
lorsqu'elle se laisse aller à la douceur d'écouter Gilbert, 
le peintre parisien venu pour faire son portrait. L'idylle 
ébauchée se termine dans la plus affreuse des tragédies. 
Environnée de haine, de jalousie et de fanatisme, Par- 
vati paye dans les supplices la douceur d'une minute. 

Autour de cette jolie et douloureuse histoire d'amour, 
le romancier a évoqué avec de riches couleurs les 
hommes et les choses de l'Inde, âmes sombres, mysté- 
rieuses et fanatiques, décors magiques de ruines et de 
splendeur où scintillent les gemmes, où s'agitent les 
voiles de soie pourpre, les palmes, les festons, avec une 
foule ardente et fanatique qui hurle et grouille, et tue, 
cependant que dans l'ombre passe Civâ, l'Invisible,., 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 396 

PIERRE CUSTOT 

Traits galants et Aventures du Sieur Pierre Deîleurville. 

Le sieur Pierre Defleurville est un jeune homme de 
dix-neuf ans que la bienveillance du ciel a fait naître 
en plein xviii^ siècle, en un temps qui sut comme 
aucun autre être libertin et aventureux avec grâce : le 
sieur Defleurville sut se rendre digne d'une telle faveur. 
Entre ce matin du l^r mai 1767 où, sans sou ni maille, 
riche seulement de ses dix-neuf printemps, il s'élança 
dans Paris et dans le monde avec sa perruque à queue, 
son habit puce, sa tabatière et sa canne, entre cet hum- 
ble départ et cette arrivée victorieuse dans le château 
du duc de Montcornet dont il épouse officiellement la 
jolie nièce Sylvie, que d'aventures, que d'histoires, que 
de traits galants, à Paris, à Londres, à Madrid ! 

Au cours de ces histoires le sieur Defleurville ne fut 
pas toujours d'une parfaite délicatesse et même il ris- 
querait en notre temps d'être pai'fois assez mal jugé; 
mais par bonheur, tout cela se passe au xviii® siècle et 
nous avons des trésors d'indulgence pour des hommes 
qui surent êtres immoraux avec tant de grâce, de bran- 
che, et d'allure. 



HENRY SOULIÉ 



La Route s'éclaire. 



Le roman de M. Henry Soulié est un bien émouvant 
petit livre tout imprégné d'idéalisme, de confiance et 
de foi. L'anecdote en est très simple : c'est l'histoire 
d'André Waller, le fils du riche banquier et son succès- 



396 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

seur; il a mené jusqu'alors — il a trente-huit ans — ce 
qu'on appelle la vie de plaisir. Et puis, brusquement, 
il a senti le néant de cette existence; confusément 
d'abord, il a compris qu'il devait s'en évader, il a quitté 
Paris et s'en est allé sur les bords du Léman. Là, dans 
la belle nature, aidé par la présence d'un très pur et 
très vibrant amour, il a peu à peu compris : la route 
s'est éclairée devant lui et lorsque après des épreuves 
douloureuses, un accident mortel est venu le frapper, 
il était prêt pour la grâce suprême : « il avait retrouvé 
une âme d'enfant et il savourait la paix reçue, cette 
paix de Noël qui, trouvée dans la certitude de l'amour 
du Père, surpasse toute intelligence ». 

Il y a dans cette très simple histoire un élan, une 
vérité admirables; son auteur n'est point un écrivain 
ni un romancier de métier, on s'en rend compte tout de 
suite, et c'est le plus beau compliment qu'on lui puisse 
faire. Son œuvre est en efïet toute spontanée, il n'y a là, 
ainsi qu'il dit quelque part en parlant de son héros, ni 
artifice littéraire, ni plaidoyer conventionnel. « Pour 
écrire un tel livre, le talent, le génie même ne suffisaient 
pas, ce qu'il y fallait c'était surtout, c'était uniquement 
une ardente sincérité », et la sincérité de M. Henry Sou- 
lié illumine ces pages, où il chante « la part de beauté 
dont son âme a été imprégnée ». 



CAPITAINE FABIEN MOUGENOT 

Un Sabre. 

En nous contant l'histoire d'un Sabre, le capitaine 
Fabien Mougenot n'a pas eu le dessein d'écrire un 
roman; sans doute, l'aventure de Charles Franc, l'insti- 
tuteur provençal devenu officier de cuirassiers, est une 
fiction romanesque avec une foule d'incidents émou- 



DÉCEMBRE. — LES ROMANS 397 

vants qui se succèdent et s'enchaînent jusqu'au dénoue- 
ment dramatique, mais chacune de ces péripéties 
répond à une préoccupation de l'heure actuelle : le 
capitaine Fabien Mougenot a voulu réfuter point par 
point les déclamations de « l'Armée contre la Nation » 
en nous montrant, par une aventure particulière, que 
l'armée, que le corps de ses officiers peuvent et doivent 
être en communion avec la nation. Il faut seulement 
dissiper le malentendu qui s'est élevé, c'est le devoir 
des officiers qui ont enfin le droit de parler et d'écrire. 
Le capitaine Mougenot remplit ce devoir pour sa part, 
et c'est d'une très bonne intention et d'un excellent 
esprit. 



CLAUDE LEMAITRE 

Lina. « Histoire d'amour sous le second Empire. » 

Dans l'histoire de Lina — histoire d'amour sous le 
second Empire — Claude Lemaitre évoque, sous une 
forme nouvelle, le douloureux problème d'un amour 
et d'un mariage franco-allemands traversé par le grand 
drame de 1870. Nous avons vu déjà, dans plusieurs 
romans, des Françaises mariées à des Allemands avant 
ou peu après la guerre; avec Lina nous connaissons 
l'aventure pathétique de l'Allemande épouse d'un 
Français. 

Lina Lherbey, veuve d'un ingénieur français et qui, 
en 1869, a épousé le lieutenant des guides Gaston De- 
camps n'est qu'une femme très simple, très douce, qui 
aime tendrement son mari et ses enfants; elle n'est pas, 
comme les héroïnes françaises^^des romans dont je 
parlais, troublée par des problèmes de nationalité, 
mais elle est tout de même leur victime. 

La douleur de la défaite a tué en Gaston tout amour 

23 



398 LE MOUVEMtNT LlTTéRAIHË 

pour sa femme, il ne voit plus en elle que TAllemande, 
Tennemie, et il lui fait endurer les pires tourments 
jusqu'au jour où sa propre souffrance ayant égaré sa 
raison, il s'élance et se tue en une charge frénétique 
contre Tennemi imaginaire. Alors, Lina, désemparée, 
retourne en Allemagne avec ses enfants et, ces fils du 
sang français, deviendront, par Tinéluctable force des 
choses, des Allemands. 

Claude Lemaître a trouvé pour conter cette histoire 
des accents très émouvants et très sincères; elle n'a 
pas songé à discuter les problèmes soulevés, elle a voulu 
simplement, avec sa simplicité de femme, exprimer de 
l'amour et de la souffrance. 



HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS, 



ALPHONSE DUNOYER 

Fougmer-Tinville accusateur public du Tribunal 
Révolutionnaire. (1746-1795). 

M. Alphonse Dunoyer consacre à Fouquier-Tinville 
un remarquable ouvrage qu'il a composé d'après les 
documents des Archives nationales. C'est l'œuvre 
définitive d'un historien qui a tout regardé, tout 
écouté, et qui raconte sans haine et sans colère. Il a du 
mérite; il faut, en effet, une bien grande égalité d'âme 
pour pouvoir travailler si longtemps en compagnie de 
l'odieux homme dont la vilaine figure apparaît à la 
première page de ce livre, sans lui jeter l'anathème. 

M. Alphonse Dunoyer sait se garder de tels excès, 
mais je ne crois pas qu'il parvienne à en préserver son 
lecteur. L'outrage dont il s'abstient, c'est nous qui le 
jetterons à la mémoire de Fou quier-Tin ville après 
avoir, grâce à l'historien, connu toutes les pièces du 
procès; et la défense de Fouquier-Tinville lui-même 
lorsqu'il eut à répondre de ses crimes, accusé à son 
tour devant un tribunal, ne nous égarera pas. Il aura 
beau provoquer audacieusement et imperturbable- 
ment les témoignages, ceux surtout de ses ennemis 
mortels, les commis du greffe; son cas pourra devenir, 
en dépit de l'œuvre horrible, « très curieux et très inté- 
ressant », il n'en restera pas moins abominable et son 
habileté même à se défendre nous fera prendre plus 



400 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

encore en horreur toutes les servilités les plus basses, 
« les plus criminelles, les plus déshonorantes », toutes 
les forfaitures dont il se rendit coupable pour garder sa 
place et le traitement avantageux qu'elle représentait 
pour lui. 



Dr HENRI PERRAUDEAU 

Saint-Ouen pendant la [Révolution. 

Dans une de ces histoires locales qui se multiplient 
depuis quelque temps avec un si grand profit pour la 
grande histoire, M. le docteur Henri Perraudeau nous 
raconte, d'après des documents originaux, Saint- 
Ouen pendant la Révolution. L'auteur, en ces pages 
d'histoire audonienne, esquisse, tout d'abord, une 
brève histoire du village au début de l'époque révolu- 
tionnaire, puis il nous montre les premiers désordres 
locaux qui suivirent la convocation des États Géné- 
raux et nécessitèrent la création d'une police locale; il 
évoque les conseillers municipaux qui, après avoir 
rédigé avec les habitants leurs cahiers de doléances, 
s'occupèrent de l'exécution des décrets de l'Assemblée 
Nationale, dressèrent un état des biens du clergé, des 
biens des émigrés, et bientôt présidèrent à leur vente 
et en devinrent acquéreurs. 

Le curé constitutionnel et le maire se détachent sur 
ce tableau en de vives silhouettes, et c'est bien intéres- 
sant, très dramatique aussi. J'ajoute que l'auteur, à la 
différence de certains autres historiens, n'a entendu 
clouer personne au pilori, mais a voulu raconter sim- 
plement, en historien, tout ce qu'il a pu savoir en 
explorant des documents dispersés et que pour la 
plupart on croyait anéantis. 



DÉCEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 401 



FRÉDÉRIC MASSON 

L'Académie Française (1629-1793). 

Rien ne saurait atteindre le prestige de Thabit vert 
et je crois bien que sa vogue est éternelle; ceux-là 
seuls le vilipendent avec amertume qui le trouvent 
« trop vert », et c'est encore une manière d'hommage. 
Un hommage aussi, des malices comme celles que lui 
décochent nos amis de Fiers et Gaillavet, malices dont 
le souvenir ne saurait les gêner le jour où ils seront 
conviés à leur tour à le revêtir, en une séance où ils 
pourront se féliciter d'avoir fait triompher, pendant 
tant de soirs, l'Académie aux Variétés. 

Les usages de l'illustre compagnie, qu'ils se sont 
amusés à parodier avec tant d'esprit sont parfois assez 
pittoresques, mais ils ont toujours une raison d'être 
et leur origine vaut la peine d'être étudiée ; c'est à quoi 
M. Frédéric Masson s'est employé. 

Dans ce livre, se trouvent rassemblés et mis en 
ordre, « pour la première fois, des détails sur l'institu- 
tion académique qui permettent de comprendre quan- 
tité d'usages, de règlements et de traditions essentiels 
à l'existence de la Compagnie ; ces lois, elles ne furent 
point tracées par une humeur momentanée ou un subit 
enthousiasme et c'est à leur stricte observation que la 
doyenne de l'Institut doit d'avoir atteint ce degré 
d'honneur et de renommée. » 

Et ce sont des chapitres merveilleusement docu- 
mentés et palpitants d'intérêt sur les « officiers », les- 
quels sont : le directeur, le chancelier, le secrétaire 
perpétuel, le libraire; sur les élections, le serment des 
académiciens, le scrutin; sur les réceptions; sur les 
destitutions; sur les travaux de l'Académie réglés par 



402 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

les statuts du Cardinal : le dictionnaire, les prix de 
littérature et de vertu. C'est encore l'Académie et les 
princes étrangers; les académies de province; l'Aca- 
démie et l'Église; et enfin, pendant la Révolution 
française, la dramatique agonie et la mort de l'Aca- 
démie que Celui-là fera renaître qui fit tout renaître en 
France, — et c'est ainsi qu'après Richelieu et Louis XIV, 
ses fondateurs, elle revendiquera comme son rénova- 
teur, Bonaparte, premier consul... 



RENÉ DESCHARMES ET RENÉ DUMESNIL 
Autour de Flaubert. 

Les deux volumes d'études historiques et documen- 
taires que MM. René Descharmes et René Dumesnil 
viennent de publier, Autour de Flaubert, sont tout à 
fait remarquables. Les auteurs n'ont eu qu'un dessein 
modeste, celui de passer en revue les à-côtés de la vie 
et de l'œuvre de Gustave Flaubert; ils ont été amenés 
ainsi à laisser de côté presque entièrement l'Éducation 
sentimentale et la Tentation de Saint- Antoine pour s'at- 
tacher à Madame Bovary, Salammbô, le Candidat, Bou- 
vard et Pécuchet, autant de centres où convergent leurs 
divers chapitres. 

Ils se sont gardés de tout essai de critique; ils n'ont 
point prétendu analyser les œuvres elles-mêmes, en 
dégager les beautés ou les défauts; ils se sont contentés, 
ainsi qu'ils le disent excellemment, de tourner, pour 
ainsi dire, autour de quelques-unes, pour en décrire 
l'origine, la genèse ou les conséquences. Ils ont partout 
rattaché l'œuvre à l'homme, vivifié l'œuvre en rappe- 
lant quelques aspects des temps où elle a été composée; 
et ce dessein précis, ils l'ont rempli d'une façon si par- 



DÉCEMBRE. — HISTOIRE, LITTÉRATURE, DIVERS 403 

faite que leur étude apparaît comme la plus compré- 
hensive et la plus complète qui ait été publiée sur Flau- 
bert, sur sa pensée et sur son œuvre. 



CAMILLE MAUCLAIR 

De r Amour physique. 

Le livre de M. Camille Mauclair me plonge dans un 
grand embarras; cet écrivain très distingué auquel 
nous devons des œuvres si émouvantes et si remar- 
quables aborde, en effet, dans ce nouveau livre des 
questions très délicates et très scabreuses avec une 
audace qui ne saurait être permise au chroniqueur du 
Figaro. Il nous le dit dans sa préface : « J*ai touché ici à 
quelques préjugés que la plupart des hommes et des 
femmes éludent en secret, mais dont leur hypocrisie ne 
souffre guère qu'on parle librement et sans respect ni 
circonspection. » 

Mettons, si vous voulez, que je suis un hypocrite, 
mais je garde un profond respect pour quelques-uns 
des préjugés bousculés par l'écrivain, et je persiste à 
croire qu'il convient d'en parler avec beaucoup de cir- 
conspection. 

Il y a d'ailleurs, dans le livre de M. Camille Mauclair, 
une très belle dépense de talent, d'étude et de réflexion, 
mais il n'aurait pas dû, ni dans son titre, ni dans son 
livre, employer le mot « Amour ». Ce mot vénérable et 
charmant qui n'a rien à voir en cette affaire; ce mot, il 
convient de le laisser à la seule humanité lorsqu'elle 
reste vraiment humaine et de l'écarter soigneusement 
lorsqu'on étudie l'homme dans ses ressemblances trop 
fréquentes avec ses frères inférieurs. M. Camille Mau- 
clair le sait mieux que moi-même, lui qui évoqua 
l'amour tragique en de si belles nouvelles, lui qui se 



404 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

propose d'écrire quelque jour un livre où seront pré- 
sentées toutes les radieuses communions de l'homme 
et de la femme, où sera exaltée la qualité morale de 
Tamour, où s'affirmera une fervente croyance en l'idéa- 
lité ineffable de l'amour. Ce livre-là, il pourra s'inti- 
tuler l'Amour avec un grand A, et sans épithète, et 
j'éprouverai, cette fois, un plaisir sans mélange à en 
parler. 



GÉRARD HARRY 

Le Miracle des Hommes. 

Dans ce très beau livre qui mériterait une longue 
analyse et qui, sans doute, soulèvera de graves discus- 
sions, M. Gérard Harry exalte le Miracle des Hommes, 
à propos de la magnifique histoire d'Hélène Keller. 
Cette histoire vous la connaissez : elle est fameuse 
dans le monde, c'est celle de cette jeune fille améri- 
caine, sourde, muette et aveugle, qui grâce à l'aide 
d'une géniale éducatrice, Miss Sullivan, grâce aussi 
à des dons inouïs et à une prodigieuse force de 
volonté, est parvenue à sortir de la triple prison où la 
nature l'avait emmurée. Cette sourde a compris la 
grâce des sons, cette aveugle a vu la splendeur des cou- 
leurs, elle a lu les chefs-d'œuvre de la littérature, elle a 
pénétré les mystères de la science; cette muette, enfin, 
a communiqué sa pensée magnifique et profonde à des 
auditeurs confondus. 

Il y a là une histoire émouvante et sublime, une des 
plus belles et des plus pathétiques que nous ait offertes 
l'humanité. Cette histoire, M. Gérard Harry nous la 
raconte en des pages très belles de sobriété, d'intensité 
et de vérité, et cette partie de son livre sera sans nul 
doute universellement admirée. 



MÉMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 405 

Il y a en effet une seconde partie : — M. Gérard Harry 
ne s'est pas contenté de retracer l'histoire d'Hélène Rel- 
ier, et celle de Marie Heurtin, qui lui ressemble de loin; 
il a voulu tirer de ces aventures une leçon philosophi- 
que. Cette conclusion qui s'exprime avec une grande 
autorité, en un langage très noble, ne rencontrera pas 
un assentiment aussi unanime : elle risque, en effet, de 
blesser certains sentiments et certaines convictions très 
respectables. Mais ceux mêmes qui protesteront contre 
les théories de M. Gérard Harry ne pourront contester 
ni sa sincérité ni la noblesse qu'il y a dans cette exalta- 
tion de l'homme indéfiniment perfectible et capable 
de réaliser des miracles, « Iç miracle des hommes, celui 
qui transparaît si particulièrement et si radieusement 
dans la régénération d'êtres tels qu'Hélène Keller, ce 
miracle fait pour inspirer à l'homme une foi immense et 
le guider hardiment vers des devoirs de plus en plus 
hauts et des réalisations de plus en plus complètes ». 

Mme Georgette Leblanc-Maeterlinck, qui a connu 
l'admirable Hélène Keller, a fait précéder ce livre de 
quelques pages éloquentes où elle exalte cette femme 
« dont l'existence tenace comme la nature, comme la 
goutte d'eau qui use le roc, comme le lierre dont la force 
infatigable couvre les ruines d'un éternel printemps, 
symbolise l'effort de l'humanité, qui, surmontant les 
ignorances, va droit vers la lumière. » 



MÉMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 



ROMANS 

Bouchor (Maurice). — Contes, racontés d'après la traduction 

populaire des divers pays d'Europe. 
Brad!a. — La Voix qui accuse. 

33. 



406 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

Hullet (Marie- Anne). — Celle qui manqua. 

Maël (Pierre). — Les Deux Tigr esses. 

Nouvel (E.). — La Bonne Idée de V oncle Mathieu. 

Pêne (Annie de). — C'étaient deux petites filles... 

Regismanset (Charles). — Le Bienfaiteur de la Ville. 

Simon-Muller (Marie). — U Autre Werther. 



HISTOIRE. — LITTERATURE 
THEATRE. — POESIE. — POLITIQUE. — DIVERS 

Angot (E.). — Pour toutes les Françaises, pages éloquentes et 
sages sur l'éducation de l'enfance, l'enseignement secon- 
daire féminin, le féminisme, le rôle social des femmes, où 
l'auteur plaide la bonne cause du retour au sens français, 
où il adjure les mères, les femmes, les éducatrices de com- 
prendre tout entier leur rôle de Française et de rester 
fidèles à ce devoir primordial qui est de ne rien répudier 
de l'histoire de notre pays. 

Arnaud (Maxime-Emile). — Voir Jean Pelissier. 

Autin (Albert). — Le Père Gratry. « Les grands hommes de 
l'Eglise au xix« siècle ». 

Bellay (Joachim du). — Divers jeux rustiques et autres œuvres 
poétiques, des pages curieuses et intéressantes publiées par 
M. Ad. Van Bever sur l'édition originale de 1558 et aug- 
mentées de lettres de l'auteur avec une notice de Guillaïune 
Colletet. 

Bergeret (Stephen). — Plans de réalisation de la société future, 
un livre sur lequel on lit cette épigraphe pleine de pro- 
messes : « La Révolution dans l'ordre, dans la paix, par la 
loi ». 

Bord (Gustave). — Autour du Temple, des études sur la ques- 
tion Louis XVII. 

Bossert (A.). — Histoire de la littérature allemande (nouvelle 
édition mise à jour). 

Botrel (Théodore). — Les Chansons des Clochers à jour. 

Bourdeau (Colonel E.). — Campagnes modernes (premier 
volume). « U Epopée républicaine, 1792-1804 ». 

Braunschvig (M. et M^^e Q.). — Notre Enfant, le touchant et 
instructif journal d'un père et d'une mère, hymne joyeux 
et grave, que deux voix, tantôt séparées, tantôt confon- 
dues, entonnent à la beauté souriante de l'enfant, à la 
fraîche naïveté de son cœur, et à l'éveil de son intelligence 
qui laisse pressentir les floraisons futures. 

Brieux (Eugène). — La Tunisie, un très charmant et très solide 
ouvrage sur cette Tunisie où il y a toujours de la terre à 
prendre, et qui « se donnera d'elle-même à celui qui l'ai- 
mera courageusement ». 

Burnand (Robert). — U Hôtel royal des Invalides (1670-1789). 
un volume très émouvant, très documenté, orné de nom- 



MÉMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 407 

breuses images. Pour cette étude, de patientes recherches, 
de longs dépouillements ont été faits dans les dépôts d'ar- 
chives et nous possédons, grâce à l'auteur, une histoire 
définitive de ce monument que Montesquieu appelait « le 
plus respectable de la terre ». 
Calvocoressi. — Schumann, un très intéressant volume de la 
collection « Les écrits et la vie anecdotique et pittoresque 
des grands artistes ». 
Cureau (Dr Ad.). — Les Sociétés primitives de V Afrique équato- 

riale. 
Defrance (Eugène). — La Conversion d'un sans-culotte. « Ga- 
briel Bouquier. peintre, poète, et conventionnel ». 
Desaymard (Joseph). — //a Pensée d'Henri Bergson. 
Doedalus (Théo). — Israël chez John Bull, des études sur l'his- 
toire et la progressive influence des fîls d'Israël dans la 
société, le négoce, 1 1 politique, l'armée, les lettres, les finan- 
ces et les mœurs britanniques. 
Dorlan (A.). — Histoire architecturale et anecdotique de Schles- 
tadt « les transformations d'une place forte alsacienne des 
origines à nos jours ». 
Drouët (Marcel). — U Ombre qui tourne, poèmes. 
Dufay (Pierre). — Journaux inédits de Jean Desnovers, chi- 
rurgien de l'Hôtel-Dieu de Blois (1689-1728) et d'Isaac 
Girard, pensionnaire à l'hôpital de Blois (1722-1725), et 
c'est une vivante évocation de « Blois à la fin du xvn® siè- 
cle et au commencement du xviii« siècle ». 
Dumet (Louis). — Honoré de Balzac, critique littéraire. 
Emerson (R.-W.). — Essais politiques et sociaux (traduction de 
M. M. Dugard). Il y a là pour beavicoup une sorte de révé- 
lation, car Emerson, maître universellement célèbre de la 
vie intérieure, est beaucoup moins connu comme génie 
positif ; il fut cependant pénétré au plus haut point du res- 
pect des réalités. Guerre, propriété, éducation, gouver- 
nement, rôle de l'écrivain, lutte des partis et des classes, il 
n'est pas une question que son idéalisme pratique n'ait 
approfondie, en des pages souvent admirables, et ce sont 
ses écrits sur l'aristocratie, l'éducation, la guerre, la des- 
tinée de la République, etc., que M. Dugard a traduits 
Four notre plus grand profit. 
(Paul). — Histoire politique du XIX^ siècle. 
Fourest (Georges). — La négresse blonde, une édition définitive 
de ce livre étonnant d'un écrivain qui gagna à une récente 
élection le titre imprévu d' « anti-prince >> des poètes, œuvre 
d'un irrésistible pmce-sans-rire dont l'outrancière fantai- 
sie va souvent un peu loin, mais monte parfois très haut. 
Foville ( J. de) et A. Le Sourd. — Les Châteaux de France, 
Fragin (Maurice). — Le Cœur qui vibre, des vers offerts à la 

mémoire de François Coppée. 
Gaffre (Le P. L.-C). — Le Christ et l'Eglise dans la question 
sociale, les conférences que l'auteur donna au Brésil et 
dont le retentissement fut si considérable; ce sont ses 
réflexions sui* « la vraie démocratie, fille de l'Eglise catho- 
lique et qui, dévoyée, est le socialisme », sur le « rôle de la 



408 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

femme, sur la paix universelle par l'éducation ». Ce ne sont 
ni des notes documentaires, ni des décovivertes sensation- 
nelles, mais des notes personnelles que l'auteur s'est dédié 
à soi-même. L'archevêque de Saint- Sébastien de Rio-de- 
Janeiro a aimé ces conférences; il approuve le livre qui 
demeurera « comme lui doux souvenir du passage du Père 
Gafîre dans cette cité et parmi ce peuple qui a applaudi 
et qui demeurera d'autant plus lié à sa mémoire qu'il aura 
en ses mains ces fruits bien assaisonnés de sa robuste intel- 
ligence y>. 

Garzon (Eugénie). — L'Amérique Latine « République Argen- 
tine », un remarquable ouvrage où les progrès admirables 
de ce pays sont exaltés avec éloquence, non pas par des 
paroles mais par des chiffres, des docimaents, des tableaux, 
des graphiques. « Nous ne sommes pas partisans, dit l'au- 
teur, de développements lyriques, nous avons tenu à 
remplacer les louanges purement verbales par dès données 
précises, en sorte que le lecteur puisse se faire \ine idée 
exacte de la situation actuelle et de l'avenir de la Répu- 
blique Argentine ». 

Gautier (Judith). — L'Inde éblouie, le « récit d'iuie aventure 
coloniale, au xviii^ siècle », où l'éminente femme de lettres 
évoque le souvenir de Dupleix, de de Bussy, de La Touche. 
M'"^ Judith Gautier ne peut point admettre que l'ingrate 
Histoire mentionne à peine les héros qui, à cette époque, 
se sont prodigués pour la gloire de leur pays, ont versé tant 
de leur sang dans des luttes prodigieuses, dans des combats 
invraisemblables. Elle répare, pour ce qui est en elle, cette 
injustice, en faisant revivre l'histoire de cette grande aven- 
ture française, dans ce pays plein de merveilles et de crimes, 
où Musulmans, Hindous et Européens sont aux prises; 
histoire tellement mouvementée, dramatique et brillante, 
qu'elle n'a eu qu'à la prendre toute vive pour former le 
plus romanesque des romans. 

Gignoux (Regio). — Voir Charles Muller. 

Gourmont (Remy de). — Le Chat de Misère, « des idées et des 
images ». 

Guy (Teofilo). — Histoire des Vaudois (nouvelle édition). 

Hauptmann (Gerhardt). — Michaèl Èramer (traduction de 
M. Sébastien Voirol). 

Henriot (Emile). — A quoi rêvent les jeunes gens? L'auteur a 
voulu se renseigner et nous instruire sur cette question pal- 
pitante pour notre avenir. Il a interrogé les jeunes — après 
avoir judicieusement établi ce qu'était un « jeune » — il les 
a interrogés en se tournant vers tous les partis, car il y a 
parmi les jeunes une gauche, luie droite et des indépen- 
dants; il a demandé leur avis aux néo-symbolistes, aux 
loups, aux paroxystes, aux imanimistes.auxspiritualistes, 
et ses interlocuteiu-s rangés ainsi sous des vocables, qui res- 
remblent assez à des étiquettes d'écoles, lui ont répondu 
avec une quasi-unanimité qu'il n'y avait plus d'école et 
qu'ils ne voyaient aucune utilité à en former une nouvelle. 

Laurentie (Frwiçois). — Louis XVII. 



MÉMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 409 

Lebesgue (Philéas). — Six lais d'amour, des vers modernisés 
en regard de l'original de l'exquis poète qui s'appela Marie 
de France. 

Lenôtre (G.)- — Bleus, Blancs et Rouges, une nouvelle série de 
« récits d'histoire révolutionnaire >». 

Le Boux (Hugues). — Un homme qui comprend les femmes... 
Quel est l'homme en question? Est-ce un maître? Est-ce 
un sportsman ? Est-ce l'homme poli ? Est-ce im roué ou un 
naïf? Est-ce l'amoiu-eux platonique, un chérubin, l'homme 
qui a vécu, le confesseiu*, le médecin, le camarade ? 

Avec beaucoup de peine l'auteur arrive enfin à conclure : 
« L'honmie qui comprend les femmes est un homme qui 
tout d'abord ne les désire pas, c'est un homme pour lequel 
les femmes éprouvent tantôt de l'amitié, tantôt de l'indif- 
férence, jamais de l'amour ». Après cela, je connais quel- 
ques-uns de mes concitoyens qui se résigneront à ne pas 
comprendre les femmes... 

Le Soiu-d (A.). — Voir J. de Fo ville. 

Lugnier (Antonin). — Histoire de la Société lyrique : les Enfants 
du Caveau. 

Malherbe (Henry). — PaulHerviçu. 

Malo (Henri). — Les Corsaires dunkerquois et Jeun Bart, des 
origines à 1662. 

Marx (Claude R.). — Georges de Porto Riche. 

Maurras (Charles). — La Politique religieuse. Cette politique 
offre trois avantages. « En prenant une vue aussi exacte 
que possible de l'unité catholique, elle tient compte de 
la division des consciences françaises. Elle tend à rallier 
toutes ces consciences catholiques ou non, pourvu qu'elles 
veuillent maintenir la Patrie. Elle rallie les catholiques, 
non seulement sans leur demander l'atténuation d'aucune 
sévérité dogmatique ni morale, mais à proportion qu'ils se 
montrent plus fidèles à l'unité du dogme romain ». C'est un 
livTe très remarquable, très fort, d'une sincérité ardente, 
mais je connais quelques bons Français qui regretteront 
de n'y trouver nul part ce mot très français : l'apaise- 
ment. 

Michaud (Edouard). — La Terre limousine, poésies. 

Modiano (Léon). — Films d'Orient, des études sur les mœurs 
orientales, que M. Emile Faguet a goûtées : « Ce voyage en 
Orient, nous dit-il, car c'en est un, est aussi loin que pos- 
sible d'être déclamatoire, ce qui nous change. Il me rap- 
pelle souvent le Voyage en Orient, de Gérard de Nerval, qui 
est d'un si aimable homme et d'un si bon enfant, sans lais- 
ser d'être d'un poète, mais d'un poète qui a replié ses 
ailes, mais encore les a repliées de telle sorte qu'on sent 
qu'il en a ». 

Montmorency (Pierre). — Après V Aurore, poèmes. 

Montpensier (Duc de). — Notre France d'Extrême-Orient. 

Millier (Charles) et Régis Gignoux. — Mil neuf cent douze. Au 
théâtre, plusieurs scènes de cette revue m'avaient fran- 
chement diverti, d'autres m'avaient fait penser, mais je 
ne la connaissais pas, et c'est en la lisant que j'ai découvert 



410 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

là une œuvre délicieuse où une pimpante philosophie, une 
sagesse amère se dissimulent à peine sous les voiles char- 
mants de la fantaisie et de la gaieté. Je ne sais pas si ma 
remarque est très flatteuse pour les revuistes, mais je suis 
bien sûr qu'elle constitue un rude compliment pour les 
écrivains. Ils n'ont pas eu, sans doute, la gloire des défilés 
somptueux et des innombrables représentations, mais ils 
ont écrit un livre exquis, que nous garderons. Si j'étais 
revuiste à succès, il me semble que les envierais un peu... 
Noily (Emile). — Gens de guerre au Maroc. Racontées par un 
homme qui les vécut, en des pages très sobres, très simples, 
et cependant pittoresques et dramatiques, ces aventures 
qui nous conduisent sur les quais de Casablanca et sous 
les murs de Meknès, chez les Zemmours, au pays Zaer, et 
à Rabat, nous montrent les soldats français à l'œuvre. 
L'auteur nous y confie ses émotions, ses espoirs, ses regrets 
aussi, et c'est le plus bel hommage qu'il puisse apporter à 
« ses camarades de toutes armes et de tous grades de l'ar- 
mée d'Afrique qui combattent au Maroc pour la plus 
grande France, en témoignage d'enthousiaste admiration 
et d'affection profonde », 
Payen (Emile). — Vaines Etreintes, poésies. 
Pelissier (Jean) efc Maxime-Emile Arnaud. — La Morale inter- 
nationale. La tendance de l'œuvre publiée sous les auspices 
de l'Institut international de la paix est excellente, ses 
conclusions sont infiniment louables : « Peuple, tu ne tue- 
ras point un autre peuple. Peuple, tu respecteras le bien des 
autres peuples. Peuples, aidez-vous les luis les autres. Peu- 
ples, aimez-vous les uns les autres ». Tout cela est, en efïet, 
très beau et c'est un idéal qu'il faut appeler de tous ses 
vœux; mais qu'il est loin ! Ce n'est pas l'avis de MM. Jean 
Pelissier et Maxime-Emile Arnaud, aux yeux de qui « l'or- 
gueilleux édifice des vieilles traditions immorales, injustes 
et guerrières, oscille déjà sur un sol incertain, cependant 
que, grâce aux agitateurs populaires, aux philosophes, aux 
pacifistes, le nuage des aspirations morales s élève de 
terre ». Si c'est cela que les écrivains ont vu en étudiant 
l'état actuel de l'Europe, ils ont vraiment de la chance ! 
Pottet (E.). — La Sainte- Chapelle de Paris. (1246-1912). 
Rambaud (Alfred). — Etudes sur VHistoire byzantine (publiées 

par M. Charles Diehl). 
Rava (Aldo). — Lettres de Femmes à Casanova. M. Edouard May- 
nial, qui a publié sur Casanova un ouvrage si attrayant, 
nous ofïre aujourd'hui la traduction d'une série de docu- 
ments bien remarquables et qui projettent sur la figure de 
l'illustre aventurier une vive hmiière. Ce sont ces lettres 
recueillies et publiées en Italie par Aldo Rava. Je voudrais 
vous raconter toutes ces lettres mais outre que je serais 
parfois un peu gêné, la place me manque ici pour une 
complète analyse ; je dois me contenter de vous signaler en 
bloc cette volumineuse correspondance où vingt belles 
dames du xviii^ siècle vienennt, sans l'avoir le moins du 
monde prémédité, prendre la défense de ce don Juan de 



MÉMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 4H 

détestable réputation et nous démontrer qu'il possédait 
quelque chose de plus et de mieux que la prestance et 
« l'habileté séductrice élevée à la hauteur d'une carrière » 
Ah ! qu'en termes galants... 

Régnier (Henri de). — Images Vénitiennes. 

Reinach (Joseph). — La Réforme électorale, un volume où l'au- 
teur a réuni les beaux discours qu'il prononça au Parle- 
ment et dans le pays pour cette réforme nécessaire. Il les 
fait précéder d'une préface au cours de laquelle il s'est 
amusé, en une page, à expliq^uer, selon la méthode socra- 
tique, le principe, prétendu si difficile, de la réforme élec- 
torale. J'ai lu cette page et je vous assure que j'ai parfaite- 
ment compris, bien que je ne sois pas particulièrement 
doué pour les raisonnements mathématiques et que je 
n'aie aucune chance, sans doute, de pénétrer jamais à 
l'Académie des sciences. 

Reiset (Vicomte de). — Joséphine de Savoie, Comtesse de Pro- 
vence (1753-1810). 

Retté (Adolphe). — Au Pays des Lys noirs, des souvenirs de jeu- 
nesse et d'âge mûr, où l'écrivain affirme avec l'ardente 
autorité d'un néophyte que, « pour se bien porter la France 
doit être catholique et monarchiste ». 

Reynier (Gustave). — Les Origines du Roman réaliste, origines 
que l'auteur s'en va chercher jusqu'au moyen âge dans le 
roman de Renart et même jusque dans le Satiricon, de 
Pétrone, et VAne d'or, d'Apulée. 

Il explique tout d'abord, dans une très utile préface, le 
sens qu'il convient de donner au mot de réalisme, pris 
souvent, et fort inexactement dans une acception défavo- 
rable. « Il arrive à l'art réaliste de représenter des scènes 
assez laides et de s'intéresser à des personnages assez bas; 
mais il n'est nullement condamné à la vulgarité et à la 
grossièreté, et même il est clair que les peintures les plus 
libres ou les plus crues ne sont plus de son domaine si elles 
manquent de vérité ». 

Richepin (Jean). — D'Eschyle à Aristophane, le deuxième 
volume des éloquentes et tiimultueuses conférences sur 
« l'Ame Athénienne «. Et c'est la tragédie, Eschyle, 
Sophocle, Euripide; le drame satirique, la comédie, Aris- 
tophane. 

Rimbaud (Arthur). — Œuvres, Vers et Prose, présentées par 
M. Paul Claudel, mises en ordre et annotées par Paterne 
Berrichon. 

Robine (René). — Le Jardin qui s'éveille, poésies. 

Steer (André Pétrovitch). — Le Novik. M. le comte de Balin- 
court nous restitue le très intéressant journal posthume du 
lieutenant de vaisseau André Pétrovitch Steer, histoire de 
cet émouvant vaisseau qui défendit les couleiu-s russes et 
que son douloureux destin a conduit à battre aujourd'hui 
pavillon japonais, ayant abdiqué jusqu'à son nom pour 

f)rendre celui de « Sutsuya ». 
lig (Edmond). — Les Annales du Théâtre et de la Musique. 
La trente-septième année nous est offerte avec la parure 



412 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

d'une bien jolie préface où M. Robert de Fiers plaide le 
plus spirituellement du monde la cause des critiques auteurs 
en des pages éblouissantes de verve, de malice et de grâce, 
où je cueille cette définition de la tâche du critique ; 
laquelle est « de mener ses lecteurs dans les bois sacrés, près 
des fontaines des Muses, de mettre des bancs rustiques 
aux beaux endroits, et de dire, à l'exemple d'Anyte de 
Tégée : « Qui que tu sois, viens t'asseoir à l'ombre de' ce 
« beau laurier, afin d'y célébrer les dieux immortels » ! 

Svetlow (V.). — Le Ballet contemporain (traduction de M. Cal- 
vocoressi). 

Témoin (Un). — Histoire de la Guerre italo-turque, 1911-1912. 

Tolstoï (Léon). — La Pensée et VHumanité (traduction de 
M. Halpérine-Kaminsky). Cette œuvre commande le res- 
pect et l'émotion par ce fait &e^A qu'elle est la dernière; 
que le grand penseur, l'écrivain surhumain s'est tu pour 
toujours après l'avoir écrite; mais elle intéressera et pas- 
sionnera pour d'autres causes encore : elle résume en effet 
la pensée exprimée par les sages universellement reconnus 
et par les fondateurs des religions les plus répandues de 
tous les temps et de tous les pays. Ce résumé de tout ce qui 
avait été dit et écrit avant lui sur l'étemel problème, Tols- 
toï l'avait longuement médité pour sa propre éducation, 
pour celle des autres ensuite, et c'est bien « la pensée de 
l'humanité réfléchie par l'âme de Tolstoï ». 

Turquan (Joseph). — Les Femmes de Vémigration. C'est le 
tableau palpitant de l'émigration en Angleterre, et rien 
n'est plus dramatique sans doute que le spectacle de ces 
femmes aux blanches mains, aux noms fameux, aux illus- 
tres origines qui pendant un si long temps luttèrent péni- 
blement pour le pain quotidien, travaillant tout le jour 
pour un maigre salaire, et, le soir, reprenant les traditions 
et les manières des temps heureux pour se recevoir entre 
elles dans leurs mansardes de Londres. Belles figures vrai- 
ment, auxquelles M. Joseph Turquan, qui n'est pas de leur 
bord et qui ne partage pas la religion de l'ancienne monar- 
chie, rend un émouvant hommage; ces femmes se mon- 
trèrent fortes dans l'adversité, et, chose plus admirable 
encore, une fois rentrées dans leur Patrie, elles surent être 
bonnes, douces et compatissantes. 

Walle (Paul). — U Argentine telle qu'elle est. 

Waltz (René). — Lamartine. 

Willeay (E.). — La Solution de la Question sociale. 

Witt-Guizot (F. de). — Pour la Foi et pour la, Pairie, L'auteur 
est assuré qu'on trouvera au milieu du désordre apparent 
et des sujets divers le fil conducteur qui assure l'unité de 
l'œuvre en relisant ces mots qu'il répète dans sa préface, 
après les avoir inscrits sur son livre : « Dieu et Patrie ». 



QUELQUES DISPARUS 



QUELQUES DISPARUS 



HENRI BOUVELET 

Mort le 7 octobre 1912. 

Il était né vingt-deux ans avant, en 1890, et cette 
image quine fit que passer restera vraimentcelledupoète 
aimé des Dieux. Il y a deux ans un grand poète l'avait 
révélé au monde : Jean Richepin, dans une page admi- 
rable de ferveur et d'enthousiasme, avait chanté le 
premier livre — l'unique — de ce jeune poète : « Le 
Royaume de la Terre ». Il y avait dans ce recueil, selon 
un bon juge, une abondance d'idées et d'images, un don 
de l'harmonie, une musique nombreuse et variée, une 
fantaisie, un charme, qui signalaient le grand poète. 
Nous n'aurons pas, hélas ! connu la suite. C'est le prin- 
temps magnifique d'un été qui n'est pas venu. 



416 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



LÉON DIERX 



Mort le 11 juin 1912. 

Il était né en 1838. C'était presque le doyen; c'était 
le prince élu des poètes français. 

Ce grand vieillard aimable, souriant et grave tout 
à la fois, et qui chaque jour, depuis si longtemps, sor- 
tait de sa modeste chambrette pour s'en aller dans un 
petit café parler avec des amis, de poésie, d'art et de 
beauté, fut un grand poète. 

( Il avait débuté en 1864, voilà près de cinquante ans, 
par un recueil de poèmes et poésies où l'on s'était plu à 
saluer les promesses d'un beau talent et qui était anté- 
rieur de deux ans aux débuts de François Coppée et de 
Paul Verlaine. 

Trois ans plus tard, il donnait Les Lèvres closes ^ un 
livre qui est considéré comme son chef-d'œuvre et qui 
est en réalité un chef-d'œuvre. 

Ce furent ensuite Les Amants et ces nobles Paroles 
d'un Vaincu y qui constituent bien une œuvre digne de 
défendre ce beau nom contre l'oubli. 

Il n'avait donné qu'une pièce au théâtre, La Ren- 
contre j qui fut jouée en 1875 à TOdéon. 



QUELQUES DISPARUS 417 



GABRIEL MONOD 



Mort le 10 avril 1912. 

Il était né en 1844. 

Toute sa vie fut vouée à l'étude, soit qu'il professât, 
soit qu'il écrivît : Directeur de l'École des Hautes 
Études, maître de conférences à l'École Normale Supé- 
rieure, professeur d'histoire de la civilisation du moyen 
âge de l'Université^de Paris, professeur au Collège de 
France, il a exercé ^une influence considérable sur un 
grand nombre d'élèves qui sont devenus des maîtres 
et auxquels il sut inculquer sa passion pour la recherche 
pure. 

Ce fut, ainsi qu'a dit un très bon juge : « le maître de 
la méthode ». Dans la foule des écrits qu'il donna à la 
Revue des Deux Mondes, à la Revue de Paris, à la 
Revue Internationale de V Enseignement, à la Revue, 
à la Revue universitaire, à la Revue Bleue, et dont 
l'ensemble constitue un œuvre imposante et magistrale, 
deux livres se détachent plus particulièrement, ce sont 
ceux qui ont porté son nom apprécié des érudits jus- 
qu'au grand public : Les Maîtres de l'histoire : Renan, 
Taine, Michelet et « Jules Michelet, études sur sa vie et 
sur ses œuvres », livre définitif sur le grand historien. 

Il faut citer aussi ses études critiques sur les Sources 
de l'Histoire Mérovingienne et la Bibliographie de l' His- 
toire de France. 



CONCOURS & PRIX 

LITTÉRAIRES 



CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES 



LE PRIX CONCOURT 

Le 4 décembre 1912 TAcadémie Concourt, composée 
de M. Léon Hennique, président, M.^^ Judith Cautier, 
MM. Elémir Bourges, Lucien Descaves, Léon Daudet, 
Custave Ceffroy, Paul Margueritte, Octave Mirbeau, 
Rosny frères, a attribué son prix annuel de cinq mille 
francs à M. André Savignon pour son livre Filles de 
la plaie « Scènes de la vie ouessantine ». 

Le prix fut attribué à M. Savignon par cinq voix, 
dont la voix prépondérante du Président, M. Léon Hen- 
nique, contre cinq à M. Julien Benda, auteur de L'Ordi- 
nation dont il est question dans une autre partie de cet 
ouvrage. 

Il y a du talent, un âpre talent, dans ces scènes de 
la vie ouessantine évoquées par M. André Savignon, 
images hautes en couleur, violentes et rudes, qui se 
dessinent en des mots rangés avec un art brutal, non 
parfois sans quelque affectation, mais toujours intensé- 
ment personnels. 

L'auteur, qui aperçut Tile pour la première fois du 
haut de la Pointe Saint-Mathieu, est sans bienveillance 
pour ce coin de terre qui Taccueillit, et pour ses habi- 
tants, pour ses habitantes surtout, ces filles de la pluie, 

24 



422 tfi MOuVBltBIfï LlTTÉRAlttË 

femmes naïves et sans défense, qui furent corrompues 
par ce contingent de soldats coloniaux lâchés au milieu 
d'elles a qui abâtardissent la race par l'exemple d'une 
dépravation détestable, par Talcool et pire». 



CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES 423 



LE GRAND PRIX DE LITTÉRATURE 



Le Grand Prix de littérature, fondé sur Tinitiative de 
M. Thureau-Dangin pour récompenser une œuvre 
d'imagination d'un caractère élevé, a été décerné le 
2 mai 1912 à M. André Lafon pour son roman L'Elève 
Gilles. 

La Commission chargée par l'Académie de choisir le 
lauréat préposé, lequel n'a point à faire œuvre de can- 
didat, était composée de MM. le Comte d'Haussonville, 
Ernest Lavisse, Jules Claretie, Paul Bourget, Paul Her- 
vieu, Pierre Loti, René Bazin, Maurice Barrés et Mar- 
cel Prévost. Les conclusions de cette Commission ont 
été adoptées par une forte majorité qui a consacré ainsi 
un jeune écrivain actuellement maître d'études. 

M. André Lafon était connu déjà et apprécié comme 
poète, ses débuts de romancier l'ont placé au premier 
rang; son roman, qui évoque avec une douce et doulou- 
reuse vérité un petit lycéen, adroitement emprunté à 
David Copperfield, quoique si différent, a été apprécié 
dans les termes suivantes par M. Jules Claretie : « Cet 
Elève Gilles est une œuvre d'une sensibilité profonde 
et d'un talent rare. L'auteur, qui sera célèbre demain, 
nous donne là, sur la pensée de la génération nouvelle, un 
document tout à fait précieux. Ce n'est plus la poussée 
vers l'action farouche, c'est l'aspiration idéale de labeur 
et de devoir ». 

A la première page de son roman M. André Lafon 
a écrit ces lignes qui précisent sa pensée et indiquent 
assez bien sa manière : « Vous qui vous pencherez sur 
ces pages avec l'envie d'y revoir, parmi tant de choses 
morales, des figures jadis connues, ne soyez point 



424 J,B HOUVEMENT LITTÉRAIAE 

étonné de trouver Tenfant qui se raconte si peu sem- 
blable à votre souvenir. Mais rappelez-vous ses silences 
et sachez ce que vous dérobèrent un masque pâlot et 
des regards qui fuyaient l'interrogation du vôtre ». 



CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES 425 



LE PRIX SULLY-PRUDHOMMF 

Le 10 juillet 1912 le Prix Sully-Prudhomme a été 
décerné par les héritiers littéraires du maître, à M. Char- 
les Clerc pour Les Oasis dont il est question dans une 
autre partie de ce volume. 



24. 



426 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 

LE PRIX NATIONAL DE LITTÉRATURE 
(Prix de Rome.) 

Le Prix national de Littérature (Prix de Rome) était 
cette année attribué à la poésie. 

Il a été décerné à M. Emile Ripert pour son recueil 
la Terre des lauriers. 

M. Emile Ripert avait déjà publié quelques recueils 
très appréciés, tels « le Chemin blanc » et « le Golfe 
d'amour ». C'est un très jeune professeur de lettres, ori- 
ginaire de Provence et qui, dans ses poèmes, chante la 
gloire de cette terre bénie et de ce beau ciel. Il la chante 
à travers les âges, évoque ses éternelles splendeurs et 
sa mouvante histoire, sa mer si bleue, sa lumière écla- 
tante, sa grâce brillante et souveraine : les soldats 
d'Annibal et l'amour du Sarrasin, la ville des Papes et 
l'ombre du roi René, le temps des guerres et l'espoir 
d'aujourd'hui. 

Sa poésie est d'une tradition très classique, d'une 
forme très sage et d'une somptueuse harmonie. 

Le Jury était composé de : MM. Emile Blémont, pré- 
sident; Victor Margueritte, Henri de Régnier, R. de 
Saint-Arroman, Jules Bois, Alcanter de Brahm, Léon 
Riotor, Victor-Emile Michelet, Maurice Barrés, Char- 
les Beauquier, Charles Couyba, Lucien Descaves, Mau- 
rice Donnay, Auguste Dorchain, Ernest Dupuy, Mau- 
rice Faure, A. Foulon de Vaulx, Gustave Khan, Georges 
Lecomte ; Maxime Lecomte, Gustave Rivet, J.-H. Rosny 
aîné, Marcel Sembat, Vervœst, chef de bureau de 
l'enseignement supérieur à l'instruction publique. 



CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES 427 



LE PRIX « VIE HEUREUSE » 

Les femmes de lettres qui composent le Jury du Prix 
« Vie Heureuse » ont, dans leur séance du 6 décem- 
bre 1912, décerné le grand prix de cinq mille francs à 
M "^6 Jacques Morel pour son roman Feuilles Mortes. 
Le nom de M^^ Jacques Morel n'était guère connu du 
grand public. Son roman, d'une excellente tenue litté- 
raire, est une œuvre agréable et d'une jolie émotion. 

Les Feuilles Mortes, que remue Geneviève, dans sa 
dramatique confession de femme innocente, exhalent un 
rare parfum d'honnêteté. Car Geneviève, aujourd'hui 
Agée de quarante ans et résignée aux fils d'argent de sa 
hevelure, ce qui n'est pas très parisien, fut jadis, il y a 
quelque quinze ans, sur l'extrême bord du précipice. 
Elle est restée fidèle au devoir, elle n'a pas voulu faire 
le désespoir d'un brave homme qui l'aimait, et qui 
l'aime tendrement, elle s'est sacrifiée et elle a envoyé 
au sacrifice l'homme qu'elle adorait. Tout cela pourrait 
être assez banal, mais M^^^ Jacques Morel esquive ce 
péril par sa simplicité même qui, écartant toute idée de 
prétention, donne à son roman une émotion pénétrante 
et mélancolique, et vraie. 

Le Jury était composé de M^^^s Juliette Adam, Bar- 
ratin, G. de Broutelles, Alphonse Daudet, Dieulafoy, 
Jean Dornis, Duclaux, Claude Ferval, Judith Gautier, 
Félix-Faure-Goyau, Fernand Gregh, Myriam Harry, 
Delarue-Mardrus, Catulle Mendès, de Peyrebrune, 
Poradowska, la duchesse de Rohan, Marcelle Tinavre. 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



Abbas(Pa\il) 157 

Abd el Aziz (Mouley) 212 

Abd el Hafld (Mouley) 212 

Acker (Paul) 103, 215, 368 

Ackermann (M ™e) 76 

Adam (Juliette) 427 

Adam (Paul) 92, 373 

Aderer (Adolphe) 225 

Agés (Robert d') 50 

Aghion (Max) 288 

A. H. (Commandant) 251 

Aicard (Jacques) 127 

Aicard (Jean). .. 126, 292, 294 

Aiguillon (Duchesse d') 88 

Alanic (Mathilde) 126, 289 

Albin (Pierre) 127 

Alcanter de Brahm ... 215, 426' 

Alexandre (Arsène) 87 

Alexandre Jer 91 

Alexandre VI 70 

Alexinsky (Grégoire) 325 

Allais (Alphonse) 101 

Allem (Maurice) 175 

Allorge (Henri) 374 

Aimeras 86 

Alphonse XIII 47 

Amie (Henri) 109 

Amiel (Denys) 87 

Anaximandre 128 

André (Paul) 250 



Angel 216 

Angelico (Fra) 180 

Angellier (Auguste) 322, 374 

Anglejan (Jacques d') 325 

Angot(E.) 406 

Anne d'Autriche 240 

Annunzio (Gabriele d') 87 

Antioche (Comte d') 216 

Anytée de Tegée 412 

Apollinaire (Guillaume) 375 

Applin 50 

Apulée 411 

Aramitz (Henri d') 42 

Ardouin (M™e Suzanne) 290 

Arène (Paul) 14 

Argenson (Marquis d') 40 

Ariste (Paul d') 363 

Aristophane 411 

Aristote 46 

Arnaud (Maxime - Emi- 
le 406,410 

Arnelle 214 

Arnould (Louis) 375 

Arnoux (Alexandre) 8 

Arrivetz 363 

Artois (Armand d') 216 

Aubernon de Neuville (M "»«) 7g 

Aubert (Marcel) 290 

Aubert(D'P.) 127 

Aubigné (Agrippa d') 328 

Aubry (Octave) 2 

Auburtin (J. -Francis) 293 



430 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Audibert (Marcel) 373 

Audigler (Georges) 290 

Augé-Laribé -(Michel) 175 

Aumale (M"e d') 76 

Aumale (Duc d') 220 

Auscher (René) 128 

Autevielle (Armand de Sil- 

lègue d'Athos d') 42 

Autin (Albert) 406 

Avancourt (Comtesse Jean 

d') 18 

Avèze (André) 216 

Avril (René d') 127 

Aynard (Raymond) 176 

Ayrolles (Le R. P.) 294 



Babeuf 181 

Babin (Gustave) 211 

Bac (Ferdinand) 81 

Bach(J.-S.) 130 

Bacon 366 

Bacot (Jacques) 290 

Baillehache (Comtesse de).. 354 

Bailly (Auguste) 296 

Bailly (Ferdinand) 216 

Balcomb (Betsy) 358 

Baldensperger (F.) 51 

Baldy (Robert) 216 

Balincourt (Comte de) 411 

Balsac (Pierre) 174 

Balzac (Arcis de) 168 

Balzac (Honoré de) 79, 170, 407 

Banville (Théodore de). 18, 292 

Baour-Lormian 245 

Bapst (Edmond) 375 

Baranger (Léon) 214 

Baratier (Lieut.-Colonel).. . 127 
Barbey d'Aurevilly.. . 129, 216 

Baraude (Henry) 86 

Baraudon (Alfred) 290 

Barodet 167 

Barratin (M^^e) 427 

Barraute du Plessis (M ™e). . 289 



Barre (André) 18 

Barreaux (Théophile des). . 207 

Barrés (Maurice). 43, 88, 90, 119, 

128, 180, 188, 216, 217, 423, 426 

Barrière (Maurice) 17 

Barrière (Théodore) 242 

Barrot (Odilon) 167 

Barry (Léon) 131 

Bart(Jean) 409 

Baschet (Jacques) 51 

Bastide (Ch.) 176 

Bataille (Frédéric) 51 

Bataille (Henry). . 87,292, 325 

Bathilde (Reine) 128 

Batilliat (Marcel) 353 

Batz (Baron Jean de) 315 

Batz (Baron de) 315 

Batz - Castelmore (Charles- 

de) 42 

Baucarcé (J.-D. de) 290 

Baudelaire 54, 243 

Baudin (Pierre) 375 

Baudrillard (Mgr) 176, 328 

Baudry(Paul) 216 

Baumann (Emile) 216 

Baye (Baron de) 51 

Bazile (Georges) 21 

Bazin (René) 58,423 

Béarn (André) 17 

Beaucoudrey (R.-G. de) 290 

Beaume (Georges) 50, 343 

Beaumont (Comte René de) 325 

Beaunier (André) 83, 364 

Beauquier (Charles) 426 

Belgrand d'Arbaumont 237 

Bellanger (Justin) 176 

Bellay ( Joachim du). . 371, 406 

Bellet 51 

Bellune (Duc de) 278 

Benda (Julien).. . 285, 332, 421 

Bénédite (Léonce) 290 

Benoît XIV 89 

Benson (E.-F.) 299 

Benson (Robert-Hugh) .... 214 

Benzart (Paul) 375 

Béranger 79, 167 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



431 



Berger (Lya) 214 

Berger (Marcel) 386 

Bergerat (Emile) 13, 319 

Bergeret (Stephen) 406 

Berget (Alphonse).. . 176, 251, 

290, 386 

Bergson (Henri) 128, 248, 285, 

407 

Bernard (A.) 375 

Bernard (Abbé G.) 176 

Bernard (Jean) 127 

Bernard (Tristan) 101, 289 

Bernard-Arnous (Jeanne). . 251 

Bernet (Edmond) 216 

Bernos 251,252 

Bernstein (Henry) 375 

Bersaucourt (Albert de) 245 

Bertaut (Jules) 251 

Berteval (W.) 51 

Bertheroy (Jean). 63,174,347 

Berthet (Marguerite) 375 

Bertrand (Comtesse) 71 

Bertrand (Louis) 265, 375 

Bessières 111 

Bidou (Henry) 143,375 

Bienstock 149 

Binet-Sanglé (D') 51 

Binet-Valmer 138, 373 

Binot (Df Jean) 20 

Bismarck 72,178,322 

Bitâr 325 

Blaison (Louis) 251 

Blanc (Louis) 79 

Blanc (Yves) 17 

Blanchon (Pierre) 87 

Blanguernon (Edmond). .. 290 
Blay de Gaïx (Baron de) 51, 290 

Blech (Aimée) 17 

Blémont (Emile) 426 

Bloch (Jean Richard) 126 

Blondel (Georges) 280 

Bloy (Léon) 51,86 

Blum (René) 103 

Bodève (Simone) 311 

Bœttcher (M">» F.) 325 

Bois (Jules) 87,127,426 



Boisey (Maurice de) 216 

Boisseau (Marius) 87 

Boissière (Albert) 28 

Boissy (Maurice de) 127 

Boissy d'Anglas 251 

Bolivar 219 

Bonand(R. de) 127 

Bonaparte (Caroline) 111 

Bonaparte (Élisa) 111 

Bonaparte (Jérôme) 111 

Bonaparte (Joseph) 251 

Bonaparte (Pauline) 111 

Boncour (Paul) 121, 290 

Bonmariage (Sylvain) 17 

Bonnal (Ed.) 325 

Bonnal (Général) 87 

Bonnamour (Georges) 127 

Bonnat 53 

Bonnefon (Jean de) 51 

Bonnet (Batisto) 44 

Bord (Gustave) 406 

Bordeaux (Henry). 27, 88, 216, 
251 

Bordeu (Charles) 193 

Bordier (Henri) 250 

Borgia (César) 70, 116 

Bornecque (Henri) 176 

Borrey (Capitaine Francis). 220 

Bory(Dr) 125 

Borys (Daniel) 176 

Boscq de Beaumont (G. 

du) 252 

Bossert(A.) 406 

Bossuet..- 301 

Botrel (Théodore) 176, 406 

Boucaru 87 

Bouchaud (Pierre de) 51 

Bouchaud {W^^ Pierre de, 

« Cardeline ») 68 

Boucher (Dr) 17 

Bouchor (Maurice) 18, 405 

Bouguereau 171 

Boulenger (Jacques).. . 65, 376 
Boulenger (Marcel) ... 197, 283 

Bouquier (Gabriel) 407 

Bourbon (Duc de) 19 



432 



LE MOUVEMKNT LITTÉRAIRE 



Bourdeau (Colonel E.) 406 

Bourdelle (E. Antoine) 293 

Bourée (Lieutenant de vais- 
seau H.) 376 

Bourgeois (Léon) 178 

Bourges (Élémir) 421 

Bourget (Paul). 15, 19, 169, 178, 

251, 287, 292, 305, 423 
Bourgin (Georges et Hu - 

bert) 88 

Bourotte 376 

Bouscatel (Jean) 127 

Boussenard (Louis) 376 

Boutet de Monvel 118 

Boutroux (Mme Emile) 123 

Bouvelet (Henri) 415 

Bouvery (André) 277 

Bouyer-Karr (M^e) 30 

Bouyn ( Jean) 219 

Boyer (Pierre) 100 

Boyer d'Agen 18 

Boylesve (René) 185, 251 

Brada 405 

Brancas (Duchesse de) 40 

Branywyn (Franck) 181 

Braun (Thomas) 216 

Braunschvig (M. et M^^ G.) 406 

Brégand (Georges) 51 

Briand 179 

Briant (Jean) 378 

Brienne (Loménie de) 219 

Brieux (Eugène). 130, 290, 406 

Brillant (Maurice) 176 

Brillat-Savarin 41 

Bringer (Rodolphe). . 174, 250, 
289 

Brisson (Adolphe) 376 

Brissot (Jacques-Pierre) ... 218 

Brissot 183 

Brizeux (Auguste) 176 

Broglie (Duc de) 322 

Broquelet (A.) 217 

Broquetons (Jean des) 325 

Broussan-Gaubert (Jean- 
ne) 236 

Broutelles (M^e de) 427 



Brouwet (Emile) 161 

Bruchard (Henry de) 252 

Bruneau (Général) 88 

Brunet (Marcel) 176 

Bninetière (Ferdinand) 170,217^ 
291, 322 

Brydon (Joseph) 17 

Bugeaud (Commandant)... 178 

Bunyan 253 

Burke (Edmond) 325 

Burnand (Robert) 406 

Burnat - Provins (Margue- 
rite) 82 

Bussy (de) 40^^ 

Bussy d'Amboise 4è 

Buxy(B. de) 17,214 



Cabanes (D^) 

Cadoudal 

Cagnat (R.) 

Gagliostro 

Caillaux 

Caillavet (G. de) 

Gain (Georges) 

Callet (A.) 

Calvocoressi 407 

Camille (Colonel) 

Camus (Théodore) 

Candia (Mario de) 

Cantacuzène (Charles- Adol- 
phe) 52 

Capart (Jean) 

Capet (Hugues) 

Capillery (Louis) 

Cappati (Louis) 

Capperon (Louis) 

Capus (Alfred) 87 

Carco (Francis) 

Cardonne (Pierre de) 

Garlyle 

Carol (Jean) 



88 

26 

37«- 

213. 

179 i 

40i- 

21s 

SB 

, 412 

160 

176 

28i 

, 376f 
379; 
89» 
174* 
376 
217 

, 369 
291 
214 
378 
289 



♦ 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



433 



Caron (Pierre) 217,252 

Carré (Henri) 176 

Garret (D' Jules) 127 

Carton de Wiart 376 

Cartwright(M™Ady-Julia). 176 

Casanova 410 

Cassot (Cécile) 50 

Castanié(F.) 39,162 

Castellani (Ch.) 85 

Castex (Lieut. de vaisseau). 127 

Castier (Jules) 291 

Castiglione (Comtesse de). . 278 

Cathelineau 206 

Catherine II 41, 91 

Cathlin (Léon) 17,373 

Caudwell(W.) 176 

1 lauzons (Th. de) 18,176 

i iaussy (Fernand) 128 

(iaylus (M°»e de) 76 

Cazin (Paul) 180 

Césanne (Jacques) 88 

Cestre (Charles) 176 

Cézanne 54 

ChamboUe (Michel - Augus- 
te) 166 

<^hambord (Comte de) 178 

( Ihaminade (Guillaume - Jo- 
seph) 328 

I ihamplain 177 

t ihampsaur (Félicien). . 33, 341 
Chantavoine (Henri) ... 52, 376 

Chapelain (Jean) 18 

Chaplin 53 

Chapman (W.) 376 

Charbonneau (Jean) 252 

Charles 1'=' 326 

Charles X 360 

Charmont (Joseph) 217 

Chateaubriand. 19, 20, 46, 52, 

54, 55, 74, 114, 168, 179, 216, 

322, 364 

Chaucer 128 

Ghaudey (Gustave) 92 

Ghauvelot (Robert) 393 

Ghauvigny (Louis de) 217 

Ghebrac (Henri de) 126 



Gheffaud (P.-H.) 325 

Ghenevière 360 

Ghenevières (Marquis de). . 171 

Ghénier (André) 20 

Cheradame (André) 176 

Ghéret 53 

Chesterton (K.-G.) 50 

Ghevignard de Ghavigny 

(Théodore) 19 

Ghevreul 291 

Gheylack (Auguste) 291 

Christine de Suède 19 

Choderlos de Laclos 217 

Chopin 52, 78 

Choppin (Capitaine Henri). 291 

Christmas (Walter) 373 

Chuquet (Arthur) 88,176, 

217, 325 

Gim (Albert) 86 

Gladel (Judith) 114 

Gladel (Paul) 54 

Clairon (M^e) 76 

aaretie(Léo) 88,174,252 

Glaretie (Jules) 226,423 

Clary ( Joachim) 250 

Claudel (Paul) 90, 217, 411 

Clauzel (Raymond) 301 

Clerc (Charles) 325, 425 

Glouzet (Gabriel) 252 

Cochin (Henri) 167 

Goëhorn (Général Baron de) 219 

Goignet (Capitaine) 163 

Goleridge 128 

Golet (Louise) 130 

Collas -(Georges) 18 

Golletet (Guillaume) 406 

Colomb (Félix) 52 

Colonna (Vittoria) 51 

Golson (G.) 176 

Combette (Dominique) 325 

Gomert (Marguerite) 86 

Gommaille (J.) 176 

Gompain (Louise) 145 

Comte (Auguste) 372 

Gonan Doyle 250 

Conrad (Joseph) 174 



25 



434 



LE MOUVEMENT LITTERAIRE 



Constant (Max) 289 

Constant Scribe (Druy de).. 252 

Conti (Prince de) 219 

Conti (Princesse de) 327 

Coppée (François) 407, 416 

Coquiot (Gustave) 88 

Corbin (Pierre) 376 

Cornaz (Roger) 18 

Cornu (Paul) 291 

Corot 53 

Corréa (José-Augusto) 252 

Costel(Paul) 291,377 

Cottet (Charles) 293 

Cottu (Baronne) 76 

Coulomb (Jeanne de) 214 

Coulon (Marcel) 88 

Coupey (Auguste). 50 

Courboin 118 

Courteline (Georges) 335 

Cousin (Victor) 167 

Couyba (Charles) 426 

Crémieux (Albert) 88 

Crémieux(MnieMathildeP.) 52 

Créqui (Duc de) 219 

Cros (Guy-Charles) 217 

Croze (Austin de) 52 

Croze-Lemercier (Comte P. 

de) 73 

Cruck (Eugène) 52 

Gruppi (Louise) 217 

Cruyplants (Major Eugène). 176 

Cureau (D' Ad.) 407 

Curel (François de) 294 

Curzon (Henri de) 177,181 

Curwood (James-Olivier). . 214 

Gustot (Pierre) 395 

Cuttoli (Lieutenant H.)... 177 

Cuvillier-Fleury 220 



Dacre (Ferdinand) 17 

Dacremont (Henri) 325 

Dagan (Henri) 46 



Daireaux (Geoffroy) i11 

Dalby (Joseph) 88 

Dalou 242 

Damad (Marianne) 214 

Damas (Comte Roger de). . 180 

Danan (Alexis) 18 

Danrit (Capitaine) 50, 174 

Dante 70,253,325 

Danton 317 

Darros(J,-M.) 86,214,289 

Darvillé(W.) 52 

Daubret (Victor) 86 

Daudet (Alphonse) 44 

Daudet (M^e Alphonse) 427 

Daudet (Ernest) 113,164, 

321, 377 
Daudet (Léon) 57,170, 

337, 421 

Dauzat (Albert) 88,371 

Davray (Henry D.). .. 50, 174, 
215 

Davis (Le R. E. W. L.) 325 

Davy 49 

Delïand (Mme du) 223 

Defrance (Eugène) 407 

Dehérain (Henri) 291 

Dekobra (Maurice) 272 

Delaborde (Comte Henri). . 171 

Delacroix 79 

Delafarge 217 

Delahache (Georges) 52 

Delaroche-Vernet (André).. 318 
Delaroche-Vernet (Philippe- 
Grégoire) 318 

Delarue-Mardrus (Lucie).. 2 5, 

259,427 

Delastre 118 

Delattre 52 

Delavelle (Henri) 325 

Deledda (Grazia) 175 

Delille (Abbé) 253 

Delines (Michel) 177 

Delmont 215 

Deloche (Maximin) 38 

Delorme- Jules-Simon (M'^e 
J.) 66 



tî^DEX ALPfiABéTIQC» 



4â5 



Delza (André) 128 

Delzons (Louis) 388 

Demandolx (Madeleine de). 279 

Démange (Charles) 291 

Demblon (Célestin) 366 

Denys Cochin ." 291 

Depagnat (Roger) 128 

Deperrois (Marie-Louise).. 18 

Derème (Tristan) 377 

Derennes (Charles) 270 

Derieux (Florent) 52 

Dérieux (Henry) 252 

Derosne (Bernard) 299 

Deroxe (Myriam) 250 

Dervieu (Robert) 18 

Derys (Gaston) 291 

Derzac (André) 177 

Desaix 325 

Desaymard (Joseph) 407 

Desbordes-Valmore (Marce- 
line) 18, 128 

Desbruyères (Marie) 18 

Descaves (Lucien) 421, 426 

Deschanel (Paul) 53,179 

Descharmes (René) 402 

Deschaumes (Edmond) 105 

Deslinières (Lucien) 128 

Desnoyers (Jean) 407 

Dessoubre (Henry) 250 

Détaille 53 

Dhanys (Marcel) 222 

Diehl (Charles) 410 

Dierx (Léon) 377,416 

Dietrich(A.) 181 

Dieulafoy (M^e) 427 

Dillon (Arthur) 72 

Diplomate (Un) 177 

Diraison-Seylor 86, 374 

Divoire (Fernand) 177 

Dmitnev (Valentine) 106 

Doedaïus (Théo.) 407 

Doenniges (Hélène de) 216 

Doléris(D'-J.-A.) 377 

Donnadieu (Général) 114 

Donnay (Maurice) 88, 426 

Dor(Prosper) 374 



Dorchain (Auguste).. . 176, 426 

Doré (Gustave) 53 

Dorian (M^^e Tola) 380 

Dorlan (A.) 407 

Dornis (Jean) 244,427 

Dortzal (Jeanne) 88 

Douady (Jules) 128 

Doublet (Georges) 19 

Doumic (René) ... 44, 217, 291 
Dours (Général Joseph- 
François) 292 

Doysié (Abel) 128 

Drault (Jean) 175 

Dreyfous (Maurice) 241 

Dromart (Marie-Louise) ... 19 

Drouët (Marcel) 128, 407 

Drouet (Joseph) 377 

Dru (Gaston) 380 

Dubois (Paul) 171 

Duboit (Charles) 377 

Duboscq (André) 325 

Dubroca (Maxime) 214 

Duclaux (M^ne) 427 

Duchesne (Gaston) 88 

Ducos (Gabriel) 291 

Dufay (Pierre) 407 

Dufour (Marcel) 48 

Dufour (Philippe) 88 

Dugard (M.) 407 

Dugué de la Fauconnerie.. . 320 

Duhamel (Georges) 177 

Dulac (A.) 252 

Dumas (Charles) 9 

Dumas (Alexandre, père).. 42, 

79, 213, 242, 258 

Dumas (Alexandre, fils), 79, 180 

Dumesnil (René) 402 

Dumet (Louis) 407 

Dumont (Victor) 19 

Dumont-Vilden (L.) 88 

Dumouriez 176 

Duncan (M"e Ethel) 281 

Dunoyer (Alphonse) 399 

Dupin (aîné) 167 

Dupleix 408 

Dupont (Etienne) 88 



436 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Dupuis (Commandant V.).. 177 

Dupuy (Ernest) 426 

Duquet (Alfred) 377 

Duraciné Vaval 291 

Durand (Yvonne) 214 

Duranty (Marquis de) 128 

Duras (Duchesse de) 54, 76 

Dureng (Jean) 19 

Durer (Albert) 54 

Durkheim 129 

Dutil(Léon) 19 

Duval (Alexandre) 245 

Duvernois (Henri) 141, 266 

Dybowski (Jean) 217 



Echegaray (José) 177 

Edouard VII 47 

Edwards (Alfred) 177 

Edwards (Emile) 97 

Elder (Marc) 350 

Élisa (Grande-Duchesse)... 19 
Elisabeth d'Autriche.. 47, 329 
Emerson (R.-W.). 128,378,407 
Encausse (D', « Papus »)... 217 

Enghien (Duc d') 27 

Epry (Gh.) 291 

Epuy (Michel) 214 

Escalle (Lieutenant G. -P.).. 326 

Escars (Duc d') 293 

Eschyle 377,411 

Esnault-Pelterie (Robert)... 291 

Este (Isabelle d') 176 

Estrée (Paul d') 88 

État-Major de l'Armée 19 

Etchebarne (Sébastian G.). 252 

Eude (Robert) 250 

Eudel (Paul) 326 

Eugène (Prince) 54, 252 

Eugénie (Impératrice) 12 

Euripide.. 411 

Evie (Henry) 50 

Evrard (Laurent) 214 



Exteens (Maurice) 377 

Eyris (Marcelle) 19 



Faber(Léona) 196 

Fabié (François) 218 

Fabulet (Louis) 192 

Faguet (Emile).. 52, 128, 326, 
375, 409 

Faivre (Abel) 289 

Fanta (M"e a.) 378 

Faraday 49 

Fargue (Léon-Paul) 377 

Farrère (Glaude) 251, 325 

Faur 177 

Faure (Gabriel) 177 

Faure (Maurice) 426 

Faure-Goyau (Lucie -Félix). 252, 
427 

Faure-Biguet (J,-N.) 88 

Favart (M^^e) i80 

Favras 41 

Favre (Jules) 253 

Febure (Lucien) 377 

Febray (Isabelle) 88 

Fegdal (Gharles) 252 

Fegel (Paul)...^. 407 

Félix (Gapitaine Pierre) 52 

Félix (Commandant) 291 

Fendrich 128 

Fénelon 301 

Ferchat (Joseph) 88 

Ferdinand-Philippe d'Or - 

léans 19 

Ferny (Jacques) 326 

Ferode 289 

Ferreti (Hortense A.-M. de). 214 
Fersen-Adelsward (Jacques 

de) 214 

Ferval (Glaude) 427 

Fescourt (Henri) 329 

Feuillet (Octave) 170 

Filon (Augustin) 252, 362 

Fischer (Max et Alex). ..... 233 

Fisquet (Louise) 126, 17^ 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



437 



Flamant (Paul) 289 

Flambart des Bords 374 

Flammarion (Camille).. 19,130 
Flaubert (Gustave) 319, 375, 402 

Flavacourt (M «e de) 40 

Fleischmann (Hector). 128, 251 

Fiers (Marquis de) 401, 412 

Fleury (Cardinal) 39 

Fleury (D"^ Maurice de) 124 

Floquet (D' André) 247 

Florence (Jean) 50 

Florian 294 

Foley (Charles) 128,215, 

313, 374 

Fontainas (André) 374 

Fontenelle 326 

Forbin 214 

Forgeau (Choderlos de La- 
clos (Etienne) 217 

Formont (Maxime) 70, 227 

Fouché 27,219 

Fouchet (Maurice) 215 

Fougères (Gustave) 291 

Foulon de Vaulx (A.) 426 

Fouquet 42 

Fouquier (Marcel) 218 

Fouquières (André de) 177 

Fouquier-Tinville 399 

Fourest (Georges) 407 

Fournier (Marc) 78 

Foville (Jean de) 407 

Fragin (Maurice) 407 

France (Anatole).. 14, 90, 182, 

241, 251 

Franck (Henri) 218 

Franc-Nohain 50 

François I^' 375 

Franklin (Alfred) 19 

Frapié (Léon) 190, 341 

Frappa (J.-J.) 315 

Fraysse (Antonin) 128 

Frémeaux (Paul).. . 52, 71, 358 

Fresnay (Guy de) 19,271 

Fresnois (André du) 177 

Friedrichs (Otto) 252 

Fromentin (Eugène).... 85,87 



Funck-Breniano (Frantz). . 89, 

261, 360 

Fus tel de Goulanges 170 



Gabrielle (La belle) 75 

Gâchons (Jacques des). 50, 391 

Gachot (Edouard) 89, 112 

Gaffarel (Paul) 128 

Gaffre (Le P. L. C.). .. 377,407 

Gaignard (Hilaire) 86 

Gaillard (E.) 86 

Gaillard (Vincent) 219 

Gaix (Coralie de) 290 

Galli-Valerio (B.) 177 

Gallo (Charles) 86 

Galopin (Arnould) 126 

Galzy(J.) 157 

Gamain 41 

Gambetta 319,322 

Garcia-Caldéron (F.) 218 

Garçot (Maurice) 289 

Garzon (Eugénio) 408 

Gaubert (Ernest) 220, 292 

Gaubert (Léo) 50 

Gaubert - Saint - Martial 

(Raoul) 19 

Gaufridy (Abbé) 279 

Gaulot (Paul) \ 317 

Gauthiez (Pierre) 126 

Gautier (Judith). 281, 408, 421, 

427 

Gautier (Théophile), 90, 170, 242 

Gavarni ;. .178 

Gavault (Paul) 177 

Gebhardt (Emile) 1 30 

Geffroy (Gustave) 19, 421 

Geiger (André) 306 

Gélis(F. de) 177 

Géniaux (Charles) 4, 60, 88 

Genlis (M«ne de) 19 

GeofTrin'(M"»«) 78,117 

George (M "«) 27 

Georges ler m 47 

Gérard (Rosemonde) "'^292 



438 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Gérard -Wegimont (Pierre). 215 

Gerhardt 49 

Gerôme 171 

Gide (André) 54 

Gignoux (Régis) 408, 409 

Gilbert des Voisins 96 

Gill (Mary) 325 

Gillouin (René) 128 

Ginisty (Paul) 89 

Gir 177 

Girard (Isaac). 407 

Girardin (J.) 215 

Girardin (Marquis de) 219 

Giraud (Albert) 89 

Giraud (Jean) 253 

Giraud (Victor) 19, 322 

Girod(J.-B.) 52,89 

Gisors (Paul de) 50 

Glatigny 14 

Goblet d'Aviella (Félix).. .. 177 

Godard (André) 177 

Godeau (Mgr) 19 

Gœthe 91,378 

Goetz-Bernstein 218 

Gojon (Edmond) 218 

Goldsmidt (D' D.) 165 

Goncourt 130 

Gontaut-Biron (Roger de). . 89 

Gosse (Edmond) 215 

Gounod 181 

Goudeau (Emile) 326 

Gourdon (Pierre) 29 

Gourmont(Rémyde). 249,326, 
408 

Gouthière 380 

Goyau (Georges) 177 

Gozzi 91 

Grandier (Urbain) 279 

Grandsaigne (H. de) 89 

Grappe (Georges) 89 

Grasset (Dr) 372 

Gratry (Le P.) 406 

Gréard 43,76 

Gréco 119 

Gréen (A.-K.) 50,289 

Gregh (M»* Fernand) 427 



Grimm 92 

Grimod de la Reyniêre 363 

Grisi'(Giulia) 281 

Griveau (Lucien) 177 

Gros (Gabriel- Joseph) 326 

Gros (Léopold) 230 

Grouchy 111 

Guébriant (Maréchal de) ... 327 

Guénégaud (de) 2l9 

Guérin (Eugénie de) 290 

Guerlin (Henri) 89 

Guichen (Vicomte de) 360 

Guignet (Manuel) 19 

Guillaume 1er 178 

Guillaume II 322 

Guillaume (Eugène) 171 

Guillaumin (Emile) 139 

Guillemot (Maurice) 357 

Guillot de Saix. 89,90,326,328 

Guinot (Henri) ... . 19, 52, 292 

Guitet-Vauquelin (Pierre).. 62 

Guizot 167 

Gustave III 164 

Guy(Téofilo) 408 

Guyon (M^e) 130,301 

Guyot (Maurice) 292 

Gyp ; 6,263,264 



Hachet-Souplet (P.) 52 

Halévy (Daniel) 1 39 

Halévy (Élie) 276 

Halévy (Ludovic) 171 

Hallays (André) ... 52, 91, 129 

Halpérine-Kaminsky 412 

Hamelle (Paul) 362 

Hammar(T.) 86 

Hamon (Augustin) 323 

Hamp (Pierre) 175, 289 

Hanotaux (Gabriel). 75, 88, 177 
180, 322 

Han Ryner 307 

Haraucourt (Edmond) 95 

Hardy (Thomas) 36,92 

Harmel (Françoise) 129 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



439 



Harrisse (Henri) 92 

Harry (Gérard) 404 

Harry (Myriam)... 93, 378, 427 

Haugmard (Louis) 218 

llauptmann (Gerhard t).. .. 408 

Hauser (Fernand) 129 

Haussonville (Comte d'). 76, 423 

Hauterive (Ernest d') 326 

Havard (Oscar) 19 

Havard de la Montagne 

(Robert) 378 

Ilaven (D' Marc) 213 

Hearn (Lafcadio) 215 

Hébert (Ernest) 171 

Heeckeren (Emile de) 89 

Heine (Henri) 79,170,327 

Heinecke (H.) 329 

HelIens(Fr.) 126 

Helmholtz 49 

Hélys (Marc) 20,175 

Hémard (J.) 101 

Hennequin (Albert) 177 

Hennique (Léon) 421 

Henri IV 74,375 

Henriot (Emile) 52, 64, 

378, 408 

Henriot (Philippe) 326 

Heraclite 128 

Hérédia ( José-Maria de). .. 251 

Hérelle 86, 87 

Hermant (Abel) 258,383 

Héros (Eugène) 177 

Herrera (Luis-Alberto de). 252 

Herrick (Robert) 52 

Hersen (Alexandre) 177 

Hervieu (Paul) 409,423 

Hesse (Raymond) 52 

Heurtin (Marie) 405 

Heymann (Général) 93 

Heywood 50 

Hinzelin (Emile) 177 

Hippocrate 247 

Hirsch (Charles- Henry) ... 187, 
251, 333 

Hoche 325 

Hoche (Jules) 250 



Holmes (Augusta) 242 

Homère 246,247 

Hoppenot (Henri) 218 

Hornung (E.-W.) 50 

Hortense (Reine) 111 

Houssaye (Henry) 202 

Huard (C.-L.) 129 

Hudson Lowe 1 61 

Hue (Gustave) 178 

Hugo (Victor). . 128, 178, 245, 
253, 292, 328 

HuUet (Marie-Anne) 406 

Hulot (Capitaine G.) 129 

Hulot de Collart (Jean-Gas- 
pard) 20 

Humbert de Gallier 115 

Humphry Ward (M ™e) 92 

Huret (Jules) 324 

Hustin (A.) 378 

Huyghens 207 

Huysmans (J.-K.). 88, 177, 253 



Ibanez (Vicente Blasco) 86, 175 

Ibrahim Pacha 216 

Ibsen (Henrik) ... 51,251,325 

Imbert-Vier (Joé) 129 

Ingres 54, 378 

Ismaïl (Mouley) 212 

Ismail Pacha 322 

Isné(Y. d') 19 

IvoifPauld') 250,289 



Jablonski (Pierre -Charles). 89 
Jackson (Lieutenant-Colo- 
nel Basil) 161 

Jacques II 252 

Jacquet (René) 218 

Jakob (Gustave) 89 

Jammes (Francis) 178,193 

Jardet(Abbé) 378 

Jary (Jacques) 90 

Jaubert (E.) 106 



440 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Jayne Hill (David) 123 

Jean (Albert) 90 

Jeandet (Charles) 215 

Jeanne d'Arc 293 

Jelinek 90 

Jérusalem (Eisa) 149 

Johnston (Mlle K.) 128 

Joliclerc (Eugène) 215 

Jonnart 176 

Joret (Charles) 290 

Joséphine de Savoie 411 

Joubin(D'L.) 129 

Jouglet (René) 129 

Joussain (André) 53, 90 

Juhellé (Albert) 108 

Juigné (Marquis de) 219 

Jullian (Camille) 379 



Kaiser (Isabelle) 129 

Kant 288 

Karénine (Wladimir) 78 

Keller (Hélène) 404 

Kellermann 111 

Kenjirô (Tokutomi) 303 

Kerlecq (Jean de) 212 

Kervillio (René de) 178 

Khan (Gustave) 426 

Kipling (Rudyard). 92, 126, 128, 
292, 326 

Kléber 325 

Klein (Abbé Félix) 173 

Koszul 252 

Kozakiewicz 50 

Kutusof 277 



Labat (Louis) 250 

Labeur (François) 18 

Labitte (Charles) 55 

La Brète (Jean de) 152 

Labruyère (Raymond) 289 

Lacaze - Duthiers (Gérard 

de) 326 



La Châtre 207 

Lachèse (Marthe) 175 

Lacordaire 216 

Lacour (Léopold) 178 

Lacour(Paul) 215 

Ladurelle (Paul) 53 

Laënnec 180 

Laf âge (Léon) 18 

Lafayette 183 

Lafïon-Ladebat 293 

Laf on (André) 50, 423 

Lafont (Renée) 175 

La Fontaine.- 246,327 

Lafontaine (Capitaine Clau- 
de) 326 

Laforest (Edmond) ... 378 

Lagerlof (Selma) 86 

Lagonde (Julien de) 289 

La Gorce (Pierre de) 205 

La Grillière (Raphaël de).. . 126 

La Houlette (René) 289 

Lair (Jules) 114 

Lallemand (Léon) 90 

Lalo (Charles) 218 

Laloy 326 

Lamartine.. 167,252,292,412 
Lamballe (Princesse de). .. 128 

Lamennais 76, 79 

Laminne (Ernest de) 325 

Landre (Jeanne) 178 

Lang(E.-B.) 18 

Langlois (Marc) 289 

Langlois 129 

Lannes 202 

Lanson 129,324 

Lapaire (Hugues) 148, 178 

Lapauze (Henri) 378 

Lara (Isidore de) 127 

Lara (René) 48 

Lardeur (F.-J.) 178 

Larguier (Léo) 90 

Larmandie (Léonce de) 273 

La Roche-sur- Yon (Prin- 
cesse de) 219 

Larreguy de Civrieux. 178 

Larroumet (Gustave). 171, 376 



INDEX ALPHABETIQUE 



441 



Lasalle 202 

Lassalle (Ferdinand) 216 

Lasserre (Pierre) 312 

La Touche 408 

Latour (François) 53 

La Tour (Commandant J. 

de) 169 

La Tour du Pin la Charce 
(Lieutenant-Colonel, mar- 
quis de) 90 

Latreille (Capitaine Albert). 90 

Laugel (Auguste) 219 

Laugel (Anselme) 326 

Laurent (Charles) 18 

Laurent (Gustave) 326 

Laurent (Hélène) 175 

Laurentie (François). 129,178, 

252, 408 

Lautrec (Vicomtesse de). .. 53 

Lauvrière (Emile) 90 

Lauzun 219 

Laval (Dr Victorien) 292 

La Vallière (M"e de). . 114, 363 

Lavedan (Henri) 33,172 

Lavisse (Ernest). 19,118,129, 
165 

Lebas (Georges) 292 

Le Berquier (Edmond) 178 

Lebesgue (Philéas) 90, 409 

Leblanc-Maeterlinck (Geor- 

gette) 405 

Le Bon (D' Gustave).. 182, 203 

Le Brun (A.).. 86 

Le Cardonnel (Louis) 178 

Leclerc (Jules) 378 

Leclerc du Sablon 378 

Leclercq (Jules) 53 

Le Cœur (René) 137 

Lecomte (Georges) 426 

Lecomte (L. Henry) 129 

Lecourbe (Général) 11 

Lécussan (Jean de) 90 

Lecuyer (René) 175 

Le Dantec (Félix) 378 

Le Febvre (Yves) 374 

Lefebvre ; 111 



Legendre (Mary- Anne) 175 

Legrand (Commandant). .. 251 

Leguay (Pierre) 90, 129 

Lehaucourt (Pierre, « géné- 
ral Palat .) 90 

Lejeune (Marguerite) 9 

Lejeune (Louis) 219 

Lemaître (Claude) 107, 397 

Lemaître (Jules).. 52, 168, 169, 
251,290 

Lemarchand (Victor) 292 

Lemercier d'Erm (Camille). 90 

Le Mière (Marie) 325 

Lémonon (Ernest).. 19, 53, 178 

Le Moyne (Yves) 292 

Lenclos (Ninon de) 206 

Léneru (Marie), 179 

Lenôtre (G.) 409 

Léonard (Fr.) 129 

Léopoldll 47 

Le Paladin (Olivier) 303 

Lepelletier (Edmond) 129 

Lepoînte (E.-L.) 378 

Le Pointe (Henri) 378 

Le Révérand (Gaston) 179 

Leroux (Gaston) 389 

Le Roux (Hugues) 409 

Leroux (Pierre) 78 

Leroux Cesbron 129 

Le Roy (Edouard) 248 

Le Roy (Eugène) 126,153 

Le Senne (Camille). 90, 180, 326, 
328 

Lesoc (F.) 289 

Le Sourd (A.) ... ; 409 

Lesueur (Daniel) 154 

Letalle (Abel) 53 

Létang (Louis) 250 

Lévi (André)... 379 

Levilier (Robert) 219 

Lhande (Pierre) 305 

Lichtenberger (André). 61,219 
Lichtenberger (Henri).. 90, 129 

Liébig 49 

Lieutier (Paul) 19 

Limet (Charles) 252 



25. 



442 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Lindenberg (Paul) 326 

Lisle (Henri de) 90 

Liszt 52,79,243 

Litta (Paolo) 292 

Loisel (Gustave) 253 

L'Olagne (Jean) 250 

Loliée (Frédéric) 278 

Londres (Albert) 179 

Longnon (Auguste) 253 

LopedeVega 90,326 

Lorand(D'A.) 125 

Lordo (André de) 151,261 

Lordereau (Raymonde) 228 

Lorédan (Jean) 279 

Lorenzi di Bradi 179 

Lorrain (Jean) 127 

Lorrey (Claude) 220 

Loti (Pierre).. 79, 88, 251, 423 

Loubet (Joseph) 44 

Louis II 81 

Louis XIII 136, 240 

Louis XIV 115,368,402 

Louis XV 39,88,220 

Louis XVI. 41,115,206,327,377 

Louis XVII 251,406,408 

Louis XVIII 327 

Louis (Paul) 179 

Lourdelet (Ernest) 53, 179 

Loynes (Comtesse de) 77 

Lubac (Jean) 53 

Lucas (Wilfrid) 19 

Lucina 179 

Lugnier (Antonin) 409 

Luguet (Pierre) 289 

Lumet (Louis) 116 

Luppé (Comte Mayol de).. . 326 
Luynes (Duc de) 40 



Macchiati (S.) 50 

Machard (Alfred) 340 

Machiavel 46 

Machiels (Robert de) 110 

Machuel (L.) 379 

Mac-Mahon 12 



Mac-Mahon La maréchale 

de) 322 

Mac-Orlan (Pierre) 302 

Madame Royale 327,377 

Madelin (Louis) 202 

Madières (Paul) 90 

Maël (Pierre) 406 

Magdelaine (A.) 86 

Magne (Emile) 53, 206 

Magog(H.-J.) 215,325 

Magon 164 

Mailly (Comtesse de) 40 

Maindron (Maurice)... 136, 257 
Maine (Duc et Duchesse du). 261 
Maintenon(M'nede). 76, 222, 378 

Maitland (Capitaine) 72 

Maître (Henri) 292 

Maizeroy (René) 262, 374 

Malatesta 140 

Malherbe (Henry) 409 

Mallarmé (Camille) 175 

Mallarmé (Stéphane) 218 

Malo (Henri) 409 

Mamet (Emile) 179 

Mancini (Jules) 219 

Mandin (Louis) 90 

Marais (Jeanne) 392 

Marbot 111 

Marcaggi (V.) 179 

Marceau 325 

Mareil (Maurice) 18 

Margel (Claude) 149 

Margueritte (Paul). 22,255,421 
Margueritte (Lucie-Paul). . 270 
Margueritte (Victor).. . 22, 426 

Marichal (Jean) 53 

Maricourt (André de) 175 

Marie (Charles) 53, 90 

Marie- Antoinette 317, 377 

Marie de France 409 

Marie-Louise (Impératrice). 112 

Marmotan (Paul) 19 

Marni (Jeanne) 35 

Marsan (Jules) 253 

Marsilly (Raoul de) 326 

Marsolleau 261 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



443 



Martin (Gabriel) 50 

Martin (Henri) 294 

Martin-Decaen (André). 90, 219 

Martin-Valdour 86 

l Marx (Claude-R.) 409 

\ Maryan 325,374 

^ Maseras (Alfons) 274 

[ Maspéro (G.) 379 

Masque de Fer (Le) 326 

Massacré (Comtesse de) 86 

Massenet (Jules) 282 

Masson (Frédéric). 10, 71, 160, 
175, 251, 252, 293, 320, 401 

Masson (Kermoël) 179 

Masson (P.) ". 326 

Mathieu (Cardinal) 219 

Mathilde (Princesse) 242 

Mathilde (Reine) 181 

Matienzo (J.-N.) 326 

Matte (Louis) 53 

Maubreuil 160 

Mauclair (Camille). ... 176, 403 

Maudru (Pierre) 374 

Maugras (Gaston) 73 

Maupassant 109 

Maurel (André) 53, 326 

Maurette (F.) 219 

Maurras (Charles) 179, 216, 

287, 379, 409 

Maury (François) 179 

Maury (Lucien) 253 

Mautouchet (Paul) 90 

Maxwell (W.-B.) 192 

Mayer 49 

Maynial (Edouard) 410 

Mazarin 46,219,240 

Mazarin (Duchesse de) 219 

Médicis (Marie de) 75, 363 

Meirs(G.) 86,215,289 

Mélia(Jean) 54,355 

Ménagé (Victor) 129 

Mendès (Catulle) 377 

Mendès (M"»e Catulle) 427 

Meneval (Baron de).. . 219, 251 
Mercereau (Alexandre) .... 90 
Meredith (George) 92 



Merld (Charles) 74 

Merlet (Louis) 293 

Mermeix 179 

Merriclc (Léonard) 215 

Metternich 113,243 

Meunier (M™e Stanislas). .. 325 

Meyer (Arthur) 77 

Meyer-Forster (W.) 215 

Michaud (Edouard) 409 

Michaut (Gustave) 90 

Michel (André) 20,293 

Michel (Df Evariste) 54 

Michel (Georges) 50 

Michel (Louise) 179 

Michel- Ange 51 

Michelet 167,179,294 

Michelet (Victor-Emile)... 426 

Migeon (Gaston) 293 

Mignard ( Johannès) 289 

Mignon (D'A.) 379 

Miheur(D'H.) 90 

Milhaud 202 

Millaud (Polydore) 242 

Mille (Pierre) 142 

Milosz (O.-W.) 379 

Mimande (Paul) 18 

Mirabeau 116,183 

Mirande (Henry) 374 

Mirbeau (Octave) 421 

Mistral (Frédéric) 45, 379 

Mitraud (Abbé) 216 

Mocquillon (Abbé H.) 219 

Modiano (Léon) 409 

MojBller (Charles) 129 

Mogador (Céleste) 363 

Molière 141,246 

Moll (Lieutenant-Colonel). . 180 

Mollat (G.) 180 

Monaldeschi 19 

Moncœur (Éveline) 325 

Mondonville (M™« de) 19 

Monlié 325 

Monnet (A.) 251 

Monod (Auguste) 215 

Monod (Gabriel) 417 

Monselet 14 



444 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Montaigne 1 69, 207, 322 

Montalembert 17,167,322 

Montebello (Duchesse de). . 112 
Montégut (Jean-François 

de) 316 

Montégut (Maurice) 69 

Montesquieu 46, 328, 407 

Montholon 161 

Montmorency (Pierre) 409 

Montmorillon (Marquis de). 215 

Montpensier (Duc de) 409 

Montsoreau (M™« de) 43 

Moreau 27 

Moreau (Lieutenant) 293 

Moreau (Edouard) 92 

Moreau (Emile) 293 

Morel (Jacques) 175,427 

Moraux (Abbé) 219 

Morian (Jacques) 126 

Mornet (Daniel).. 176, 180, 219 

Morny (Duc de) 278 

Moro (Henri) 289 

Morrison (Arthur). 50, 175, 215 

Mortier (Raoul) 293 

Moselly (Emile) 188 

Mostaert (Jean) 379 

Mostaert (Jules et François) 379 

Mostaert (Michel) 379 

Motey (Vicomte du) 20 

Mo ttot (Clément) 374 

Mouchy 114 

Mougenot (Capitaine Fa- 
bien) 396 

Mourey (Fernand) 379 

Mouton (Léo) 43,219 

Mozart (W.- A.) 21 

Muller (Charles) 409 

Mun (Comte de) 15,208 

Murât (Amélie) 220 

Murât (Joachim) 111 

Mursol (André) 253 

Musset (Alfred de) .... 253,305 
Muzet (Alphonse) 379 



N 

Nadaillac (Colonel Marquis 

de) 293 

Nadaillac (Marquise de) 293 

Nansouty (Max de) 54, 129 

Napoléon Ie^. 46,71,111,112 

129, 160, 180, 202, 277, 293, 

326 

Napoléon III 279 

Narfon (Julien de) 16 

Nau (John- Antoine) 134 

Naundorff., 11, 92 

Neipperg 113 

Nerval (Gérard de) 409 

Nesselrode (A. de) 54 

Newman 120 

Niccomedi (Dario) 220 

Nicolas II 47 

Niel (Maréchal) 163 

Niepce (Gaston) 175 

Nigond (Gabriel) 220 

Niox (Général) 22,326 

Noailles (Vicomte de 327 

Noailles (M'ûe de) 218 

Noche (Pierre) 180 

Noday (Vicomte du) 253 

Noël (G.) 12 

Noël (Gabriel) 12 

Noël (Carlos M.) 180 

Nolly (Emile) 410 

Normand (Jacques) 379 

Noussanne (Henri de) 293 

Nouvel (E.) 406 

Novalis 90 

Nuchter (D"" Friedrich) 54 



Oechsli (Wilhem) 220 

Ohnet (Georges) 26, 342 

Olivaint (Maurice) 352 

Olivier (Mario) 98 

Ollivier (Emile) 243, 327 

O'Monroy (Richard) 235 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



445 



Orczy(E.) 50 

Orléans et Bragance (Prince 

Louis d') 293 

Orliac (Jehanne d') 158 

Ormesson (Wladimir d'). .. 253' 

Orna-Galatz (Adolphe) 374 

Ossau (Jean d') 86 

Ossip -Lourié 249 

Ostwald 48 

Oulmont (Ch.) 220 

Ozanam (Frédéric) 176 



Pacheu (Abbé Jules). . 253, 374 

Pailhès (G.) 54 

Palan te (Georges) 129 

Palatine (Princesse) 40 

Palissot 217 

Paoli (Xavier) 47 

Parr (Thomas) 125 

Pasolini (Pier-Desiderio)... 20 

Pasteur 20,291 

Paterne Berrichon 411 

Patmore (Coventry) 90 

Patry(H.) ^ 379 

Paul I" 41, 91 

Pavie (André) 147 

Payen (Emile) 410 

Payoud (Jean) 289 

Paysan (Achille) 129 

Pearse (Mn>e G.) 281 

Peele (George) 325 

Peladan 91,175,215 

Pelissier (Jean) 410 

Pelle tan (Eugène).... 216,379 

Pellico (Silvio) 220 

Pellissier (Georges) 20, 54 

Pellisson (Maurice) 327 

Pêne (Annie de) 406 

Penin (Auguste) 374 

Perceval (Ch.) 54 

Pereire (Alfred) 54 

Pergaud (Louis) 338 

Perier (Casimir) 322 

Perier (Joseph) 54 



Perraud (Cardinal) 322 

Perraudeau (D^ Henri) 400 

Perrault 251 

Perrault (Pierre) 18 

Perréoux (Roger) 54 

Perret (Emile) 293 

Perret (J. -P.) 215 

Perrin (Jules) 194 

Perrout (René) 31, 308 

Persy (Df Paul) 379 

Pervinquière (Léon) 253 

Petion 183 

Petit (Edouard) 379 

Petitclerc (Martin) 292 

Pétrie (Flinders) 379 

Pétrone 411 

Peyrebrune (M «e de) 427 

Peyrefort (Emile) 253 

Philippe II 375 

Philippe (Charles-Louis) ... 20 

Pic des Cèdres 91 

Picard (Ernest) 253 

Picard (Lieutenant-Colonel 1 

Ernest) 11,23,180,293 

Picard (Lieutenant F.) 180 

Pichegru 27 

Pichon (Alfred). .'. 180 

Pie VII 326,380 

Pieriing (Le P.) 91 

Pierron (Sander) 379 

Pilant (Paul) '. 180 

Pilon (Edmond) 91,180 

246, 327 

Pimienta (Robert) 91 

Pimodan (Comte de) 327 

Piquet (Victor) 91 

Piton (Camille) 220 

Place (Sidney) 374 

Plan (Pierre-Paul) 180 

Planté (Louis) 232 

Plantet (Eugène) 327 

Platon 46,365 

Plieux de Diusse 289 

Poë (Edgar) 90 

Poincaré (Raymond). . 54, 179 
Poiteau (Emile) 251 



446 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Poléjaïeff (Pierre) 380 

Polti (Georges) 91,172 

Pomairols (Charles de) 34 

Pomaré 363 

Pompadour (Marquise de). 40, 

128 

Poradowska (M'"«) 427 

Porret (Max E.) 175 

Portalès (Jean) 215 

Portau (Isaac de) 42 

Porto (Luigi da) 129 

Porto-Riche (Georges de).. 409 

Pottet (Eugène) 91, 410 

Pougin (Arthur) 180 

Pourcel (Georges) 348 

Pourra (Henri) 250,251 

Pourrat(M™e) 217 

Pourtalès 243 

Pouvourville (Albert de 

f « Matgioi ») 220 

Pradel de Lamase (Paul).. 180 

Praviel (Armand) 290 

Prax (Mario) 91 

Pregnari (Abbé) 326 

Prévost (Marcel). 132, 209, 220, 

423 

Prévost-Paradol 76 

Prie (Mme de) i28 

Prieur de la Marne 326 

Provins (Michel) 385 

Puech (Aimé) 253 

Puech (Jules -L.) 289 

Puvis de Chavannes 53 

Puybusque (Berthe de). .. 325 

Pylkkanen (Hilma) 215 



Quatrelle l'Espine 89, 91 

Quentin -Bauchart 20 

Quinet (Edgar) 167 



Rabelais (François).. .^246, 339 
Rabusson (Henry) 104 



Racan 292 

Rachilde 224 

Racine (Jean) 88,218 

Raffaëlli (J.-F.) 88 

Rageot (Gaston) 1,344 

Rainaldy (Henri) 86 

Rambaud (Alfred) 410 

Rambaud (Jacques) 180 

Rameau (Jean) 200 

Ramel (Général Baron). .. 252 

Ramond 253 

Raucourt (C.) 367 

Rava (Aldo) 410 

Raynaud (M«>e Camille) ... 293 
Rebillot (Général Baron).. 327 

Reboul (Jacques) 253 

Reboul (Lieut.-Col. F.)... 54 

Récamier (M'^e) 114,329 

Reclus (Elisée) 140, 291 

Reclus (Maurice) 253 

Régis (Regina) 199 

Regis-Lamotte (Roger). 86, 289 
Regismanset (Charles) 129, 

374, 406 
Régnier (Henri de).. 251, 292, 

411, 426 

Reichlen (J.-L.) 293 

Reinach (Joseph) 411 

Reinach (Salomon) 54,327 

Reiset (Vicomte de) 411 

Rémond (G.) 380 

Remusat 167 

Rémy (Lient. -Aviateur). .. 293 

Renan 32,88,216 

Renard (G.) 253 

Renard (Jules) 292 

Renard (Comm. Paul) 20 

Renaud (Jean) 310 

Renaud (J .-Joseph) 50 

Renault .(Louis) 123 

Renaut (Elisabeth) 367 

Reschal (Antonin) 215 

Retté (Adolphe) 253, 411 

Rey (Etienne) 208 

Rey (Pierre) 5 

Reyer 171 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



447 



Reymond (Marcel) 

Reymont (Ladislas -Stanis - 

las) 

Reynard (F.) 

Reynaud (Jean) 

Reynès-Montlaur (Mi»«).. . 

Reynier (Gustave) 

Ribaux (Adolphe) 

Ribot 

Richault (Gabriel) 

Riche (Daniel) 

Richelieu (Cardinal de). 38 

Richement (de) 

Richepin (Jean). 292, 365, 

Ricqueboui^ (Jean) 

Rimbaud (Arthur) 

Riotor (Léon) 

Rip 

Ripert (Emile) 54 

Rives (Pierre) 

Rivet (Fernand) 

Rivet (Gustave) 

Rivière (Jacques) 

Rivière (Blanche de) 

Robine (René) 

Robiquet (Jacques) 

Robiquet (Paul) 

Rocheblave (S.) 

Rod (Edouard) 

Rodocanachi 

Rodin 

Rod Reuss 

Roger (Noëlle) 

Rohan (Cardinal de) 

Rohan (Duchesse de) 

Rolland (Général) 

Rolland ( Joachim) 

Rolland (Romain) .. 180, 

llollin (Lieutenant) 

Rondet-Saint (Maurice). .. 

Rops 

Rosny aîné (J.-H.). 56, 298, 
Rosny (J.-H.) 



380 

180 
220 
2ir, 

86 
411 
380 
179 
180 
374 
, 40, 
402 
293 
411, 
415 

91 

411 

426 

288 

, 426 

54 

87 
426 

54 
251 
411 
380 
240 
328 
251 
380 
177 
253 
374 

52 
427 

88 
286 
251, 
330 
180 
220 

14 
426 
421 



Rostand (Edmond).. . 292, 380 

Rostand (Maurice) 294 

Rostopchine 277 

Roubaud (Louis) 325 

Roujon (Henry) 170 

Roure (Lucien) 361 

Rousseau (D»^ Alfred) 180 

Rousseau (J.-J.) 1^0,209, 

219, 254, 364 

Rousseau (Henri) 328 

Rouveyre (Edouard) 84 

Rouziers (Paul de) 91 

Roz (Firmin) 92 

Roze (Etienne) 372 

Roze (Lieutenant Jacques). 372 
Rutland (Lord) 366 



S 



Sabatier (Paul) 20 

Sabran (Delphine de, mar- 
quise de Custine) 73 

Saillard (G.) 294 

Saint- Antoine de Padoue.. 361 

Saint-Arroman (R. de) 426 

Saint-Cyr (Charles de) 294 

Saint-Cyr (Maréchal) 278 

Sainte-Beuve. 55, 169, 179, 322 

Sainte-Claire 361 

Saint-Edme (Georges et 

Reine) 50 

Saint-Evremond : 207 

Saint- Foix (de) 20, 21 

Saint -François d'Assise. 81,361 
Saint -Georges de Boudhé- 

lier 294 

Saint-Germain (Addy de). . 175 

Saint-Grégoire de Naziance. 19 

Saint-Maurice (Marquis de). 380 
Saint-Maurice (Comte de). 54,294 

Saint-Pavin 207 

Saint-Pierre (abbé de) 377 

Saint-Point (Valentine de). 253 

Saint-Simon 54 

Saisset 216 



448 



LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Salaun (Louis) 220 

Sales (Pierre) 50, 325, 374 

Salliard (Etienne) 359 

Salvat (Gabriel) 251 

Samain (Albert) 254 

Samaran (Charles) 42 

Sand (George). 53,78,130,392 

Sangnier (Georges) 55 

Santerre (Camille) 180 

Santerre (H.-J.) 87 

Sarcey (Francisque) 376 

Sardou (Victorien) 293 

Sarraut (Albert) 311 

Sarrou (A.) 92 

Saunier (Charles) 181 

Saussay (Victorien du) 215 

Saussier (Général) 322 

Sauzey de la Sabretache 

(Lieutenant-Colonel) 129 

Savignon (André) 126, 374, 421 

Savine (Albert).. . 50, 92, 126, 

215, 326, 329, 380 

Savitch (G.) 106 

Schayé (Paul- Adrien) 189 

Schefîer (Robert) 374 

Schewœbel (Joseph) 175 

Scherer 77 

SclyUer 20,91 

Schlumberger (M°ie Emma- 

HJnuel) 176 

Schneider (Anna) 126 

Schneider (Edmond) 294 

Schopenhauer 92, 181 

Schumann (Robert). 52,130,407 

Schurman 129 

Scribe (Eugène) 286 

Sebille (Henri) 250,251 

Séché (Alphonse). 180, 181, 220 

Séché (Léon) 328 

Sée (M'oe Ida R.) • 87 

Sègre (Adrien) 87 

Ségur (Comtesse de) 292 

Ségur (Marquis de) 129 

Seillièref (Ernest) 92 

Seitier (Joseph) 328 

Sem 289 



Sembat (Marcel-) 426 

Sencier (Georges) 181 

Serao (Matilde) 60 

Sévigné (M^ne de) 215 

Sforza (Catherine) 20 

Shakespeare 128, 129, 366 

Shaw (Bernard) 176,323 

Shelley(P.-B.) 128,253, 

380 

Sicard (abbé Augustin) 220 

Sicard (Emile) 181 

Sieyés 367 

Sigall (Renée) 294 

Silve (Claude) 150 

Silvestre (Armand) 14 

Simon (Charles) 380 

Simon-Muller (Marie) ..... 406 

Sinclair (May) 374 

Skouffo (Alex) 20 

Smet (Joseph de) 215 

Soc (Pierre) 328 

Socrate 292,365 

Solon 46 

Sonol«t (Louis) 87 

Sophie-Madeleine (Reine de 

Suède) 164 

Sophocle 297,411 

Sormiou (Pierre) 215 

Soubies (Albert) 181, 254 

Souguenet (Léon) 92 

Soulavie 40 

Soulié (Georges) 67, 328 

Soulié (Henry) 395 

Soulier (Gustave) 181 

Spencer 128,253 

Spetz (Georges) 380 

Spinoza 170 

Staël (Baron de) 76 

Staël (Mme de) 76,132 

Stalïe (Baronne) 55 

Star (Maria) 175 

Steele (Jack) 50 

Steer (André Petrovitch). . 411 

Stein (Henri) 181 

Stendhal ^54, 220, 328 

Stenger (Gilbert) 145 



ÎNDÉX ALPHABéTlQUË 



449 



Stevens 53 

Stirling (André) 380 

StouUig (Edmond) 411 

Stradiot (Jean) 294 

Strarbach (Gaston) 290 

Strarbach-Baudenne 290 

Stratz (Rodolphe) 18 

Strowski (F.) 328 

Stryienski (Casimir) 328 

Stuart (Marie) 128 

Stuart de la Cloche (Jac- 
ques) 326 

Suarès (André) 254 

Sue (Eugène) 334 

Sullivan (Miss) 404 

Sully 75 

Sully Prudhomme. ... 292, 322 

Svetlow(V.) 412 

Sylviac 35 



Tailhade (Laurent) 220 

Taine 170,246,322 

Talbot (Marie) 318 

Tallien (Mn»e) 363 

Tardieu (André) 181 

Tarente (Duc de) 278 

Taris (Etienne) 130 

Tauber-Rossignol (M»ne) ... 54 

Témoin (Un) 412 

Ténars (Louis) 374 

Tencin (Cardinal de) 89 

Tencin {M^^ de) 117 

Teramond (Guy de) 380 

Tessan (François de) 328 

Tessandier (Aimée) 328 

Tessandier (Gustave) 374 

Thalasso (Adolphe) 181 

Tharaud (Jérôme et Jean). 267 

Thévenin (Léon) 6 

Thierry (Gilbert- Augustin). 201 

Thiers 167, 322 

Thogorma (Jean) 181 

Thomas 20 



Thomas (Romain) 380 

Thureau-Dangin (Paul) 120, 423 

Tiersot (Julien) 254 

Tinayre (Marcelle). ... 382, 427 

Tinseau (Léon de) 37 

TocqueviUe 167 

Tolstoï (Léon). . 170, 374, 412 

Tonnelat (Ernest) 92 

Tort (Jean-Paul) 20 

Toudouze (Gustave) ' 175 

Toussaint (Franz) 310 

Toussaint (Marcel) 380 

Traz (Robert de) 346 

Trévières (Pierre de) 68 

Trilby 50 

Truc (Gonzague) 87 

Tschirch (D') 92 

Tschudi (C. de) 328 

Tuetey (Louis).. 180, 181, 295 

Turgis (Suzanne) 181 

Turquan (Joseph) 328, 412 



U 



Ulraès (Tony d') 126 

Ulrich (Albert) 20 

Ussel (Vicomte Jean d'). .. 130 
Uzanne (Octave) 117, 248 



Vaillat (Léandre) 130 

Val (Charles) 50 

Valbert (Léon) 87, 290 

Valclair(J.) 380 

Valdagne (Pierre) 223 

Valery-Larbaud 90 

Vallery-Radot (René)... 20, 220 

Vallès 14 

Valmore (Hippolyte) 18 

Van Bever (Ad.) 295,406 

Vandal (Albert) 130,291 

Vandeputte (Henri) 20 

Vandérem (Fernand) 243 

Vandières (de) 171 



450 



LÉ MOUVEMENT LITTÉRAIRE 



Varaynes (Francis) 215 

Vaucaire (Maurice) 254 

Vaudoyer (Jean-Louis) 229,347 

Veber (Pierre) 238 

Ventura (Le P.) 216 

Véra (André) 92 

Verdi 171 

Vergniaud 317 

Verhaeren (Emile) 181 

Verlaine (Paul). 43, 253, 377, 416 

Verneuil (Marquise de) 74 

Vervœst 426 

Vesme (Gemma de) 130 

Veuillot (Louis) 130 

Victoria (Reine) 47 

Vielé-Griffin (Francis) 92 

Viennet 245 

Vierge (Daniel) 319 

Vignaud (Henri) 92 

Vigny (Alfred de). 51, 292, 377 

Vildrac (Charles) 374 

Villebois-Mareuil (Colonel). 178 

Villemagne (Alix de) 175 

Villon 292 

Vinci (Léonard de) 292 

Vionnet (Général) 379 

Vismes (Henriette de) 156 

Vogué (Vicomte Eugène 
Melchior de). .. . 15,77,251 

Voirol (Sebastien) 408 

Voltaire 46,128,207,222, 

246, 252, 292 
Voos de Ghistelles (Georges) 126 
Vuillaume (Maxime) 92 



w 

Wagner (Charles) 380 

Wagner (Richard) 242 

Waliszewski (K.) 41 

Walle(Paul) 412 



Waltz(René) 412 

Ward (Wilfrid) 120 

Warnod (André) 92 

Warrington (Dawson) 92 

Watteau 180 

Week (René de) 295 

Weill (Pierre) 92 

Wellington 162,325 

Wells (H. -G.) 50,56,92 

Welschinger (Henri) 72 

Welwert (Eugène) 40 

Wilde (Oscar) 21,329 

Wilhelmine (Reine) 47 

Willeay (E.) 412 

Willey (Pierre) 329 

Willy 50,292 

Willy (Colette) 50 

Wimpfîen (Général) 12 

Witt (Cornélis de) 45 

Witt-Guizot (F. de) 412 

Wolff (Pierre) 181 

Woollett (Henry) 130 

Wyzewa (T. de) 21, 55, 214, 374 



Y ver (Colette). 



292 



87 



Zaïdan (G.) 325 

Zamacoïs (Miguel) 292 

Zidler (Gustave) 254 

Ziem 53 

Zola 334 

Zurlinden (Général) 329 




TABLE 



Préface v 

Janvier l 

Février 22 

Mars 66 

Avril 93 

Mai 131 

Juin 182 

Juillet 222 

Août- Septembre 255 

Octobre. 296 

Novembre 330 

Décembre 382 

Quelques disparus 413 

Concours et Prix littéraires 419 

Index alphabétique 429 



Chartres. — Imprimerie Ed. Garnikr. 






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KrJ¥ Glaser, Ph. Emmanuel 

(A^^ 12 Le mouvement littéraire 

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